• On connaît la règle générale : le verbe ayant pour sujet le pronom relatif qui s'accorde en genre (pour le participe conjugué avec être), en nombre et en personne avec l'antécédent de qui, autrement dit avec le mot (ou le groupe de mots) qu'il représente. Reste à identifier correctement ce mot (souligné dans les exemples qui suivent), lequel n'est pas toujours celui qui précède immédiatement le pronom relatif :

    Ce n'est pas moi qui l'ai dit. C'est lui qui l'a fait. C'est elle qui est venue la première.
    C'est l'aîné de mes enfants qui joue du violon.
    Les lettres qui m'ont été envoyées.
    Voici mon père et ma mère, qui accourent. Voici mon père et ma mère qui accourt.
    Une servante entra qui vint chercher l'enfant
    (Alfred de Musset).

    Les choses se compliquent quand le pronom relatif est précédé d'un nom (ou d'un adjectif employé substantivement ou d'un pronom) qui est lui-même attribut du pronom sujet de la proposition principale. Dans ce cas, quel est l'antécédent de qui ? Force est de constater que les grammairiens ont toutes les peines du monde à répondre d'une seule voix... À en croire les Le Bidois, « la tendance la plus naturelle semble bien être de le voir dans [le pronom sujet] » (Syntaxe du français moderne, 1935). Il n'est pourtant pas rare, de nos jours, que l'accord avec l'attribut − qui est « toujours possible » selon Hanse − soit nettement préféré, voire exigé dans quelque ouvrage didactique :

    « L'accord du verbe de la relative se fait plutôt avec l'antécédent direct qu'avec le pronom sujet du verbe de la phrase principale » (Jean Dubois, Le Nombre en français, 2006).

    « L'accord du verbe de la relative avec le pronom [sujet] ne me semble guère régulier » (Jean-Paul Jauneau, N'écris pas comme tu chattes, 2011).

    « On entend parfois l'accord avec le pronom personnel, plutôt qu'avec [l'attribut] antécédent. Il s'agit soit d'un archaïsme chez certains auteurs, soit beaucoup plus souvent du phénomène de l'hypercorrection : nous sommes ceux (des gens, des personnes) qui croyons que... » (Claude Kannas, Bescherelle L'Orthographe pour tous, 2013).

    « Lorsque qui est précédé d'un attribut se rapportant lui-même à un pronom personnel de la 1re ou 2e personne on doit faire l'accord avec cet attribut » (Michel Pougeoise, Dictionnaire didactique de la langue française, 2016).

    Girodet, de son côté, distingue d'emblée plusieurs cas. Selon lui, l'accord du verbe de la relative se fait avec l'attribut et non avec le pronom sujet quand :

    - la proposition principale est à la forme négative ou interrogative :

    Je ne suis pas quelqu'un qui se laisse faire.
    Sommes-nous des gens qui se dérobent devant leurs responsabilités ?

    - la principale est à la forme affirmative et l'attribut est un nom précédé de l'article défini ou de l'adjectif démonstratif :

    Vous êtes la personne qui a besoin d'aide.
    Je suis cet homme qui peut vous sauver.

    - la principale est à la forme affirmative et l'attribut est un pronom démonstratif :

    Tu es celui qui a le plus de talent.
    Nous sommes ceux qui peuvent gagner.

    Ces distinctions, d'autres spécialistes en font état, mais dans des formulations souvent plus prudentes :

    « C'est cet attribut qui commande l'accord du verbe de la relative : 1° généralement quand il est précédé de l'article défini ; 2° quand il inclut l'idée démonstrative ; 3° quand la principale est négative ou interrogative » (Grevisse, Le Bon Usage, 1980).

    « Quand le verbe de la principale n'est ni négatif ni interrogatif, l'accord se fait le plus souvent avec l'attribut, si celui-ci est un pronom démonstratif ou un nom précédé de l'article défini (sauf avec un numéral cardinal) ou du démonstratif » (Goosse, Le Bon Usage, 1986).

    « L'accord se fait avec le sujet, mais il peut se faire aussi avec l'attribut, particulièrement quand celui-ci est déterminé par un article défini, un adjectif démonstratif ou lorsque la principale est négative ou interrogative » (TLFi).

    « Après celui qui, le verbe s'accorde le plus souvent avec le pronom démonstratif celui, même si ce dernier joue le rôle d'attribut du sujet » (Clés de la rédaction).

    C'est surtout quand Girodet laisse entendre, en creux, que l'accord avec le pronom sujet s'impose dans tous les autres cas que l'on prend la mesure des divergences avec la concurrence. Jugez-en plutôt :

    « Il y a indécision : 1° lorsque l'attribut est précédé de l'article indéfini ; 2° lorsque l'attribut est ou contient le seul, le premier, le dernier, l'unique, etc. ; 3° lorsque l'attribut est un numéral cardinal (non précédé d'un démonstratif) ou une expression numérale (beaucoup, plusieurs, quelques-uns, une dizaine, une bande, etc.) ; 4° lorsque l'attribut est un nom propre sans déterminatif » (Grevisse, 1980).

    « L'accord avec le pronom personnel [sujet] est habituel si l'attribut est formé d'un nombre sans article défini ni démonstratif (attention à cette double condition) ou d'une expression numérale comme beaucoup, plusieurs, quelques-uns, une dizaine, un groupe, un certain nombre :
    Nous sommes quatre camarades qui avons décidé de partir ensemble.
    Nous sommes des milliers (ou beaucoup ou tout un groupe) qui pensons de même » (Hanse, 1983).

    « Dans les autres cas, l'accord se fait soit avec l'attribut, soit avec le groupe nominal auquel se rapporte l'attribut :
    Nous sommes deux étudiantes qui cherchent (ou qui cherchons) une colocation.
    Tu es le seul qui m'a aidé
    (ou qui m'as aidé) » (Robert en ligne).

    Qui pis est, certains spécialistes en viennent à se contredire eux-mêmes. Ainsi de Goosse qui, se penchant sur le cas où l'attribut est un numéral ou un pronom indéfini évoquant la pluralité, précise, dans Le Bon Usage (1986), que l'usage est indécis, mais affirme, dans sa Nouvelle Grammaire française (1995), que c'est le pronom sujet qui règle l'accord (« Vous êtes deux, beaucoup, plusieurs, qui briguez cet emploi »). Comprenne qui pourra ! Hanse ne s'y est pas trompé, qui écrit dans son Dictionnaire des difficultés grammaticales et lexicales (1949) : « Les grammairiens font des distinctions subtiles et qui ne concordent pas toujours. Certains proposent de considérer comme antécédent effectif [de qui] l'élément auquel l'esprit attache le plus d'importance. Mais cela n'est pas toujours facile à discerner. » Tâchons au moins d'essayer !

    Et commençons par nous intéresser aux constructions du type ce + être + pronom personnel. Là où nous disons : c'est moi, c'est toi..., l'ancienne langue disait, en faisant varier le verbe être : ce sui(s) je [= je, personne physique, suis ce (qui vient d'être nommé, évoqué)], ce es tu, etc. Ce y était donc traité comme attribut, et le pronom personnel (je, tu...), comme sujet. Ces constructions pouvaient être suivies d'une relative en qui, dont le verbe s'accordait également − « par attraction », selon Lucien Foulet (Comment on est passé de « ce suis je » à « c'est moi », 1920) − avec le pronom sujet :

    « Ço sui jo ki respundrai verited » (Li Quatre Livre des Reis, vers 1170), « Fustes vos ce qui si me navrastes ? » (La Mort le roi Artu, vers 1230), « Car ce sui ge ki vous navrai » (Jehan et Blonde, vers 1240), « Ce estes vous qui [...] laissastes le beau chevalier » (La Suite du Roman de Merlin, XIIIe siècle), « Ce sommes nous vo amit [...] qui volons passer parmi ceste ville » (Froissart, avant 1410), « Ce ne suis je pas qui suis roy » (Jean Chartier, vers 1450), « Ce suis je qui me meurs » (Les Cent Nouvelles Nouvelles, vers 1460), « Ce ne suis je pas qui le fais » (Le Mistere de la Passion, édition de 1498).

    Le pronom personnel commandait donc l'accord verbal dans les deux propositions, comme c'était déjà le cas en latin : « Tu es is qui me tuis sententiis saepissime ornasti [tu es celui qui (= c'est toi qui) m'as si souvent honoré de tes suffrages, de ton appui] » (Cicéron), « Ego sum is qui dicam [...] » (Id.). Mais quand les formes modernes c'est moi, c'est toi... commencèrent à se répandre (après réinterprétation de ce comme sujet et emploi du pronom tonique comme attribut), il y eut une hésitation sur l'accord du verbe de la relative. Les uns le laissèrent inchangé :

    « C'est vous [...] Qui ne me parlez que de noayses ! » (La Farce de maistre Pathelin, vers 1470), « C'estoit moy qui [...] avois remply » (Étienne Dolet, 1544), « C'est moy qui ay banni de son ame la honte » (Étienne Jodelle, vers 1555), « C'est moy qui conduis et mesure toute chose » (Bernard Palissy, 1563), « Est-ce vous qui estes autheur de ce livre ? » (Jean Crespin, 1564), « N'est-ce pas nous qui les avons nourris ? » (François de Belleforest, 1572), « C'est moy le premier qui ay osté [...] » (Id., 1572), « C'est toy qui traites la justice » (Rémy Belleau, avant 1577), « Ce n'est pas vous qui devez demander cela » (Henri Estienne, 1578).

    Les autres se crurent fondés à considérer qui comme étant de la troisième personne (parce que la transformation des anciens sujets en attributs revenait à « assimiler les pronoms à des substantifs », selon Foulet ; parce que la tentation était grande « d'uniformiser les désinences verbales », selon les Le Bidois ; parce que « la relative a été, à l'origine, employée absolument », selon Grevisse ; parce que la forme du relatif qui « est tout à fait voisine de i(l) », selon Ferdinand Brunot) :

    « C'est moy qui a faict l'election » (Pierre Viret, 1547), « Ce n'est moy qui veut or Vivre autant que fist Nestor » (Ronsard, 1555), « Ce n'est pas moy qui faict que tant vous aime » (Mellin de Saint-Gelais, avant 1558), « Est-ce vous, qui a frappé à la porte ? » (Les Sis Comedies de Terence, 1566), « C'est vous qui a fait la faute » (Belleforest, 1571), « Ce n'est pas moy qui a fait cecy » (Id., 1576), « Ce fut moy qui en eut la principale cure » (Robert Garnier, 1580), « C'est toy seul qui peut rompre et briser mes fers » (Pierre Tamisier, 1588).

    On trouve encore trace de cette indécision chez les auteurs classiques : « C'est moy qui luy dira », « C'est moy qui serois pris » (Paul Scarron, L'Héritier ridicule, 1650) ; « Que me diriez-vous, Monsieur, si c'estoit moi Qui vous eust procuré cette heureuse fortune ? », « C'est moy [...] qui vous ay produit ce favorable effet » (Molière, Le Dépit amoureux, édition de 1663) ; « C'est vous qui m'ordonnez de me justifier » (Racine, Britannicus, 1670), « C'est toy qui [...] M'a vingt fois en un jour à moy-même opposée » (Id., Athalie, 1691 ; a sera corrigé en as dans les éditions suivantes) ; « C'est vous qui parle » (La Fontaine, Le Magnifique, 1674), « C'est toy qui seras nostre gendre » (Id., La Souris métamorphosée en fille, 1678). Vaugelas et l'Académie y mettront fin, en consacrant la règle moderne (1).

    Mais venons-en à la construction qui nous occupe : pronom personnel sujet + être + attribut + qui. Jusqu'au XVIe siècle, nous assurent les auteurs de la Grande Grammaire historique du français (2020), l'accord se fait le plus souvent avec le pronom sujet, conformément à l'usage latin : « Solus sum qui vera Corinthia habeam [je suis le seul qui possède des bronzes de Corinthe authentiques] » (Pétrone), « Ego sum panis vivus, qui de cælo descendi [je suis le pain vivant qui suis descendu du ciel] » (Vulgate). Il faut attendre le XVIIe siècle, toujours selon eux, pour que la tendance s'inverse au profit de l'attribut, « même si l'usage reste hésitant, encore en français moderne ». Revue de détail.

