• Homonymie


    Certains mots, de sens pourtant différents, peuvent présenter la même forme graphique (homographes) ou phonique (homophones).

    Ce sont des homonymes... et le plus souvent de faux amis, dont il faut se méfier.

    Ainsi, le son « ni » peut s'écrire de sept façons différentes en français : ni, nid, nids, n'y, nie, nies, nient !

    Voici les principaux.

  • Ainsi fond, fonds, fonts... sont trois homonymes qu'il convient de bien distinguer, au risque de toucher le fond sans espoir de cagnotte à la clef.

    Force est de constater que les deux premiers mots sont fréquemment confondus, en raison d'un pluriel... bien singulier !

    Comparez : les fonds marins, user ses fonds de culotte, des fonds d'artichaut (nom masculin fond au pluriel) et un fonds de commerce, de garantie, de santé, le fonds documentaire d'une bibliothèque, le Fonds monétaire international (FMI), une mise de fonds (nom masculin fonds, ici au singulier).

    Il se trouve que le s final de fonds (au sens de « bien, capital, ressource », au propre comme au figuré) n'est pas la marque d'un pluriel mais celle de l'ancien français fons, emprunté du latin fundus, lui-même à l'origine de fond (au sens de « partie la plus basse, la plus éloignée d'une chose » ou, au figuré, de « partie la plus importante, la plus intime d'une chose »). Est-il besoin de préciser que la différenciation entre ces deux mots partageant une étymologie commune relève de l'arbitraire le plus total ?

    Cette distinction, établie au XVIIe siècle par Vaugelas, dénoncée par Littré puis par Hermant (« une des sottises de la langue française »), est tellement artificielle qu'il devient parfois impossible de choisir entre les deux graphies. Ainsi, doit-on parler du fond de caisse ou du fonds de caisse pour désigner les liquidités d'un commerçant ? (1) Doit-on dire de quelqu'un qu'il a un bon fond (Académie) ou un bon fonds (Thomas) ? Les Immortels se sont même sentis obligés de préciser dans la dernière édition de leur Dictionnaire : « Il a un grand fonds de savoir, d'érudition. (On écrit aussi Fond) », après avoir un temps autorisé la suppression pure et simple de cette distinction au profit de fond (2). Si vous voulez celui de ma pensée, on patauge dans un puits sans fond...

    Au sens figuré, où la confusion est monnaie courante, mieux vaut s'en tenir aux conseils de Larive et Fleury : « Fond signifie ce qu'il y a d'essentiel dans une chose, ce qui la constitue principalement, par opposition à la forme, à l'accessoire ; Fonds, par un s, contient une idée de possession » (Dictionnaire des mots et des choses, 1888) ou de Robert : « Il serait souhaitable que, dans tous les cas où l'on veut exprimer l'idée d'"élément essentiel et permanent" on écrivît fond, et, au contraire, fonds lorsque prévaut l'image de "capital exploitable" » (j'ajoute : ou de ressources personnelles).

    Il y a dans son discours un fond de vérité. Il a un bon fond mais Il a un grand fonds de savoir.

    Quant à fonts, il s'agit d'un nom masculin pluriel emprunté du latin fontes (« fontaines »), qui ne s'emploie plus que dans l'expression fonts baptismaux (« vasque où l'on conserve l'eau bénite dont on se sert pour baptiser »).

    (1) La menue monnaie a beau se trouver au fond du tiroir-caisse, il semble préférable d'opter pour la graphie fonds de caisse, dès lors qu'il est question d'argent. C'est du moins le choix effectué par Larive et Fleury : « Voici deux exemples qui feront bien sentir la différence qui existe entre [fond et fonds] : Le fond de la caisse. Un fonds de caisse suffisant » (Dictionnaire des mots et des choses, 1888) et par l'Office québécois de la langue française : « Fonds de caisse. Somme d'argent que l'entité peut utiliser immédiatement, par exemple la monnaie d'appoint, en vue de faciliter le règlement de menues dépenses. »

    (2) Hanse rappelle que, en 1975, l'Académie a autorisé la suppression de la distinction entre fond et fonds (au profit de fond), mais l'institution a ensuite annulé sa décision.

