• On se gardera de confondre accès, dans le sens de « manifestation intense d'une affection, d'un sentiment » et excès, « acte qui dépasse la mesure ».

    Il a eu un accès de fièvre, de toux, de colère, de violence, de folie, de désespoir, de fou rire... (= poussée).

    Il a fait un excès de langage, de vitesse, de pouvoir, de travail, de zèle... (= abus).

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    Remarque  La locution par accès signifie « de manière irrégulière » : Il travaille par accès.

     

    Accès

     


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  • Doit-on dire être sous l'empire de ou être sous l'emprise de ?

    Au sens de « autorité, influence, ascendant », empire fut longtemps seul à avoir droit de cité : « Un autre s'assujectit sous l'empire de la colère » (Étienne Moreau, 1642), « Cette servitude honteuse qui le fait souvent gémir sous l'empire d'un maître ou d'un tiran » (Nicolas de Dijon, 1687).

    Quand, en 1932, l'Académie se résolut à accueillir dans la huitième édition de son Dictionnaire l'emploi figuré et litigieux du paronyme emprise (voir la remarque ci-dessous), elle lui donna la définition suivante : « Domination exercée par une personne sur une ou plusieurs autres et qui a pour résultat qu'elle s'empare de son esprit ou de sa volonté. L'emprise de cet écrivain sur la jeunesse. » Partant, nombreux sont les observateurs de la langue (Colignon, Dewaele, Certificat Voltaire [1]...) qui préconisent encore d'écrire : sous l'empire de quelque chose (voire de quelqu'un) mais sous l'emprise de quelqu'un.

    À y bien regarder, cette répartition − probablement motivée par l'idée de mains exerçant une prise − n'est pas confirmée par l'usage (2). Pis ! elle est battue en brèche par l'Académie elle-même, dans la neuvième et dernière édition de son Dictionnaire. Jugez-en plutôt :

    « Empire. Influence exercée sur une personne, ascendant. Elle a pris sur lui beaucoup d'empire. Garder l'empire de soi-même. Par extension. Agir sous l'empire de la colère, de la passion. Être sous l'empire de la boisson. Se soumettre à l'empire de la raison. (Dans certains emplois [3], on dit aussi Emprise.) »

    « Emprise. Ascendant intellectuel ou moral exercé sur un individu ou un groupe. L'emprise d'un philosophe sur la jeunesse. Subir l'emprise de quelqu'un. Par extension. L'emprise de la société sur l'individu. Littéraire [4]. L'emprise d'une passion. (Dans certains emplois [3], on dit aussi Empire.) »

    « Être sous l'empire d'une personne, d'un sentiment. Être sous l'emprise de la colère » (à l'article « être »), « Le sujet se croit sous l'emprise d'une force extérieure » (à l'article « influence »).

    Même latitude laissée au locuteur ou au scripteur par Larousse :

    « Empire. Ascendant moral, influence exercés sur quelqu'un par une personne ou par une chose » (Grand Larousse).

    « Emprise. Domination intellectuelle ou morale exercée par quelque chose ou par quelqu'un sur une personne » (Grand Larousse).

    « Sous l'empire de la colère » (Grand Larousse, aux articles « empire » et « hausser ») ou « Sous l'emprise de la colère » (Grand Larousse, à l'article « gronder »). 

    « Une cure l'a libéré de l'emprise la drogue » (Larousse en ligne, à l'article « libérer »), « Agir sous l'empire de la drogue » (Larousse en ligne, à l'article « empire »).

    Alors quoi ? Sous l'empire de et sous l'emprise de, c'est bonnet blanc et blanc bonnet ? En pratique, le mot empire étant plus couramment associé à la notion d'empereur qu'à celle de domination, c'est la seconde formule qui tient la corde de nos jours, quelle que soit la nature du complément envisagé. Et ce, d'autant plus facilement que, d'une part, « la disparition du verbe emprendre a ôté à emprise toute motivation étymologique et l'a rendu disponible » (Dupré) et que, d'autre part, ledit mot « parle à l'imaginaire par la force de son préfixe qui évoque l'emprisonnement, la prise venant confirmer l'impact du corporel » (Françoise Couchard, Emprise et violences maternelles, 1991). Dupré ne s'en passerait pas pour un empire : « Dans ce sens [figuré, emprise] est irremplaçable : empire, domination n'évoquent pas bien l'idée d'“étreinte” ; prise, étreinte n'évoquent pas bien l'idée de "domination" ; mainmise évoque la prise de possession et non l'état qui en résulte. » Mais j'imagine que les esprits rebelles n'ont que faire de ces observations empiriques...