    I. Quand la principale est interrogative ou négative, il n'y a plus lieu d'hésiter à en croire les spécialistes : c'est en toute logique l'attribut qui commande l'accord, puisque l'identité avec le sujet est précisément mise en doute ou niée.

    « Vous n'estes le premier qui ait conceu ceste heresie » (Rabelais, 1546), « Si la negacion y entrevient, allors le relatif suyvra la persone denyée : come si je dy, je ne suys pas toe, qi as fet cela ; je ne suys pas l'home, qi a tué cet aotre » (Louis Meigret, Le Tretté de la Grammere françoeze, 1550), « Êtes-vous encore ce même grand seigneur qui venoit souper chez un misérable poëte ? » (Boileau, 1676), « Êtes-vous Samson qui fit écrouler les voûtes du temple ? Je ne suis pas Samson qui fit écrouler... » (Girault-Duvivier, Grammaire des grammaires, 1819), « Suis-je le premier qui ait renoncé à l'ambition ? » (Balzac, 1838), « Vous n'êtes pas le premier qui me fasse le cour » (Maupassant, 1887), « Vous n'êtes pas le seul qui se soit cru poète à son heure » (Proust, 1918), « Nous ne sommes pas des femmes qui ont peur de regarder en face la réalité » (Romain Rolland, 1919), « Je ne suis pas quelqu'un qui attend pendant une heure et demie » (Montherlant, 1934), « Je ne suis pas celui qui a dénoncé le scandale. Ce serait un non-sens [d'écrire ai], puisqu'on refuse d'identifier je et celui qui » (Hanse, 1949), « Nous ne sommes pas des anges qui regardent l'univers de l'extérieur » (Jean d'Ormesson, 2010), « Vous n'êtes pas homme qui a peur de prendre des décisions (et non qui avez peur) » (Arnold Grémy, Les 100 fautes de français les plus courantes, 2020).

    À y regarder de plus près, les exemples contraires, bien attestés autrefois, ne sont pas si rares en français moderne :

    « Je ne suis pas celuy qui veux Paris reprendre » (Ronsard, 1567), « Je ne suis pas le seul qui l'ay remarqué » (Vaugelas, 1647), « Nous ne sommes les seuls [...] qui taschons à nous prevaloir de la foiblesse humaine » (Molière, 1665), « Nous ne sommes pas des personnes qui nous retirions pour nous perdre » (Denis Amelote, 1666), « Suis-je donc le seul qui m'en apperçois ? » (Jean Le Noir, 1674), « Vous n'estes pas homme qui ignoriez ce que vous estes » (Charles Perrault, 1690), « Je ne suis pas le seul qui me sois trouvé dans ce cas » (Bernardin de Saint-Pierre, 1789), « Vous n'êtes pas les seuls qui ayez rompu l'os et les veines du lion » (Charles Nodier, 1832), « N'êtes-vous pas l'homme qui comprenez tous les rêves de l'esprit ? » (Hugo, 1842 ; « mais une interrogation négative est fort proche de l'affirmation », concède Goosse), « Nous ne sommes pas les seuls qui nous soyons si fort avancés » (Alexandre Dumas, 1849), « Nous ne sommes pas des étrangers qui venons nous mêler de ce qui ne nous regarde pas » (Tocqueville, 1849), « Vous n'êtes pas le premier qui me le dites » (Eugène Labiche, 1851), « Vous n'êtes pas la première personne qui me parliez de la sorte » (Pierre Zaccone, 1882), « Je ne suis plus l'inconsciente jeune fille qui m'en suis rapportée à [toi] » (Paul Hervieu, 1896), « Vous n'êtes pas le premier qui auriez consenti à de semblables alliances » (Octave Mirbeau, 1903), « Vous n'êtes pas les seuls qui devriez vous trouver ici ce soir » (Henry Bataille, 1913), « Nous ne sommes pas gens qui craignons d'être balayés demain » (Jacques Laurent, 1950), « Nous ne sommes pas des hommes qui préparons des hommes pour [...] » (André Robinet, 1968).

    Un mot ici sur les constructions du type c'est moi qui. S'il est désormais acquis qu'elles échappent à la présente règle (2), l'hésitation persiste quand un attribut s'interpose entre le pronom personnel et le pronom relatif :

    « N'est-ce pas toi qui nous raportes La pais ? » (Ronsard, 1553), « Est-ce vous qui obstinez votre père ? » (Sand, 1840), « Ce n'est pas moi qui vous ferai de la morale » (Zola, 1883), « Est-ce toi, le neveu ataxique, ou toi, le neveu mystique, ou toi encore, la nièce idiote, qui m'apportez la vérité ? » (Id., 1893 ; il s'agit ici d'appositions), « Ce n'est pas vous qui êtes entré tout brûlant dans mon lit » (Jean Giraudoux, 1929), « Est-ce toi qui en décides ? » (Colette, 1929), « Ce n'est pas moi qui t'empêcherai » (Marcel Aymé, 1933), « Ce n'était pas moi qui roulais vers la ville » (Dany Laferrière, 2015).

    « Était-ce vous, les vers qui lui rongeaient la tête ? » (Jules Romains, 1910), « Est-ce toi le patriote qui vidais nos poches ? » (Marie-Thérèse Gil-Baer, 1920), « Est-ce toi le responsable qui doit commander ? » (Ernest Pérochon, 1927), « Ce n'est pas moi le premier qui ai pensé, qui ai souhaité ce mariage » (Edmond Sée, 1930), « C'est bien vous le jeune homme qui êtes venu me voir ? » (Raymond Queneau, 1942), « Ce n'est pas moi le premier qui ferai l'aimable à ce propos » (Paul Léautaud, avant 1956), « Était-ce toi, le personnage qui dans mes rêves ensuite se profilait ? » (Christian Guillet, 1998).

    II. Quand la principale est affirmative, le sujet et l'attribut sont présentés comme identiques. Le verbe de la relative introduite par qui peut donc s'accorder avec l'un comme avec l'autre. En pratique, observent les auteurs d'Éléments de grammaire française (1890), l'accord se fait avec le mot qui, dans cette équation, « attire surtout l'attention ; ce mot est le sujet, à moins que l'attention ne soit appelée sur l'attribut [par une détermination définie ou démonstrative (le, ce, celui)] ».
    Confrontons ce principe à l'usage des écrivains.

    A. L'attribut est sans déterminant.

    « Jou sui Bertrans, qui molt me voel pener » (Aliscans, fin du XIIe siècle), « Vous estes bone mestresse, Qui avez apris le mestier » (La Chestelaine de Vergi, milieu du XIIIe siècle), « Je sui Robert de Normandie, Qui touz les maux du monde ai fait » (Miracle de Robert le dyable, manuscrit du XIVe siècle), « Nous sommes dames qui allons ou il nous plaist » (Ysaÿe le Triste, début du XVe siècle), « Je suis errant vagabond estranger Qui vais cherchant en tous lieux le danger » (Ronsard, 1571), « Je suis Néron qui n'ay, là sus, manqué D'exercer cruauté » (Benoist Voron, 1586), « [On dit :] Je suis homme qui ay bien veu des choses, plutost que, qui a bien veu des choses » (Grammaire de Port-Royal, 1660), « [Je suis] chevalier errant, qui rends graces au dieux » (La Fontaine, 1665), « Nous sommes gens qui n'avons pas Toute[s] nos ayses icy bas » (Id., 1668), « Je suis homme qui sçais ma cour » (Molière, Les Amants magnifiques, édition posthume de 1682), « Je suis Neptune qui ay le pouvoir d'esbransler la terre » (Anne Dacier, 1716), « Vous êtes femme qui ne souffrez pas qu'on vous refuse » (Victor Cherbuliez, 1860), « Nous sommes gens qui parlons la même langue » (Paul Reboux, 1939), « Je suis Orphée qui suis les pas d'Eurydice » (Jean Mambrino, 1979).

    Dans les exemples à la première personne, notent les Le Bidois, « l'attention du sujet parlant est toute concentrée sur lui-même ». Plus généralement, il y a entre le pronom sujet et son attribut une identité complète, qui plaide en faveur de l'accord avec le premier (3). Le sens est : « Moi, Néron, je n'ai pas manqué de... » ; « Moi, chevalier errant, je rends grâces... » ; etc. Jean-François Marmontel confirme : « On dit : Je suis homme qui connois mon monde, [car homme n'est dans ce cas] qu'une qualité du sujet » (Leçons d'un père à ses enfans sur la langue française, édition posthume de 1806). Philippe Martinon se montre plus prudent en laissant le choix de l'accord − du moins quand l'attribut est un nom propre : « Je suis Pierre, qui vous a ou qui vous ai tant soigné » (Comment on parle en français, 1927).

    Exemples contraires :

    « Jo sui Rollanz, ki tant vus soelt amer » (La Chanson de Roland, vers 1080), « Se ge fusse om qui aidier li poïst » (Le Couronnement de Louis, vers 1135), « Je sui Guillaumes, [qui] ala son duel venger » (Aliscans, fin du XIIe siècle), « Je suis [...] Thoinet qui [...] t'appela sa maitresse » (Ronsard, 1556), « Je suis homme qui sait maintenir tout ce que je dis pour vray » (Agrippa d'Aubigné, vers 1600), « Je suis Diomede roy d'Etolie, qui blessa Venus » (Fénelon, 1699 ; on trouve blessai dans des éditions ultérieures), « Je suis homme qui veut faire sa fortune » (Alphonse Karr, 1861), « Je suis Napoléon qui aurait été estropié par une balle à sa première bataille » (Émile Faguet, 1897), « Tu es Osiris qui régit l'éternité » (Béatrix Midant-Reynes, 1990).

     

    B. L'attribut est précédé de l'article défini.

    « Vos iestes la meillor gens qui soient sanz corone » (Villehardouin, avant 1212), « Vous seulle estes la sente Qui de mon bien est l'atente » (Christine de Pizan, 1406), « Je suis [...] Le plus bel ange entierement Qui soit en tout ce paradis » (Le Mistere du viel testament, édition de 1507), « Vous estes le sainct temple Qui doibt monstrer à chascun bon exemple » (Clément Marot, vers 1540), « Vous estes la trompette qui nous doit faire entendre ce que nous devons faire » (Blaise de Monluc, avant 1577), « Je suy le langage commun, qui faict difference entre les choses utiles et les honnestes » (Montaigne, 1588), « Vous estes le prestre fidelle Qui l'homme a reconcilié » (François Malaval, 1671), « Je suis l'homme qui accoucha d'un œuf » (Voltaire, 1768), « Nous sommes les hommes qui chassent dans cette forêt » (François-Urbain Domergue, 1810), « Tu es la femme qui m'a servi de rempart contre toutes les autres femmes » (Hugo, 1822), « Je suis le colonel Chabert qui a enfoncé le grand carré des Russes à Eylau » (Balzac, 1832), « Je suis l'homme qui a envoyé la bourse à ta jeune sœur » (Alexandre Dumas, 1845), « Je suis la dame qui vous a donné une lettre » (Ponson du Terrail, 1870), « Tu es le monsieur qui faisait les bêtes » (frères Goncourt, 1876), « Je suis le chimiste qui [...] sait avec quelles bases [l'acide] se combine » (Anatole France, 1894), « Vous êtes le rayon de soleil qui éclaire ma vieille ombre » (Gyp, 1895), « Je suis le monsieur qui ne fera jamais rien » (Paul Valéry, 1899), « Je suis le jour qui va naître » (Rolland, 1912), « Je suis le chef qui a le plus de galons à bord » (Paul Vialar, 1948), « Je suis la fumée qui m'envahit » (Patrick Rambaud, 1970), « Nous sommes les femmes qui ont toujours porté la vie » (Malraux, 1973), « Vous êtes l'écrivain qui manquait au monde » (Roger Peyrefitte, 1978), « Je suis l'ami qui sait » (Amin Maalouf, 1993).

