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Synonymie
Certains mots peuvent posséder une signification voisine, une similarité sémantique forte. Ce sont des synonymes.Pour autant, la synonymie n'exclut pas certaines nuances de sens.
Voici quelques synonymes, dont il est préférable de maîtriser les subtiles différences.
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Par Marc81 le 8 Novembre 2018 à 11:13
Inutile de le nier : les spécialistes de la langue peinent à s'accorder sur les différences sémantiques entre les verbes de négation nier, démentir et réfuter.
Nier − et c'est là leur seul terrain d'entente − signifie couramment « déclarer qu'une affirmation n'est pas vraie ou qu'une chose n'a pas de réalité, d'existence » : Il nie l'évidence, elle nie avoir fait cela, ils nient formellement. Les choses se compliquent avec démentir : « Nier la réalité d'un fait, l'exactitude d'une affirmation. Voilà des informations qu'on ne peut démentir. Nous démentons formellement cette nouvelle, ce bruit calomnieux », lit-on dans la neuvième édition du Dictionnaire de l'Académie. Avouez que la nuance entre nier un fait et nier la réalité d'un fait n'est pas à la portée du premier menteur venu... Le linguiste Jacques Moeschler nous aide à y voir plus clair : selon lui, démentir se distingue de nier dans la mesure où « un démenti ne porte pas sur un fait, mais sur un acte d’énonciation [...]. La différence avec nier apparaît rapidement en comparant ces deux exemples : Le ministère des Affaires étrangères a démenti l’information selon laquelle... et *Le ministère des Affaires étrangères a nié l’information selon laquelle… » En d'autres termes, on peut nier n'importe quel fait tenu pour vrai par autrui, mais on dément l'énoncé d'un tel fait (accusation, affirmation, allégation, information, rumeur...). Las ! une ligne de l'article « démentir » du TLFi vient contredire cette thèse : « Déclarer qu'un fait, un discours est faux. L'agence Havas a, comme il convenait, démenti le fait (Clemenceau). » On pourrait encore citer Bossuet : « Faudra-t-il donc démentir un fait certain ? » (vers 1700), Jean-Charles Laveaux : « Démentir un fait, dire, soutenir qu'il n'est pas vrai » (1820) et Louis-Nicolas Bescherelle : « Démentir un écrit, un fait, une nouvelle, un bruit de journal, une assertion... » (1845). Nous aurait-on menti « à l'insu de notre plein gré » ? D'autres considèrent que démentir, mieux que nier, permet de rétablir la vérité face à un mensonge...
Réfuter, de son côté, introduit une idée supplémentaire : l’existence d’une argumentation établissant la fausseté de ce qui est avancé. Autrement dit, réfuter, c'est démentir avec preuve à l'appui : « La faulte est si evidente qu'il n'est ja besoing de la refuter par plus amples raisons » (Éloy Maignan, 1549). De là les cris d'orfraie que l'emploi de réfuter comme simple synonyme de démentir (voire de nier) fait encore pousser à certains : « Mardi soir, à BFM, Sophia Chikirou a démenti toute surfacturation de la campagne de [Jean-Luc Mélenchon]. Et les médias presque unanimes d'annoncer qu'elle avait "réfuté" les accusations ! Depuis quand un démenti est-il une réfutation ? » s'insurgent les correcteurs du monde.fr sur leur blog(ue). Mais depuis que l'Académie elle-même s'est décidée à entériner cette extension de sens dans la dernière édition de son Dictionnaire, pardi ! Jugez-en plutôt : « Réfuter. Combattre, détruire ce qu'un autre a avancé, en prouvant que ce qu'il a dit est faux ou mal fondé. Réfuter un argument, une théorie, une preuve. Réfuter une accusation, une calomnie, un mensonge. Par métonymie. Réfuter un auteur. Littéraire. Apporter un démenti à. L'expérience a réfuté ses dires. » (1) À la décharge desdits correcteurs, reconnaissons que cette dernière acception, présentée par l'Académie comme « littéraire » sans autre restriction d'usage, s'entend d'ordinaire des seuls inanimés : « Au XXe siècle, [réfuter] s'emploie également dans un style soutenu avec un nom d'inanimé pour sujet (un argument réfute une position...) » (Dictionnaire historique de la langue française), « Par analogie. [Le sujet désigne une chose] Infirmer, démentir ce qui était arrivé. Le temps qui passe réfute d'heure en heure nos pronostics (Michel Butor) » (TLFi). Il n'empêche, l'emploi du verbe réfuter en dehors de toute idée d'argumentation, fût-ce avec un nom de personne pour sujet, ne saurait être tenu pour incorrect au regard de l'étymologie, si l'on en croit le Dictionnaire historique de la langue française : emprunté du latin refutare (« repousser, refouler ; refuser d'admettre »), le bougre n'a-t-il pas d'abord signifié « refuser, repousser, rejeter, contester » (2), avant de prendre le sens moderne de « repousser (une allégation, une position) en démontrant qu'elle est fausse ou qu'elle n'est pas fondée » ? Tout au plus taxera-t-on les imprudents d'archaïsme...
