-
Dont qui choque, le retour
« Catherine Vautrin est membre d'un gouvernement dont je suis à la tête. »
(propos du Premier ministre Gabriel Attal, photo ci-contre, le 13 janvier 2024.)
(photo Wikipédia sous licence GFDL)
Ce que j'en pense
Notre ex-ministre de l'Éducation nationale a-t-il perdu la tête en contrevenant ainsi à la règle selon laquelle le pronom relatif dont ne peut, en principe, dépendre d'un complément introduit par une préposition ? Rafraîchissons-lui la mémoire :« Lorsque le nom que complète le relatif est lui-même complément indirect, dont doit être remplacé par de qui, duquel (de laquelle, etc.) si l'antécédent est une personne ou un animal ; par duquel (de laquelle, etc.) si l'antécédent est une chose. Et le complément indirect en question doit se placer, avec sa préposition, entre l'antécédent et le relatif. Le garçon à l'avenir de qui je travaille. Le livre à la rédaction duquel je travaille » (Gaston Mauger, Grammaire pratique du français d'aujourd'hui, 1968).
« Ce pronom relatif [dont] ne peut compléter un nom introduit par une préposition. On ne dira pas par exemple : une entreprise dont je me félicite du succès mais du succès de laquelle je me félicite » (communiqué de l'Académie, 1965).
Partant, ne fallait-il pas dire ici : un gouvernement à la tête duquel je suis ? La cause, nous allons le voir, est moins entendue qu'il n'y paraît.
D'abord, parce que la langue n'a pas toujours eu de ces états d'âme. Attesté depuis au moins le XIIIe siècle (si l'on en croit Damourette et Pichon), l'emploi litigieux de dont est courant à la Renaissance, moins fréquent au XVIIe siècle (si l'on en croit Étienne Le Gal) : « [Le] quartier, dont il avoit la charge de faire le guet » (Jean de Bueil, vers 1465), « Il est des sympathies Dont par le doux rapport [= par le doux rapport desquelles] les ames assorties S'attachent l'une à l'autre » (vers de Corneille, blâmés par Voltaire), « Cinq ou six gentilshommes, dont je ne me souviens pas des noms » (Anne-Marie-Louise d'Orléans), et se trouve encore chez Saint-Simon : « [Le Nôtre] logeoit aux Tuileries, dont il avoit soin du jardin » (Mémoires, avant 1750). Il faut attendre le début du XVIIIe siècle semble-t-il (mais l'auteur de ces lignes ne le jurerait pas sur la tête de ses chers ouvrages de référence) pour que les grammairiens se penchent plus avant sur la concurrence entre les relatifs dont, de qui et duquel :
« Quand le génitif du pronom relatif est avant le nom substantif dont il dépend, l'usage ne souffre guere que l'on emploie duquel ou de laquelle, et que l'on dise par exemple : Le livre duquel vous m'avez fait présent. La religion de laquelle on méprise les maximes. [Il faut alors se servir de dont]. Mais si le génitif du pronom relatif est après le nom substantif dont il dépend, duquel, de laquelle [et de qui] sont les seuls dont on puisse se servir, et il faut dire : La Seine dans le lit de laquelle viennent se jeter d'autres rivieres. Le Prince à la protection de qui (ou duquel) je dois ma fortune » (Pierre Restaut, Principes généraux et raisonnés de la grammaire françoise, édition de 1736) (1),
et la fin du même siècle pour que soient jetées les bases de la règle moderne :
« Dont ne doit pas être régi par des prépositions. On ne dit point : la ville, dont je suis près ; la campagne, dont je suis loin. On doit dire : près de laquelle, loin de laquelle, etc. Les prépositions, qui, comme leur nom l'annonce, doivent marcher devant, ne sont pas à leur place, quand elles sont après leur régime [2]. Ainsi l'on dira : le Rhône, auprès duquel est Avignon, et non pas dont Avignon est auprès. L'église, vis-à-vis de laquelle sa maison est située, et non pas dont sa maison est située vis-à-vis. Cette règle est générale, et ne souffre aucune exception. Elle doit s'appliquer également à dont, régi par des noms [sous-entendu : eux-mêmes régis par une préposition]. En s'abandonnant au cours des vents, dont ces aventuriers se reposoient sur la fortune (abbé Prévost). Il lui donna des commissaires dont il espérait de la sévérité (Voltaire). Il fallait : sur la fortune desquels ces aventuriers se reposoient, de la sévérité de qui il espérait.