    Dans ces phrases, l'attribut, quoique identique au pronom sujet, se détache de celui-ci « pour former en quelque sorte un second être » (Joseph Dessiaux, Examen critique de la Grammaire des grammaires de M. Girault-Duvivier, 1832) dont la relative achève la détermination. Le sens est en effet : « L'homme qui accoucha d'un œuf, c'est moi » ; etc.
    L'accord avec le pronom sujet − qualifié d'« exceptionnel » par Togeby − n'est toutefois pas exclu : « Nous sommes les Sciapodes paresseux, qui [...] vivons à l'abri de nos pieds larges » (La Tentation de saint Antoine, 1849). Flaubert aurait pu écrire : Nous sommes les Sciapodes paresseux qui vivent..., mais la virgule montre bien qu'il a choisi de ne pas lier aussi étroitement le pronom relatif qui à l'attribut, afin de donner à sa phrase le sens de : « Nous sommes les Sciapodes paresseux et nous vivons... » ou de : « Nous qui vivons... sommes les Sciapodes paresseux ». (4)


    C. L'attribut est ou contient le seul, le premier, le dernier, l'unique, le même, etc.

    Pour être conséquent avec le cas qui précède, il convient d'écrire :

    « Je suis le dernier sang [...] qui doit estre répandu » (Racine, 1664), « Elle et moi sommes les deux seuls estres qui parlent » (Germain François Poullain de Saint-Foix, 1740), « Vous êtes, en vérité, les seuls liens qui m'attachent à la France » (Voltaire, 1741), « Vous êtes l'unique bien qui lui reste » (Rousseau, 1761), « Vous êtes les seuls représentans de la nation qui soient connus de Sa Majesté » (Mirabeau, 1789), « J'étois la seule femme qui lui eût paru digne de son élève » (Germaine de Staël, 1802), « Je suis, je crois, le premier auteur qui ait osé [...] » (Chateaubriand, 1809), « Vous êtes la première personne qui m'ait adressé cette question » (Balzac, 1833), « Vous êtes le seul être humain qui me fasse aimer Dieu » (Musset, 1836), « Je suis le premier homme qui ait pénétré dans cette vallée » (Hugo, 1842), « Tu es le seul ami qui me reste » (Alexandre Dumas, 1846), « Vous êtes le premier voleur qui se soit trouvé dans notre famille » (Émile Gaboriau, 1867), « Nous sommes les seuls Français qui aient voyagé » (Claude Farrère, 1910), « Vous êtes le même homme qui se réjouirait de le tromper » (Hervieu, 1913), « Je suis le premier homme qui ait vu cet ouvrage extraordinaire » (Paul Valéry, 1920), « Tu es la seule femme qui sache renouveler le plaisir » (Léon Daudet, 1921), « Vous êtes le premier "priseur" du monde qui ait abattu son marteau sur une enchère de plus de cent millions » (Maurice Druon, 1977),

    car le sens est : « Le premier auteur qui ait osé..., c'est moi » (et non : « Je suis le premier auteur et j'ai osé... ») ; etc. (5)
    Partant, le pédagogue belge François Collard considère qu'« il faut dire aussi, en sous-entendant le substantif attribut : Je suis le premier qui ait osé..., la pensée restant la même » (Cours de grammaire, 1867). L'Académie approuve : « Vous êtes le seul qui l'ait fait », lit-on dans son Dictionnaire depuis 1835. Les écrivains, eux, sont nettement plus partagés :

    « Vous estes li premiers qui onques i fust » (Le Roman en prose de Lancelot, vers 1218), « Jou serai li premiers qui adont montera » (Le Livre d'Éracles, fin du XIIIe siècle), « Je seray li premiers qui les assarait » (Jean d'Outremeuse, avant 1399), « Vous estes le premier qui l'a fait » (Froissart, avant 1410), « Je fus le premier qui descendit à bas » (Pierre de Larivey, 1577), « Vous estes le premier qui m'a aymee » (Honoré d'Urfé, 1612), « Je suis le seul qui t'a déplu » (Fénelon, 1699), « Tu étois le seul qui pût me dédommager » (Montesquieu, 1721), « Je suis le même qui voit et qui souffre » (Joseph-Adrien Lelarge de Lignac, 1753), « Tu es le seul qui puisse même lui supposer du goût pour moi » (Rousseau, 1761), « Vous êtes aussi le premier qui ait commandé son souper » (Voltaire, 1776), « Nous sommes les seuls qui aient écrit » (Jean-François de La Harpe, avant 1801), « Tu es la première qui m'ait fait entendre une aussi douce parole ! » (Alexandre Dumas, 1838), « Tu es le dernier qui me causerait de l'inquiétude » (Henry Murger, 1852), « Tu es la seule qui me plaise » (Flaubert, 1857), « Je suis le premier qui en ait réuni et rapproché les matériaux » (Littré, 1863), « Tu es même la seule qui puisse parler à son cœur » (Zola, Vérité, édition posthume de 1903), « J'étais le seul qui eût là-dessus une expérience personnelle » (Romains, 1939), « Vous êtes la seule, maître, qui soit contente de son sort » (Jean Dutourd, 1965), « Vous êtes [...] le seul qui ait préféré [...] » (Marcel Achard, 1966), « Tu es le dernier qui devrait s'étonner » (Jean-Noël Schifano, 1990), « Vous êtes la première qui n'ajoute pas que c'est écœurant » (Amélie Nothomb, 2012).

    « Tu es li ters [= le troisième] qui Rome auras » (Le Roman de Brut, vers 1155), « Vous serés li septimes qui mes briés porterés » (Fierabras, vers 1170), « Je suis touz li premiers qui contre mes anemis isterai » (Chroniques de Normandie, XIIIe siècle), « Je fu le premier qui vous confortay » (Pierre de Beauvau, XVe siècle), « Je suis le premier qui ceste voye ay trouve » (Therence en françois, 1503), « Je serai Le premier qui passerai Mes compaignons de vitesse » (Ronsard, 1553), « Tu estois le premier qui t'offrois [...] à solliciter leurs affaires » (Simon Goulart, 1577), « Toutes vos compagnes sont servies, et vous estes la seule qui ne l'estes point » (Honoré d'Urfé, 1607), « Vous estes le premier qui me l'avez mis à si haut prix » (Guez de Balzac, 1637), « Je suis le mesme qui sens [les choses] » (Louis-Charles d'Albert de Luynes, 1647), « Je serai le seul qui ne pourrai rien dire » (Boileau, 1668), « Je suis le seul qui vous connois » (Fénelon, 1699), « Nous étions les mêmes qui avions combattu » (Id., 1699), « Vous êtes le seul qui puissiez [...] » (Rousseau, 1763), « Vous êtes le premier qui m'ayez instruit de [...] » (Voltaire, 1767), « Vous êtes le premier qui ayez eu le courage de [...] » (Buffon, 1775), « Nous sommes les seuls qui imitions les Anglais » (Rivarol, 1797), « Vous êtes la seule qui m'ayez témoigné de l'intérêt » (Sue, 1831), « Vous êtes le seul [...] qui ayez convenablement écouté la pièce » (Hugo, 1832), « Je suis le premier [...] qui me sois préoccupé du Genre Portier » (Balzac, 1846), « Je suis le premier qui ai fait descendre la poésie du Parnasse » (Lamartine, 1849), « Je suis le seul qui aurai manqué à son triomphe » (Alexandre Dumas, 1851), « Nous sommes les seuls qui embrassions [...] l'ensemble des connaissances abstraites » (Littré, 1859), « Vous êtes le dernier qui devriez leur souhaiter du mal » (Zola, 1882), « Je fus le premier qui le revis fraîchement décoré » (Verlaine, 1891), « Vous êtes le premier qui me tranquillisiez vraiment » (Mirbeau, 1908), « Vous êtes le seul qui vous plaigniez » (Montherlant, 1922), « Vous êtes le seul qui puissiez me rendre ce service » (Romains, 1938), « Vous êtes la seule de la maison qui ne rêviez pas » (François Mauriac, 1938), « J'étais le seul [...] qui pourrais tirer l'affaire de ce pétrin » (Vercors, 1981, cité par Goosse), « Tu es le dernier qui auras vu ses hommes » (Henri Queffélec, 1984), « Nous sommes les deux seuls qui les comprenions » (Claude Mauriac, 1992).

    Deux analyses s'opposent ici : d'aucuns, considérant qu'il y a ellipse d'un substantif (homme, femme...), préfèrent mettre le verbe à la troisième personne ; d'autres (parfois les mêmes...) l'accordent au contraire avec le pronom sujet, car celui-ci « semble naturellement avoir plus d'importance que la locution le seul [le premier...], qui est incomplète » (Pierre Larousse, 1875). Pour Louis-Nicolas Bescherelle, « la vérité est que ces mots le seul, le premier... sont tellement identifiés avec le pronom personnel qui précède que le verbe peut également en prendre le nombre et la personne. On peut donc dire à peu près indistinctement : vous êtes le premier qui arrive ou vous êtes le premier qui arriviez » (Abrégé de la Grammaire nationale, 1840).
    S'il fallait trouver une nuance entre les deux accords, on pourrait avancer, à la suite de Victor-Augustin Vanier (Dictionnaire grammatical, 1836), que celui à la troisième personne marque le cheminement de la pensée qui envisage plusieurs individus avant de s'arrêter sur un (« Parmi tous les individus attendus, le premier qui arrive, c'est vous »), tandis que celui avec le pronom sujet indique que le locuteur, au moment où il s'exprime, n'a qu'un individu en vue à l'exclusion de tout autre (« Vous arrivez, et il se trouve que vous êtes le premier »). De là la distinction que Martinon établit selon le mode du verbe de la relative :

    « C'est logiquement l'attribut qui est l'antécédent : vous êtes le premier qui l'ait dit, le seul qui s'en souvienne, c'est-à-dire le premier qui l'ait dit, le seul qui s'en souvienne c'est vous. Pourtant on dit souvent vous êtes le premier qui l'ayez dit, ou je suis le seul qui m'en souvienne. Il est certain qu'il peut y avoir dans la pensée des raisons pour considérer le pronom comme l'antécédent véritable ; mais il est aisé de voir qu'en ce cas la pensée s'exprime assez mal avec le subjonctif, tandis qu'elle peut s'exprimer très nettement par l'emploi de l'indicatif : je suis le seul qui ne peut rien dire et mieux qui ne puis rien dire. Il serait donc naturel en général de mettre le verbe à la première ou à la deuxième personne quand il est à l'indicatif, et à la troisième personne quand il est au subjonctif. »

     

    D. L'attribut est de sens démonstratif.

    Qu'il soit pronom démonstratif ou substantif précédé de l'adjectif démonstratif, l'attribut se détache nettement du sujet pour faire corps avec la proposition relative. Mis au premier plan, il commande l'accord :

    « Je suis ce tien grand ennemi, qui ait fait choses abominables » (Belleforest, avant 1583), « Vous estes ce grand Sauveur qui nous est promis » (Bossuet, 1653), « Je suis cette femme qui pria le Seigneur » (Pierre Floriot, 1672), « Vous estes toujours ce modeste Virgile qui eut tant de peine à [...] » (Fénelon, 1712), « Tu es cette voix qui parle et qui prie » (Flaubert, 1839), « Je suis cet homme qui vous avait indiqué la retraite de Petit-Pierre » (Alexandre Dumas, 1858), « Vous êtes ce paresseux qui a si souvent mérité mes reproches » (Pierre Larousse, 1875), « Nous sommes ces soldats qui grognaient par le monde » (Charles Péguy, 1913), « Je suis ce Monsieur qui s'assied à table » (Marguerite Yourcenar, 1971).

