• Il l'y a enjoint

    « Mise en examen vendredi pour "blanchiment en bande organisée", [Florence Lamblin] nie tout rapport à ce réseau lié au trafic de stupéfiants. Et refuse donc de démissionner, comme l'y a plus ou moins enjoint le maire de Paris, Bertrand Delanoë » (à propos d'une élue écologiste de Paris).

    (Delphine de Mallevoüe, sur lefigaro.fr, le 14 octobre 2012)

    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Marie-Lan Nguyen)


    FlècheCe que j'en pense


    De grâce, cessons ce jeu de massacre ! J'enjoins aux journalistes de ne plus employer le verbe enjoindre tant qu'ils n'auront pas sérieusement... examiné sa construction : enjoindre à quelqu'un de faire quelque chose. D'où, en phase de pronominalisation du complément d'objet indirect de personne : Je lui ai enjoint de venir (et non Je l'ai enjoint de venir), puis de l'infinitif complément d'objet direct : Je le lui ai enjoint. Après tout, viendrait-il à l'idée de notre journaliste d'écrire : comme l'y a ordonné le maire de Paris ? Ce serait pour le moins... stupéfiant !

    Dans le doute, mieux vaut recourir à ordonner, commander, inviter, contraindre, d'usage plus courant.


    Voir également le billet Enjoindre.

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Elle refuse de démissionner, comme le lui a enjoint le maire de Paris.

     


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  • Les valeurs auxquels

    « Les valeurs auxquels nous sommes attachés (...) ne sont pas négociables » (propos de Bertrand Delanoë, photo ci-contre, à la suite de la mise en examen pour blanchiment d'argent d'une élue écologiste de Paris).

    (dépêche AFP servilement reprise sur liberation.fr, le 14 octobre 2012)

     

    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Marie-Lan Nguyen)


    FlècheCe que j'en pense


    Le maire de Paris a dû devenir blanc comme un linge en découvrant la retranscription de ses propos dans l'article de Libération. Il faut reconnaître qu'il n'avait pas besoin de voir ajoutée la faute d'accord aux soupçons de fraude fiscale qui pèsent sur un gros bonnet de la capitale. Mais il en va ainsi de notre époque : l'argent sale se fait une respectabilité en trempant dans les eaux troubles de la grande « lessiveuse », quand l'accord du pronom relatif avec son antécédent ne cesse de rétrécir au lavage de l'approximation syntaxique. Nous voilà dans de beaux draps... blancs !

    Il est vrai que, en l'espèce, la phonétique ne risquait pas de voler au secours de notre journaliste en col blanc : auquel, auxquels, auxquelles, c'est bonnet blanc et blanc bonnet... Après tout, quel (!) importance ?


    Voir également le billet Dont.

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Les valeurs auxquelles nous sommes attachés.

     


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  • Mettre à jour

    « La lessiveuse mise à jour par les enquêteurs de l'office central de répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) fonctionnait de manière assez simple » (à propos du démantèlement d'un réseau de blanchiment de l'argent du cannabis).

    (Frédéric Ploquin, sur marianne.net, le 13 octobre 2012)

     


    FlècheCe que j'en pense


    Vous l'aurez compris, il n'est pas ici question de laver son linge sale en public... mais bien de blanchir de l'argent noir à l'aide d'un dispositif aussi complexe que stupéfiant, permettant de réintroduire dans le circuit financier des fonds d'origine douteuse.

    Qui aurait dit que la lessiveuse de ma grand-mère allait s'offrir une seconde jeunesse (je parle bien de la lessiveuse, pas de ma grand-mère) en servant de métaphore aux opérations de blanchiment de l'argent sale ? Métaphore que notre journaliste s'empresse de filer de but en blanc, en évoquant la mise à jour de ladite lessiveuse. Il ne me souvient pourtant pas que la bassine en métal de mamie fût dotée d'une horloge programmable ni qu'elle requît quelque actualisation... En revanche, le système mafieux de recyclage de l'argent de la drogue a selon toute vraisemblance été mis au jour, entendez révélé, mis en évidence, par la police judiciaire au cours d'une grande entreprise de nettoyage à sec.


    Voir également le billet Mettre.

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    La lessiveuse mise au jour par les enquêteurs.

