• Mettre le hola
    « Avant que le collège des cardinaux ne mette le hola à leurs briefings quotidiens, les cardinaux américains avaient demandé que les questions de gouvernance soient examinées en profondeur » (à propos du conclave qui élira le successeur de Benoît XVI, photo ci-contre).

    (sur nouvelobs.com, le 8 mars 2013)

     

    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Flickr)


     
    FlècheCe que j'en pense

    Serions-nous en présence d'une nouvelle vague consistant à s'affranchir de l'accentuation en français ? Si tel était le cas, il faudrait y mettre rapidement le holà !

    Certes, la vague d'origine espagnole s'écrit correctement sans accent, mais également sans h initial : La foule a fait une ola dans les gradins.

    Pour ce qui est de l'interjection servant à appeler ou à modérer quelqu'un, l'accent grave est de mise, conformément à sa formation (avec ho et ) : Holà ! y a-t-il quelqu'un ? Holà ! ne faites pas tant de bruit. Employé comme substantif masculin, holà ne se rencontre que dans l'expression mettre le holà (à quelque chose), qui signifie « faire cesser, en usant de son autorité ».

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Avant que le collège des cardinaux ne mette le holà à leurs réunions d'information quotidiennes.

     


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  • Avoir à faire

    « "Que ce soit clair, je n'ai pas envie d'avoir à faire au monde politique, qui me procure un ennui mortel", assure-t-il » (à propos de Nicolas Sarkozy, photo ci-contre).
    (Marion Brunet, sur lefigaro.fr, le 6 mars 2013)

     

    (photo Wikipédia sous licence GFDL par EPP)


    FlècheCe que j'en pense

    Sans doute l'ancien président de la République, connu pour son dynamisme, a-t-il toujours fort à faire. Mais en l'occurrence, c'est plutôt d'affaires qu'il est ici question. Pas tant celles liées à Liliane Bettencourt, comme le prétendent les mauvaises langues, que celle rencontrée dans l'expression avoir affaire (sans s final à affaire).

    Bien sûr, Hanse laisse planer un doute en écrivant : « On a affaire (beaucoup plus rarement à faire [1]) à quelqu'un, à quelque chose » – après tout, une affaire ne désigne-t-elle pas étymologiquement ce qui est à faire ? Mais c'est pour aussitôt préciser que, « dans l'usage [moderne], affaire l'emporte nettement et est à conseiller, sauf si le sens "faire quelque chose" apparaît clairement ». Pour l'Office québécois de la langue française, l'affaire est entendue : « Bien que les deux graphies aient longtemps été possibles [2], la graphie avoir affaire est maintenant celle qui prévaut. »

    Mieux vaut donc s'en tenir à la recommandation suivante : on a à faire quelque chose (ses devoirs, une démarche, un travail, etc.), au sens de « être obligé de faire quelque chose, devoir s'acquitter d'une obligation » ; mais on a affaire à (plus souvent que avec [3]) quelqu'un ou quelque chose (à une plaisanterie, à une difficulté, à un complot, à une menace, etc.), au sens de « avoir à traiter, à discuter, à se mettre en rapport avec (quelqu'un) ; avoir quelque différend avec (quelqu'un) ; se trouver en présence de, être confronté à (quelque chose) ».

    Le premier qui dit qu'il n'en a rien à faire... aura affaire à moi !

    (1) Pas si rarement que ça, rétorque Grevisse, exemples à l'appui : « Il faut qu'il ait à faire à quelque vainqueur » (Sainte-Beuve ; mais c'est la graphie affaire qui figure dans l'édition de 1848 du troisième tome de Port-Royal, d'abord paru sous forme d'articles de presse − de quoi donner raison à Girault-Duvivier, qui soutenait mordicus que « si l'on trouve quelquefois avoir à faire, c'est une irrégularité qu'il ne faut pas imiter, et qui provient le plus souvent de la négligence des imprimeurs ou des éditeurs » !), « Ils ont à faire à des chiens » (Paul Morand, 1926), « On a à faire à des fonctionnaires » (Daniel-Rops, 1928), « M. de Rebours, à qui il eut d'abord à faire » (Mauriac, 1931). Citons encore, au risque de procurer au lecteur un ennui mortel : « J'aime mieux avoir à faire à vous » (Stendhal, 1835), « On a à faire à une expression de la nature humaine » (Sartre, 1946), « Nous avons à faire à une crise de la critique » (Ionesco, 1971).