    « Je suis cil qui se teira » (Chrétien de Troyes, vers 1170), « Je sui cil qui est versé ! » (Le Roman de la Rose, vers 1240), « Je sui cil qui n'en auroit mestier » (Thibaut Ier, avant 1253), « Ains suis celle qui vous hebergea » (Bérinus, vers 1370), « Je sui celui qui le fera De cuer » (Miracle de saint Jean le Paulu, vers 1372), « Moy seul, qui suis celluy Qui est le plus dolent de France » (Charles d'Orléans, avant 1465), « Celuy suis qui croit » (Marot, 1525), « Je fus celui qui empescha que les Grecs ne vous poursuivissent » (Jacques Amyot, 1567), « Je suis celuy qui sçait commander » (Montaigne, 1588), « Nous sommes ceux qui se sont separez de telles gens » (Agrippa d'Aubigné, 1620), « Vous devintes celuy qui tenoit vostre rang » (Molière, Le Dépit amoureux, édition posthume de 1682), « De tous les jeunes gens avec lesquels j'ai été jusqu'ici lié, vous fûtes celui qui remplit [le mieux les conditions] » (Auguste Comte, 1846), « Je suis celui qui vient murmurer [les serments] » (Villiers de l'Isle-Adam, 1858), « Je suis celui qui tient le globe » (Hugo, 1877), « Nous sommes ceux qui vont tous les vendredis soir chez Angèle » (Gide, 1895), « Tu seras celui qui gardera la barque » (Pierre Loti, 1896), « Nous sommes ceux qui n'ont rien à réclamer » (Jacques Bainville, 1931), « Nous sommes tous ceux qui ont sauvé ou créé une plante » (Giraudoux, 1943), « Je suis celui qui voit » (Bosco, 1948), « Je suis celui qui est » (Jean d'Ormesson, 2006).

    L'accord avec le sujet a pourtant également eu cours autrefois, surtout quand l'attribut est un pronom démonstratif :

    « Je suis Cil qui an la forest hier fui » (Chrétien de Troyes, vers 1170), « Je suis cil qui l'emporterai » (Queste del saint Graal, vers 1230), « Celui sui qui tout de nient fis » (Miracle de saint Jean le Paulu, vers 1372), « Je suis celluy qui ay fait et créé tous les sainctz » (L'Internelle Consolacion, vers 1403), « Nous sommes ceulx qui devons [...] » (Le Mistere du siege d'Orléans, vers 1450), « Moy qui suis celuy qui tant vous ay aymée » (Antoine de La Sale, 1456), « Je suis celle qui accompliray vostre commendement » (Les Cent Nouvelles Nouvelles, vers 1460), « Je suis celluy qui ay faict maint escript » (Marot, 1532), « Je suis celuy qui [...] me feray voye au celeste habitacle » (Joachim du Bellay, 1560), « Tu es ce char de Salomon, qui nous meines en [...] Paradis » (Gabriel Chappuys, 1584), « Nous sommes celles qui [...] vous avons porté icy » (Honoré d'Urfé, 1607), « Je suis ce fascheux qui nuis par ma presence » (Corneille, 1644), « Je suis celle qui vous ay formez » (Pascal, avant 1662), « Tu es cette échelle de Jacob qui fais monter les hommes » (Armand Jean Le Bouthillier de Rancé, 1685), « Je suis celui qui ai le plus de sujet de m'en plaindre » (Gilles Ménage, 1688), « Vous êtes celle qui avez le plus de mérite » (Restif de La Bretonne, 1780), « Vous êtes celle qui devez le mieux m'entendre » (Alexandre Dumas, 1838), « J'étais celui qui avais le moins d'envie de me retirer » (Albert Montémont, 1838), « Vous êtes de ceux qui avez pressenti cette ère » (Adam Mickiewicz, 1848), « Je suis Celle qui dois errer sous l'épaisse ramure » (Mallarmé, 1865), « Je suis celui qui puis le mieux m'associer à vos sentiments » (Louis Havet, 1885), « Vous êtes celui qui avez su dérober [...] » (Mirbeau, 1899).

    Vous aurez reconnu là des vestiges de l'usage ancien que nous avons évoqué plus haut à propos des constructions du type ce suis je (= je suis ce) − usage qui s'est maintenu dans les traductions de la Bible (que l'on songe à la fameuse formule Ego sum qui sum, littéralement « Je suis celui qui suis » [6]) et jusque dans des grammaires de la fin du XVIe siècle : « [On ne dit pas :] c'et moe qi a fet cela, [mais :] je suys celuy qi ey fet cela » (Louis Meigret, Le Tretté de la Grammere françoeze, 1550), « Je suis celuy qui t'ay secouru, Tu es celuy qui m'as tousjours aimé » (Robert Estienne, Traicté de la grammaire françoise, 1557), « Je suis celuy qui ay porté ceste nouvelle » (Jean-Baptiste du Val, L'Eschole françoise pour apprendre à bien parler et escrire, 1604), « Je serai celui qui vangerai ou qui vangera. De ces deux façons de parler, la première est plus selon les règles, et la seconde plus selon l'usage » (Richelet, Dictionnaire, 1680).
    L'accord avec le pronom sujet se rencontre parfois encore de nos jours, mais il est devenu « exceptionnel » selon les Le Bidois et Grevisse, « exceptionnel et archaïque » selon Hanse :

    « Nous sommes ceux qui n'oublions pas » (Maurice Barrès, 1913), « Je suis celui qui conçois ce que vous voulez » (Paul Valéry, 1923), « Vous êtes de ceux qui avez constaté » (Max Jacob, 1927), « Nous sommes de ceux qui pensons que [...] » (Marcel Berger, 1934), « Vous êtes de ceux qui m'empêchez de mourir » (Joë Bousquet, 1938), « Nous sommes de ceux qui n'avons connu du monde que sa crise » (André Soubiran, 1943), « Nous étions ceux qui allions vaincre Hitler » (Francis Ambrière, 1946), « Nous sommes ceux qui avons trouvé le moyen de maintenir la tête hors de l'eau » (Paul Claudel, 1947), « Je suis celui qui vois » (Georges Poulet, 1961), « Tu es celui qui fais entrer [une personne] » (Henri Queffélec, 1969, cité par Grevisse), « Tu es celui qui dois te sortir indemne de toutes les épreuves » (Marek Halter, 1979).

    Convenons à tout le moins qu'il est difficile aujourd'hui de concevoir : Nous (qui n'oublions pas) sommes ceux ; Moi (qui conçois ce que vous voulez), je suis celui ; etc.


    E. L'attribut est précédé de l'article indéfini.

    « Je sui [...] uns chevaliers Qui quier ce que trover ne puis » (Chrétien de Troyes, 1177), « Je sui un chevalier errant qui chascun jor vaiz aventures querant » (Le Roman de Tristan en prose, fin du XIIIe siècle), « Vous estes un fol diable estout, Qui vous faites juge et partie » (Miracle de l'enfant donné au diable, vers 1339), « Je suis un presbtre de ceste ville qui vien de Paris » (Registre criminel du Châtelet, vers 1390), « Je suy un povre homme, qui ay esté nourri ez champs » (Guillaume Fillastre, 1406), « Un rocher suis de foy, [...] Qui fais aux vents et ondes resistance » (Mellin de Saint-Gelais, avant 1558), « Vous estes un homme qui recognoissiez mieux les plaisirs qu'autre que je cognoisse » (Pierre de Larivey, 1579), « Nous sommes des enfants qui avons besoin d'un tuteur sévère » (Bossuet, 1661), « Vous estes une railleuse qui m'en voulez faire accroire » (Furetière, Dictionnaire, 1690), « Je suis [un orphelin] qui, de mes parents, n'eus jamais connaissance » (Racine, 1691), « Vous estes un Prothée qui prenez indifferemment toutes sortes de formes » (Fénelon, 1712), « Je suis un homme qui m'occupe toutes les nuits à regarder [...] » (Montesquieu, 1721), « Nous sommes d'honnêtes gens qui vous instruisons » (Marivaux, 1725), « Vous êtes des enfans qui dans vos jeux ne savez que faire du mal aux hommes » (Rousseau, 1763), « Vous êtes une divinité qui descendez du ciel » (Voltaire, 1767), « Je suis une pauvre créature qui ai peu d'esprit » (Bernardin de Saint-Pierre, 1788), « Nous sommes ici des individus qui exposons notre sentiment » (Mirabeau, 1789), « J'étais une cire molle qui recevais toutes les empreintes » (Sand, 1833), « Je suis un imbécille [...] qui ne sais me contenter de rien » (Théophile Gautier, 1836), « Vous êtes un vieux soldat qui n'aimez pas les phrases » (Balzac, 1848), « Nous sommes des fous qui faisons du tapage » (Mérimée, 1849), « Vous êtes une nymphe antique qui vous ignorez » (Gérard de Nerval, 1853), « Nous sommes des patriotes qui voulons renverser un tyran » (Gustave Aimard, 1867), « Nous sommes des naïfs qui allons regarder des images » (Maupassant, 1885), « Nous sommes des Esprits qui gardons depuis fort longtemps cette entrée de fleuve » (Loti, 1887), « Nous sommes des Français, qui voyageons pour notre agrément » (Jules Verne, 1890), « Nous sommes des fous qui gardons la folie de la justice » (Jaurès, 1899), « Je suis une vieille bête, qui ai mes façons pour comprendre les sentiments » (Hervieu, 1901), « Nous sommes des gens qui gagnons pauvrement [...] notre vie » (Péguy, 1910), « Nous étions des salariés qui [...] grattions aux dépens d'eux sur les subsides » (Gide, 1932), « Je suis un paresseux qui ne me plais qu'à dormir au soleil » (Aymé, 1935), « Nous sommes des exilés qui retrouvons notre patrie » (Barrès, 1938), « Nous sommes des gens honnêtes qui n'avons jamais eu affaire à la police » (Simenon, 1947), « Nous sommes des Français qui voulons réaliser l'unité d'un empire » (De Gaulle, 1956).

    « Je sui un povre jentiex hom Qui n'a nul maistre se Diu non » (Jehan et Blonde, vers 1240), « Or es tu une femme perdue et qui fait bien a reproucher » (Les Cent Nouvelles Nouvelles, vers 1460), « Nous sommes une secte humaine, qui ne fonde sa stabilité sur aucune promesse de Dieu » (Bossuet, 1691), « Je suis [...] un cuisinier qui n'a plus ni sel ni sauce » (Voltaire, 1776), « Je suis une force qui va ! » (Hugo, 1830), « Je suis un pauvre prêtre qui va à la grâce de Dieu » (Balzac, 1837), « Tu es un cadet qui a de l'atout » (Eugène Sue, 1843), « Nous étions des dessinateurs [...] qui voyageaient » (Flaubert, 1848), « Je suis une espèce d'écrivain observateur qui prend des notes » (Sand, 1859), « Tu es un fainéant qui voudrait gagner sa vie sans rien faire » (Cherbuliez, 1878), « Je suis un homme qui ne sait que planter des choux » (Anatole France, 1885), « Tu es un homme calme qui peut empêcher des extrémités fâcheuses » (Maupassant, 1885), « Nous sommes des sauvages qui ne s'apprivoiseront pas » (Gide, 1904), « Je suis une fille qui voit clair » (Péguy, 1910), « Tu es une eau informe qui coule selon la pente qu'on lui offre » (Proust, 1913), « Je suis un mensonge qui dit toujours la vérité » (Cocteau, 1927), « J'étais une fille très gauche qui éprouvait un immense besoin de tendresse » (André Maurois, 1928), « Tu étais naguère une jeune fille calme, qui réfléchissait raisonnablement à des questions » (Romains, 1928), « Je suis un type qui ne tend pas du tout les bras » (Roger Martin du Gard, 1929), « Nous sommes de pauvres époux qui ont failli » (Giraudoux, 1943), « Vous êtes un homme qui rit tout seul » (François Mauriac, 1947), « Tu es un môme qui a de la peine à passer à l'âge d'homme » (Sartre, 1948), « Vous êtes un sot, qui croit que tout ce qui tombe de sa plume est automatiquement sublime » (Jean Dutourd, 1960), « Je suis un fou qui se bat contre des moulins à vent » (Pierre-Jean Remy, 1980), « Vous êtes un intellectuel superstitieux, qui croit en partie à l'astrologie » (Jean d'Ormesson, 1992), « Je suis un somnambule qui relit Pascal » (Philippe Sollers, 2007), « Je suis un Juif qui se bat » (Bernard-Henri Lévy, 2008), « Vous êtes une oie qui se promène dans une basse-cour de poules ! » (François Cheng, 2022).