Est-ce une raison pour encourager l'emploi prétendument vicieux de réfuter au sens de « démentir » ? Que nenni ! Mais il faudrait être de mauvaise foi pour nier la part de responsabilité des spécialistes de la langue dans la confusion actuelle...
(1) Larousse va même jusqu'à écrire, à l'article « réfuter » de son édition en ligne : « Contredire quelqu'un, le démentir » !
(2) « Jhesus li bons nol refuded [Jésus, le bon, ne le (Judas) repoussa pas] » (Passion du Christ, Xe siècle), « [Ce] que m'avez arguee De mes diz et refutee » (Guillaume de Digulleville, vers 1330), « Lesdis archiers n'osèrent refuter le commandement de leur prince » (Jean Molinet, fin du XVe siècle, cité dans le Dictionnaire du moyen français), « Refuter la foi, refuser de s'en rapporter au serment » (Glossaire de la langue romane de Roquefort, 1808).
Remarque 1 : Après nier que, le verbe de la subordonnée − parfois précédé du ne explétif quand la proposition principale est à la forme négative ou interrogative − se met généralement au subjonctif : « On ne peut nier qu'il ne soit bâtard » (Pierre Bayle), « Je nie que dans Molière il y ait de la gaîté » (Émile Zola), « Nierez-vous que vous soyez la cause du conflit [...] ? » (Paul Bourget). L'indicatif peut cependant être employé (sans ne explétif), pour souligner la réalité du fait nié : « On nie qu'il ait fait cela (le locuteur ne se prononce pas sur cette action). On nie qu'il a fait cela (le locuteur croit plutôt qu'il l'a fait) » (Hanse), « Il nie qu'il vous a fait, qu'il vous ait fait cette promesse » (neuvième édition du Dictionnaire de l'Académie). Les mêmes observations valent pour démentir que, construction ignorée par l'Académie et Littré, mais admise par Damourette et Pichon, Nyrop, Hanse, Dupré, Girodet et Larousse.
Remarque 2 : La langue moderne emploie généralement l'infinitif sans de après nier : « Il nie avoir fait cela ou, classique, d'avoir fait cela » (neuvième édition du Dictionnaire de l'Académie).
Remarque 3 : Attention à l'indicatif imparfait et au subjonctif présent : (que) nous niions.
Remarque 4 : Selon Christian Rubbatel, dénier − dérivé de nier (avec le préfixe dé- exprimant le renforcement) d'après le latin denegare (« nier fortement, formellement ; refuser ») − ne diffère de son ancêtre que syntaxiquement : « Son objet direct est un nominal et non une complétive. »
Remarque 5 : Voir également le billet Démentir.
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Par Marc81 le 25 Septembre 2016 à 21:42
Les adjectifs continu et continuel « désignent l'un et l'autre une tenue suivie », selon la formule continuellement reproduite de Nicolas Beauzée (1769), mais le premier est utilisé sur le plan spatial et temporel quand le second est désormais réservé à la seule valeur temporelle. Comparez : une pluie continue ou continuelle, un bruit continu ou continuel, mais une ligne continue, une étendue de sable continue.
N'allez pas croire pour autant que les deux mots, quand ils seraient employés à propos d'une durée, soient strictement synonymes : ce qui est continu ne peut être ni divisé ni interrompu depuis son commencement jusqu'à sa fin, nous dit-on, alors que ce qui est continuel ne dure que parce qu'il revient toujours par intervalles et peut donc impliquer l'idée d'interruption. Ainsi, précise Étienne Bonnot de Condillac dans ses Œuvres philosophiques (fin du XVIIIe siècle), « une pluie continue ne cesse point ; une pluie continuelle revient depuis longtemps ». Même son (continu) de cloche chez Littré : « Un bruit continu est un bruit qui ne présente aucune interruption ; un bruit continuel est un bruit qui se répète à chaque instant », qui ne s'interrompt que pour reprendre aussitôt, comme par exemple celui du cliquet d'un moulin en mouvement. De même, une fièvre non intermittente sera qualifiée de continue.
