• Les dictionnaires usuels ne nous aident pas toujours à y voir clair. Jugez-en plutôt : « Avenir : Temps futur. Futur : Temps à venir » (Petit Larousse illustré 2005). Les deux termes seraient donc synonymes. Pourtant, si dans certains contextes ils peuvent effectivement être employés indifféremment, il n'est pas rare que futur soit abusivement utilisé à la place de avenir. Regardons-y de plus près.

    Il existe tout d'abord une distinction de nature grammaticale : seul futur peut être employé comme adjectif, avec le sens de « relatif au temps à venir ».

    Les temps futurs. Les générations futures.

    C'est dans son emploi substantivé (considéré par certains puristes comme un anglicisme [*]) que futur − qui s'écrit sans e final à la différence de l'anglais future − entre en concurrence avec avenir, au risque de le supplanter. Selon Littré, « le futur est ce qui sera ; l'avenir est ce qui adviendra ». Voilà qui précise le bon usage de ces deux noms : le futur (du latin futurus), par opposition au passé, évoque un horizon que nous ne connaîtrons pas mais qui sera sûrement, tandis que l'avenir (ellipse de la locution le temps à venir) désigne le temps à venir dont nous disposons, riche de nos expériences et de nos espérances. Le futur est abstrait et objectif, relatif au temps qui doit être (dans sa dimension chronologique) hors de toute référence, quand l'avenir est concret et subjectif, relatif aux évènements qui pourront avoir lieu : on a tous un futur mais notre avenir reste à construire en ce sens que l'on peut avoir prise sur lui, en le façonnant ou en choisissant de le subir.

    Aussi devrait-on dire :

    Préparer son avenir, s'inquiéter de l'avenir de ses enfants (temps concret).

    Il est promis à un brillant avenir (idem).

    Une profonde restructuration est nécessaire pour assurer l'avenir de l'entreprise (et non pour assurer le futur de l'entreprise).

    L'avenir de l'Europe, du nucléaire en France, de la langue française (et non le futur).

    Cet homme politique n'a plus d'avenir (et non n'a plus de futur).

    Que nous réserve l'avenir ? (de préférence à Que nous réserve le futur ? puisqu'il s'agit d'une période de temps que nous sommes susceptibles de vivre).

    Se projeter dans l'avenir (idem) ou dans le futur (par opposition au passé).

    Les moyens de transport de l'avenir (que l'on est susceptible de connaître) ou Les moyens de transport du futur (horizon plus lointain).

    À l'avenir (= désormais, dorénavant), de préférence à dans le futur (calque de l'anglais in the future ?).

    Seulement voilà, force est de constater que cette distinction est rarement respectée dans l'usage contemporain... à commencer par les actuels académiciens : « Le passé, le futur d'une nation. Il ne s'inquiète pas du futur » (neuvième édition de leur Dictionnaire). Les jours de avenir seraient-ils comptés ? Ce dernier nous le dira...