    Les variations d'accord observées s'expliquent, selon Naoyo Furukawa, par le fait que « le syntagme nominal indéfini attribut a un caractère flou quant à sa référentialité » (L'Article et le problème de la référence en français, 1986). De là à affirmer avec les Le Bidois que « très souvent, on a le choix [de rapporter la relative soit à l'attribut, soit au pronom sujet], et l'on peut dire : "Tu es une fille qui va à sa ruine", ou : "Tu es une fille qui vas à ta ruine" (René Bazin, 1907) », il y a un pas que Martinon se refuse à franchir. Selon lui, dans les phrases de ce type (il prend pour modèle : Tu es un homme qui n'a rien appris), « c'est nécessairement l'attribut qui est l'antécédent », parce qu'on ne peut concevoir : Toi (qui n'as rien appris), tu es un homme, le mot homme ne présentant pas à lui seul un sens suffisant (sauf contexte particulier qui peut rendre tout énoncé acceptable...). En revanche, « l'accord du verbe peut dépendre de l'intention de celui qui parle » dans des phrases comme : Nous sommes de pauvres gens qui n'ont rien ou qui n'avons rien. Il est en effet possible de concevoir : Nous sommes / de pauvres gens qui n'ont rien, en rapportant la relative à l'attribut pour le préciser, ou : Nous (qui n'avons rien) sommes de pauvres gens, l'attribut pouvant ici se suffire à lui-même (il est alors d'usage de le séparer du pronom relatif par une virgule : Nous sommes de pauvres gens, qui n'avons rien).
    Mais voilà que les Le Bidois introduisent une subtilité supplémentaire : « L'accord avec l'attribut amène parfois une nuance de sens un peu spéciale. Une phrase comme : "Nous sommes des arbres qui portent des fruits empoisonnés" (Anatole France, 1895) suppose, dans l'esprit du locuteur, une comparaison implicite : "Nous sommes pareils à des arbres qui portent…". Au contraire, quand Proust écrit : "Nous sommes des enfants qui jouons avec les forces sacrées" (Chroniques, édition posthume de 1927), il veut dire simplement : "Nous sommes des enfants, et nous jouons…", ou encore : "Nous qui jouons…" ; d’où l'accord avec le pronom nous. » Même constat du côté de Kristoffer Nyrop : « Dans la langue moderne, l'accord [à] la troisième personne a surtout lieu quand on veut souligner [l'attribut] ou quand il s'agit d'une ressemblance, d'une comparaison et non pas d'un rapport d'identité entre le pronom personnel et [l'attribut] » (Grammaire historique, 1925).
    Voltaire réunit les deux accords dans une même phrase : « La différence entre nous, c'est que vous êtes un jeune chêne qui essuyez une tempête, et que moi je suis un vieux arbre qui n'a plus de racines » (Correspondance, 1765). Il aurait pu écrire : « Vous êtes [comme] un jeune chêne qui essuie une tempête », mais sa pensée s'est arrêtée de préférence sur le pronom de la seconde personne qui désigne l'interlocuteur. Dans la proposition suivante, a s'imposait : « C'est l'arbre qui n'a plus de racines, et je suis comme cet arbre », commente Lambert Sauveur (Grammaire française, 1884). (7)


    F. L'attribut est formé d'un nombre ou d'une expression numérale.

    « Or estes vous dedans Paris six femmes Qui un escript [...] m'avez transmis » (Marot, 1529), « Vous estes peu qui vous dites estre seuls chrestiens » (François Véron, 1638), « Nous estions là deux ou trois miserables qui avons pâly de frayeur » (Molière, Les Amants magnifiques, édition posthume de 1682), « Nous sommes plusieurs, ou bien, nous sommes beaucoup qui voulons cela » (Thomas Corneille, 1687), « Nous sommes quelques jeunes gens qui partageons ainsi tout Paris » (Montesquieu, 1721), « Nous sommes deux qui voulons être logés un peu à l'aise » (Voltaire, 1755), « Nous étions une vingtaine de députés qui formions une chaîne autour de lui » (Jean Sylvain Bailly, avant 1793), « Vous êtes deux qui venez vous rendre » (Vigny, 1826), « Vous êtes un tas de galapiats qui vous fichez du monde » (Balzac, 1833), « Nous sommes quelques centaines d'extravagants, qui avons déifié Beethoven » (Berlioz, 1835), « Je suis, ou plutôt nous sommes, vingt-deux voix qui n'en formons qu'une ! » (Eugène Scribe, 1842), « Nous sommes dix-neuf hommes qui nous défendons » (Hugo, 1874), « Nous sommes toute une bande qui rentrons de la promenade » (Loti, 1883), « Nous sommes deux ou trois qui allons passer [du temps avec lui] » (Maupassant, 1887), « Nous sommes des milliers qui voulons la Vertu et la Bonté » (Jean Lombard, 1888), « Nous étions une dizaine qui suivions son cercueil » (Mirbeau, 1895), « Nous sommes beaucoup qui vous défendons » (François de Curel, 1899), « Nous sommes des milliers d'hommes en France qui pensons de même » (Rolland, 1906), « Nous sommes deux qui ne croyons pas à la pièce » (Jules Renard, 1909), « Nous sommes une centaine qui regardons » (Barrès, 1911), « Nous sommes peu qui oserions » (Léo d'Orfer, 1916), « Nous sommes [...] cinquante, cent morts qui dormons » (Roland Dorgelès, 1919), « Vous étiez plusieurs qui attendiez » (Maurice Leblanc, 1923), « Nous sommes quelques écrivains qui ne vous lâcherons plus » (René Benjamin, 1927), « Nous sommes nombreux qui ne craignons pas [...] les mouvements des peuples » (André Demaison, 1934), « Nous avons été ainsi nombre de jeunes hommes qui respirions l'atmosphère nietzschéenne » (Rolland, 1939), « Nous sommes sans doute plusieurs [...] qui aurons le courage de [...] » (Aragon, 1940), « Nous sommes deux bossus qui sourions » (Mauriac, 1945), « Nous sommes nombreux qui l'admirions » (Émile Henriot, 1946), « Nous sommes plusieurs qui sommes descendus d'un petit train de banlieue » (Ionesco, 1968), « Nous sommes un certain nombre qui ne nous résignons pas » (Alain Finkielkraut, 2021).

    « Voilà les seuls cas, écrit Hanse en 1949, où l'accord avec le pronom personnel est plus fréquent, sans être toutefois absolument obligatoire. » Martinon se montre plus catégorique : « C'est uniquement le pronom qui est l'antécédent véritable. » Dessiaux acquiesce : que le substantif attribut soit exprimé ou sous-entendu, la détermination dans ces phrases est trop vague pour que le sens puisse être autre chose que : « Vous êtes deux (individus) et vous venez vous rendre » ; etc. Mais l'attribut tend à reprendre ses droits quand il est précédé de l'article défini ou de l'adjectif démonstratif :

    « Nous sommes ces quatre muëts [...] Qui dans une seule visite Vous firent voir quelque merite » (Recueil de pièces galantes, 1667), « Nous sommes les deux Suisses qui aiment le plus votre gloire et votre personne » (Voltaire, 1756), « Je ne dirai pas que Pasquier et moi étions les deux hommes qui aimaient le plus le prince » (Alexandre Dumas, 1853), « Nous sommes les deux noms qui manquent » (Roger de Beauvoir, 1874), « Nous sommes les Sept Belles Demoiselles, qui savent tout ce qui se fait » (Jean-François Bladé, 1886), « Vous êtes ces deux misérables qui ont aidé à l'enlèvement » (Edmond Ladoucette, 1948 ?), « Nous sommes les deux personnes qui l'aimaient le mieux » (Michèle Manceaux, 1968).

    Exemples contraires :

    « Nous étions quelques-uns qui s'imaginèrent [que...] » (Champfleury, 1852), « Nous sommes ainsi quelques fossiles qui subsistent » (Flaubert, 1872), « Nous étions trois amis [...] qui usaient encore leurs culottes sur les bancs de l'école » (Zola, 1881 ; accord présenté comme « assez rare » par Kristian Sandfeld), « Nous étions plusieurs amis qui s'essayaient à rimer quelques pensées » (Charles Farcinet, 1894), « Nous sommes [...] quelques-uns qui sacrifieraient sans marchander leur peau ! » (Martin du Gard, 1922), « Nous sommes quelques-unes qui ne le permettront pas » (Giraudoux, 1944).

    « Nous sommes certainement, lui et moi, les deux personnes de la paroisse qui avons le plus à faire » (Flaubert, 1856 ; on trouve ont dans certaines éditions ultérieures), « Vous êtes bien pour Marthe les deux personnes qui comptez le plus au monde » (Romains, 1922).

    On le voit au terme de ce long exposé : il n'est pas aisé de donner une description à la fois simple et exhaustive de ce qui passe pour un des points les plus flous de notre grammaire. C'est que ces accords, vous l'avez compris, sont affaire d'époque, de sens mais aussi d'intention. Grevisse nous avait mis en garde : « Les vérités grammaticales sont parfois ondoyantes et diverses... » (Problèmes de langage, 1967). Qui osera prétendre le contraire ?

    (1) L'accord à la troisième personne subsiste dans la langue populaire (ou son imitation) : « C'est moi qui s'trompe » (Henry Monnier, 1830), « C'est moi qui fera, c'est moi qui a joué (c'est ainsi que parlent encore la plupart des paysans ou des personnes peu instruites en France) » (Jean Bastin, Étude des participes, 1889), « C'est pas nous qui sont responsables de ça » (Tristan Bernard, 1907), « C'est moi qui le paiera » (René Benjamin, 1915), plus rarement (encore que...) dans la langue littéraire − par archaïsme ou par négligence (de l'auteur ou de l'imprimeur) quand il n'y a pas de différence pour l'oreille : « Encore si c'étoit vous qui fût le Prince » (Marivaux, 1724), « C'est moi qui ait fait cette bonne œuvre » (Voltaire, Zadig, édition de 1748), « Toi qui n'a jamais eu l'esprit de te venger » (Mirabeau, 1779), « Moi qui a du sentiment » (Flaubert, 1832), « Elle déclara souhaiter [...] que ce fût moi qui la confessât » (Sainte-Beuve, 1834), « C'est toi qui l'a changée de place ? » (Loti, 1881), « C'était moi, si petit, qui remplissait d'une radieuse allégresse l'immense univers » (Anatole France, 1891), « Ce fut moi qui le mit dans la main de l'homme » (Paul Margueritte, 1895), « Serait-ce donc toi aussi, Abou-Zeid, qui porterait le fardeau de mes péchés ? » (Maurice Maeterlinck, 1902), « Ariane , c'est toi qui hors du Labyrinthe A su guider mes pas » (Jacques Richepin, 1907), « Est-ce toi qui a renversé la colle ? » (Georges Duhamel, 1922), « C'était moi qui nous avait mis dans cette situation » (Jean Orieux, 1949, cité par Grevisse), « Parce que c'était toi qui devait être Perceval » (André Billy, 1954), « Toi qui est féru de psychiatrie » (Jean Durtal, 1957), « C'était moi qui m'était allongée nue sur la table » (Marie Cardinal, 1975, citée par Grevisse).
    Même constat avec les constructions du type il n'y a que moi qui, je ne vois que moi qui, etc. : « Avec la locution adverbiale ne... que (au sens de "seulement"), lit-on dans le Grand Robert, l'accord se fait de nos jours avec le [pronom] personnel : Il n'y a, je ne vois que vous qui puissiez..., mais dans la langue classique le verbe se mettait fréquemment à la troisième personne et s'accordait avec l'indéfini sous-entendu : Il n'y a, je ne vois (personne d'autre) que vous qui puisse... » L'accord à la troisième personne paraît d'autant plus logique, selon Dupré, que « la nuance d'hypothèse indiquée par le [subjonctif] implique que l'on envisage aussi d'autres personnes que l'antécédent grammatical comme sujets possibles de l'action ». Vérification faite, ledit accord ne se trouve pas seulement chez les classiques : « Il n'y a que vous qui sçache si vous estes lache » (Montaigne, 1588), « Il n'y aura que vous qui soit noble » (Malherbe, avant 1628), « Il n'y a que vous au monde qui le sçache faire de la sorte » (Vincent Voiture, avant 1648), « Je n'ay trouvé que vous qui fust digne de moi » (Corneille, 1671), « Et ne verrons que nous qui sçache bien écrire » (Molière, 1672), « Je ne vois plus que vous qui la puisse défendre » (Racine, 1675), « Il n'y avoit que moi qui la pust informer » (La Rochefoucauld, avant 1680), « On dit : Il n'y a que vous qui sache et Il n'y a que vous qui sachiez. Cette dernière façon est plus selon les règles et l'autre plus selon l'usage » (Richelet, Dictionnaire, 1680), « Il n'y a que vous qui ait ce pouvoir » (Julie de Lespinasse, 1774), « Il n'y a que vous qui puisse le distraire » (François Guillaume Ducray-Duminil, 1798), « Il n'y a plus que toi qui m'aime dans la famille » (Stendhal, 1813), « Il n'y a que toi, ma belle, qui puisse sauver Stéphanie » (Balzac, 1830), « S'il n'y avait que moi seul qui eût intérêt dans cette offense » (Alexandre Dumas, 1844), « Il n'y avait que moi seul qui l'arrachât à l'idée dévorante » (Barbey d'Aurevilly, 1851), « Il n'y a que toi qui puisse conduire notre petite armée » (Jules-Paul Tardivel, 1895), « Il n'y a que moi [...] qui soit capable d'une chose aussi extraordinaire » (Romains, 1922), « Il n'y a que toi qui pense à ces trucs-là » (André Wurmser, 1947), « Il n'y a que toi qui m'aime dans cette maison » (Antonin Malroux, 2010) et, par imitation de la langue populaire, « Il n'y a que moi qui est parfait » (Péguy, 1912), « Y a qu' moi, madame, qui l'a vu » (René Benjamin, 1915).

