• Encore convient-il, avant de venir conter fleurette à sa belle, cœur et guitare en bandoulière, de lancer une œillade appuyée... à sa montre (sans pour autant compter son temps) ! C'est que le style de la musique et la teneur des propos varient en fonction de la course du soleil.

    Le matin, on privilégiera l'aubade (emprunté de l'ancien français albade, du latin albus, « blanc »), « concert donné en plein air, vers l'aube du jour, à la porte ou sous les fenêtres d'une personne pour lui faire honneur, lui rendre hommage », souvenir romantique des poèmes que les troubadours déclamaient au chant du coq.

    Le soir sera réservé à la sérénade (emprunté de l'italien serenata, « soir serein », pris au sens de sera, « soir »), « concert de voix ou d'instruments, que l'on donne le soir, la nuit, dans la rue sous les fenêtres de quelqu'un ».

    À toute heure de la journée, on se gardera donc de la méprise qui consisterait à faire donner l'aubade à la nuit tombante ou la sérénade au lever du soleil, eu égard à leur étymologie.

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    Remarque 1
    : En termes de musique, la sérénade est une composition musicale, le plus souvent instrumentale, de forme libre.

    Remarque 2 : Dans un registre ironique, les deux termes s'emploient pour désigner une manifestation bruyante, hostile ou moqueuse (sens proche de tapage, vacarme).

    Aubade / Sérénade

    Reste à vérifier que la scène se déroule bien en fin de journée...
    (La sérénade de Federico Andreotti, fin XIXe siècle)

     


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  • Les récentes catastrophes en Thaïlande et au Japon auront au moins eu le mérite – bien dérisoire au regard du nombre des victimes, je vous le concède – d'attirer notre attention sur les différences entre un raz de marée et un tsunami. On peut dire sans trop se mouiller que la distinction est à chercher non pas dans la nature du phénomène (une onde océanique, dans les deux cas) mais dans sa cause : météorologique (tempête, ouragan, accident atmosphérique, etc.) pour le premier, géologique (tremblement de terre, éruption volcanique, glissement de terrain) pour le second. C'est du moins l'avis des scientifiques.

    Pour le commun des mortels, la confusion entre les deux termes est monnaie déferlante et rejaillit jusque sur nos dictionnaires. Il faut dire que leur étymologie, pour le moins vague et trompeuse, nous laisse... le bec dans l'eau : composé au XVIIe siècle à partir du vieil islandais ras (courant d'eau, course, chute), le raz de marée n'est pas lié aux cycles des marées, comme on pourrait le croire, mais désignait, à une époque où l'on s'intéressait plus aux effets qu'aux causes, tous les accidents marins qui faisaient déborder la mer (y compris les tsunamis). Quant à ce dernier, d'origine japonaise et de formation plus récente (1915), il signifie littéralement « vague sur le port », ce qui n'est guère plus précis. De là à parler de synonymie, il n'y a qu'un filet d'eau rapidement franchi...

    Force est de constater, aujourd'hui, que raz de marée (aux consonances trop locales ?) cède le pas, sans faire de vagues, devant les ondes bien plus chics de tsunami.

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    Remarque
    : Raz de marée s'écrit en principe sans traits d'union (même si l'autre graphie est fréquente) et est invariable. Au sens figuré, il désigne un phénomène soudain et massif qui bouleverse une situation donnée.

    Le littoral a été submergé par des raz de marée.
    La victoire du parti s'est transformé en véritable raz de marée électoral.

    Raz de marée / Tsunami

     


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  • Pour désigner la personne qui a la charge de coordonner diverses initiatives ou actions, de mettre bon ordre dans des éléments dispersés, le substantif coordonnateur (avec deux o et deux n) a été régulièrement formé sur le verbe coordonner (1), tout comme ordonnateur l'est sur ordonner. Il peut s'employer adjectivement.

    Je vous présente la coordonnatrice du projet.

    Un esprit coordonnateur.

    Depuis le milieu du XXe siècle, ce terme est concurrencé par le néologisme coordinateur (avec deux o et un seul n), formé sur coordination ou emprunté de l'anglais coordinator, et de même sens (2) : « Personne qui coordonne diverses initiatives ou actions, qui met de l'ordre dans des éléments dispersés. »

    Hanse recommande le premier, tout en reconnaissant le second. On se gardera surtout de toute confusion orthographique (coordinnation, coordonateur et autres barbarismes relevés sur la Toile), sous l'effet d'une mauvaise coordination mentale (et non coordonnation).

    (1) Selon le Dictionnaire du moyen français, le verbe coordonner est attesté au sens de « assembler » depuis au moins le XVe siècle : « Elle [= une des forces de l'amour] coordonne egale chose avec coegales » (Jean Batailler traduisant La Légende dorée, 1476).

    (2) Si la plupart des dictionnaires font de coordonnateur et coordinateur des synonymes, une distinction semble actuellement se dessiner, à en croire le TLFi et l'Académie : sous l'influence de ordonner, qui signifie « mettre en ordre » mais aussi « donner des ordres », coordonnateur tendrait à prendre un sens plus fort que son concurrent. Cela reste à confirmer...