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    Remarque 1
    : La distinction établie entre fond et fonds se retrouve dans leurs dérivés : fonder, fondateur, fondement, fondé (de pouvoir)... d'un côté ; foncier, foncer, tréfonds, etc., de l'autre.

    Remarque 2 : Le risque de confusion est encore plus grand quand il est question de catalogue. Comparez : Le catalogue des manuscrits et des fonds de la Bibliothèque nationale de France (= ensemble de ressources susceptibles d'être exploitées) mais Le fond de catalogue est une expression utilisée dans le domaine de la vente de biens culturels (livres, disques, films) pour désigner les vieux titres encore en stock. Tout dépend donc du contexte, dirons-nous pour simplifier...

    Remarque 3 : C'est à tort que Flaubert écrivit, dans le manuscrit de Bouvard et Pécuchet : « Il déclara les avoir aperçus lui-même dérobant le font baptismal » (rapporté par Thomas).

    Remarque 4 : Font correspond à la forme conjuguée du verbe faire à la 3e personne du pluriel.

    Fond / Fonds / Fonts
    « Une faillite de la Grèce n'est "pas envisageable" selon Christine Lagarde,
    directrice générale du Fond [sic] monétaire international » (lexpansion.lexpress.fr).
    Sans doute une question de fond...
    (photo wikipedia)

     


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  • Les homophones parti et partie peuvent nous jouer bien des tours dans certaines expressions où l'absence de déterminant favorise la confusion entre ces deux formes substantivées du participe passé de partir.

    FlècheTirer parti (de)


    Tirer parti (de)
    , c'est « tirer profit (d'une situation) », par référence au sens ancien du nom masculin parti, « part revenant à quelqu'un », d'où « avantage, utilité, profit ».

    Il a su tirer parti de cet échec.

    Remarque : Ajouter un e final à parti dans cette expression reviendrait, convenons-en, à envisager un jeu sexuel aux accents sado-masochistes... une sorte de coup bas.

    FlèchePrendre parti / à partie


    Dans prendre parti (= choisir, s'engager, prendre position), parti est à prendre – justement – au sens de « résolution, détermination que chacun adopte pour sa part » (comme dans l'expression parti pris). On se gardera de toute confusion avec prendre à partie, où partie s'entend dans son acception juridique de « partie adverse, opposée dans un procès ».

    C'est une femme qui ne prend jamais parti (= qui ne prend jamais de décision) mais Elle m'a pris à partie (prendre quelqu'un à partie = s'en prendre à quelqu'un).

    Remarque 1 : L'honnêteté m'oblige à préciser que l'expression prendre (quelqu'un) à partie s'est autrefois écrite prendre à parti, ce qui ajoute à la confusion...

    Remarque 2 : Un e final à parti et la première affirmation éloignera définitivement tout prétendant (la seconde aussi, au demeurant).

    Remarque 3 : Prendre parti pour quelqu'un, prendre le parti de quelqu'un, c'est « défendre sa cause » ; prendre son parti de, c'est « se résigner à, se faire une raison ».

    Remarque 4 : On rencontre également les locutions figées être juge et partie (« avoir à juger une affaire où l'on est impliqué »), ce n'est que partie remise (en parlant d'une affaire, d'un projet manqués mais qu'on a dessein de reprendre plus tard) et avoir partie liée avec quelqu'un (à propos d'un projet que plusieurs personnes ont en commun).

     

    FlècheFaire partie (de)


    Le nom féminin partie signifie ici « fraction d'un tout ». Faire partie (où partie reste invariable), c'est donc « être une partie d'un ensemble ».

    Il fait partie de mes amis (et non Il fait parti de mes amis).

    Elles font partie intégrante de l'association.


    Remarque
    : Retirer le e final à partie dans cette expression supposerait que l'on entrât en politique, ce qui n'aurait rien d'étonnant par les temps qui courent...

    Parti / PartieParti / Partie

     

     

     

    Il faut en prendre son parti : dans prendre à partie, partie s'écrit avec un e final !
    (article paru le 10/10/09 sur lemonde.fr)

     

     

     

     

     

     

     (Livre de Robert Elger, Rustica Éditions)

     


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  • Il existe deux formes associées au verbe bénir, béni et bénit, que l'on se gardera de confondre.

