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    « Après tout, Terminator ne serait pas un personnage aussi pop sans sa réplique culte "I'll be back". Une devise qu'Arnold Schwarzenegger a fait sienne. »
    (Élodie Drouard et Jérôme Comin, sur francetvinfo.fr, le 30 juin 2015) 
     

    FlècheCe que j'en pense

    Un lecteur de ce blog(ue) m'interpelle en ces termes : « Je voulais dissiper un doute concernant l'expression "faire sien(ne)". Doit-on faire l'accord dans la phrase suivante : "Il veut s'exprimer sur cette discipline qu'il a faite sienne" ? On ne peut pas répondre à la question "Il a fait quoi ?" : "Il a fait cette discipline". Mais "il a fait sienne cette discipline". Cet argument permet-il d'exclure l'accord ? »

    Le tour qui nous occupe ici relève de la construction faire quelqu'un suivi d'un adjectif, dans laquelle il est logique de voir un complément d'objet direct (qui détermine l'accord du participe passé) suivi de son attribut : faire quelqu'un riche, beau, heureux, comprenez le rendre, le faire devenir riche, beau, etc. D'aucuns trouveront cet emploi inhabituel ; il n'en est rien : « Vous m'aurez faite heureuse » (Corneille), « Je prierai la Sainte Vierge de vous faire très heureux » (Comtesse de Ségur), « Il m'a fait dupe » (Littré), « Je les [= les filles] avais faites belles pour la messe de huit heures » (Alphonse Daudet), « Tous ceux qu'il avait faits grands » (Léon Bloy), « C'est vous qui nous avez faites pareilles » (Sartre) et, à la forme pronominale, « Je me suis faite belle, toute seule » (Pagnol), « Il n'a même pas remarqué que je m'étais faite belle pour lui » (Claude Mauriac), « [La rue] s'était faite douce, amicale » (Jean Cayrol).

    Lorsque, dans un emploi plus littéraire, l'attribut est un adjectif possessif, ledit tour devient faire sien (quelque chose plus souvent que quelqu'un), qui signifie « s'approprier, se rendre maître de ; adopter (un jugement, un point de vue, une attitude) » : « les lois communes que le saint Siège a faites siennes » (Bossuet), « il prie pour eux [= certains hommes] parce que l'élection divine les a faits siens dès l'éternité » (Fénelon), « Celui-là parlait une langue qu'il avait faite sienne » (Zola), « De fabuleux exploits sans nombre qu'il fait siens » (Verlaine), « Je fais volontiers mienne l'émotion du musicien que j'interprète » (Gide), « s'interroger sur les vertus qu'il a faites siennes » (Yourcenar), « je la [= cette religion] fis mienne pour dorer ma terne vocation » (Sartre), « Il [= l'homme] la [= la femme] fait sienne, comme il fait sienne la terre qu'il travaille » (Beauvoir), « La plupart de ceux qui suivirent la semaine de prières auraient fait leur [...] le propos [d'un des fidèles] » (Camus), « cette folle idée qu'il avait faite sienne » (Amin Maalouf).

    Dans tous les cas, l'adjectif attribut s'accorde avec le complément d'objet qu'il qualifie ; quant au participe passé fait, il s'accorde régulièrement avec son complément d'objet direct dès lors que celui-ci lui est antéposé : « Il a fait siennes les idées de sa femme » (Robert illustré), « Il a fait sienne cette maxime » (Petit Larousse illustré), « Il a fait siennes mes idées » (Girodet), mais cette discipline qu'il a faite sienne. Pour ce dernier exemple, l'analyse couramment admise est la suivante : Il a fait quoi ? qu' mis pour cette discipline (complément d'objet direct placé avant le participe passé) devenir sienne (attribut du complément d'objet). Et voilà que l'accord de fait au féminin singulier se rappelle à notre bon souvenir. Une autre interprétation est toutefois possible, quoique moins fréquente : Il a fait quoi ? que cette discipline soit sienne ; c'est alors toute la proposition qui est complément d'objet et, partant, le participe devrait rester invariable. Dans les faits, les spécialistes de la langue s'accordent, d'ordinaire, sur la première analyse et n'envisagent la seconde que pour les participes cru, su, dit, trouvé, voulu (et leurs synonymes exprimant une opinion). Le non-accord de fait suivi d'un adjectif se trouve toutefois sous la plume de Claudel, si l'on en croit le linguiste Knud Togeby : « Est-ce que tu m'as fait belle ce soir ? »

    Terminator n'a qu'à bien se tenir : les subtilités de la langue, elles aussi, sont de retour !

    Remarque 1 : Précisons, à l'attention de ceux qui ne parlent pas la langue de Shakespeare, que I'll be back peut se traduire en bon français par « Je reviendrai ».

    Remarque 2 : On se gardera de toute confusion entre faire siennes (des idées) et faire des siennes (« faire des sottises, agir de façon fâcheuse »).

    Remarque 3 : Voir également le billet Accord du participe passé.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Une devise qu'Arnold Schwarzenegger a faite sienne.

     

    « Rentrer, dans tous ses détailsC'est bien le minimum ! »

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