    (2) Les Le Bidois se sont émus de cette exception : « Il semblerait que quand c'est s'accompagne d'une négation, le verbe de la [relative] dût être à la 3e personne, comme dans cette phrase de Molière : Ce ne serait pas moi qui se ferait prier (= si quelqu'un se faisait prier, ce ne serait pas moi). Malgré sa justesse, cet accord est absolument sorti de l'usage. » Il reparaît sous la plume de Lamartine : « N'est-ce pas toi qui nous rappelle Cette parenté fraternelle ? » (Jocelyn, 1836).

    (3) Le même accord se trouve déjà en latin : « Ego sum ille Amphitruo [...] qui fio Juppiter » (Plaute).

    (4) Exemples anciens d'accord avec le pronom sujet : « Jo sui la tue ancele ki [...] fis [je suis ta servante qui fis] » (Li Quatre Livre des Reis, vers 1170), « Je suy la pauvre affamee qui suy mise entre deulx tablez » (Jean de Gerson, 1401), « Je suys le roy Percheforest, qui suys venu de mort a vie » (Perceforest, manuscrit de 1460), « Je suys la voix qui ay crié » (Gabrielle de Bourbon, vers 1515), « Vous estes le roy qui plus avez esté En guerre et en discord » (Ronsard, 1567), « Je suis [...] la malheureuse Qui t'ay fait dépouiller cete ame vertueuse » (Robert Garnier, 1573), et, plus près de nous, « Nous sommes les hommes du monde qui avons le plus compté avec l'humanité » (Marivaux, 1727), « Vous êtes la femme qui l'avez le plus frappée » (Mme de Staël, 1803).

    (5) N'en déplaise à Martinon, pour qui « il est clair que si le premier, le dernier, le seul sont déterminés par un nom il n'y a plus d'hésitation », les exemples d'accord avec le pronom sujet ne sont pas si rares : « Je suis le troisieme capitaine romain qui [...] ay desfait et occis [le roy] » (Amyot, 1572), « Vous estes la seule chose au monde qui faictes mes joyes et mes desplaisirs » (Guez de Balzac, avant 1627), « Vous êtes le seul homme en France qui soyez en état de me donner des lumières » (Voltaire, 1752),  « Vous êtes le seul homme au monde qui puissiez me tirer d'embarras ! » (Stendhal, 1814), « Vous êtes la seule femme qui m'ayez fait connaître le sentiment de la jalousie » (Balzac, 1846), « Vous êtes le seul homme qui m'ayez inspiré une confiance entière » (Alexandre Dumas, 1846), « Vous êtes [...] le premier être humain qui m'ayez demandé quelque chose » (Théophile Gautier, 1862), « Vous êtes les deux seuls amis qui comptiez dans ma vie » (Arnould Galopin, 1906), « Mon compagnon de voyage et moi étions à Londres les deux seuls badauds qui parcourions [la ville] pour nous amuser » (Léon Daudet, 1929), « Vous êtes la dernière personne qui avez vu Baratof vivant » (Maurice Leblanc, 1931), « Je suis la seule personne qui ai le scrupule [de...] » (Max Jacob, 1938), « Vous êtes la seule personne qui ayez réfréné mon impatience naturelle » (Edmond Jaloux, Le Dernier Acte, édition posthume de 1950).

    (6) « Je suis celui qui suis [est une] tournure d'une incorrection flagrante », écrit Abel Hermant dans Le Figaro (1932) ; « c'est la même phrase, avec des mots français mais avec une syntaxe latine, pour calquer la traduction sur le texte de la Vulgate ». A.-G. Loriaux, de son côté, n'y trouve rien à redire, « Dieu ne pouvant être comparé qu'à lui-même » (Grammaire élémentaire de la langue française, 1869).

    (7) Selon Dessiaux, l'article indéfini ne détermine pas assez le substantif attribut pour que celui-ci puisse s'offrir à l'esprit comme un tout détaché du sujet ; aussi le relatif qui ne peut-il se rapporter qu'au pronom sujet, sauf − raffinement suprême − si l'attribut « ne désigne point une qualité réelle de l'objet, mais une qualité idéale ou supposée ». Et l'intéressé d'illustrer son propos par deux exemples : « Je suis une bourgeoise, Qui sçais me mesurer justement à ma thoise » (Jean-François Regnard, 1699) et « Vous êtes [...] un génie tutélaire qui est venu consolider la paix » (Jean-Charles Laveaux, 1818), avant de conclure sur une exclamation : « Quelle langue ! ». Quels grammairiens, oui !

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    Remarque 1
     : Le plus souvent, les spécialistes se contentent de donner des exemples où pronom sujet et attribut diffèrent uniquement en personne. C'est oublier qu'ils peuvent aussi différer en nombre (et pas seulement quand l'attribut est un nom collectif) : « Savans artistes [...], vous êtes celle [= la partie de l'humanité] qui avez le plus d'aptitude à recevoir une idée neuve » (Saint-Simon, 1803), « Nous sommes le troupeau qui marche derrière le pasteur » (Péguy, 1910), « Nous sommes un peuple qui avons toujours aimé la caricature » (Jean-Bernard, 1916), « Nous sommes une pensée qui, en dominant tout, reste soumise à tout » (Jacques Paliard, 1925), « À croire que vous êtes une race qui ne pouvez pas... » (Sarah Lévy, 1929), « Nous sommes le pays qui cache l'effort » (Henry Bordeaux, 1933), « Je suis les pêcheurs, qui s'éloignent la houlette à la main » (Michel Bataille, 1967), « Je suis les idées qui passent » (Edgard Morin, 1969).

    Remarque 2 : Les grammairiens distinguent traditionnellement deux types de relative : la relative déterminative (ou restrictive), qui est nécessaire à l'identification référentielle de l'antécédent et introduit donc un élément indispensable à la clarté du discours, et la relative explicative (ou appositive), qui apporte une information de second plan et est généralement placée entre virgules. Comparez : Les élèves qui étaient dissipés ont été punis (= parmi tous les élèves, seuls ceux qui étaient dissipés ont été punis) et Les élèves, qui étaient dissipés, ont été punis (= tous les élèves étaient dissipés et ont donc tous été punis).
    Aussi ne s'étonnera-t-on pas de voir certains spécialistes se référer à ces notions dans leurs réflexions sur l'accord du verbe de la relative en qui. Ainsi de Knud Togeby : « Si l'attribut est un substantif précédé d'un article défini ou d'un démonstratif, la relative est restrictive et l'accord se fait avec l'attribut » (Grammaire française, édition posthume de 1982). De Christian Touratier : « À notre avis, les trois constructions [Nous étions deux juges qui étaient du même avis. Nous étions deux juges qui étions du même avis. Nous étions les deux juges qui étaient du même avis] sont possibles, la relative étant déterminative quand l'accord avec nous n'a pas lieu, et explicative quand il a lieu » (La Relative, 1976). Et de Riegel, Pellat et Rioul : « Lorsque l'antécédent est une expression non-définie (nom commun précédé d'un déterminant indéfini) [...], certaines des relatives considérées apparaissent essentielles [ou déterminatives], et leur suppression a pour effet de produire un énoncé non pertinent, généralement tautologique [...]. D'autres apparaissent accidentelles [ou explicatives], et leur suppression ne remet pas radicalement en cause la pertinence de l'énoncé ; mais on se trouve ici sur un terrain essentiellement pragmatique et, pour préciser le degré d'acceptabilité de tels effacements, il faudrait tenir compte d'une manière plus précise des différents paramètres de la situation d'énonciation » (Grammaire méthodique du français, 1994).

    Remarque 3 : Concernant l'accord du verbe après un(e) des... qui ou un(e) de ces... qui, voir ce billet.

     

    Accord du verbe ayant qui pour sujet

     

     


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  • Le verbe s'imaginer possède plusieurs sens, qu'il convient de distinguer au moment d'accorder son participe passé.

     

    FlècheS'imaginer = « imaginer soi-même », d'où « se représenter soi-même en esprit, se voir en rêve ».


    Dans ce cas, le pronom personnel se (= soi) est complément d'objet direct antéposé et commande l'accord du participe, lequel est généralement suivi d'un attribut du complément.

    « Elle s'est toujours imaginée son héritière [= elle a toujours imaginé elle-même étant son héritière] » (Bescherelle).

    « Elle s'est imaginée riche, gracieuse. Elle s'est imaginée à soixante ans » (Hanse).

    « Elle s'est imaginée reine et puissante » (Auguste Brachet, Grammaire française).

    « Elle s'était souvent imaginée dans cette situation » (Académie).

    FlècheS'imaginer = « imaginer (quelque chose ou quelqu'un) en soi-même », d'où « se représenter, se figurer, concevoir » et, spécialement, « se persuader, croire à tort ».


    Dans ce cas, le pronom personnel se (= en soi, à soi) est complément d'objet indirect et n'a aucune influence sur l'accord du participe, lequel reste déterminé par le complément d'objet direct, si celui-ci existe et précède.

    « Ils se sont imaginé des personnages [ils ont imaginé quoi ? des personnages, COD placé après le participe], mais Les personnages qu'ils se sont imaginés [le COD précède le participe] » (Bescherelle).

    « Je me la suis imaginée autrement » (Hanse).

    « Que de choses ils se sont imaginées ! » (Grevisse).

    « Ils se sont imaginé qu'on les persécutait [= ils ont imaginé quoi ? qu'on les persécutait, proposition COD placée après le participe] » (Grevisse).

    « Elles se sont imaginé que vous leur vouliez du mal. Voici la chose qu'elles se sont imaginée » (Thomas).

    « Ces filles se sont imaginé que tout serait facile » (Girodet).

    « Elle s'est imaginé que nous voulions la tromper » (Académie).

    « Elles se sont imaginé qu'il fallait faire grande toilette » (Littré).