    (1) « Lorsqu'il s'agit de choses ou de sentiments, et qu'il est seulement question de traduire une dépendance excessive, c'est empire qui s'impose [...]. L'ennui, c'est que les deux termes se ressemblent, et que l'on a tôt fait de les confondre ! » (Bruno Dewaele, 2004), « On emploie sous l'empire de pour signifier qu'on est sous la dépendance d'une chose (alcool, drogue, etc.) ou d'un sentiment (colère, passion, etc.). On emploie sous l'emprise de pour signifier qu'on est sous la dépendance d'une personne, qu'on subit son ascendant moral ou intellectuel » (Dominique Dumas, Le Grand Livre de l'orthographe - Certificat Voltaire, 2019), « On peut préconiser – même en sachant que c'est réducteur pour empire – d'employer emprise pour une personne ("elle est sous l'emprise d'un charlatan") et empire pour quelque chose ("sous l'empire de la colère, il brisa une vitre") » (Jean-Pierre Colignon, 2021).

    (2) « J'étais sous l'emprise du poison qui me travaillait » (Hippolyte Visart de Bocarmé, 1851), « Le Poète, sous l'emprise du sortilège » (Jules Bois, 1894), « Fuir les emprises de la chair » (Huysmans, 1895), « La jeune femme retomba sous l'emprise de ces souvenirs » (George de Peyrebrune, 1897), « Elle vécut sous l'emprise de l'idée fixe » (Huysmans, 1905), « Nous avons gémi, au berceau, sous l'emprise de l'éternelle douleur » (Marc Elder, 1914), « Un homme [...] n'échappe pas à l'emprise de la contemplation et de l'amour » (Georges Duhamel, 1919), « L'insidieuse emprise de la nuit » (Romain Rolland, 1922), « L'emprise [de la langue] sur les individus » (Charles Bally, 1923), « Nous défendre contre l'emprise d'un instant inconscient » (Paul Bourget, 1927), « On pourrait croire qu'ils écrivent sous l'emprise de leurs passions » (Ferdinand Brunot, 1934), « Elle était déjà retombée en servage, sous l'emprise de la même terreur qu'autrefois » (Maxence Van der Meersch, 1936), « L'auteur de lieux communs cède [...] à l'emprise du langage » (Jean Paulhan, 1941), « Une emprise des mots sur l'esprit » (Ramon Fernandez, 1943), « Cette emprise des souvenirs » (Martin du Gard, 1944), « Il réagit contre l'emprise de ce doute » (Henri Troyat, 1947), « On a toujours [...] subi l'autorité du passé et son emprise » (Émile Henriot, 1960), « Des progrès ont été réalisés [...] sous l'emprise de la nécessité » (Georges Pompidou, 1974), « Quelques mots écrits sous l'emprise de l'emportement » (Jean-Marie Rouart, 1987), « Il se souvenait de musiciens sous l'emprise de substances bizarres » (Marc Lambron, 2006), « Sous l'emprise d'un entraînement éphémère ou d'une mode » (Gérard de Cortanze, 2010), « L'emprise sans cesse croissante d'une idéologie partisane » (Jean d'Ormesson, 2015), « L'idée d'une graphie médiévale [...] ne subissant pas l'emprise du latin » (Bernard Cerquiglini, 2018), « Je n'ai pas agi sous l'emprise de la démence » (Amélie Nothomb, 2020), « Personne sous l'emprise d'une passion, d'une forte émotion, d'affects, de la colère, de la drogue... » (TLFi).

    (3) On eût souhaité que l'Académie précisât les emplois en question...

    (4) Pour le coup, cette marque d'usage paraît bien restrictive, de nos jours...