    (*) Hanse observe que « le nom futur concurrence fortement avenir dans l'emploi courant de celui-ci (préparer l'avenir, craindre l'avenir), surtout lorsqu'il désigne l'avenir dans ce qu'il a de conjectural, d'inventé et quand il s'oppose à passé, présent : Vivre dans le futur. Un futur d'anticipation » (Nouveau Dictionnaire des difficultés du français moderne, 1983), mais ne porte pas de jugement. D'autres spécialistes s'en chargent pour lui : « [Certains] confondent le futur et l'avenir (anglais : future) » (Robert Le Bidois, Les Mots trompeurs, 1970), « Employer le futur au sens de l'avenir serait un anglicisme » (Dupré, Encyclopédie du bon français, 1972), « En français futur s'emploie toujours absolument, alors que avenir s'emploie tantôt absolument (de l'avenir) tantôt avec un déterminant (l'avenir de son fils, notre avenir, un proche avenir). L'emploi de futur [avec un déterminant] est un emprunt à l'anglais future [...], justement condamné par les puristes » (Josette Rey-Debove et Gilberte Gagnon, Dictionnaire des anglicismes, 1988), « Ce nom [futur] remplace de plus en plus souvent le mot avenir sous l'influence de l'anglais future. Est-il si difficile de traduire l'anglais in the future par le français à l'avenir ? » (Jacques Capelovici, Guide du français correct, 1992), « Sous l'influence de l'anglais future, le mot futur est abusivement employé pour avenir » (Michèle Lenoble-Pinson, Le Français correct, 2009).
    Ce soupçon d'anglicisme est d'autant plus surprenant que l'emploi de futur comme substantif, avec ou sans déterminant, est attesté de longue date dans notre langue, et jusque sous des plumes avisées. Qu'on en juge : « Le futur n'y aura jamais presence » (Roman de la Rose, vers 1280), « Car pour le futur ou pour le temps avenir de tel bien est esperance » (Oresme, vers 1370), « Las ! au futur avons petit egard » (Jean Meschinot, vers 1465), « Les autres [démons] d'une douteuse voix Annoncent le futur » (Ronsard, 1555), « Bonnet le futur predisoit » (Du Bellay, 1558), « Le passé et le futur du temps ne subsiste pas » (Jacques Amyot, 1588), « Je vous prie ne quitter le certain present pour un futur incertain » (Étienne Pasquier, 1613), « [Les versets] enclos dans le futur des promesses prophetiques de David » (Jean Belot, 1624), « Futur inconnu des hommes » (François de Toulouse, 1666), « Il n'y a que Dieu qui [...] sache toujours le futur de quelque espece qu'il soit » (Malebranche, 1683), « Il y en a [...] qui se donnent à ce qui est présent et n'ont du futur aucune inquiétude » (Bossuet, avant 1704), « Son dédain ferma son esprit [...] à toute vue d'un futur que l'âge et la santé du roi montraient fort éloigné » (Saint-Simon, avant 1755), « Un avancement en perspective, que l'on ne suppose même en le mettant en avant que dans un futur incertain » (Minutes d'un procès, 1797), « Je ne viens pas traîner dans vos riants asiles Les regrets du passé, les songes du futur » (Lamartine, 1820), « L'homme se trompe presque toujours sur le futur » (Dictionnaire de Pierre-Claude-Victor Boiste, 1828). Il n'en est pas moins vrai, pour autant, que « la répartition des emplois entre avenir et futur a été modifiée à partir des années 1960 au bénéfice du second, sous l'influence de l'anglais future » (Dictionnaire historique de la langue française). Nuance !

     

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    Remarque 1 : Futur désigne également le temps verbal du mode indicatif portant sur l'avenir (ainsi que la personne qu'on doit épouser, dans un registre familier et vieilli). On notera que certains puristes recommandent de limiter l'emploi substantivé de futur à cette seule acception grammaticale et chronologique, et de recourir au nom avenir dans tous les autres cas.

    Remarque 2 : L'Académie, qui condamne sur son site Internet le tour dans le futur employé au sens de « désormais, à l'avenir », fait preuve de maladresse en proposant un exemple ambigu à l'entrée « futur » de la dernière édition de son Dictionnaire : « Qu'en sera-t-il dans le futur ? » Voir également cet article.

    Remarque 3 : Louis Bourdaloue, cité par Lafaye dans son Dictionnaire des synonymes de la langue française (1858), rend compte de la nuance entre futur et avenir en ces termes : « C'est un instinct naturel à tous ceux qui souffrent de chercher dans l'avenir la consolation et le remède du présent. Nous nous faisons un charme de notre espérance ; quoique souvent il n'y ait rien dans le futur qui nous doive être favorable. L'incertitude même de l'avenir nous est utile. » Jean Dutourd se montre plus pragmatique : « Le futur évoque une chose vague et globale, c'est l'état du monde demain ou dans cent ans. En revanche, si un jeune homme songe à son avenir, il s'agit de spéculations très précises : le métier qu'il exercera, la femme qu'il épousera, les enfants que celle-ci lui donnera, etc. » (Le Figaro, 1997).

    Remarque 4 : Ce n'est pas parce qu'une prévision ne peut porter que sur le futur que l'on doit forcément ranger les expressions prévoir, prédire l'avenir parmi les pléonasmes fautifs. « Si un père de famille déclare qu'il contracte une assurance sur la vie "parce que, dit-il, on ne peut prévoir l'avenir", quel sens offrirait le verbe privé de son complément d'objet ? », s'interroge à juste titre Dupré. Pour autant, les puristes pourront toujours remplacer cette expression par « prévoir ce qui arrivera ».

    Avenir / Futur
    (film de Robert Zemeckis)

     


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  • Étonnamment, l'étude des dictionnaires et des manuels de mathématiques ne permet pas de donner un sens précis et exclusif à ces trois termes, dont l'emploi reste donc délicat dans leur acception géométrique. Voici néanmoins quelques tendances qui semblent faire consensus.

    Surface (dérivé du latin superficies) désigne la partie extérieure d'un corps, d'un objet. Au figuré, surface désigne l'apparence que présentent les personnes ou les choses.

    La surface de la terre, des eaux, d'un meuble.

    Une surface plane, concave, convexe.

    Rester à la surface (ou à la superficie) des choses. Traiter un problème en surface (= de façon superficielle).