    (2) En ancien français, af(f)aire apparaît souvent comme une simple variante graphique (agglutinée) de à faire : « Le royaume de France avoit moult affaire en son temps » (Jean Froissart, avant 1400), « Tout ce que j'auray affaire » (Jean de Bueil, 1466). De là l'hésitation formelle qui caractérise notre affaire, quand bien même la logique porte à croire que l'on a écrit avoir à faire avant avoir affaire : « Mais onc o tei a faire n'oi » (Le Roman de Thèbes, vers 1150), « Et a faire avoit a tel gent » (traduction anonyme de la Disciplina clericalis de Pierre Alphonse, XIIIe siècle), « A quel seignor afaire avoies » (Le Roman de la Rose, XIIIe siècle), « Tous ceulx qui avoient affaire à luy » (Jean de Joinville, 1306), « Ceulx a qui ilz avoient a faire » (Le Roman de Perceforest, vers 1340 ?), « Ot devant vous a faire a prinche ou a bourgois » (Li Bastars de Buillon, XIVe siècle), « Se monstrant plus traittable a ceulx qui avoient a faire a luy » (Jacques Amyot, 1559). La locution figure sous les deux graphies, et sans différence de sens appréciable, dans l'édition de 1656 des Curiosités françoises d'Antoine Oudin : « A qui pensez vous avoir affaire [à faire dans l'édition de 1640] », « Avoir à faire à une personne », puis dans les premières éditions (1694-1762) du Dictionnaire de l'Académie : « On dit, Avoir affaire à quelqu'un, avec quelqu'un, pour dire, Avoir à luy parler, avoir à traiter, à negocier avec luy de quelque chose » (à l'article « affaire »), « On dit Avoir à faire à quelqu'un, avec quelqu'un, pour dire, Avoir à luy parler, à l'entretenir de quelque chose, à traiter de quelque chose avec luy » (à l'article « faire »). Mais voilà : en 1787, l'abbé Féraud décrète toutes affaires cessantes que « coupe[r] affaire en deux est contre l'usage » ; c'en sera fini de la variante avoir à faire à, avec dans les éditions à venir du Dictionnaire de l'Académie. À l'inverse, la graphie avoir affaire de, attestée depuis le XIIe siècle au sens de « avoir besoin de » mais déjà contestée au XVIIIe siècle (« Bien des gens confondent avoir à faire et avoir affaire. On devroit les distinguer en disant j'ai affaire à vous et j'ai à faire de vous », Dictionnaire de Trévoux, édition de 1732), y est désormais donnée pour vieillie : « Qu'avons-nous affaire de ces querelles ? (On écrit plutôt Avoir à faire de) » (article « affaire » de la neuvième édition dudit Dictionnaire). C'est que, analyse Kristian Sandfeld, que dans ce dernier exemple suppose le verbe faire, dont il est en réalité le complément d'objet direct !

    (3) Grevisse reconnaît qu'il est difficile de distinguer nettement ces deux constructions : « Comme Littré le fait observer, la seule distinction réelle entre avoir affaire à et avoir affaire avec, c'est que à est plus général ; on a affaire à quelqu'un pour toutes sortes de choses ; on a affaire avec quelqu'un pour traiter avec lui, et en raison d'une certaine réciprocité, qui n'est pas impliquée par à. » De son côté, Girodet, à la suite de Laveaux et de Bescherelle, considère que avoir affaire à « souligne le rapport de subordonné à supérieur », quand avoir affaire avec « implique une relation sur un pied d'égalité et une idée de transaction, de négociation ». Tout cela paraît un peu subtil. Aussi ne s'étonnera-t-on pas que ces deux tours se trouvent souvent confondus dans l'usage, au détriment du second, jugé vieilli.