Dont est [encore] mal employé dans la phrase suivante : Ce sentiment [...] se trouvoit autorisé par plusieurs grands hommes, dont saint Norbert étoit du nombre (Joseph-François Bourgoing de Villefore). Il fallait dire : du nombre desquels étoit saint Norbert. Un grand nombre d'auteurs ont fait la même faute » (Féraud, Dictionnaire critique, 1787).« La construction, les exemples de Féraud le prouvent, n'en reste pas moins vivace [au XVIIIe siècle] », commente le linguiste Ferdinand Brunot (Histoire de la langue française, 1933). Dont acte.
Ensuite, parce que ladite règle, reprise (et reformulée) par la plupart des spécialistes des siècles suivants − Lemaire et Littré en tête (3) − est loin d'avoir été strictement observée par les auteurs modernes. Je n'en veux pour preuve que ces (contre-)exemples, dont le nombre ne manquera pas de faire dresser les cheveux sur la tête des puristes :
« Ce William Rayne, dont elle n'est pas même certaine de l'existence » (Edmond de Goncourt, 1882), « Sa maison, dont il dut assister au pillage et au bris » (Henry Houssaye, 1887), « Combien d'autres, dont il ne se souvenait plus des noms ! » (Huysmans, 1898), « Un ami dont on se console de la mort en songeant qu'il ne souffre plus » (François Mauriac, 1925), « Il prend partout le pas : au foyer, dont il s'empare du coin » (Joseph de Pesquidoux, 1928), « Cette espèce d'aguardiente opalisée, dont je préférai ne pas m'enquérir du degré » (Pierre Benoit, 1947), « Madame Jupillon, de Langres, dont elle s'éprend du fils » (Charles Beuchat, 1949), « Ces pompes liturgiques dont je n'arrive pas à me convaincre de la vanité » (Jacques Perret, 1951), « Cinquante instruments de musique dont il jouait de tous à la fois » (Cendrars, 1957), « Je flaire une comédie dont je ne suis pas dans le secret » (Montherlant, 1963), « Les institutions, dont il fut au premier rang de leurs architectes » (De Gaulle, 1970 ; l'addition d'un possessif pléonastique n'arrange rien), « Un autre locataire, dont je me souviens du nom » (Simenon, 1975), « Pauvre vieux dont on avait douté de l'honneur ! » (Maurice Rheims, 1975), « Je m'en suis remis avec confiance à la discrétion de la mort dont je croyais à la proximité » (Paul Guimard, 1980), « C'était bien lui qu'elle attendait et dont, certains soirs, elle désespérait de la venue » (Pierre Combescot, 1991), « L'éditeur du roman dont il assiste à la naissance » (Yvan Leclerc, 1996), « C'est une véritable pastorale personnelle qu'il se crée mais dont il est persuadé de la justesse et de la vérité » (Alain Vircondelet, 2002), « La poupée de porcelaine sur son socle, dont je décidais du sort en tournant une fine clé en or » (Janine Boissard, 2005), « Il renouvelle le Mystère du Christ dont il croit à la Présence réelle dans l'eucharistie » (Aude Préta de Beaufort, 2005), « Un énoncé dont on peut douter de la validité grammaticale » (Jacques Dürrenmatt, 2015), « Le jeune frère, dont j'ai assisté à la mue permanente pendant deux années » (Jean-Claude Mourlevat, 2016), « Un ouvrage dont personne ne se souvient du titre » (Guillemette Faure, 2017), « [Ma famille], dont je ne doutais pas de la tendresse à mon endroit » (Yves Ternon, 2019), « Celle [= la chambre] dont je comptais sur la fenêtre pour atteindre les toits au-dessus » (François Bon, 2020).
De quoi conforter Damourette et Pichon dans leur constat : « Nombreux sont les exemples de toutes les époques où [la] règle n'est pas appliquée » (Des Mots à la pensée, 1935). (4)
Enfin, et n'en déplaise à Féraud, parce qu'à toute règle grammaticale, c'est bien connu, il faut son contingent d'exceptions :
« Si pourtant il s'agit d'une locution verbale, le français parlé familier emploie parfois dont : Les honneurs dont il est à l'écart (être à l'écart de = être exclu de). Cette construction gagne du terrain, même à l'écrit » (Gaston Mauger, Grammaire pratique du français d'aujourd'hui, 1968).