    • On se sert de superficie et d'aire dans le but d'évaluer, de mesurer.

    Superficie (du latin superficies, composé de super, en-dessus, et de facies, forme extérieure) désigne la surface d'un corps (concret et délimité), spécialement d'un terrain, considéré dans son étendue. La mesure ainsi effectuée s'exprime en mètres carrés (m²) ou dans l'un des ses multiples ou sous-multiples, comme les ares (a) ou les hectares (ha). Au figuré, superficie (qui a donné l'adjectif superficiel) revêt le même sens que surface pour désigner l'apparence que présentent les personnes ou les choses.

    La superficie de la terre, d'un champ.

    S'en tenir à la superficie d'une chose.

    Aire (emprunté du latin area, surface, emplacement) désigne, en géométrie, la mesure de la superficie d'une figure (abstraite). De façon plus large, aire se dit de toute surface plane nettement délimitée.

    L'aire d'un carré, d'un pont, d'une maison, d'atterrissage, de parking.

     

    Aire / Superficie / Surface
    (Éditions Hachette Pratique)

    Ne vaudrait-il pas mieux parler de petite superficie ?

     


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  • « Les mots courbatu et courbaturé sont corrects mais, bien que l'on emploie souvent l'un pour l'autre, ils ne sont pas tout à fait synonymes. » Ainsi l'Académie, sous la pression de l'usage, a-t-elle fini par reconnaître de guerre lasse le controversé courbaturé, après l'avoir superbement ignoré pendant plus d'un siècle.

    L'histoire commence au XIVe siècle. À cette époque, seul existe l'adjectif courbatu. Composé de court pris adverbialement et de battu (d'après l'étymologie donnée par Littré et reprise par l'Académie), il signifie proprement « battu à bras raccourcis » ou « bien battu » et se disait d'un cheval dont la respiration et les mouvements sont entravés. La langue littéraire lui a ensuite donné le sens de « qui éprouve une grande lassitude du corps et surtout des jambes ».

    Après cette longue marche, je me sens tout courbatu.

    Ce n'est qu'au XVIe siècle que le dérivé courbature fit son apparition, pour désigner les raideurs musculaires que peuvent provoquer la fatigue ou la maladie. À son tour, courbature donna logiquement naissance vers 1830 au verbe transitif courbaturer (« provoquer des courbatures ») et au participe passé courbaturé... au grand dam des académiciens et de Littré pour qui « ces allongements de mots ne sont pas toujours une richesse dans la langue ».

    Je suis tout courbaturé à force d'être resté longtemps penché.

    Rester longtemps penché courbature le corps.

    Si les deux mots sont aujourd'hui considérés comme interchangeables en dépit de leur subtile nuance, le vieux courbatu reste de meilleure langue en ce qu'il respecte l'étymologie donnée par Littré (court-battre et non court-batturer, qui ne veut rien dire). Mais force est de constater qu'il cède le pas devant son jeune concurrent courbaturé, d'autant que certains linguistes (dont Albert Dauzat), contestant l'analyse de Littré, légitiment ce dernier en le rattachant au latin curvatura puis au gascon curbaduro (sens de « courbure »).

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    Remarque 1 : On notera que chacun de ces mots s'écrit traditionnellement avec un seul t (graphie classique), avec deux t (courbattu et courbatturé) selon les Rectifications orthographiques de 1990.

    Remarque 2 : Le piquant de l'affaire, c'est que courbatu, qui ne correspond à aucune forme verbale (l'ancien verbe courbattre, attesté par Littré, n'est plus d'usage depuis longtemps), ne peut être employé comme participe passé du verbe courbaturer. On dira donc : La balade à cheval m'a courbaturé (et non m'a courbatu).

     

    Courbatu / Courbaturé

     


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  • Malgré la tendance actuelle à confondre la chose et la théorie afférente, la façon de procéder et le mode opératoire, on se gardera de faire de technique et de technologie des synonymes.

    Rappelons que le suffixe -logie est emprunté du grec logôs, qui signifie « discours, traité ». Il s'applique notamment aux sciences et aux études méthodiques (biologie, stomatologie, philologie, sociologie).

    Technologie désigne donc la théorie générale des techniques ou l'ensemble des savoirs, des pratiques et des termes propres à un domaine technique en particulier... non la technique elle-même, c'est-à-dire l'ensemble des procédés liés à un art, un métier, une recherche ! On veillera donc à ne pas confondre (sous l'influence de l'anglo-américain ?) la technique, qui codifie les pratiques des métiers, avec la technologie qui est une « théorisation » des techniques.

