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Par Marc81 le 15 Janvier 2012 à 22:04
Certains syntagmes sont formés d’un nom mis en apposition à un autre nom. C'est le cas de danseuse étoile, film culte, produit phare, mot clé, prix choc, roman fleuve et autres combinaisons plus ou moins audacieuses dont se délecte la langue publicitaire.
Force est de constater que l'on se délecte beaucoup moins et que l'on hésite beaucoup plus, dès lors qu'il est besoin d'écrire ces mots pièges (j'ose le s) au pluriel. Jugez-en plutôt :
Hanse Larousse Robert Bescherelle des prix choc des mesures(-)chocs des prix choc des prix(-)chocs des mots clés des mots-clés des mots-clés des mots(-)clés ? des films(-)cultes des films cultes des films(-)cultes des voyages éclair des voyages(-)éclair des visites éclair des voyages éclair(s) des remèdes miracles des médicaments miracle des solutions miracle des médicaments miracles des ventes records des chiffres record des chiffres record(s) des prix records
Devant l'arbitraire de ces positions, l'avis de l'Académie s'imposait. Et la règle qu'elle nous soumet vient balayer bien des certitudes, au risque de paraître suspecte...« Au pluriel [...], le nom apposé varie uniquement si on peut établir une relation d'équivalence entre celui-ci et le mot auquel il est apposé. Ainsi, on écrira Les danseuses étoiles regardent des films culte, car si l'on considère que les danseuses sont des étoiles (elles ont les mêmes propriétés qu'elles, elles brillent de la même façon), il est évident que les films ne sont pas des cultes, mais qu'ils font l’objet d'un culte. »
Il faut croire, vous en conviendrez, que ce qui s'énonce clairement... ne s'interprète pas de façon uniforme !
Que retenir de pareille cacophonie ?
1. Qu'il est préférable de ne pas abuser de ce genre de formules.
2. Qu'en la matière il n'existe pas de règle mais des critères subjectifs. L'usage est d'autant plus flottant que le choix de sens est laissé à la libre appréciation de celui qui s'exprime... et que la plupart des dictionnaires (y compris celui de l'Académie) ont une fâcheuse propension à faire la part belle au masculin singulier dans les exemples proposés !
3. Que le nom en apposition prend d'autant plus facilement la marque du pluriel qu'il est assimilable à un adjectif épithète (l'équivalence « qui sont des » est implicite) plutôt qu'à un complément du nom. Ainsi les pluriels des cellules cibles (des cellules qui sont autant de cibles), des mots clés (ou clefs), des romans fleuves, des idées forces, des postes frontières, des dates limites, des arguments massues (la position de Robert paraît isolée), des maisons mères, des invités mystères, des projets phares, des questions pièges, des usines pilotes, des bénéfices records (la position de Larousse paraît isolée), des visites surprises, des appartements témoins, des formules types, etc. semblent faire l'unanimité. En revanche, je rejoins Hanse à propos des prix choc et des voyages éclair, car, dans ce cas, il s'agit d'un tour elliptique qui suppose que les termes ne sont pas sur le même plan : des prix (de) choc, des voyages (à la vitesse de l') éclair, des nouvelles (qui relève du) bidon, des opérations (menée par un) commando, des négociations (qui ont la durée d'un) marathon, etc. Que n'a-t-il appliqué le même raisonnement – préconisé par l'Académie – à des remèdes (qui relèvent du) miracle et des films (qui font l'objet d'un) culte !
4. Concernant le trait d'union, c'est affaire de goût. La plupart des ouvrages consultés ne prennent pas position, indiquant simplement « en apposition, avec ou sans trait d'union ». L'Office québécois de la langue française se mouille davantage, en précisant que « le trait d'union ne se justifie que s'il s'agit d'une expression lexicalisée, c'est-à-dire un groupe de mots considéré comme un mot composé. Comme l’acceptation de tels mots se fait graduellement, on observera souvent les deux formes, avec ou sans trait d'union ». Le plus sage (et le plus simple) est de suivre l'exemple de l'Académie, qui s'en passe dans tous les cas (même pour idée force et mot clef).