« Le nom complété par dont ne peut aujourd'hui être précédé d'une préposition, à moins qu'il ne fasse partie d'une locution figée comme faire du cas, venir à bout, être à l'écart [...]. On dit très bien : L'homme dont vous faites tant de cas » (Hanse, Nouveau Dictionnaire des difficultés du français moderne, 1981).
« Dont est admis comme complément de à bout, en possession : Des esprits durs, indisciplinables, Dont on ne peut venir à bout (Corneille). Une dernière défense [...] dont le médecin venait facilement à bout (frères Goncourt). La fortune dont je fus mis en possession à la mort de ma mère (Julien Gracq) » (Goosse, Le Bon Usage, 2011) (5).
Las ! pas un traître mot sur le tour qui nous occupe. Qu'à cela ne tienne, diront les fortes têtes : être à la tête de n'est-il pas une locution figée ? Là est toute la question.
Essayons de tirer cette affaire au clair, en analysant la liste des exceptions à tête reposée. Venir à bout, tout d'abord : « Si on ne peut dire : des difficultés dont vous n'êtes pas au bout, au bout étant un complément indirect que dont ne peut compléter, rien ne s'oppose à ce que l'on dise : des difficultés dont vous viendrez à bout, parce que venir à bout est une locution verbale équivalant à triompher », nous explique René Georgin dans Difficultés et finesses de notre langue (1952). De même peut-on convenir avec Mauger que être à l'écart équivaut à être exclu. Le cas de faire (du, tant de) cas est un peu plus... délicat ; disons, avec une idée derrière la tête, qu'il peut être rapproché de avoir une bonne opinion (ou encore tenir compte, s'occuper). Quant à en possession (par exemple dans cette phrase de Bossuet : Les environs dont ils étaient en possession), il s'agit, selon Robert Le Bidois, d'« une sorte de locution figée qui a la valeur d'un attribut ("dont ils étaient possesseurs") » (Le Monde, 1960). De là à considérer que rien ne s'oppose à ce que l'on dise : un gouvernement dont je suis à la tête, parce que être à la tête de est une locution verbale équivalant à diriger, il n'y a qu'un pas qu'il est possible de franchir sur un coup de tête. À ceci près − mais ce n'est sans doute qu'un détail − que diriger, contrairement à triompher, être exclu, être possesseur, avoir une bonne opinion, ne se construit pas avec la préposition de. Et qu'il me semble que l'on dira plus naturellement, en parlant d'un groupe ou d'une entreprise, je suis à sa tête que j'en suis à la tête.Toujours est-il qu'Abel Hermant, alias Lancelot, refuse catégoriquement de compter être à la tête de au nombre des exceptions : « Non, monsieur, répond-il bille en tête à un correspondant qui l'interroge sur ce sujet, n'écrivez jamais à aucun prix : un gouvernement tel que celui dont vous êtes à la tête » (journal Le Temps, 1937). Et nombreuses sont les plumes qui lui donnent raison :
« Cet amas de bandits à la tête duquel vous étiez » (Philippe Goibaud-Dubois, 1691), « Juridiction établie en quelques Villes des Pays-Bas, à la tête de laquelle est le Gouverneur de la Place » (article « gouvernance » du Dictionnaire de l'Académie, 1762), « Le bel établissement à la tête duquel vous êtes » (Voltaire, 1767), « Plusieurs célèbres écrivains à la tête desquels étoient Fontenelle et la Motte » (D'Alembert, 1776), « Bien qu'on possède, à la tête duquel on est » (Jean-Baptiste-Bonaventure de Roquefort, 1829), « Le parti libéral, à la tête duquel est M. le cardinal Bernetti » (Stendhal, 1829), « Sept ou huit hommes à la tête desquels était Beau-pied » (Balzac, 1835), « Une faible minorité, à la tête de laquelle était Murray » (Alexandre Dumas, 1839), « L'école de droit de Rennes, à la tête de laquelle était Moreau » (Chateaubriand, 1848), « Si l'on vous parle d'un camp opposé à la tête duquel je serais » (Littré, 1852), « L'autre groupe, à la tête duquel était Gambetta » (Jacques Bainville, 1924), « Un gouvernement commun à la tête duquel est un président élu pour six ans » (Larousse du XXe siècle, 1931), « Des barbares à la tête desquels j'étais » (Aragon, 1967), « Un groupe révolutionnaire à la tête duquel se trouvait Nikolaï Ichutine » (Hélène Carrère d'Encausse, 2008). (6)
Mais voilà que des voix (de tête) s'élèvent pour prêcher l'indulgence :
« Cet emploi de dont [comme complément d'un nom précédé d'une préposition] est resté bien vivant. Il est donc permis de se demander s'il n'est pas instinctif. En tout cas, il est commode [et] évite l'emploi de duquel, de laquelle, desquels, parfois si lourds » (Étienne Le Gal, Le Parler vivant au XXe siècle, 1960).