Force est toutefois de constater que ces distinctions ne sont pas toujours respectées par les auteurs : « Des névralgies [...] frappaient à coups continus la tempe » (Huysmans), « On entendait du bas des falaises monter les coups de bélier continus des vagues » (Gracq) ; « Les portiques, qui sont continuels à Padoue et servent d'une grande commodité pour se promener en tout temps et à couvert » (Montaigne), « Le train accepte tous les détours que lui proposent les méandres d'un petit cours d'eau, et ces courbes continuelles l'obligent à une extrême lenteur » (Gide), « les détours continuels de la route » (Gracq). Carrément passées sous silence par Grevisse, Thomas, Girodet et Hanse, elles tendent à être gommées dans les dictionnaires usuels, comme le montrent les définitions de continuel : « 1. Qui dure de façon continue [!] 2. Qui se répète presque sans interruption, qui revient constamment » (Grand Larousse), « Qui dure sans interruption, qui se renouvelle constamment » (Petit Larousse illustré), « Qui dure sans interruption ou se répète à des intervalles rapprochés » (Robert illustré). Le Nouveau Dictionnaire Larousse des synonymes n'en fait pas mystère : « [Ces subtilités relèvent] de l'usage soutenu, les deux termes étant concurremment employés l'un pour l'autre. » Vous voilà au courant (continu).
Remarque 1 : Ces adjectifs sont tous deux empruntés du latin continuus (« continu »), de continere (« tenir ensemble »). Curieusement, le Dictionnaire historique de langue française indique que « continu (vers 1306 ; après contenu, fin du XIIIe siècle) est à l'origine de continuel (vers 1160) » ! Serions-nous en présence d'une discontinuité temporelle ?Remarque 2 : Les mêmes observations valent pour les adverbes continûment (« d'une manière continue ») − ou continument, en orthographe rectifiée − et continuellement (« d'une manière continuelle ») : « J'ai écrit continûment de dix heures à quatre heures, c'est-à-dire sans interruption ; c'est un pays où il pleut continuellement, c'est-à-dire presque toujours » (La Grammaire selon l'Académie, 1842).
Remarque 3 : On notera avec Littré que, si le nom continuité correspond à l'adjectif continu, il n'existe pas en français de nom correspondant à continuel. « Comme continualité manque, continuité le remplace ; et ce substantif confond la distinction qui existe entre continu et continuel », observe le lexicographe. Rien n'empêche pourtant de parler du caractère continuel de tel fait.
Remarque 4 : Voir également le billet Continuer à / de.
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Par Marc81 le 27 Août 2012 à 16:19
Pour exprimer l'idée d'approximation, on aura recours dans la langue soignée à l'adverbe presque.
Il a presque fini. C'est presque l'heure (= à peu près, pas tout à fait).
J'ai parcouru presque dix kilomètres (= près de).
Il a disparu presque aussitôt.
De sens proche, l'adverbe quasi, emprunté du latin quasi (« pour ainsi dire, presque »), est présenté comme vieilli (voire provincial) dans la plupart des ouvrages de référence. Il connaît pourtant, de nos jours, un regain de faveur dans son emploi sans trait d'union devant un adjectif ou un adverbe, avec trait d'union devant un nom.
Il en est quasi certain (ou mieux : Il en est presque certain).
C'est une quasi-certitude. Des quasi-contrats.
Employé comme adjectif, presque est souvent privilégié à quasi « entre l'article et le nom, surtout si celui-ci exprime une quantité » (Hanse) : La presque totalité, la presque unanimité mais plutôt La quasi réalisation. Pour autant, Il a été élu presque à l'unanimité reste de meilleure langue que Il a été élu à la presque unanimité.
Quant à l'adverbe quasiment, l'Académie le considère non seulement comme « vieux » mais encore comme « familier » ! Autant dire qu'elle l'a presque banni de son Dictionnaire...
Il vient nous voir quasiment tous les jours (ou mieux : presque tous les jours).
Elle est quasiment hystérique (ou mieux : Elle est quasi hystérique).
Remarque 1 : Presque ne s'élide que dans le nom presqu'île.Remarque 2 : Contrairement à presque, la locution prépositive près de peut également exprimer la proximité dans l'espace (Il se tient près de moi).
Remarque 3 : Quasi (comme quasiment) se prononce ka-zi (et non kwa-zi).
Remarque 4 : Quasi est également un substantif masculin désignant un morceau de viande (Un quasi de veau).