Remarque 1 : Contrairement à un adjectif, un nom ne s'accorde pas mais peut prendre la marque du pluriel. Ainsi est-il inconcevable d'écrire des visites éclaires, sous le prétexte d'accorder en genre et en nombre le nom apposé (voir à ce sujet le billet Visite éclair(e)) !Remarque 2 : En apposition, plancher et plafond peuvent se prêter à deux interprétations : des prix plafonds / planchers (qui constituent des plafonds, des limites supérieures / des planchers, des limites inférieures) ou des prix plafond / plancher (qui sont au plafond / au plancher). Larousse, Bescherelle, Girodet et l'Office québécois de la langue française optent clairement pour la première.
Remarque 3 : Le pluriel des « vrais » noms composés (avec trait d'union incontesté) fera l'objet d'un prochain article.
(Illustrations Magali Clavelet, éditions Tourbillon)
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Par Marc81 le 16 Décembre 2011 à 16:07
Moment apparaît dans plusieurs locutions, tantôt au singulier, tantôt au pluriel :
- au choix dans à tout moment ou à tous moments (= sans cesse, à toute heure),
Il peut arriver à tout moment ou à tous moments. - au pluriel dans par moments (= de temps en temps, par intervalles),
Par moments, le soleil fait son apparition. - au singulier dans au moment où/de, sur le moment, du moment que, de moment en moment, d'un moment à l'autre, pour le moment, etc.
(Livre de Patrick Dard, Editions France Loisirs)
2 commentaires - au choix dans à tout moment ou à tous moments (= sans cesse, à toute heure),
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Par Marc81 le 2 Novembre 2011 à 11:47
Emprunté du latin currere (« courir »), courrier (avec deux r) désigne à l'origine le messager chargé de porter les dépêches. De nos jours, ce rôle est dévolu à La Poste, mais courrier a conservé son sens de singulier collectif pour désigner l'ensemble des lettres et des imprimés transportés.
On se gardera donc de mettre courrier au pluriel pour évoquer des lettres, des plis, des missives, ou encore (toujours dans cet emploi) de parler d'un courrier.
Suite à mes nombreuses lettres (et non Suite à l'envoi de mes nombreux courriers).
Il écrit une lettre (et non Il écrit un courrier) mais Il fait (ou lit) son courrier.
Je vous envoie une lettre (et non Je vous envoie un courrier).
J'ai reçu du courrier (et non J'ai reçu un courrier).
Le facteur distribue le courrier.
Poster le courrier, son courrier ; poster une lettre.
Le courrier des lecteurs (rubrique dans laquelle sont publiées des lettres de lecteurs).
Remarque 1 : Dans son acception de « véhicule ou navire » (servant à transporter des lettres puis des passagers sur de longues distances), courrier peut prendre la marque du pluriel.Un avion long-courrier → des avions long-courriers (l'Académie accepte également des avions longs-courriers).
Les Courriers de la Garonne (entreprise de transport de voyageurs).
Remarque 2 : Une correspondance désigne un échange de lettres.
(Editions Gallimard)
À moins qu'il ne s'agisse des Messagers de l'Apocalypse,
lettres est de meilleure langue !
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Par Marc81 le 24 Octobre 2011 à 16:56
Il est fréquent de se demander si l'on doit mettre la marque du pluriel aux jours de la semaine. Comme souvent en français, la réponse est : oui (puisqu'il s'agit de noms communs), mais...
On écrit :
Tous les lundis, les mardis, etc.
En vente les mercredis et samedis mais En vente les mercredi et samedi de chaque semaine (= en vente le mercredi et le samedi de chaque semaine, puisqu'il n'y a qu'un mercredi et qu'un samedi par semaine. Le pluriel les est ici le résultat de la somme de deux singuliers : le mercredi et le samedi).
La réunion a lieu les premier et troisième mercredis de chaque mois (il n'y a qu'un premier mercredi et qu'un troisième mercredi chaque mois, mais cela fait deux mercredis concernés dans le mois).
La réunion a lieu le premier mercredi du mois ou La réunion a lieu (tous) les premiers mercredis du mois (le pluriel insiste sur l'idée de répétition : il y aura plusieurs « premier mercredi du mois » dans l'année).
Remarque 1 : Le même genre de subtilité régit l'accord des adjectifs prochain et dernier :Le séminaire a eu lieu lundi et mardi derniers ; un autre se tiendra du 8 au 9 septembre prochains (ce sont les jours qui sont ici qualifiés).
Nous irons à Paris le 8 et le 9 septembre prochain(s) (le singulier est possible en raison de la présence de l'article singulier, mais le pluriel est également correct).