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    Remarque
    : Le préfixe co- (qui signifie « avec » ou « en même temps ») se joint en général sans trait d'union au mot qui suit (coopter, coéquipier, copilote, etc.). Quand ce dernier commence par un i, on aura recours au tréma (coïncidence, coïnculpé) ou au trait d'union (co-intervention) pour éviter le son oi.
    On notera enfin que le mot cordonnier − altération, sous l'influence de cordon, de l'ancien français cordouanier, « ouvrier en cordouan (cuir de Cordoue) » − s'écrit avec un seul o et deux n.

     

    Coordonnateur / Coordinateur
    (source : http://www.ehpa.fr)

     


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  • Voilà un sujet délicat à traiter... et un désolant exemple des incohérences de l'usage français.

    Il est en effet bien surprenant que le terme pédophile soit couramment utilisé pour désigner une personne attirée sexuellement par les enfants, alors que son étymologie (du grec paidos, « enfant », et philos, « ami ») lui confère le sens positif de « ami des enfants » (c'est-à-dire qui aime les enfants mais d'un amour non sexuel), tout comme francophile signifie « ami de la France, des Français » et bibliophile « amateur de livres rares et précieux ». Ainsi, toute personne éprouvant une tendresse naturelle, dépourvue de toute perversion, pour les enfants devrait pouvoir être qualifiée de pédophile sans que cela revête un caractère péjoratif.

    En revanche, il serait nettement plus adapté de qualifier les violeurs d'enfants de pédérastes (du grec paidos, « enfant », et erastês, « qui aime sexuellement »), mais ce terme (comme son abréviation populaire voire injurieuse pédé) est lui-même abusivement employé dans le langage courant avec le sens de « homosexuel ».

    À croire que le français perd toute raison dès lors qu'il est question de sexe...

    Pédéraste / Pédophile

    Cela est bien possible, si l'on s'en tient à l'étymologie du mot pédophile !

     


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  • La plupart des linguistes s'accordent à dire que problème est l'un des mots les plus galvaudés de notre langue.

    Du grec problema (« saillie, promontoire », puis « ce qui est jeté en avant comme argument »), problème est un nom masculin qui signifie « question complexe à résoudre par des procédés scientifiques » et, par extension, « tout ce qui est difficile à expliquer ou à résoudre ». On est loin des simples problèmes de santé ou de circulation, ou encore des y a pas de problème du langage courant... mais il faut croire que la caution scientifique de problème en fait un candidat plus sérieux et plus savant qu'un vulgaire ennui ou un léger souci.

    L'énoncé d'un problème mathématique. Poser, résoudre un problème.

    Le problème de l'origine de l'humanité (question difficile à résoudre, qui fait l'objet de diverses théories).

    Avoir des troubles psychologiques, des ennuis de santé (et non des problèmes psychologiques ou de santé, qui n'ont pas vocation à être résolus mais soignés).

    Dérivé de problème, problématique est d'abord un adjectif qui signifie « qui expose un problème », « qui a le caractère d'un problème » ou « dont on peut douter, dont l'issue ou la réalisation est incertaine, hasardeuse ».

    Un énoncé problématique. Une décision problématique (= difficile à comprendre).

    La réussite du projet, l'issue de la négociation est problématique (= incertaine).

    Ce n'est que depuis le milieu du XXe siècle que problématique est également employé comme substantif féminin pour signifier « art ou science de poser les problèmes » ainsi que « ensemble des questions, des enjeux soulevés par un sujet ou une situation donnés ». Il s'agit donc d'un terme didactique qui « s'applique à des recherches de caractère érudit ou scientifique appelant, sur un sujet donné, une mise en perspective théorique ». De grâce, limitons-nous à cette acception récemment enregistrée par l'Académie et évitons d'en faire ce détestable fourre-tout que certains croient utile d'employer à la place de problème, d'enjeu ou de question à propos de tout sujet de la vie courante nécessitant un tant soit peu de réflexion. Pour se donner des airs importants ?

    On dira donc de préférence :

    La question des retraites, du logement (et non La problématique des retraites, du logement) mais La problématique de notre sujet s'intéresse aux questions suivantes...

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    Remarque 1
    : On ne peut que déplorer la tendance actuelle à remplacer abusivement un mot simple par un pseudo-synonyme plus long donc plus sérieux : problématique au lieu de problème, thématique au lieu de thème, technologie au lieu de technique, méthodologie au lieu de méthode, etc. Descartes aurait-il eu l'air plus pénétré en rédigeant un Discours de la méthodologie ?...

    Remarque 2 : On notera l'accent aigu de problématique et l'accent grave de problème, selon la règle qui veut que, « quand dans les dérivés (problématique) l'accent devient aigu, le mot primitif (problème) prenne l'accent grave » (Littré).

    Remarque 3 : De même que l'on pose une question, on peut poser un problème... mais pas un souci, que l'on se gardera de faire fleurir sur les mêmes plates-bandes. En outre, on évitera les formulations sans article poser problème et faire problème, qui relèvent du registre familier et auxquelles on préférera poser, créer, constituer un problème.

    Cela ne pose pas de difficulté (ou de problème), ne fait aucune difficulté (et non Il n'y a pas de souci, souci signifiant « préoccupation, inquiétude » et non « difficulté, objection »).

    Problème / Problématique

    ... ou un léger souci ?

     


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