    Bénit(e), avec un t ne se prononçant pas au masculin, est employé uniquement comme adjectif pour parler des choses consacrées par une bénédiction rituelle. Béni(e) est, quant à lui, utilisé comme forme verbale (participe passé avec l'auxiliaire être ou avoir) ou comme adjectif dans toutes les autres acceptions, en parlant des personnes ou des choses.

    De l'eau bénite et des cierges bénits (= qui ont été l'objet d'un rite liturgique de bénédiction).

    C'est (du) pain bénit (= cela tombe à point, c'est une aubaine, c'est bien mérité).

    Une médaille bénite est une médaille qui a été bénie par un prêtre.

    Cet homme est béni des dieux ! (= sur qui s'exerce la protection des dieux).

    Béni soit le jour où je t'ai rencontrée. C'était une époque bénie (= heureuse).

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    Remarque 1
    : Si bénit (issu du latin benedictum, puis de beneit, participe passé de benëir, forme ancienne de bénir) est antérieur à béni, les deux formes furent longtemps indifféremment employées comme participe passé. La distinction ne s'est fixée qu'au XIXe siècle sur le critère du caractère rituel (bénit) ou non (béni) de la bénédiction, mais sans réellement obtenir la sanction de l'usage. Aussi la plupart des grammairiens préconisent-ils aujourd'hui de réserver à bénit son rôle d'adjectif (limité au domaine rituel) et à béni sa fonction verbale (même quand il s'agit d'une bénédiction rituelle, dès lors que l'on perçoit une forme verbale plutôt qu'une épithète : Cette médaille a été bénie par le pape, de préférence à Cette médaille a été bénite par le pape).

    Remarque 2 : Béni se construit avec de (parfois avec par) et bénit avec par.

    Remarque 3 : Dans le registre familier et péjoratif, on parle d'un cul-bénit (= personne bigote / des culs-bénits) et d'un béni-oui-oui (nom masculin invariable désignant une personne servile, emprunté de l'expression algérienne créée durant la période coloniale, formée de l’arabe beni, pluriel ben, fils, et de oui oui exprimant un accord systématique). Quant à l'expression ambitionner sur le pain bénit (= exagérer), elle trouve son origine dans la coutume qui voulait que chaque ménage, à tour de rôle, apporte à l'église du pain en vue de le distribuer aux fidèles, rituel qui donna lieu à de nombreux abus.

    Béni / Bénit
    (Éditions du Seuil)

     


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  • C'est en entendant l'écrivain Frédéric Beigbeder, pourtant fin lettré, évoquer le « crash boursier » dans une émission de télévision que m'est venue l'idée de cet article. Car, enfin, les bourses mondiales ont beau piquer du nez en ce moment , nul ne les a encore vues rater leur atterrissage sur le tarmac !

    Certes, les Anglais parlent de financial crash, mais on se gardera en français de commettre cet abus de langage en évitant toute confusion entre crash et krach (ainsi qu'entre leurs différents homophones).

    FlècheKrach (débâcle boursière)


    Krach (avec ch qui se prononce [k] et pluriel en s) est un mot d'origine allemande qui a d'abord signifié « craquement », puis s'est spécialisé dans la langue de la finance (sous l'influence de l'anglais crash), à la suite de l'effondrement des cours de la Bourse à Vienne, le 9 mai 1873. En français, le substantif désigne une débâcle boursière, caractérisée par un effondrement des cours ; par extension, il prend également le sens de « faillite, banqueroute, ruine ».

    FlècheCrack (champion ou drogue)


    Crack
    (pluriel en s) est un mot possédant une double origine : anglaise (« fameux », « d'élite »), quand il désigne un cheval de course aux qualités exceptionnelles ou une personne qui excelle dans sa spécialité ; anglo-américaine (« coup de fouet »), quand il désigne une drogue dérivée de la cocaïne.

    FlècheCrac (onomatopée)


    Crac
    est une onomatopée évoquant un bruit sec (le craquement d'une branche) ou la soudaineté.