Ils viennent nous voir du 8 au 9 septembre prochains (prochains qualifie les jours, si l'on insiste sur le fait que la visite a lieu dans les prochains jours du mois où l'on s'exprime) mais Ils viennent nous voir du 8 au 9 septembre prochain (prochain qualifie le mois, si l'on insiste sur le fait que la visite a lieu dans un mois à venir).
Remarque 2 : Voir également l'article Matin / Soir (tous les lundis matin).
Remarque 3 : De même, les noms de mois peuvent prendre la marque du pluriel.
Des septembres pluvieux mais Des mois de septembre pluvieux.
Tous les premiers janvier.
Remarque 4 : On notera que les noms des jours et des mois s'écrivent sans majuscule (contrairement à la langue anglaise), sauf dans les noms de fêtes et d'évènements historiques pris absolument (sans mention de millésime).
Le 14 Juillet, le 11 Septembre mais La fête nationale du 14 juillet 1790, l'attentat du 11 septembre 2001.
Le Dix-Huit Brumaire. La rue du 22-Novembre.
Remarque 5 : Étymologiquement, lundi (du latin Lunae dies) signifie « jour de la lune », mardi (du latin Martis dies) « jour de Mars », mercredi (du latin Mercurii dies) « jour de Mercure », jeudi (du latin Jovis dies) « jour de Jupiter », vendredi (du latin Veneris dies) « jour de Vénus », samedi (du latin sabbati dies) « jour du sabbat » (= jour de repos) et dimanche (du latin dies dominicus) « jour du Seigneur ». Si autrefois la semaine commençait le dimanche, l'usage (ainsi que la norme internationale) a entériné le choix du lundi comme premier jour de la semaine.
En ce qui concerne les mois de l'année, les Romains ayant d'abord adopté le calendrier étrusque divisé en dix mois de mars à décembre, cela nous éclaire sur la signification de : septembre (septième mois), octobre (huitième), novembre (neuvième) et décembre (dixième). Juillet fut ainsi nommé en l'honneur de Julius (César) et août, en l'honneur de l'empereur Augustus, qui fit porter son nombre de jours à 31 afin de ne pas être en reste vis-à-vis de son prédécesseur. Mars (du latin Martius [mensis]) honore le dieu de la Guerre ; mai (du latin Maius [mensis]) est le mois de Maia, épouse de Vulcain ; juin, celui de Junius Brutus, premier consul ; seul le mois d'avril (du latin Aprilius [mensis]) possède une origine obscure (mois d'Aphrodite, déesse de l'Amour ?). Par la suite ont été ajoutés janvier (du latin Januarius [mensis]), mois de Janus, et février (du latin Februarius [mensis]), mois de la purification.
Remarque 6 : Les jours travaillés (par opposition aux jours fériés) sont qualifiés d'ouvrables, non parce que les magasins sont ouverts ces jours-là, mais pour des raisons étymologiques : ouvrable est dérivé de l'ancien verbe ouvrer, qui signifie « travailler ».
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Par Marc81 le 7 Octobre 2011 à 10:36
On retiendra que les symboles d'unités sont invariables.
Ainsi, si kilo (abréviation de kilogramme) peut prendre la marque du pluriel, son symbole kg est valable au singulier comme au pluriel. Il en va de même pour km (kilomètre), kW (kilowatt), min (minute, fraction du temps), etc.
Cinquante kilos mais 50 kg de sable (et non 50 kgs).
Dix minutes mais 10 min (et non 10 mn ni 10 mns ni 10', symbole réservé aux angles en géométrie).
Dix kilomètres à pied mais 2 000 km de voie ferrée (et non 2 000 kms, que l'on pourrait en outre confondre avec l'abréviation de kilomètre par seconde : km/s).
Cinquante kilomètres par heure mais 50 km/h (et non 50 kmh).
Remarque 1 : On notera que les symboles d'unités ne sont pas suivis d'un point (car ce ne sont pas des abréviations) et que ceux qui se rapportent à un nom propre prennent une majuscule (A pour M. Ampère, W pour M. Watt, etc.).
Remarque 2 : Par ailleurs, le symbole officiel de million est M (pour Méga) ; celui de milliard est G (pour Giga) et non Md.
10 GW (10 gigawatts).
Remarque 3 : On évitera toute confusion entre le kilowatt-heure (kWh), mesure d'énergie, et le kilowatt par heure (kW/h), variation de puissance par unité de temps.
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