« Cette règle aboutit à des tournures très lourdes (la maison au dernier étage de laquelle j'habite) et elle est souvent violée. Des phrases comme celles que citent Abel Hermant et Vie et Langage [Le jeune kangourou dont nous avons assisté à la naissance] sont claires et logiques : pourquoi persiste-t-on à les condamner ? » (Dupré, Encyclopédie du bon français, 1972).
« [Dans les tours du type être + syntagme prépositionnel (être à l'écart de, être à l'origine de, être à l'avant-garde de, être en possession de...)], dont, à la place de duquel attendu, présente l'avantage de laisser intacte la cohésion de la locution verbale dans la phrase » (Michel Delabre, Dont en français contemporain, 1995).
« On observe une certaine variation dans les acceptabilités et dans les usages [...]. Pour certains locuteurs, l'extraction est facilitée quand le complément prépositionnel est attribut : C'est le projet dont il est à l'origine » (Anne Abeillé et Danièle Godard, La Grande Grammaire du français, 2021).
Dans le doute, mieux vaut encore éviter ces constructions capricieuses et peu élégantes, en tournant la phrase autrement chaque fois que cela est possible. Mais il y a fort à parier que cette solution était déjà dans toutes les têtes...
(1) Voir aussi le Traité de la grammaire françoise (1705) de Régnier-Desmarais.
(2) Il est intéressant de noter que la justification de la règle varie d'un spécialiste à l'autre. Comparez :
« Racine exact imitateur des anciens, dont il a suivi scrupuleusement la netteté et la simplicité de l'action. Cette phrase [de La Bruyère] est mauvaise, parce que la netteté et la simplicité se construisent tout à la fois avec dont qui les précède, et avec de l'action qui les suit » (Étienne Bonnot de Condillac, Traité de l'art d'écrire, 1782).
« Il n'est pas correct de dire : La maison dont nous étions près, parce que dont nous étions près étant pour nous étions près de cette maison, dont est complément de près ; or, les prépositions ne doivent pas être mises après leur complément. Il faut dire : La maison près de laquelle nous étions [construction impossible pour dont, qui se place toujours en tête de la proposition relative] » (François Collard, Cours de grammaire française, 1867).
« Il est impossible de se servir de dont en vue de nominaliser [la phrase Vous avez parlé au frère de mon ami] par référence à mon ami ; et la raison en est que la préposition de introductrice des mots mon ami a son incidence entre deux noms, frère et ami, et non pas entre verbe et nom, seul intervalle à l'endroit duquel le pronom dont soit compétent » (Gustave Guillaume, Leçons de linguistique, 1949).
« Dont, disent les grammairiens, contient déjà un de. Il est particulièrement choquant lorsqu'il est complément d'un nom précédé de cette préposition. Il peut favoriser des cascades de du, de, des, blesser l'oreille et la symétrie, créer des équivoques momentanées » (Étienne Le Gal, Le Parler vivant au XXe siècle, 1960).
« Il est interdit, par exemple, de dire : La personne dont j'ai parlé à la fille. Le rapport logique qui unit le complément à la fille et le relatif dont se trouve en effet rompu par l'intercalation des mots j'ai parlé, et la clarté exige en pareil cas de reporter le complément auprès de l'antécédent et de remplacer dont par les mots de qui, de laquelle : La personne à la fille de qui j'ai parlé » (Robert Le Bidois, Le Monde, 1964).