    Remarque 1 : Participe passé substantivé du vieux verbe emprendre (« entreprendre »), emprise a eu dans l'ancienne langue le sens général de « entreprise, fait d'entreprendre » (plus particulièrement « exploit, prouesse (chevaleresque) », « initiative, courage, audace », « attaque, assaut », « devise », « tournoi », « partie de jeu », etc.), avant de tomber quasiment en désuétude. Repris au milieu du XIXe siècle avec le sens que l'on sait, ledit substantif fut condamné par les puristes comme salmigondis de paronymes (empire, empreinte, prise) : « Un écrivain soucieux de son renom fuira, comme la peste, le mot emprise, qui est à la fois prétentieux, incompris et d'exécrable littérature » (André Thérive, 1929), « L'usage vicieux d'emprise [est] une de ces fautes [qui] témoignent ensemble l'ignorance et la pédanterie de ceux qui les commettent » (Abel Hermant, 1929). Renseignements pris, ces jugements, sévères, sont infondés.
    D'abord, le Dictionnaire du moyen français nous apprend que emprise s'est dit autrefois de l'« engagement pris par un chevalier auprès d'une dame d'accepter une sorte de soumission symbolique dont il ne sera délivré qu'en combattant en tournoi » et, par métonymie, de l'« objet concret porté par un chevalier (ou par son représentant), qui le tient de sa dame, comme insigne du défi formulé dans la lettre d'emprise, et signifiant que ce chevalier se soumet à sa dame et se propose de combattre en l'honneur de celle-ci ». C'est précisément à cette marque d'engagement chevaleresque que Théophile Gautier fait référence, en 1863, quand il remet le mot en selle : « A son col, on voyait toujours le fil de perles donné par Isabelle, et qui, pour la bizarre jeune fille, était le signe visible de son servage volontaire, une sorte d'emprise que la mort seule pouvait rompre » (Le Capitaine Fracasse).
    Ensuite, le même dictionnaire nous apprend que le verbe emprendre s'est construit autrefois avec la préposition sur au sens de « empiéter ; attaquer » : « Car, s'aucun veult sus lui emprendre » (Gace de La Bigne, vers 1370), « Emprendre sus ses voisins et vouloir conquerir le monde sur autruy » (Olivier de La Marche, XVe siècle), « Dieu n'emprent jamais sur le droit d'autrui » (Les Évangiles des quenouilles, vers 1470). De là le tour faire emprise sur, que l'Anglo-Norman Dictionary donne comme synonyme de to lay hands on, seize et que l'on peut rendre en français par « mettre la main, faire main basse sur » : « Faire tiele emprise sur la principauté » (Anglo-Norman Letters and Petitions, 1369), « Ilz doivent, au matin, faire emprise sur Bouchain » (Lettres de la ville de Valenciennes, 1482). Cette valeur s'est maintenue dans la langue administrative et juridique, où emprise désigne l'action d'empiéter (spécialement l'action de prendre des terrains par expropriation et, par métonymie, la surface de terrain ainsi acquise par l'administration) : « emprise de jurisdiction », « jusqu'à ce que l'usurpateur casse son emprise » (Esclaircissement du droit de souveraineté du conseil de Flandres, 1660) ; « emprise d'heritages » (Coustumes et usages de la ville de Lille, 1687) ; « si avant que l'un de noz officiers se plaingne de l'autre pour emprise sur ses limites » (Institution de la cour de Haynaut, 1612) ; « usurpation ou emprise sur cette rivière » (Institution au droit coutumier du pays de Hainaut, 1780) ; « expropriation ou emprise de terrain » (Précis historique des canaux et rivières de la Belgique, document daté de 1825).
    Vous l'aurez compris, c'est cette idée, ancienne, de mainmise, d'empiètement, de prise de possession impliquant la soumission d'autrui qui est à l'origine de l'extension de sens moderne : « Emprise, au sens nouveau, est tout bonnement un emploi figuré d'emprise, terme juridique. On ne voit là rien de ridicule, ni de prétentieux, ni d'absurde, ni d'impropre [...], répond vertement Grevisse à Thérive. Insistons plutôt sur ceci : emprise, au sens de "domination, empire, etc.", a reçu la pleine sanction de l'usage. » Pour autant, les esprits obsédés par la mauvaise réputation qui fut un temps attachée à notre substantif pourront toujours chercher à lui substituer l'un des termes suivants : ascendant, autorité, dépendance, domination, empire, empreinte, étreinte, fascination, influence, joug, mainmise, pouvoir, prise, etc.