    Rien que de très régulier, pensez-vous ? Pas si sûr. Figurez-vous que quelques spécialistes affirment sans sourciller que s'imaginer ne peut avoir de COD et, partant, que son participe passé est toujours invariable : « Vous vous êtes imaginé mort [sic (1)] de froid dans cette avalanche » (Orthophonie : tout le français, Philippe Perrine, 2013). D'autres, considérant que le pronom personnel n'est pas clairement analysable dans s'imaginer, préconisent au contraire l'accord de son participe avec le sujet (à l'instar de s'apercevoir de) : « Ils se sont imaginés que tu viendrais » (André Jouette, Dictionnaire de l'orthographe, 1989), « Ils se sont imaginés qu'ils étaient perdus » (Franck Évrard, Les Vraies Difficultés de la langue française, 2007) (2). La résurgence de cette ancienne façon d'écrire (3) est d'autant plus surprenante que Thomas Corneille l'a vigoureusement condamnée, il y a plus de trois siècles, dans ses notes sur les fameuses Remarques de Vaugelas (1687) : « Il faut dire, elles se sont imaginé que. La raison en est que [le pronom se] n'est pas à l'accusatif, mais au datif. C'est comme si on disait, elles ont imaginé à elles, c'est-à-dire elles ont mis dans leur imagination, mais elles ne se sont pas imaginées elles-mêmes, elles ne se sont pas produites, dans le sens qu'on dit, imaginer une chose, les choses que j'ai imaginées. »

    L'affaire se complique encore quand s'imaginer est suivi d'un infinitif. Dans ce cas, nous disent Girodet et l'Office québécois de la langue française, le participe passé est toujours invariable : « Ces filles se sont imaginé avoir tous les droits » (Girodet), « Elles s'étaient imaginé remporter le premier prix » (Office québécois) (4). Voilà qui semble pourtant contrevenir à la règle selon laquelle le participe passé d'un verbe pronominal suivi d'un infinitif s’accorde avec le sujet si celui-ci fait l’action exprimée par l'infinitif : ne sont-ce pas précisément ces filles qui ont tous les droits, qui ont remporté le premier prix ? Pure imagination, nous rétorquent en substance nos cousins d'outre-Atlantique : « Le verbe s'imaginer représente un cas particulier puisque son participe passé est toujours invariable lorsqu'il est suivi d'un infinitif. En réalité, l'action exprimée par l'infinitif n'est pas réalisée par le sujet (il s'agit d'une projection). »

    Oserai-je avouer que cet argument ne me convainc qu'à moitié ? D'une part, si l'on accepte elle s'est imaginée riche, il semble difficile de refuser elle s'est imaginée être riche et, partant, « elle s'est imaginée être la gagnante » (Code du bon français, 1991). Tel est en tout cas l'avis de Joubert et de Guérin dans leur Dictionnaire complet des participes français et de leur accord (1865) : « Suivi immédiatement du verbe être ou d'un verbe neutre [= intransitif], et conjugué pronominalement, imaginé est variable : Ils se sont imaginés être des grands seigneurs. Ils se sont imaginés devenir des princes. Mais s'il est suivi de que, imaginé est invariable : Ils se sont imaginé qu'ils deviendraient des princes » (5). D'autre part, grande est là encore la tentation d'accorder le participe, fût-il suivi d'un infinitif, selon le sens. Comparez : elles s'étaient imaginé remporter le premier prix (= elles avaient cru en elles-mêmes quoi ? remporter le premier prix, complément d'objet direct postposé) et elles s'étaient imaginées remporter le premier prix (= elles avaient vu en rêve qui ? s', mis pour elles, en train de remporter le premier prix) ; elle s'était imaginé mourir (= elle avait cru en elle-même qu'elle mourait) et elle s'était imaginée mourir (= elle avait vu en rêve elle-même en train de mourir). Mais voilà : s'imaginer, nous dit Girodet, ne peut se construire avec un infinitif que lorsque le sujet est le même dans la subordonnée et dans la principale ; elles se sont imaginé avoir tous les droits équivaut donc à elles se sont imaginé qu'elles avaient tous les droits, construction dans laquelle le participe imaginé, employé au sens de « croire (à tort, sans fondement) », est censé rester invariable (6). Allez vous étonner, après cela, que l'usager de la langue ne sache plus accorder ses participes passés...

    Nos spécialistes, eux, gagneraient à faire preuve d'un peu d'imagination pour accorder leurs violons grammaticaux !

    (1) Cet exemple est d'une pertinence toute relative, dans la mesure où l'on en vient à se demander si le sujet est un singulier ou un pluriel...

    (2) Je n'ose mentionner cette recommandation trouvée dans Français Brain Coaching (2008) de Fabien Nogrette : « L'accord se fait avec le sujet : elles se sont échappées, elles se sont imaginées des choses »...

    (3) Selon Alfonse Haase (Syntaxe française du XVIIe siècle, 1898), « le participe des verbes réfléchis s'accordait toujours avec le sujet en ancien français, même lorsque le pronom complément était au datif. Plus tard, dans ce dernier cas, il resta invariable ; cependant l'ancien emploi se maintint jusqu'en plein XVIIe siècle. » Force est de constater que cet ancien usage a perduré bien au-delà : « Après s'estre imaginées que le plaisir estoit assez maigre » (Pierre de Bourdeille), « Ils se sont imaginés qu'ils avoient droit à ma succession » (Guez de Balzac), « Ils se sont imaginés qu'il en falloit aussi bien fuir l'usage » (Vaugelas lui-même, qui semble avoir eu bien du mal à se défaire des anciennes habitudes), « Il est impossible que les hommes se fussent imaginés qu'ils en pourroient donner » (Pascal), « Les femmes se sont imaginées que ton départ leur laissait une impunité entière » (Montesquieu), « La belle Marianine s'était imaginée que la laideur de Tullius le lui laisserait fidèle » (Balzac), « Je rêvais donc à cette jeune personne qui mourut de bile noire, pour s'être imaginée que le prince [...] s'en allait l'adorant » (Alexandre Dumas père), « Elle s'était imaginée qu'elle allait connaître tout de suite des couplets héroïques et romanesques » (Proust). Zola, quant à lui, avait l'accord hésitant : « Une scène dans laquelle elle s'est imaginée que son amant voulait la tuer », mais « Elle s'était imaginé brusquement que ce prêtre allait lui donner quelque chose ».

    (4) Autres exemples d'invariabilité : « Elle s'est imaginé pouvoir nous chagriner » (L'Ortographe françoise, 1723), « Ce sont des choses qu'elle s'est imaginé pouvoir faire » (Napoléon Landais, 1835), « Elle [la critique] s’est imaginé devoir crier à l’imitation ou au plagiat » (George Sand, 1839), « Ce sont des fleurs qu'elle s'est imaginé devoir vous plaire » (Antoine Léandre Sardou, 1840), « Edmond et Jules de Goncourt se sont imaginé pouvoir arrêter facilement [...] le kaléidoscope d'une société » (Barbey d'Aurevilly, 1906), « Tout ce que ma génération [...] s'est imaginé souffrir » (Pierre Garnier, 1959), « Beaucoup se sont imaginé avoir fait un bon livre pour les enfants » (François Caradec, 1977), « Elle s'est imaginé avoir tous les droits » (Hanse, 1987), « Elles [...] s'étaient imaginé pouvoir retrouver nos trésors » (dictée citée par Goosse, 1994), à côté de « Elle s'est imaginée devoir y prendre une plus ample part » (Étienne-Léon de Lamothe-Langon, 1831).

    (5) Est-ce par esprit de contradiction qu'Honoré de Balzac écrivit : « Combien de personnes [...] se sont imaginé être spirituelles en disant [...] » (portrait de Brillat-Savarin exécuté pour la Biographie universelle de Louis-Gabriel Michaud, 1843), « Elle s'est imaginé être promptement veuve, riche en peu de temps, et pouvoir reprendre et son amour et son esclave » (La Marâtre, 1848), mais « La belle Marianine s'était imaginée que la laideur de Tullius le lui laisserait fidèle » (Le Centenaire, 1822) ? Comprenne qui aura assez d'imagination !

    (6) Le linguiste Théodore Rosset écrit de même : « S'imaginer suivi d'un infinitif ou d'une proposition conjonctive signifie "croire, se persuader" » (Annales de l'université de Grenoble, 1908). 

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    Remarque 1
     : Selon Léon Clédat, dans le vieux tour s'imaginer de + infinitif (« avoir l'idée de, se proposer de »), « imaginé est invariable parce qu'il n'a pas de régime direct : Elle s'est imaginé de... = elle a imaginé en elle de... » (Grammaire raisonnée de la langue française, 1896). Cela n'a pas empêché Pierre Larousse d'écrire : « Les auteurs du poème se sont imaginés de donner aux vieillards un caractère bouffon » (Dictionnaire lyrique, 1881).

    Remarque 2 : Voir également l'article Accord du participe passé des verbes pronominaux.

     

    S'imaginer

     

     


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  • Voilà deux termes présentés dans tous les dictionnaires usuels comme adjectifs (et participes passés).

    Si, partant, l'accord avec la ou les personnes censées s'exprimer ne souffre aucune contestation dans les formules de politesse usuelles (Nous sommes désolés de vous avoir fait attendre. Elle est enchantée de faire votre connaissance), la question peut se poser dans les tours elliptiques propres au registre plus familier. Ainsi une femme doit-elle s'excuser d'un « Désolée ! Je t'ai menti » ou d'un « Désolé ! Je t'ai menti » ?

    Vous me direz, à bon droit, que la différence ne s'entend pas à l'oral, mais faisons l'effort de nous pencher sur la question dans l'éventualité d'une lettre... de rupture, par exemple. Bon, je vois bien que cela ne vous enchante guère, que vous trouvez l'exercice inutile. Vous m'en voyez sincèrement... désolé ! Sans doute considérez-vous que, s'agissant d'un tour elliptique, il suffit de reconstituer la phrase dans sa totalité pour se déterminer : Désolée ! Je t'ai menti, sous-entendu Je suis désolée ! Je t'ai menti. L'accord de l'attribut avec son sujet s'impose à l'évidence.

    Et pourtant... Certaines sources (*) avancent que lesdits adjectifs, placés en tête de phrase, auraient valeur... d'interjection ! Entendez, seraient donc invariables : Désolé, nous ne faisons plus cet article. Bigre, quelle désolation !

    La confusion provient, d'une part, de ce que certains écrits hésitent entre les personnes du singulier et du pluriel quand l'adjectif est éloigné de son sujet  : « Désolé (pour : je suis désolé), vous avez trop peu d'expérience. Nous ne pouvons donner suite à votre candidature », là où, en toute logique, il eût fallu écrire : « Désolés (pour : nous sommes désolés), vous avez trop peu d'expérience... ». D'où cette impression trompeuse d'invariabilité. On pense, d'autre part, à ces messages automatiques et anonymes qui fleurissent sur nos ordinateurs et sur nos téléphones : « Désolé, vous n'avez pas accès à ce service ».  Sans doute peut-on considérer, dans ces cas particuliers où l'on ne saurait dire qui s'exprime réellement, qu'il s'agit là d'un accord avec un « neutre singulier », sans pour autant considérer désolé et enchanté comme des interjections (invariables).


    (*) Wiktionnaire, Reverso et autres sites dont la fiabilité est parfois sujette à caution.

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    Remarque 1
    : En présence d'un nous de majesté ou de modestie, d'un vous de politesse, l'accord se fera correctement au singulier.

    Remarque 2 : L'adjectif désolé a également le sens de « inhabité, désert » ; enchanté, celui de « qui est sous l'effet d'un enchantement, merveilleux ».

    Désolé, enchanté

    Désolé : désolés serait ici de meilleure langue !

     


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  • Les expressions plus (ou moins)... que prévu, comme prévu, qui appartiennent au registre familier, doivent se comprendre comme : plus qu'il n'était prévucomme cela était prévu, etc. En tant que tours elliptiques, elles restent invariables.

    Élections municipales : participation plus forte que prévu (pour : qu'il n'était prévu).