    Remarque 1 : Il est à noter que le Dictionnaire de l'Académie ne donne aucun exemple de avoir affaire à (ou avec) suivi d'un nom de chose. Cette construction est pourtant attestée de longue date (seulement avec à ?), sous des plumes averties, voire académiciennes : « Mais il avoit affaire a un accident reparable » (Montaigne, 1587), « Dans cette seconde moitié de sa carrière où il eut affaire à un milieu de société décidément modifié, à certains goûts littéraires » (Sainte-Beuve, 1845), « La première fois qu'il eut affaire à un bateau de la marine nouvelle » (Ernest Lavisse, 1893), « Aussi ai-je affaire continuellement à ces petites taquineries de la médiocrité » (Jacques Rivière, 1906), « Nous aurions certainement affaire à bien des confusions » (Émile Henriot, 1946), « Nous avons affaire à deux conceptions [...] distinctes » (Jean-Marie Rouart, 2004).

    Remarque 2 : Le sens exige d'écrire :

    • Avoir fort à faire (et non forte affaire),
    • Que pouvait-il bien avoir à faire avec cette personne ? Je ne veux rien avoir à faire avec cette personne (= je ne veux avoir aucun rapport, aucune relation avec elle), où que, rien est complément d'objet direct du verbe faire.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Je n'ai pas envie d'avoir affaire au monde politique.

     


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  • Elle s'est rendu(e) compte

    « Lorsqu’elle a reçu les résultats de l’examen, je me suis dit qu’elle avait peut-être quelque chose de spécial et que je ne m’en étais jamais rendue compte » (propos de la mère de l'adolescente de 12 ans connue pour avoir un QI supérieur à celui d'Einstein, photo ci-contre).

    (Jérémy Garandeau, sur gentside.com, le 6 mars 2013)

    (photo Wikipédia)


    FlècheCe que j'en pense


    Si, d'après ledit article, la jeune Britannique d'origine indienne Neha Ramu s'est notamment illustrée à l’examen de grammaire en réalisant un sans(-)faute, on ne peut en dire autant de notre malheureux journaliste.

    En effet, à en croire nos plus éminents spécialistes, la cause est entendue : dans la conjugaison de se rendre compte, « le participe est toujours invariable ». Voilà qui est dit. Inutile pour autant d'espérer trouver la moindre justification à cet état de fait dans les comptes rendus de Girodet, Thomas, Hanse, Bescherelle et consorts : derrière le bel unisson, aucune explication. Une telle vérité aussi laconiquement partagée ne pouvait que paraître suspecte.

    L'Office québécois de la langue française est heureusement plus prolixe : selon lui, dans la locution se rendre compte, c'est le substantif compte, et non le pronom se, qui tient lieu de complément d'objet direct. Comme celui-ci est toujours placé après le verbe, l’invariabilité du participe passé est de rigueur, selon la règle d’accord des verbes occasionnellement pronominaux.

    Si l'explication est grammaticalement satisfaisante, elle ne laisse pourtant pas de heurter le bon sens : car, après tout, est-on fondé à considérer se rendre compte (de quelque chose), qui signifie « s'en apercevoir, en prendre conscience », comme la forme pronominale de rendre compte (de quelque chose), à savoir « en faire le récit, le rapport, en rendre raison » ? A priori, le compte n'y est pas... D'où la réflexion de mon correspondant (cf. commentaires ci-dessous), qui a tôt fait de ranger ladite locution dans le groupe des verbes (occasionnellement) pronominaux non réfléchis – entendez : qui existent aussi à la forme non pronominale, mais avec un autre sens (sur le modèle de s'apercevoir, qui ne signifie pas « apercevoir soi-même » mais « prendre conscience ») – et, partant, de prôner l'accord du participe passé.

    C'est oublier que le substantif compte est ici pris au sens figuré de « action de rapporter ce qu'on a fait, ce qu'on a vu, etc., et d'en rendre raison, de l'expliquer ». À l'origine, se rendre compte (de quelque chose) signifiait ainsi « se l'expliquer, s'en rendre raison », comme cela est encore attesté dans la huitième édition du Dictionnaire de l'Académie : « J'éprouvais un sentiment dont j'avais peine à me rendre compte. » Ce n'est que dans la dernière édition dudit ouvrage que l'Académie enregistre l'acception moderne de « s'en apercevoir, en prendre conscience », dans laquelle le sens originel de compte n'est plus perçu. Malgré ce glissement sémantique, l'invariabilité du participe passé – pleinement justifiée dans le sens premier – a été conservée dans le sens moderne.