« Vézelay est ce village dont je me souviens de la belle église. La construction [de cette phrase] n'est pas satisfaisante. En effet, dont contient la préposition de ; et, quand on entend le fragment dont je me souviens, on est tenté de considérer dont comme le complément d'objet indirect du verbe [ce village dont je me souviens]. Il y a ainsi un flottement de la pensée » (Lucien Léonard, Savoir rédiger, 1978).
(3) Florilège des mises en garde depuis Féraud (notez, au passage, les différences de formulation) :
« Il faut bien comprendre ici que dont et duquel étant synonymes ne peuvent pas cependant s'employer indistinctement l'un pour l'autre. Toutes les fois que le relatif dépend d'un substantif précédé d'une préposition, le mot duquel peut seul être mis en usage et placé après le substantif : "Cet homme, aux vertus duquel je rends justice." Quand le substantif au contraire est sujet de la phrase ou régime direct, on emploie le relatif dont qui se met au commencement de l'incise : "Cet homme, dont le caractère est noble et dont j'honore les vertus". C'est là une règle générale » (Pierre-Auguste Lemaire, Grammaire des grammaires, édition de 1844).
« Dont ne peut être régime d'un complément précédé lui-même d'une préposition » (Littré, 1863).
« Le pronom dont n'admet pas à côté de lui d'autre préposition que celle qu'il contient. En ce cas, et contrairement à l'usage qui exige que le relatif soit toujours en tête de sa proposition, on est obligé de le mettre à la suite du complément indirect ; mais il se change en de qui, ou duquel : l'homme à la mère de qui ou duquel j'ai parlé [et non : l'homme dont j'ai parlé à la mère] » (Philippe Martinon, Comment on parle en français, 1927).
« L'emploi de dont déterminant un substantif précédé d'une préposition est unanimement condamné par les grammairiens » (Kristian Sandfeld, Syntaxe du français contemporain, 1928).
« On ne peut employer dont pour représenter un antécédent complément d'un nom que si ce nom n'est pas lui-même précédé d'une préposition. [Comparez :] Il a entrepris des démarches dont on prévoit déjà le succès et Il a entrepris des démarches au succès desquelles on s'attend » (Jean Dubois et René Lagane, La Nouvelle Grammaire du français, 1973).
« Dont ne peut, en principe, dépendre d'un complément introduit par une préposition. Au lieu de Les traités dont il se repose sur la foi ; le prochain dont le calomniateur nuit à la réputation, l'usage normal d'aujourd'hui demande qu'on dise : Les traités sur la foi desquels il se repose ; le prochain à la réputation de qui (ou duquel) le calomniateur nuit » (Grevisse, Le Bon Usage, 1980).
« Ne pas employer dont avec, dans la relative, un complément introduit par une préposition. Ne pas dire : La maison dont je me suis appuyé contre la porte, mais contre la porte de laquelle je me suis appuyé. Cette théorie dont je doute de la vérité, mais de la vérité de laquelle je doute. Ce camarade dont je me souciais si peu du départ, mais du départ duquel (ou du départ de qui) je me souciais si peu » (Girodet, Pièges et difficultés de la langue française, 1986).
« [La forme dont] équivaut à un pronom relatif précédé de la préposition de, quelle que soit la fonction du groupe prépositionnel ainsi formé, pourvu que le relatif ne soit pas complément d'un nom lui-même précédé d'une préposition [...]. Lorsque le groupe prépositionnel à pronominaliser est lui-même inclus dans un groupe prépositionnel, c'est la totalité de ce dernier qui est placée en tête de la relative, et les seuls pronoms autorisés sont lequel ou qui (dont est exclu) » (Martin Riegel et alii, Grammaire méthodique du français, 1994).
« En règle générale, dont ne peut pas être complément déterminatif d'un nom complément prépositionnel, c'est une lourdeur de style ; ne dis donc pas : La rivière dont un vieux saule a poussé de guingois sur la berge, mais dis : La rivière sur la berge de laquelle un vieux saule a poussé de guingois » (Jean-Paul Jauneau, N'écris pas comme tu chattes, 2011).
« À la différence des relatifs duquel et de qui, [dont] ne peut pas faire partie d'un syntagme relatif en tant que complément de nom ou de préposition » (Anne Abeillé et Danièle Godard, La Grande Grammaire du français, 2021).