    Flèche

    Craque (mensonge)


    Dérivé du verbe craquer au sens de « mentir », craque est un nom féminin que l'on trouve principalement dans l'expression populaire raconter des craques (= raconter des histoires mensongères pour se faire valoir).

    FlècheCrash (aérien)


    Quant à crash (avec sh qui se prononce [ch] et pluriel francisé en s), il s'agit d'un mot d'origine anglaise (non reconnu par l'Académie *) appartenant au vocabulaire aérien, qui signifie « atterrissage brutal, chute, écrasement » et dont le sens s'est étendu à « accident automobile » et à « plantage informatique ». On évitera de le confondre avec son homonyme crache, forme conjuguée du verbe français cracher. Raison de plus pour préférer au néologisme se crasher (et à sa variante se scratcher) les verbes s'écraser ou se fracasser.

    Les krachs de Wall Street en 1929 et de la Bourse de Tokyo en 1989.

    Les crashs d'avion (ou mieux : les accidents, les écrasements d'avion) se multiplient.

    Il a survécu à un crash automobile (ou mieux : à un accident de la route) mais a perdu toute sa fortune dans le récent krach financier et immobilier.

    Ce crack gagne toutes les courses hippiques.

    En athlétisme, cet homme est un crack (NB : en ce sens, l'Académie recommande l'emploi de champion ou as).

    La police l'a surpris en train de fumer du crack.

    Et crac ! la branche s'est cassée.

    * L'Académie française admet toutefois sur son site Internet qu'« il est possible d'employer crash aérien pour désigner un accident dans lequel un avion se fracasse contre quelque chose ».

     

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    Remarque 1
    : En français, l'expression krach boursier relève du pléonasme, même si le nom krach voit aujourd'hui son sens s'étendre au-delà du seul marché financier (l'immobilier, notamment).

    Remarque 2 : Emprunté de l'arabe karak (« château fort »), le nom masculin krak désigne une forteresse construite par les croisés en Palestine et en Syrie. Le krak des Chevaliers.

    Crac / Crack / Krach / Crash

    « Moi, j'ai un piège à fille un piège tabou / Un joujou extra qui fait crac boum hue »
    (paroles de la chanson Les Play-boys)

     


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  • Exprès : voilà un de ces mots anodins qui peuvent nous jouer des tours, en matière d'orthographe (notez l'accent grave et le s final), d'accord et de prononciation.

     

    Flèche Exprès, adverbe


    Employé comme adverbe, exprès (prononcez èksprè) signifie « délibérément, intentionnellement » et est invariable.

    Ils ont fait ce gâteau exprès pour toi.

    Il le fait exprès (et non Il en fait exprès, qui est un régionalisme).

    Flèche Exprès, adjectif


    Employé comme adjectif, exprès (couramment prononcé èksprès', au masculin) signifie « impératif, formel, absolu ». S'accordant en nombre et en genre, il s'écrit expresse au féminin.

    Un ordre exprès. Une demande expresse.

    Défense expresse de fumer dans les toilettes.

    Dans le langage postal, exprès − ellipse de acheminé par exprès − est un adjectif invariable (ainsi qu'un substantif), qui signifie « distribué à son destinataire par porteur spécial, dès son arrivée au bureau de poste distributeur ».

    Un colis exprès, une lettre exprès, un exprès.

    Flèche Express, nom et adjectif invariables

    On se gardera de confondre l'adjectif exprès avec express, emprunté de l'anglais express (train) utilisé dans le langage ferroviaire pour désigner un train qui ne s'arrête pas dans toutes les gares, et, par extension, une voie permettant une circulation rapide des véhicules ou encore tout ce qui se prépare ou s'accomplit rapidement.

    Un train express (≠ omnibus), une voie express.

    Un aller-retour express, un repas express, une rencontre express (= rapide).

    Express (emprunté de l'italien espresso) désigne également un café réalisé à l'aide d'un percolateur. Boire un (café) express. On parle également d'un expresso, voire d'un espresso, mais ces deux dernières graphies ne sont pas enregistrées par l'Académie.

    Exprès / Expresse / Express

    Non, il ne s'agit pas d'un crime commis vite fait bien fait !...

     


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