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Un brin d'hésitation
« L'ADN est porteuse de l'information génétique. »
(lu sur futura-sciences.com, le 29 avril 2024.)
Ce que j'en pense
Gênant, cet accord au féminin qui s'est glissé dans les colonnes d'un site de vulgarisation scientifique. Rappelons à toutes fins utiles que ADN correspond aux initiales des éléments du mot composé acide désoxyribonucléique (à vos souhaits !), « constituant essentiel des chromosomes, support matériel de l'hérédité ». C'est donc en toute logique que le sigle prend le genre, masculin, de acide : « L'incorporation de nucléotides dans un ADN » (Michel Privat de Garilhe, 1963), « [Dominique Fernandez] est manifestement pourvu d'un ADN certifié beyliste » (Jean-Paul Enthoven, 2016).Seulement voilà : ADN étant plus couramment associé à l'idée de molécule (« molécule d'ADN ») qu'à celle d'acide, grande est la tentation de modifier son code génétique pour en faire un représentant du beau sexe. Qu'on en juge :
« Son ADN a été retrouvée » (Ouest-France, 2015 ; Le Parisien, 2017 ; France Bleu, 2023), « Une ADN mitochondriale » (Le Parisien, 2006), « Une ADN synthétique » (France 24, 2014), « Une ADN de vache » (CNews, 2017), « L'étude de cette ADN » (France 3, 2023) ; « Mais si le film [Intouchables] est aussi fédérateur, c'est parce que son ADN est fédératrice » (Première, 2011), « Nice est un club unique avec une ADN très particulière » (Nice-Matin, 2017), « Lyon a une ADN de victoire » (RMC, 2023).
Contribuent également à la confusion son initiale vocalique, qui le condamne à un l' désespérément asexué, et sa sonorité finale féminine (enne).
Mais là n'est pas le seul écueil que nous réserve le mot du jour. Il faut encore s'entendre :
- sur sa forme écrite : avec ou sans points entre les lettres capitales ? Le fait qu'il ne s'agit pas d'un acronyme (*) plaide en faveur de la graphie avec points (A.D.N. selon le Dictionnaire de l'Académie et le Larousse en ligne ; A. D. N. selon le Grand Robert), mais le Dictionnaire historique de la langue française, le site France Terme, le Robert en ligne et même l'Imprimerie nationale, me dit-on, ne s'embarrassent pas (plus ?) de ces subtilités (ADN) ;
- sur son acception figurée : « Caractéristique fondamentale d'une entreprise, d'une marque, porteuse de son identité et de son savoir-faire : Un couturier qui a su intégrer l'A.D.N. de la maison à sa nouvelle collection » (selon le Larousse en ligne), « Caractères propres, particuliers (comparés aux caractères génétiques que fournit l'ADN) » (selon le Dictionnaire historique de la langue française). De là l'expression familière c'est dans son ADN (« c'est sa nature profonde », selon le site Orthodidacte). Hélis ! pardon hélas ! cette métaphore biologique n'est pas du goût de l'Académie : « C'est dans l'A.D.N. de l'équipe. De la même manière qu'il convient de ne pas abuser des métaphores informatiques, on évitera d'emprunter trop systématiquement au vocabulaire de la biologie quand des locutions déjà validées par l'usage sont à notre disposition », lit-on dans la rubrique Dire, ne pas dire de son site Internet.
Vous, je ne sais pas, mais moi, je vais finir par croire qu'il y a de la gêne dans les gènes...
(*) Parmi les sigles, il convient de distinguer ceux dont on épelle les lettres (ADN, HLM, TVA...) de ceux qui se prononcent comme des mots ordinaires (les acronymes, tels CAPES, OTAN, SIDA, etc.).
Remarque : Les mêmes observations valent pour ARN (abréviation de acide ribonucléique), récemment popularisé par son rôle de messager dans la synthèse des protéines.
Ce qu'il conviendrait de dire
La molécule d'ADN est porteuse de l'information génétique ou L'ADN est porteur de l'information génétique.
Tags : ADN, genre, masculin, féminin
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Commentaires
Un bon exemple de ce que l'on peut appeler le "syndrome H.L.M.", sigle dont le genre varie en permanence selon qu'il évoque pour le rédacteur une habitation ou un appartement.