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Par Marc81 le 30 Juillet 2012 à 09:11
« Innovateur, nom masculin et adjectif. Synonyme de novateur. »
On a connu Hanse plus disert...
Certes, novateur et innovateur, qui peuvent être employés comme noms ou adjectifs, partagent une étymologie et une définition communes : empruntés du latin novator (« celui qui renouvelle »), ils signifient tous deux « (personne) qui apporte un changement, quelque chose de nouveau ».
Pour autant, Dupré s'efforce d'établir une subtile distinction : « Il semble qu'innovateur et surtout innovation soient réservés à celui qui introduit des changements pratiques et techniques et à ces changements ; novateur s'applique plutôt à celui qui introduit un changement de doctrine ».
En d'autres termes, innovateur serait employé de préférence dans le domaine technique ; novateur, dans le domaine abstrait (spécialement en religion).
Des procédés de fabrication innovateurs.
Une approche novatrice en architecture.
Un esprit novateur (ou innovateur).
Mozart et Baudelaire furent des novateurs dans leur art respectif.
Force est de constater que cette nuance est de moins en moins respectée dans l'usage, même par l'Académie qui, dans la dernière édition de son Dictionnaire, s'est résolue à rajouter « en science » à sa précédente définition de novateur : « Personne qui innove, qui recherche l'innovation (en science, en art, en politique, etc.) ». Par souci de précision, on s'efforcera à tout le moins de ne pas suivre la tendance actuelle consistant à faire de ces différents termes des synonymes d'original, inédit, créatif, etc.
Remarque 1 : Si innovateur et novateur sont considérés comme des synonymes, il n'en va généralement pas de même des noms féminins innovation et novation, qui ne devraient pas être confondus. Innovation désigne un élément nouveau, alors que novation désigne, en droit, le remplacement d’une obligation par une nouvelle. Mais là encore, l'Académie vient d'assouplir sa position en enregistrant dans la dernière édition de son Dictionnaire l'extension de sens de novation comme « changement, nouveauté ». Une décision assurément... novatrice !La société Apple est reconnue pour ses innovations technologiques.
Le notaire a stipulé qu'il n'y aurait pas de novation au précédent contrat.
Remarque 2 : Et innovant, dans tout ça, me direz-vous ? Eh bien, curieusement, il n'est reconnu par Littré, l'Académie et le TLFi que comme participe présent du verbe innover, pas comme adjectif ! Larousse, moins bégueule, l'accueille toutefois dans ses colonnes comme synonyme des adjectifs novateur et innovateur : « Se dit de ce qui innove, constitue une innovation ». Bref, rien de nouveau...
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Par Marc81 le 18 Mars 2012 à 14:09
Un jeu d'enfant, la distinction entre ces trois adjectifs ? Pas si sûr !
Les deux premiers, on l'aura deviné, sont de la même famille : enfantin désigne de façon générale ce qui est propre à l'enfance ou en possède le caractère (ainsi que ce qui est à la portée des moyens physiques ou intellectuels d'un enfant, ce qui est composé d'enfants ou qui s'adresse aux enfants) ; infantile (toujours avec un e final), employé notamment dans le langage médical, a le sens plus restreint de « ce qui est relatif à l'enfant en bas âge ou qui a conservé certains caractères physiologiques de l'enfance à l'âge adulte » (on parle ainsi, en médecine, d'infantilisme).
Un adulte à la voix et au sourire enfantins, un raisonnement d'une simplicité enfantine, la littérature enfantine.
Une maladie infantile, la mortalité infantile, du lait infantile.
Dérivé du latin puer (« enfant »), puéril, quant à lui, se distingue mal de l'adjectif enfantin dans son sens premier de « qui est propre à l'enfance ou en possède le caractère » : Un visage encore puéril (ou encore enfantin).
Dans le langage courant, ces trois adjectifs ne peuvent être considérés comme des synonymes que dans leur acception nettement péjorative visant à qualifier un adulte qui manque de maturité :
Cet homme a un comportement enfantin, infantile ou puéril (= qui n'est pas conforme à son âge et évoque celui d'un enfant ; immature).
Remarque 1 : Emprunté du latin infans, -antis (« celui qui ne parle pas, jeune enfant »), enfant est un nom épicène : un enfant, une enfant (s'il s'agit d'une fille).Remarque 2 : La locution adjective bon enfant, qui signifie « de caractère facile, accommodant », est invariable : Avoir des côtés bon enfant ; un esprit, une atmosphère bon enfant.
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