« Dans la subordonnée relative, il faut éviter d'employer dont avec un complément introduit avec la préposition de ou sur [pourquoi seulement ces deux prépositions ?]. L'entreprise sur le site de laquelle figure cette promotion est établie à Montréal (et non : L'entreprise dont cette promotion figure sur le site est établie à Montréal) » (Office québécois de la langue française).
« Le complément prépositionnel doit précéder le pronom relatif et non le suivre. Pour rétablir l'équilibre, on remplace dont par une construction avec de qui (personne), duquel, de laquelle, desquels ou desquelles : Le guide à la rédaction duquel je travaille (et non : Le guide dont je travaille à la rédaction) » (Clefs du français pratique).
(4) Sentiment inverse chez Kristoffer Nyrop : « Des exemples analogues se rencontrent très rarement ; ils sont ou des négligences de style ou un défi voulu à la grammaire officielle » (Grammaire historique, 1913) et chez Jean Chaillet : « Il n'y a aucune dérogation à cette règle. Au XVIIe siècle déjà, c'est un "hapax" que le tour relevé dans Le Dépit amoureux de Molière : "Lui dont à la maison votre imposture enlève un puissant héritage" » (Études de grammaire et de style, 1969). Mais où donc les deux hommes avaient-ils la tête ?
(5) Goosse, à la différence de Hanse, énonce toutefois sa préférence : « On dit aussi, ce qui est préférable : Une défense à bout de laquelle il viendra. Des images [...] en possession desquelles j'allais entrer (Proust). »
(6) Exemples « irréguliers », dont on ne fera pas tout un fromage (de tête) : « Une bande de fripons dont il est à la tête » (M. Haymier, Archives de la Bastille, 1723), « Le destin de l'état, dont vous êtes à la tête » (Mercure universel, 1791), « Les six familles dont je suis à la tête » (Jean-Baptiste Selves, 1819), « La municipalité de Metz, dont il se trouve à la tête » (journal Le Messin, 1929), « L'État dont les Républicains sont à la tête » (Marie-Christine Kok-Escalle, 1988), « Dans tant de pays morcelés dont il se trouve à la tête » (Robert Morrissey, 2010), « Un gang de mafieux, dont un certain Sunny est à la tête » (site sortiraparis.com, 2012), « Les performances [...] du groupe dont il est à la tête » (Les Échos, 2022), « Le groupe LDC, dont Philippe Geslin est à la tête » (Ouest-France, 2024).
Remarque 1 : Il ne vous aura pas échappé que je ne me suis pas appesanti sur le cas où le syntagme prépositionnel que dont complète dépend d'un nom. C'est que les entorses (ou les exceptions ?) à la règle sont encore plus fréquentes que lorsque ledit syntagme dépend d'un verbe ou d'un adjectif : « La propre maison dont elle ignorait jusqu'au nom des locataires » (Romain Rolland, 1912), « Weidmann, dont je suis journellement l'instruction du procès » (Michel Tournier, 1970), « Une femme dont j'avais [...] le témoignage de la bêtise » (Bernard-Henri Lévy, 1988), « Pierre dont c'est le vingtième anniversaire de la mort » (Marc Wilmet, Grammaire critique du français, 1997), etc.Remarque 2 : Il convient de garder en tête que dont équivaut à un complément introduit par de. Il peut notamment être :
- complément de nom : Un livre dont j'ai oublié le titre ;
- complément d'adjectif : Un travail dont je suis fier ;
- complément de verbe : La personne dont je parle (COI), La femme dont je suis aimé (complément d'agent), La housse dont on habille un dossier (complément circonstanciel de moyen), La façon dont on s'exprime (complément circonstanciel de manière), etc.Rappelons enfin que dont est invariable, contrairement à duquel, qui varie en genre et en nombre : de laquelle, desquels, desquelles. Cette particularité n'est sans doute pas étrangère au fait que « dont tend à s'imposer en français contemporain au détriment de duquel » (Michel Delabre).
Remarque 3 : Voir également les billets Dont qui choque et Dont.
Ce qu'il conviendrait de dire
Elle est membre d'un gouvernement à la tête duquel je suis ou, plus simplement, Elle est membre d'un gouvernement que je dirige.
Tags : dont, duquel, être à la tête de, dont je suis à la tête, à la tête duquel je suis
-
Commentaires
Plus personne ne sait utiliser duquel, auquel, lequel....ce n'est plus enseigné...