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Continu / Continuel
Les adjectifs continu et continuel « désignent l'un et l'autre une tenue suivie », selon la formule continuellement reproduite de Nicolas Beauzée (1769), mais le premier est utilisé sur le plan spatial et temporel quand le second est désormais réservé à la seule valeur temporelle. Comparez : une pluie continue ou continuelle, un bruit continu ou continuel, mais une ligne continue, une étendue de sable continue.
N'allez pas croire pour autant que les deux mots, quand ils seraient employés à propos d'une durée, soient strictement synonymes : ce qui est continu ne peut être ni divisé ni interrompu depuis son commencement jusqu'à sa fin, nous dit-on, alors que ce qui est continuel ne dure que parce qu'il revient toujours par intervalles et peut donc impliquer l'idée d'interruption. Ainsi, précise Étienne Bonnot de Condillac dans ses Œuvres philosophiques (fin du XVIIIe siècle), « une pluie continue ne cesse point ; une pluie continuelle revient depuis longtemps ». Même son (continu) de cloche chez Littré : « Un bruit continu est un bruit qui ne présente aucune interruption ; un bruit continuel est un bruit qui se répète à chaque instant », qui ne s'interrompt que pour reprendre aussitôt, comme par exemple celui du cliquet d'un moulin en mouvement. De même, une fièvre non intermittente sera qualifiée de continue.
Force est toutefois de constater que ces distinctions ne sont pas toujours respectées par les auteurs : « Des névralgies [...] frappaient à coups continus la tempe » (Huysmans), « On entendait du bas des falaises monter les coups de bélier continus des vagues » (Gracq) ; « Les portiques, qui sont continuels à Padoue et servent d'une grande commodité pour se promener en tout temps et à couvert » (Montaigne), « Le train accepte tous les détours que lui proposent les méandres d'un petit cours d'eau, et ces courbes continuelles l'obligent à une extrême lenteur » (Gide), « les détours continuels de la route » (Gracq). Carrément passées sous silence par Grevisse, Thomas, Girodet et Hanse, elles tendent à être gommées dans les dictionnaires usuels, comme le montrent les définitions de continuel : « 1. Qui dure de façon continue [!] 2. Qui se répète presque sans interruption, qui revient constamment » (Grand Larousse), « Qui dure sans interruption, qui se renouvelle constamment » (Petit Larousse illustré), « Qui dure sans interruption ou se répète à des intervalles rapprochés » (Robert illustré). Le Nouveau Dictionnaire Larousse des synonymes n'en fait pas mystère : « [Ces subtilités relèvent] de l'usage soutenu, les deux termes étant concurremment employés l'un pour l'autre. » Vous voilà au courant (continu).
Remarque 1 : Ces adjectifs sont tous deux empruntés du latin continuus (« continu »), de continere (« tenir ensemble »). Curieusement, le Dictionnaire historique de langue française indique que « continu (vers 1306 ; après contenu, fin du XIIIe siècle) est à l'origine de continuel (vers 1160) » ! Serions-nous en présence d'une discontinuité temporelle ?Remarque 2 : Les mêmes observations valent pour les adverbes continûment (« d'une manière continue ») − ou continument, en orthographe rectifiée − et continuellement (« d'une manière continuelle ») : « J'ai écrit continûment de dix heures à quatre heures, c'est-à-dire sans interruption ; c'est un pays où il pleut continuellement, c'est-à-dire presque toujours » (La Grammaire selon l'Académie, 1842).
Remarque 3 : On notera avec Littré que, si le nom continuité correspond à l'adjectif continu, il n'existe pas en français de nom correspondant à continuel. « Comme continualité manque, continuité le remplace ; et ce substantif confond la distinction qui existe entre continu et continuel », observe le lexicographe. Rien n'empêche pourtant de parler du caractère continuel de tel fait.
Remarque 4 : Voir également le billet Continuer à / de.
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