    La réunion aura été moins longue que prévu (et non que prévue).

    La rentrée des classes s'est déroulée comme prévu dans le calme (pour : comme cela était prévu).

    Comme prévu, la faute se répand à l'écrit sans que l'on sache comment la prévenir...

    Une année meilleure que prévue (estrepublicain.fr).
    Une croissance plus forte que prévue
    (20minutes.fr).
    Une soirée plus piquante que prévue
    (leparisien.fr).
    Les chiffres de l'emploi américains (sont) meilleurs que prévus
    (lefigaro.fr).
    Une réforme plus limitée que prévue (lexpress.fr).
    Les salariés en CNE moins nombreux que prévus (liberation.fr).

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    Remarque 1 : De même, les locutions comme convenu, comme annoncé... sont invariables.

    Remarque 2 : On se gardera de confondre ces constructions avec celles, similaires, exprimant une comparaison entre deux adjectifs : Une mesure plus efficace que pérenne vs Une mesure plus efficace que prévu.

    Remarque 3 : Prévoir signifiant « concevoir, envisager par avance, annoncer » puis « décider à l'avance des mesures, des précautions nécessaires », on notera que l'expression prévoir d'avance relève du pléonasme (l'idée d'anticipation est contenue dans les deux termes de la locution).

    C'était prévu (et non C'était prévu d'avance).

    Remarque 4 : Concernant la locution de prévu, voir ce billet.

     

    Prévu

     


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  • Voilà un sujet qui est fréquemment source d'hésitations et donc de fautes.

    Comme c'est souvent le cas en français, le plus simple est de partir de la règle générale, puis de traiter les exceptions.

    Rappel de la règle

    Les adjectifs de couleur s'accordent (en genre et en nombre) avec le nom auquel ils se rapportent, sauf si la couleur est désignée par un nom commun ou par une forme adjective composée.


    Pour savoir s’il faut accorder un adjectif de couleur, il convient donc d’abord de déterminer s’il s’agit d’un adjectif qui désigne exclusivement une couleur ou s’il s’agit d’un nom employé comme adjectif de couleur. Étudions les différents cas plus en détail.

    Flèche

    Couleur désignée par un adjectif simple


    C'est le cas le plus... simple, justement. Il ne concerne que les mots considérés comme d'authentiques adjectifs exclusivement utilisés pour désigner une couleur (ou un effet de couleur), donc susceptibles de s'accorder en genre et en nombre quand ils sont employés seuls : alezan, aubère, bai, basané, beige, bigarré, bis, blafard, blanc, blême, bleu, blond, brun, châtain, cramoisi, doré, écru, glauque, gris, jaune, livide, louvet, mat, mordoré, noir, opalin, pers, rouge, roux, vairon, vert, violet, zain, zinzolin.

    Des stylos rouges et des gommes vertes.

    Remarque 1 : À cette liste d'adjectifs de couleur proprement dits viennent s'ajouter quelques exceptions (voir cas suivant).

    Remarque 2 : On notera que l'adjectif châtain prend la marque du pluriel (châtains) mais le féminin, châtaine (et non châtaigne), n'est pas encore très répandu : Une chevelure châtaine (de préférence à châtain). Quant à violette, féminin de l'adjectif violet, il est à distinguer du nom de la fleur et s'accorde donc (des taches violettes).

    Remarque 3 : Même employés seuls, les adjectifs kaki et auburn (prononcé obeurn'), tous deux empruntés à la langue anglaise, restent invariables (des treillis kaki). On notera que kaki, adjectif, ne se rapporte pas à la couleur du fruit comestible mais à l'adjectif hindi kakhi, signifiant « couleur de poussière ».

    Remarque 4 : Voir également l'article Glauque.

    Flèche

    Couleur désignée par un nom commun


    La couleur est parfois exprimée par un nom de plante, de fruit, d'animal, de pierre, de personne... employé comme adjectif. C'est le cas de : abricot, acajou, anthracite, argent, aubergine, azur, bistre, brique, bronze, cachou, café, caramel, carmin, céladon, cerise, chocolat, corail, crème, cuivre, ébène, émeraude, fraise, garance, grenat, indigo, isabelle, ivoire, lavande, magenta, marine, marron, moutarde, nacre, noisette, ocre, olive, or, orange, outremer, paille, pastel, pervenche, pie, pistache, pivoine, rouille, sable, safran, sépia, tabac, taupe, tomate, turquoise, vermillon, etc. L'invariabilité est alors de rigueur car il s'agit de tours elliptiques, où l'on sous-entend à chaque fois « de la couleur de » (en d'autres termes, ledit nom commun est complément du mot couleur sous-entendu).

    Des yeux noisette (= de la couleur de la noisette).

    Des vestes marron, des écharpes orange (idem).

    Des tissus marine (= de la couleur d'un bleu foncé semblable à celui des uniformes de la marine).

    Exceptions : Écarlate, mauve, pourpre, incarnat, fauve et rose (liste que l'on retiendra grâce au moyen mnémotechnique empifr suggéré par J.-J. Julaud) sont assimilés – à tort ou à raison – à de véritables adjectifs. Ils relèvent donc du cas précédent et prennent l'accord (Des lèvres écarlates, des chemises roses, des tentures pourpres). On notera toutefois que fauve et incarnat, étant d'abord des adjectifs avant d'être des substantifs, sont légitimement variables, tout comme vermeil (ainsi devrait-on s'habituer à écrire : carte vermeille au lieu de carte vermeil).
    Le cas de violine, d'abord substantif (« produit violet dérivé de l'aniline »), est débattu : « invariable comme les autres noms servant d'adjectifs de couleur » selon Goosse (La Force de l'orthographe), il « prend la marque du pluriel (Des tons violines. Des teintes violines) » selon Girodet.

    Remarque 1 : Quand ils désignent la couleur, lesdits noms sont masculins : un orange, un rose, un mandarine, etc. Malgré les hésitations constatées dans l'usage, les règles générales de l'élision et de la liaison sont fondées à s'appliquer : L'orange [et non le orange] de votre robe est plus beau que celui de la mienne (Littré). Il a mélangé du vert et de l'orange (et non du orange). Des rubans orange (la liaison zorange, bien que facultative, est parfois déconseillée afin d'éviter toute confusion avec le fruit ; autant privilégier l'adjectif orangé, dans ce cas).

    Remarque 2 : Voir également l'article Des yeux noisette(s).

     

    Flèche

    Couleur désignée par une forme adjective composée


    Dans ce cas, la couleur est exprimée par plusieurs mots, que les grammaires traditionnelles présentent d'ordinaire comme invariables. Sans doute est-il plus logique de considérer qu'il s'agit là encore d'un tour elliptique, où le terme principal de couleur fait office de substantif, avec lequel s'accordent les adjectifs complémentaires (qui précisent une nuance, une teinte).

    De l'encre bleu-noirdes cheveux châtain clair, des yeux marron foncé, une barbe blond vénitien, une voiture gris métallisé pour De l'encre (d'un) bleu noir, des cheveux (d'un) châtain clair... (notez que le trait d'union n'est de mise que lorsqu'il s'agit de l'association de deux adjectifs de couleur).

    Des poussins jaune citron, une bouteille vert olive, des robes rose bonbon, une chemise bleu marine, une robe gris perle pour Des poussins (d'un) jaune (de la couleur du) citron, une bouteille (d'un) vert (de la couleur de l') olive... (notez l'absence de trait d'union car le second terme n'est pas un adjectif de couleur mais un nom pris adjectivement). De même, bleu de nuit, noir de jais, vert d'eau, etc. restent invariables (comme ellipses de de la couleur qui s'appelle bleu de nuit, etc.).

    Des couvertures lie-de-vin, une peau café au lait (noms composés) ; des dorures vieil or (nom qualifié) ; des vitraux bleu de Chartres (adjectif de couleur formé à partir d'un nom propre).

    Exceptions : Quand des adjectifs et noms de couleur sont coordonnés par la conjonction et, il y a lieu de distinguer :

    Des étoffes rouge et noir : chaque étoffe contient à la fois du rouge et du noir, et est donc bicolore → pas d'accord (comme dans des cheveux poivre et sel et une photo noir et blanc) ;
    Des étoffes rouges et noires : certaines sont entièrement rouges et d'autres entièrement noires → accord.

     

    AstuceOn retiendra : des yeux bleus (adj. simple → accord), des yeux bleu clair (adj. modifiant un adj. de couleur → ellipse de d'un bleu clair), des yeux bleu-vert (association de deux adj. de couleur → ellipse de d'un bleu vert + trait d'union), des yeux marron (nom pris adjectivement → invariable).

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    Remarque 1
    : Le mot couleur, sans article et déterminé par un autre nom, s'emploie dans des expressions invariables : Des bas couleur (de) chair (chair est un nom → invariable) mais Des bas de couleur noire (noir est un adjectif → accord), des bas de couleur bleu foncé.

    Par ailleurs, le mot couleur reste toujours invariable dans l'expression haut en couleur, qui signifie « très coloré » ou « pittoresque, truculent » (Des personnalités hautes en couleur). Il l'est également le plus souvent lorsque, précédé ou non de la préposition de, il se rapporte à un nom : Des photos couleur, des crayons de couleur, mais on écrira : Un marchand de couleurs (couleurs se rapportant ici à différents produits), un film en couleur(s).

    Remarque 2 : Les adjectifs dérivés d'un adjectif de couleur ou d'un nom de couleur s'accordent. On distinguera notamment le nom orange (invariable comme nom de couleur) de l'adjectif orangé (variable).

    Des écharpes orange mais Des écharpes orangées.
    Des taches blanchâtres, verdâtres.
    Une femme rougeaude, des collines verdoyantes.

    Remarque 3 : L'Académie attire l'attention sur le pluriel des expressions de couleur, employées non plus comme adjectifs mais comme noms (donc précédées d'un déterminant) :

    • des bleus, des jaunes, des oranges, des marrons ;
    • des bleu-vert, des gris-bleu ;
    • des jaunes paille (les jaunes sont de la couleur de la paille), des bleus ciel, des roses bonbon ou saumon ;
    • des verts pâles, des bleus foncés (les verts sont pâles, les bleus sont foncés).

    Remarque 4 : On rencontre des adjectifs et noms de couleur dans certaines expressions invariables : être (fait) marron (= être dupé, attrapé, refait), être blanc-bleu (= avoir une réputation intacte), etc. D'autres varient naturellement, comme dans blanc comme neige, blanc de peur, rouge de colère, vert de rage... Par ailleurs, certains adjectifs de couleur peuvent être employés comme adverbes, auquel cas ils restent invariables (Elles voient rouge et rient jaune).

    Remarque 5 : Voici une liste non exhaustive d'expressions composées de couleur : aile de corbeau, arc-en-ciel, blanc d'Espagne, blanc ivoire, bleu de Prusse, bleu horizon, bleu marine, bleu-noir, bleu (de) nuit, bleu roi, bleu turquoise, bleu-vert, caca d'oie, café au lait, coq de roche, cuisse-de-nymphe, feuille-morte, gorge-de-pigeon, gris acier, gris-bleu, gris (de) fer, gris de lin, gris perle, jaune citron, jaune cobalt, jaune d'or, jaune maïs, jaune paille, jaune serin, lie-de-vin, noir de fumée, noir de jais, poivre et sel, rose bonbon, rouge brique, rouge et or, rouge magenta, rouge sang, rouge tomate, terre de Sienne, tête-de-nègre, ventre de biche, vert-de-gris, vert amande, vert bouteille, vert olive, vert Véronèse, vieil or... On remarquera que la présence du trait d'union est très aléatoire, au point de nous en faire voir de toutes les couleurs !

    Remarque 6 : Voir également l'article consacré à Pers, vairon.

    Adjectifs de couleurAdjectifs de couleur

     

     

     

     

     

     

     

              La jolie faute sur le nouveau maillot de
              l'OM : « Et nos cœurs sont orange(s) »

     

     

     

     

     

    Le premier qui dit que la langue française
    nous en fait voir de toutes les couleurs...
                (Film de Cyril Collard)

     


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