    Il n'empêche, j'ai peine à me rendre compte du silence des ouvrages spécialisés sur ce point de grammaire... réservé à l'entendement des seuls surdoués ?


    Voir également le billet Accord du participe passé des verbes pronominaux.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Je ne m’en étais jamais rendu compte.

     


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  • Aucun des
    « Aucune des phrases qui précède n’est dictée par l’idéologie qui normalement les inspire : le mépris social et la haine des pauvres qui, crise ou pas, s’exprime toujours sur le même ton. »

    (Nicolas Demorand, sur liberation.fr, le 5 mars 2013)

     

     

    (affiche du film de Jean-Luc Godard)


    FlècheCe que j'en pense


    La crise n'en finit pas de faire des ravages, jusque sous la plume pourtant affûtée du directeur de la rédaction du journal Libération. Je veux parler de la crise de l'emploi... du bon sujet pour accorder le verbe en conséquence.

    Dans notre exemple, si le sujet de dicter est bien aucune (ce qui justifie l'accord au féminin singulier), celui de précéder est qui (= les phrases).

    Quel que soit le combat mené, le mépris (du travailleur comme du lecteur) n'est assurément pas la meilleure solution.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Aucune des phrases qui précèdent n’est dictée par l’idéologie qui normalement les inspire.

     


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  • Mettre en joug

    « Car ce dimanche, après avoir tenu en joug une équipe rémoise longtemps timorée, les hommes de Christophe Galtier se sont mis en difficulté tous seuls comme des grands » (à propos d'un match de football opposant Saint-Étienne à Reims).
    (sur eurosport.fr, le 17 février 2013)



    FlècheCe que j'en pense


    Je me suis gratté la tête, avant de me frotter la joue. Pouvait-il s'agir d'une de ces expressions propres au jargon footballistique, avec lequel j'avoue ne pas être familier ?

    Apparemment, non. Tout porte à croire que nous sommes plutôt en présence d'une regrettable confusion entre deux homophones : joue (d'origine incertaine, selon le Dictionnaire historique de la langue française) et joug (emprunté du latin jugum et généralement prononcé sans faire sentir le g étymologique), qui désigne la pièce de bois que l'on met sur la tête des bœufs pour les atteler. Au sens figuré de « contrainte matérielle ou morale », ce dernier substantif se rencontre notamment dans l'expression (être, tenir, mettre) sous le joug, qui est venue se télescoper dans l'esprit de notre journaliste avec la locution (tenir une cible) en joue, formée d'après la position du fusil plaqué contre la joue pour viser. Soit dit en dribblant, nombreux sont ceux qui mériteraient le même carton rouge, tant la Toile regorge de « en joug, feu » saisis à la volée...

    Bien sûr, feront remarquer les plus compréhensifs d'entre nous (du moins, ceux que le tacle répugne), l'image du joug est recevable, dès lors qu'il est question d'une équipe restée longtemps dominée, jouant pour ainsi dire sous la contrainte ; encore aurait-il fallu recourir à la bonne préposition, en l'occurrence : sous et non en. L'image du tir apparaît pour le coup plus contestable, notamment quand celui-ci n'atteint pas son but.

    Quant à la confusion entre les différents emplois de tout, elle ne fait que confirmer le caractère hautement essentiel du repos dominical. Ou les ravages du refrain « tous ensemble ».

    Nos bœufs, hilares, sifflent les fautes et comptent les points en secouant les joues et en se tordant les côtes, sous le regard bovin de leurs coéquipiers d'infortune, les Mé...rens (bon, je le concède, elle est un peu tirée par la crinière, celle-là).


    Voir également le billet Tout.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Après avoir tenu en joue une équipe (si l'idée est celle d'avoir son adversaire en ligne de mire).

    Après avoir tenu sous le joug une équipe (si l'idée est celle de maîtriser, de dominer son adversaire).

    Après avoir tenu en respect une équipe (si l'idée est celle de contenir son adversaire).

    Ils se sont mis en difficulté tout seuls (= entièrement seuls).

     


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