    AstucePour simplifier, on retiendra que la technologie est l'étude critique, la description des techniques (= des procédés) ; la technologie est donc théorique quand la technique se veut pratique.

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    Remarque 1 : Plutôt que de parler d'un produit high tech, on ferait mieux de le qualifier de haute technicité, comme relevant d'une technique de pointe. Quant à l'expression abusive « nouvelles technologies », on la remplacera avantageusement par « (équipements) techniques modernes » ou, dans son acception informatique, par « techniques de l'information et de la communication » – l'emploi de technologie s'accommodant mal du pluriel, par définition.

    Remarque 2 : De même, le terme méthodologie (étude des méthodes de recherche et d'analyse propre à une science, à une discipline) est abusivement employé comme synonyme de méthode. Nul besoin à Descartes de se donner des airs faussement savants avec un Discours de la méthodologie !
    On peut encore évoquer le mot pathologie (tiré du grec pathos, affection, maladie), qui désigne la branche de la médecine traitant des causes et des symptômes des maladies dans leur ensemble, et qui est le plus souvent utilisé abusivement pour désigner, par métonymie, la maladie elle-même, ou ses manifestations.

    Technique / Technologie

    On relèvera l'effort louable des ingénieurs
    de l'ENSTA dans la signification de leur sigle : Ecole nationale supérieure de techniques avancées.

     


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  • Hôte est ce que l'on appelle un nom ambivalent : il possède deux significations non seulement différentes, mais tout à fait opposées ! En effet, il désigne à la fois la personne qui accueille et celle qui est accueillie. « Il en résulte assez bizarrement que tout invité est l'hôte de son hôte », ironise Jacques Capelovici dans son Guide du français correct.

    Afin d'éviter toute équivoque, mieux vaut réserver le mot hôte (ou hôtelier, pour l'activité économique) à la personne qui reçoit, qui donne l'hospitalité, et appeler invité (ou client) celui qui est reçu, qui reçoit l'hospitalité.

    Bienvenue chez moi ! Je suis votre hôte, vous êtes mes invités.

    Une chambre d'hôte (= chambre louée au voyageur par un particulier).

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    Remarque 1
    : On notera que l'ambiguïté n'existe qu'au masculin. En effet, quand il signifie « personne qui reçoit, qui accueille », hôte a pour féminin hôtesse (sens voisin de maîtresse de maison) : l'hôtesse d'une auberge, l'hôtesse de l'air (quant à l'expression hôtesse d'accueil, elle revêt tous les atours du pléonasme...). Quand il signifie « personne qui est reçue », hôte a la même forme au féminin qu'au masculin (dans cette acception, c'est donc un nom épicène, comme convive, « personne qui prend part avec d'autres à un repas ») : on dira une hôte ou, plus couramment, une invitée.

    Remarque 2 : Au pluriel, hôtes désigne les êtres qui vivent en un certain lieu : les hôtes des bois, des mers ; des hôtes indésirables (= des animaux nuisibles). Faut-il voir dans l'existence de cette acception pas toujours flatteuse la justification de la graphie – bien singulière – chambre d'hôte préconisée par l'Académie, là où ladite institution ne se prive pas d'écrire chambre d'amis ? Nous sommes tous invités à le supposer... encore que l'Académie précise, en réponse à ma requête, que « chambre d'hôte a été formé sur le modèle de table d'hôte, qui se rencontre dès le XIXe siècle » et où les gens, bien que nombreux, y venaient manger seuls.

    Remarque 3 : Hôte partage la même étymologie (du latin hospes) avec hôpital, hôtel mais également avec otage (prendre en ostage signifiait à l'origine « héberger ») !

    Remarque 4 : Dans la langue soutenue, amphitryon [i puis y, en raison du préfixe amphi- (« double, des deux côtés ») qui ne prend jamais d'y] désigne l'hôte qui reçoit à sa table, la personne chez qui l'on mange.

    Ce soir, notre amphitryon nous a régalés.

    Avouez que cette formulation fait son petit effet, en soirée ! Sauf que ce nom est en fait emprunté au personnage de la mythologie grecque, qui a inspiré à Plaute puis à Molière... la figure pathétique du mari trompé offrant un grand repas aux officiers de son armée (Zeus prit les traits du prince Thébain pour abuser sa femme Alcmène, qui donna naissance à Héraclès). Mieux vaut donc réserver ce terme au registre ironique. Au féminin, on dira hôtesse plutôt qu'amphitryonne (pour les mêmes relents de cocuage, toujours mal venus à table).

    Hôte / Invité

    « Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois »
    Le Corbeau et le Renard, de La Fontaine
    (illustration par Grandville, source wikipedia)

     


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