    Il a vécu sous la domination de ses tortionnaires.

    Elvis a marqué le rock de son empreinte (et non de son emprise).

    Remarque 2 : Alain Viala, historien et sociologue de la littérature, établit entre les deux paronymes la nuance suivante : « L'empire est relativement plus absolu, l'emprise plus modulable », « Emprise vaut altération, mais n'est pas une dépossession entière, une aliénation [comme l'est empire] ».

     

    Empire

     


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  • Acceptation (du latin acceptare, « recevoir, consentir ») désigne le fait d'accepter quelque chose.

    L'acceptation d'un don, d'une offre.

    On se gardera de confondre ce mot

    avec son paronyme acception (du latin accipere, « comprendre »), qui correspond au sens particulier dans lequel un mot est employé.

    Les différentes acceptions du mot défense : action de se défendre ou dent de l'éléphant.

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    Remarque
    : Acception signifie également « égard, préférence », comme dans l'expression sans (faire) acception de (= sans accorder de préférence à).

    La justice ne fait acception (et non exceptionde personne ni de fortune (= sans faire entrer en ligne de compte la personne ni la fortune).

     

    Acception

    Livre de Louis-Sébastien Mercier, Editions Nabu Press

     


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  • Si, dans leur utilisation courante, ces deux verbes ont un sens distinct (falloir = « être nécessaire, obligatoire » ; valoir = « avoir la valeur de »), la confusion apparaît avec la construction impersonnelle il vaut mieux (qui signifie « il est préférable de »), parfois altérée en il faut mieux.

    On proscrira donc la formulation il faut mieux, qui relève du barbarisme.

    Il vaut mieux écouter ce conseil ou Il faut écouter ce conseil.

    Mieux vaut tard que jamais.

    Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras.

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    Subtilités

    Il vaut mieux travailler (= il est préférable de travailler) mais Il faut mieux travailler (= il faut être plus efficace ; l'adverbe mieux porte ici sur travailler, par sur faut).


    Remarque 1
     : Colette Guillemard précise que le bien de il faut bien est explétif et ne peut se mettre au superlatif.

    Remarque 2 : Entre deux verbes en comparaison, on peut intercaler indifféremment que ou que de.

    Il vaut mieux prévenir que guérir (ou que de guérir).

    Remarque 3 :

    • Avec un complément qui répond à la question combien ?, valoir est un verbe intransitif et son participe passé est invariable.

    Les 50 euros qu'ont valu ces livres.

    • Avec un complément qui répond à la question quoi ?, valoir est un verbe transitif et son participe passé s'accorde avec le complément d'objet direct s'il est placé avant le verbe.

    Les félicitations que son exposé lui a values.

    • Quant au participe passé de falloir, il est invariable comme pour tous les verbes impersonnels.

    Les deux heures qu'il lui a fallu pour rentrer chez lui.

    Remarque 4 : Voir également ce billet.

    Il vaut mieux

    (Source : groupe Facebook « Pour la préservation de l'expression "Il vaut mieux" »)

     


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  • Voilà deux paronymes souvent confondus. Il est vrai qu'ils partagent le même radical et la même idée de violente soudaineté, mais leur sens est diamétralement opposé : éruption vient du latin erumpere, sortir avec violence, et irruption du latin irrumpere, entrer brusquement.

    Le mot éruption (notez le é initial, emprunté au préfixe ex-, hors de) est donc associé à une soudaine poussée vers l'extérieur. On l'emploie pour désigner une éruption volcanique, une éruption dentaire, une éruption cutanée... et, au sens figuré, à propos de l'explosion soudaine d'un sentiment.

    Un volcan fait éruption (en crachant de la lave). Un adolescent fait une éruption d'acné (en crachant...).

    Une éruption de joie, de colère (= explosion, au sens figuré).

    On fera la distinction avec irruption (notez le ir initial, représentant euphonique du préfixe in-, en, dans), mot associé à un mouvement brusque et soudain vers l'intérieur.

    Il fit irruption au moment où l'on s'y attendait le moins.

     

    Eruption

    Livre d'André Picaud, Editions Kessinger Publishing

     


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