     


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  • se fixer des idéals

    « Conquérants, mais aussi joueurs, les Haut Béarnais, d'une discipline exemplaire, se placent sur des rails idéals pour entamer l'entreprise de reconquête qu'ils se sont fixés » (à propos du club de rugby d'Oloron-Sainte-Marie, près de Pau).

    (Fabrice Borowczyk, sur sudouest.fr, article paru le 17 septembre 2012, lu le 11 octobre 2012) 


    FlècheCe que j'en pense


    Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans l'univers du ballon ovale...

    Oh, je vous entends d'ici pouffer à la lecture de ce pluriel qui n'a rien d'idéal à vos oreilles. Et pourtant, l'adjectif (et surtout le nom) possède bien deux formes distinctes au masculin pluriel :  idéaux dans la langue de la philosophie et des mathématiques, idéals dans la langue de la littérature, de la morale et des beaux-arts (encore convient-il de savoir dans quelle catégorie entreposer lesdits rails...).

    Toutefois, Hanse fait justement remarquer que cette distinction – très théorique – faite par l'Académie, déjà peu respectée en ce qui concerne le substantif, l'est encore moins avec l'adjectif. Le constat est sans appel : idéals, considéré par certains comme archaïque, se fait régulièrement plaquer par son concurrent sur tous les terrains.

    Mais là n'était pas mon propos. Intéressons-nous plutôt à ce curieux accord de participe passé, que notre journaliste, qui ne fait décidément pas les choses à demi, nous envoie par-dessus la tête (et par-dessus sa jambe) tel un drop mal ajusté.

    Se fixer, ici employé dans le sens de « décider, déterminer quelque chose de manière durable et précise », est un verbe pronominal réfléchi, dont le participe passé s’accorde de la même façon qu'avec l’auxiliaire avoir. Les joueurs ont fixé quoi ? qu' mis pour l'entreprise de reconquête (et non les rails !), complément d'objet direct placé avant le participe passé fixée (d'où accord avec ledit COD, au féminin singulier). À qui ? à se, mis pour les Haut-Béarnais (ou haut Béarnais), complément d'objet indirect.
    L'accord aurait certes été différent s'il avait été question d'objectifs ou, plus opportunément,... de buts : Les buts qu'ils se sont fixés sont ambitieux.

    En synthèse, les arbitres évoqueront un manque de discipline syntaxique exemplaire justifiant un carton rouge pour s'être à ce point em-mêlé(e) dans une même phrase. « Haka retirer ses moufles », comme dirait l'autre depuis les gradins...

    Voir également le billet Accord du participe passé des verbes pronominaux.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Les Haut-Béarnais (ou haut Béarnais) se placent sur des rails idéaux (plus courant que idéals) pour entamer l'entreprise de reconquête qu'ils se sont fixée.

     


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  • Jamais


    « On a jamais vu un État se comporter comme cela, que ce soit vis-à-vis d’autres États ou d’actionnaires privés » (propos d'un observateur commentant le rôle de l'Allemagne dans l'échec de la fusion EADS-BAE).

    (Véronique Guillermard et Yann Le Galès, sur lefigaro.fr, le 10 octobre 2012)

     


    FlècheCe que j'en pense


    Pour du jamais vu, c'est du jamais vu : l'adverbe jamais doit se sentir bien seul, dans une phrase négative, sans sa particule ne. Sans doute s'est-elle envolée vers des cieux plus cléments...

    À la décharge de nos journalistes, il faut bien avouer que l'emploi de jamais est souvent capricieux. D'ordinaire, il possède le sens négatif de « en aucun temps » et se construit alors avec ne ou sans (sauf en cas d'ellipse de la particule et du verbe) : Je ne l'ai jamais vu. On a communiqué par lettres sans jamais se voir. Son comportement est agréable, jamais méprisant (ellipse). Mais parfois, dans des tours interrogatifs, dans une hypothèse, une comparaison ou dans certaines locutions notamment, il prend le sens affirmatif de « en un temps quelconque » et se passe alors de ses béquilles : A-t-on jamais vu pareil comportement ? C'est la personne la plus étonnante que j'aie jamais rencontrée. Si jamais je l'avais su ! Au grand jamais, à tout jamais.

    Remarque : On notera que, pour des considérations étymologiques (jamais étant composé des anciens adverbes jà, « déjà », et mais, « plus »), l'expression plus jamais relève de la tautologie.

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    On n'a jamais vu un État se comporter comme cela.

     


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