• C'est bien le minimum !

    C'est bien le minimum !

    « A minima trois refus, donc, pour un mini-remaniement. »
    (Mathilde Siraud, sur lefigaro.fr, le 18 juin 2015) 



     
    FlècheCe que j'en pense


    À notre époque où l'enseignement du latin se réduit comme une peau de chagrin, le goût pour les locutions latines, curieusement, ne faiblit pas. Je n'en veux pour preuve que cet a minima dont on nous rebat les oreilles depuis une vingtaine d'années... au minimum : « une réforme a minima » (Europe 1), « une hausse a minima » (Le Figaro), « des vacances a minima » (Les Échos), « une communication a minima » (La Croix), « Pékin communique a minima » (Le Parisien), « La Russie s'engage a minima » (France TV), « si l'utilisateur était a minima informé de ce qui se passe » (Libération). Les beaux esprits nous assurent que ça fait chic, dans la conversation. L'ennui, c'est que les dictionnaires n'ont jamais accommodé ladite expression autrement qu'à la sauce juridique ; a minima, ellipse de la locution latine a minima poena ad majorem (« à partir de la plus petite peine vers la plus grande »), ne s'applique selon eux qu'à l'appel que forme le ministère public pour infliger une peine plus lourde − et non plus légère, comme on le pense souvent par contresens − que celle qui vient d'être prononcée (*) : « Puis, sur appel a minima exigé par le "ministre" Weygand, [le Conseil de guerre] me condamnait à la peine de mort », écrit ainsi le général de Gaulle dans ses Mémoires. Il faut croire que le tour s'est depuis échappé des prétoires, en voyant au passage son sens évoluer.

    Car enfin, de quoi parle-t-on, dans la langue courante ? D'une réforme insuffisante, d'une hausse minime, de courtes vacances, d'une communication limitée, d'un engagement timide ? Entendons-nous bien, l'emploi de a minima au sens étendu de « qui est réduit au minimum, qui manque d'ambition, qui est jugé trop faible, trop timide » me semble d'autant plus facilement admissible que l'idée dominante reste celle d'aspiration à un niveau plus élevé : un accord a minima, plus qu'un accord minimal, suggère que le dossier sera prochainement rouvert. En revanche, a minima utilisé pour « au minimum » ou « au moins » relève, selon certains spécialistes, de l'abus de langage, voire du contresens : « Il existe depuis peu une tendance à remplacer les locutions adverbiales françaises au moins et au minimum par la locution juridique latine a minima. Cette regrettable latinisation, d'inspiration pédante, est fautive car le sens en est inexact, voire opposé » (Mission linguistique francophone), « La locution a minima [appartient à la langue juridique] et ne doit être employée que dans ce cadre. On ne doit pas en faire un synonyme de tours comme au moins ou au minimum » (site Internet de l'Académie). Ladite locution se trouve pourtant jusque sous les plumes les plus distinguées : « On essayait parfois de se réconforter a minima » (Paul Veyne, Prix Femina  de l'essai 2014), « J'avais accompli ce qui me semblait exigé de moi, mais a minima » (Tobie Nathan, Prix Femina  de l'essai 2012), « J'ai procédé a minima » (Renaud Camus), « [...] n'importe quel pourvoyeur de rôle et de fortune et de célébrité. Ou, a minima, d'une conversation excitante » (Marie Darrieussecq), « Maman payait mes études a minima » (Calixthe Beyala), « la reconnaissance d'une histoire exige, ne serait-ce qu'a minima, la définition claire d'un projet » (Gilles Marmasse), « [Le manuscrit] est ponctué a minima » (Julien Goeury).

    « Je ne désespère pas d'entendre un jour : "pour cette excursion, il faut a minima une journée entière" », ironisait Gérard Genette dans son livre Apostille. Force est de constater que son vœu a été exaucé... a maxima !

    (*) On parle de même d'un appel a maxima, ayant pour but de faire diminuer la peine prononcée.


    Remarque 1 : Les tenants de l'orthographe rectifiée écriront à minima, à maxima (avec un accent sur le a).

    Remarque 2 : Minima est également le pluriel latin de minimum, que l'on réserve plutôt aux emplois scientifiques : Déterminer les minima d'une fonction. Thermomètre à maxima et à minima (qui marque les plus hauts et les plus bas degrés de température atteints au cours d'une période donnée).

     
    Voir également le billet Maximum/Minimum

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Au minimum (ou au moins) trois refus, donc.

     

    « AttributorAffronter / Confronter »

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  • Commentaires

    1
    Michel JEAN
    Lundi 24 Août 2015 à 10:42

    Bonjour M. Marc, gros problème avec l'Ipad pour vous adresser des messages (!!!) Merci. Bye. Mich.

    2
    Vendredi 28 Août 2015 à 20:44

    Pourriez-vous m'indiquer l'article (le billet) au sujet duquel vous ne parvenez pas à laisser un commentaire, afin que l'on puisse procéder à une vérification ? Merci.

    3
    Samedi 29 Août 2015 à 18:25

    Indiquez-m'en au moins un afin que je puisse faire procéder à une vérification...

    4
    Michel JEAN
    Mardi 1er Septembre 2015 à 10:04

    Bonjour M. Marc, pour vous adresser un méssage à propos de votre article concernant le covoiturage et après  plusieurs échecs est emprunté (l'ordi. port.) d'un abonné de la biblio. de Trouville; pour d'autre aussi. Merci. Bye. Mich. 

    5
    Mardi 1er Septembre 2015 à 12:51

    Une personne vient de faire l'essai avec son iPad et n'a rencontré aucune difficulté pour laisser un message à propos de l'article évoqué. Je ne sais donc pas quoi vous répondre...

    6
    Jean-François
    Vendredi 21 Juin 2019 à 08:50

    Bonjour Marc, 

    Je partage entièrement vos réticences (si je les ai bien comprises) relatives à la condamnation par les spécialistes de la locution latine "a minima". En effet, comme vous le faites remarquer, elle sous-entend bien souvent, dans son emploi supposé fautif, l'idée d'une possible augmentation ou amélioration, ou l'espoir de celles-ci, et rejoint ainsi le sens originel. 

    Bonne journée 

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