• Elle s'est dit favorable

    « La ministre s'était déjà dit "favorable à une discussion [...] pour voir de quelle manière les éditeurs et Google pourraient se mettre d'accord sur un arrangement y compris financier pour le référencement des articles" » (à propos de la ministre de l'Économie numérique, Fleur Pellerin, photo ci-contre)
    (Boris Manenti, sur nouvelobs.com, le 26 octobre 2012) 

    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Nicolas Reitzaum)

    FlècheCe que j'en pense


    Encore une histoire d'accord de participe passé mal maîtrisé ! À la décharge de notre journaliste, il faut bien reconnaître que les spécialistes ne font pas tous la même analyse de la situation.

    La plupart considèrent que, dans la construction se dire suivi d'un attribut (avec le sens de « se prétendre, se déclarer »), se doit être analysé comme un complément d'objet direct, ce qui revient à légitimer le tour dire quelqu'un ou quelque chose + attribut de l'objet : elle a dit elle-même [être] favorable. Plus facile à... dire qu'à cautionner, convenons-en.

    Pour ma part, j'avoue une nette préférence pour l'approche de Hanse, qui analyse cette phrase comme équivalente à « la ministre a dit qu'elle-même était favorable ». Pour lui, se n'a pas de fonction logique, il ne peut être analysé comme complément d'objet (le COD étant en réalité la proposition qu'elle-même était favorable). La locution est donc assimilable à un verbe essentiellement pronominal.

    Quelle que soit l'analyse retenue, le résultat est heureusement le même : le participe passé s'accorde, au féminin singulier, avec le sujet (version Hanse) ou avec le pseudo COD.

    En revanche, on écrira correctement : Elle s'est dit qu'elle ferait bien d'avoir une discussion avec eux. Dans ce cas, se dire signifie « dire à soi-même » et se = à soi est complément d'objet indirect. L'invariabilité est donc de rigueur.

    Et Google, qu'est-ce qu'il en dit, de l'accord (de compromis) ?

    Voir également le billet Accord du participe passé des verbes pronominaux.

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    La ministre s'était dite "favorable à une discussion".

     


    12 commentaires
  • L'Aisne

    (publicité vue sur aisne-open.com, le 26 octobre 2012)


     

     

     

     


    FlècheCe que j'en pense


    Autant le clin d'œil 100 % français est plaisant, autant l'allusion anglaise me laisse perplexe. Quelle motivation peut bien pousser un département français à recourir à une langue étrangère pour promouvoir ses propres atouts culturels et touristiques ? La volonté de faire « djeun(e)s » à tout prix ? Ou la nécessité de préserver une créativité en friche ? Les pronostics sont ouverts.
    Il ne faudra pas ensuite s'étonner d'entendre les mauvaises langues soutenir que, dans sa forme, l'opération est vile... Aisne.

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    C'est ouvert, l'Aisne ! (comme dirait Rimbaud).

     


    1 commentaire
  • Il s'en substitue de nouvelles

    « Aux activités déclinantes s'en substituent de nouvelles, qui font naître plus de richesses » (à propos des disparitions d'emplois en France).

    (Philippe Manière, dans L'Express no 3199, octobre 2012)

     


    FlècheCe que j'en pense


    Cette semaine, les journalistes de L'Express me fournissent l'occasion d'évoquer les difficultés d'emploi... des pronoms personnels. Je n'en veux pour preuve, après l'impropriété signalée dans un précédent billet, que cette phrase à la structure apparemment redondante.

    D'une part, le verbe (se) substituer se construisant avec la préposition à (se substituer à quelque chose ou à quelqu'un), on peut à bon droit s'étonner de la présence du pronom en, utilisé d'ordinaire pour remplacer un complément introduit par de. En semble avoir été ici improprement substitué à y qui, seul, peut prendre le sens de « à cela » : Tel dispositif européen se superpose aux droits nationaux, sans s'y substituer.

    D'autre part, la position en début de phrase dudit complément d'objet indirect (aux activités déclinantes) ne saurait justifier la présence simultanée du pronom censé le remplacer (en apparemment mis à tort à la place de y). À moins, bien sûr, que le pronom y ne soit employé cette fois comme complément de lieu (avec le sens de « dans cet endroit-là ») : La France est en pleine mutation économique : de nouvelles activités s'y substituent aux emplois agricoles et industriels.

    Et pourtant, feront remarquer certains, c'est oublier que « En est requis (pour remplacer un nom) comme complément d'une expression quantitative [ou d'une expression désignant une catégorie pourvue de telle ou telle qualité, précise l'Académie] lorsqu'elle est sujet réel d'un verbe impersonnel, attribut ou complément d'objet direct : On manquait de porteurs, il s'en présenta un ». Voilà que Hanse nous rappelle à l'ordre, en insistant sur la valeur partitive du pronom en. En d'autres termes, en doit être ici analysé non pas comme complément du verbe substituer mais bien comme complément du quantifieur de nouvelles : Toutes nos assiettes sont ébréchées, je vais en acheter de nouvelles.

    Problème : si l'on s'en tient aux recommandations de Hanse, en partitif ne peut remplacer un substantif dans une expression exprimant une idée de pluralité en fonction de sujet que lorsque le verbe est construit de façon impersonnelle. Ce qui, vous en conviendrez, n'est pas le cas dans notre exemple.

    J'avoue que cette restriction me laisse perplexe car, après tout, ne dit-on pas correctement : À cette difficulté s'en ajoute une autre ? L'Académie elle-même note à l'entrée complet de son Dictionnaire : « C'est complet ! (se dit lorsqu'à [sic] des ennuis successifs s'en ajoute un dernier) ». Vous me direz, quel crédit accorder à de tels propos lorsque l'on constate que les Immortels s'autorisent l'élision de lorsque devant la préposition à ? C'est à désespérer de l'utilité d'établir des règles...

    À la réflexion (cf. travaux de recherche de V. Lagae), il semble bien que Hanse, d'ordinaire si tatillon, n'ait pas été exhaustif dans son analyse : l'exclusion de l'ensemble (en quantitatif + quantifieur) en fonction de sujet, bien que couramment admise par les spécialistes, doit être nuancée, notamment en cas d'inversion du sujet dès lors que ledit quantifieur est « complexe » (entendez : modifié par un adjectif, une relative...). Comparez :

    À cette activité s'en substitue une autre (le quantifieur une autre, complexe, est situé après le verbe → en quantitatif est admis).

    À cette activité, une autre s'en substitue (le quantifieur une autre, complexe, est situé avant le verbe → incorrect).

    À cette activité s'en substitue deux (le quantifieur deux n'est pas complexe → incorrect).

    En conclusion, notre journaliste peut être satisfait : sa prose n'est pas déclinante. Mais, diable, que la langue française peut se révéler subtile !

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Aux activités déclinantes s'en substituent de nouvelles, qui font naître plus de richesses (quantifieur postposé et complexe).

    Aux activités déclinantes se substituent de nouvelles activités, qui font naître plus de richesses (formulation sans recours à la pronominalisation).

    Aux activités déclinantes, il s'en substitue de nouvelles, qui font naître plus de richesses (tour impersonnel).

    Certaines activités déclinent ; s'y substituent de nouvelles activités, qui font naître plus de richesses (le pronom y est ici complément indirect du verbe se substituer).

     


    5 commentaires
  • Ceux-là même qui en ont fait de lui

    « Rarement vainqueur aura été si décrié, hors micros, par ceux-là même qui l'ont soutenu (...) Son style appliqué mais coincé et ses phrases qui noient le poisson en ont fait de lui un apparatchik inaudible » (à propos du nouveau premier secrétaire du Parti socialiste, Harlem Désir, photo ci-contre).

    (Marcelo Wesfreid, dans L'Express no 3199, octobre 2012)

     


    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Hegor)


    FlècheCe que j'en pense


    Bien sûr, la plupart des grammairiens s'accordent à dire que même, adverbe, employé au sens de « aussi », se distingue assez mal de même, adjectif.

    Comparez : Ceux-là mêmes qui le soutenaient hier le décrient aujourd'hui (= eux-mêmes → adjectif → accord) et Ceux-là même qui le soutenaient hier le décrient aujourd'hui (= même eux, eux aussi → adverbe → invariabilité).

    Voilà pourquoi il me semble préférable, afin d'éviter toute ambiguïté, de privilégier l'accord quand même est placé après le nom auquel il se rapporte, et de réserver à l'adverbe sa place en début de groupe nominal.

    Pour le reste, je m'étonne de la construction ici proposée du verbe faire suivi de la préposition de. Si la phrase Ils ont fait de lui un apparatchik donne correctement, après pronominalisation du complément indirect, Ils en ont fait un apparatchik, elle ne saurait se satisfaire de la présence simultanée du pronom en et dudit complément, celui-là même que en se propose de remplacer ! Le message, rédigé en français ou même en russe, en devient assurément... inaudible.


    Voir également le billet Même.

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Rarement vainqueur aura été si décrié, hors micros, par ceux-là mêmes (de préférence à : par ceux-là même) qui l'ont soutenu (ou : même par ceux qui l'ont soutenu).

    Son style appliqué mais coincé et ses phrases qui noient le poisson en ont fait un apparatchik inaudible (ou : ont fait de lui un apparatchik inaudible).

     


    votre commentaire
  • Mettre en pièce

    « OGM : l'étude Seralini mise en pièce, son auteur sauvé du déshonneur » (à propos de la controverse sur la toxicité supposée d'un maïs transgénique de la firme Monsanto).

    (Jean-Claude Jaillette, sur marianne.net, le 24 octobre 2012)

     

    (logo carrefour)


    FlècheCe que j'en pense


    Un instant, j'ai cru que l'affaire allait être l'objet d'une adaptation au théâtre sur les Champs. Avant de me raviser. De toute évidence, nous sommes ici en présence d'une EGM : une expression génétiquement modifiée. Jugeons sur pièces : le gène du pluriel ne paraît-il pas singulièrement défectueux ? À tout le moins récessif. Car enfin, a-t-on jamais réduit, au propre comme au figuré, quoi que ce fût en un seul morceau ?

    Encore un journaliste sans gêne, qui taille dans les désinences comme un responsable des ressources humaines dans les effectifs...

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Une étude mise en pièces.

     


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique