• Elle s'est refusé(e) à

    « Contrairement à la direction de son parti, Sylvie Houssin [photo ci-contre] s'est refusé dimanche à donner une consigne de vote » (à la suite de l'élimination du PS au premier tour de la législative partielle dans la deuxième circonscription de l'Oise).

    (sur nouvelobs.com, le 18 mars 2013)

     (photo Le Courrier Picard)


     
    FlècheCe que j'en pense


    Au nom de quel parti pris refuserait-on l'accord du participe passé dans cette phrase ? Se refuser à y a le sens, non pas de « refuser soi-même » ni de « refuser à soi-même », mais de « ne pas consentir à ». Nous sommes donc là en présence d'un verbe pronominal non réfléchi, pour lequel le pronom se ne peut être analysé comme complément d'objet : l'accord avec le sujet est de rigueur.

    Les choses auraient été différentes dans la phrase : Elle ne s'est rien refusé, où se refuser (quelque chose) signifie proprement « (le) refuser à soi-même ». Rien, complément d'objet direct placé avant le participe passé, commande alors l'accord de ce dernier au neutre (ce qui revient à laisser le participe invariable).

    Mais il faut croire que les consignes d'accord sont, de nos jours, aussi peu respectées que les consignes de vote...


    Remarque : Voir également le billet Accord du participe passé des verbes pronominaux et ce billet.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Elle s'est refusée dimanche à donner une consigne de vote.

     


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  • Répréhensif« Fabrice Paszkowski, proche de l'ancien patron du FMI, affirme samedi dans La Voix du Nord "n'avoir rien commis de répréhensif" » (à propos de l'affaire du Carlton de Lille).

    (sur lefigaro.fr, le 16 mars 2013)

     

     

     

    (photo Wikipédia )

     
    FlècheCe que j'en pense


    Aucune trace, à première vue, dudit adjectif dans les dictionnaires usuels. Seul répréhensible a droit de cité, avec le sens de « qui mérite d'être repris, d'être blâmé ou désapprouvé » : Un acte répréhensible.

    Sommes-nous pour autant en présence d'un barbarisme ? Non, si l'on en croit le Dictionnaire historique de la langue française, qui nous enseigne que répréhensif est apparu au XVe siècle pour qualifier ce qui réprimande : Une politique répréhensive vouée à l'échec. Considéré de nos jours comme « archaïque ou rare » (toujours selon Alain Rey), l'adjectif est à ce point tombé en désuétude qu'il n'a plus l'heur de figurer dans les pages de Larousse et de Robert.

    Quoi qu'il en soit, répréhensif, quand il aurait conservé son pouvoir de séduction au cours des âges, ne se justifierait ici d'aucune façon : comment pourrait-on se voir reprocher d'avoir commis quelque chose... qui réprimande, qui blâme ?

    La même distinction entre le suffixe -ible exprimant la faculté de subir l'action (sens passif) et le suffixe -if marquant la capacité à accomplir l'action (sens actif) se retrouve à propos des paronymes compréhensible / compréhensif (qui peut être compris / qui comprend), sans doute à l'origine de la présente confusion.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Il n'a rien commis de répréhensible.

     


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  • Parce qu'extrêmement« Les deux pandas géants du zoo de Tokyo se sont enfin accouplés. L'événement a été filmé, parce qu'extrêmement rare. »

    (Rachel Mulot, sur nouvelobs.com, le 15 mars 2013)

     
    (photo Wikipédia sous licence GFDL par J. Patrick Fischer)


     
    FlècheCe que j'en pense


    Bien sûr, certains ne manqueront pas de rappeler que Proust n'hésitait pas à accoupler systématiquement le e final de la locution parce que avec la voyelle ou le h muet commençant le mot suivant : « Il se sentait anxieux parce qu’Odette avait causé avec un invité plus qu’avec un autre », « parce qu’apparentée aux mêmes personnes que sa nièce », etc. Même approche chez Pagnol : « parce qu’aujourd’hui, c’est l’automne ». Après tout, la règle traditionnelle ne préconise-t-elle pas justement l'élision du e de que devant une voyelle ou un h muet ? Partant, pourquoi ce qui est valable pour que ne le serait-il pas pour parce que ?

    Et pourtant, si l'on s'en tient à ladite règle (défendue avec une belle unanimité par Bescherelle, Girodet, Thomas et l'Académie), parce que ne devrait s'élider que devant à, il(s), elle(s), on, un(e) : Parce qu'il l'a dit. Parce qu'à Paris. Parce que (,) en France (,) c'est ainsi. On notera que, dans ce dernier exemple, la ponctuation permet d'éviter de se poser la question...

    Nous voilà donc en présence d'un point d'autant plus controversé de notre grammaire que parce que est ici construit sans verbe ni sujet. Ce tour elliptique, admis par l'Académie dans l'usage courant, fait partie de ces fausses élégances qui ne sont pas à conseiller dans le registre soutenu (selon Girodet et Thomas).

    Quelle affaire ! semblez-vous penser. Un cirque, assurément, à la mesure de nos deux pandas géants. Dans le doute, mieux vaut s'en tenir à la tradition. Et ce ne sont pas les Japonais qui me contrediront.


    Voir également le billet Élision avec les composés de que

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    L'événement a été filmé, parce que extrêmement rare (selon la règle traditionnelle).

    Ou, plus orthodoxe encore : L'événement a été filmé, parce qu'il est extrêmement rare.

     


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  • « Patient et poli, avec même quelques pointes d’humour bien senties, [Vincent Peillon, photo ci-contre] a défendu point à point son texte (...) Les partisans des langues régionales ne veulent pas être de reste (...) Sur les travées de droite, les Alsaciens s’en mêlent (...) L’article 5 du projet de loi prévoit de relancer [la scolarisation des enfants de moins de trois ans], notamment dans les territoires défavorisés – quartiers sensibles, régions rurales isolées et outre mer » (à propos du projet de loi sur la refondation de l'école).

    (Véronique Soulé, sur liberation.fr, le 15 mars 2013)



    FlècheCe que j'en pense


    Voilà un article qui ne comporte pas de fautes à proprement parler, mais quelques incorrections qui, par un effet d'accumulation, rendent sa lecture inconfortable.

    Commençons par la locution qui se dit quand on passe quelque chose en revue de façon exhaustive, dans le détail, sans rien omettre. Mettons les points sur les i : il s'agit de point par point (éventuellement de point en point)... mais pas point à point, expression réservée à ma connaissance aux liaisons téléphoniques. Sans doute notre journaliste s'est-elle laissé abuser par le verbe employé, défendre étant souvent accompagné du tour pied à pied avec le sens de « vaillamment, sans céder un pouce de terrain ».

    Quant à l'expression consacrée pour signifier, au propre comme au figuré, que l'on n'est pas le débiteur, l'obligé de quelqu'un, ou encore que l'on n'est pas pris au dépourvu, c'est ne pas être (ou demeurer) en reste (avec quelqu'un)... et non de reste, locution adverbiale synonyme de « plus qu'il n'en faut ». Littré note toutefois que être de reste se dit aux jeux de cartes quand on perd sa mise : Il fut encore de reste et jeta de rage les cartes sur la table.

    Précisons enfin que dans les travées serait ici préférable à sur les travées – à moins que les députés n'aient pris l'Assemblée pour une cour de récréation, en montant sur les sièges – et que la locution adverbiale outre-mer, parfois substantivée, s'écrit avec un trait d'union.

    Pas de quoi envisager un redoublement, certes, mais suffisamment pour rappeler cet adage à notre journaliste (si tant est qu'elle ne soit pas déjà partie sans demander son reste) : sans dictionnaire, point de salut !

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Il a défendu son texte point par point.

    Ils ne veulent pas être en reste.

    Dans les travées de droite, les Alsaciens s’en mêlent.

    Quartiers sensibles, régions rurales isolées et outre-mer.

     


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  • Non seulement... mais aussi

    « Le géant de l'habillement occupe la première place [à la Bourse espagnole] en terme de capitalisation (...) Entre atonie de la consommation, non seulement en Espagne mais aussi dans toute l'Europe, (...) et nécessité d'aller capter de nouveaux marchés beaucoup plus lointains pour conserver une rentabilité optimale, la marque espagnole va devoir transformer non seulement son modèle de conception, mais aussi adapter sa "supply chain"» (à propos de la marque espagnole de prêt-à-porter Zara).
    (Audrey Fournier, sur lemonde.fr, le 14 mars 2013)

     

     FlècheCe que j'en pense


    Il faut croire que Le Monde (.fr) n'est plus ce qu'il était. Voilà que l'on y parle "anglais" : fast fashion (pour mode éphémère ?), supply chain (pour chaîne logistique). Voilà, surtout, que l'on ne sait plus y écrire français...

    Est-il encore besoin de rappeler que le pluriel est de rigueur dans l'expression en termes de (voir à ce sujet ce billet) ?

    Sans doute est-il, en revanche, nécessaire de préciser que, dans l'expression non seulement... mais, « non seulement doit toujours précéder les termes qui sont opposés » (Thomas). Ainsi écrira-t-on correctement : Non seulement il est en retard, mais il arrive les mains vides. Il est apprécié non seulement par ses amis, mais même par ses adversaires.

    Force est de constater que notre journaliste semble avoir oublié non seulement ce principe élémentaire, mais encore celui qui veut que le français tende à éviter les répétitions dans une même phrase. Autant la première construction (non seulement en Espagne mais aussi dans toute l'Europe) est respectueuse de la syntaxe – à la ponctuation près –, autant la seconde met en opposition des éléments de nature grammaticale différente : un groupe nominal (son modèle de conception) et un groupe verbal (adapter sa supply chain) – en d'autres termes, des serviettes et des torchons !

    Et que penser de cette jolie anacoluthe (rupture dans la construction syntaxique d'une phrase), quelques lignes plus loin : « Après avoir été reconnu en 2008 coupable de contrefaçon pour des chaussures à semelle rouge à la façon des Louboutin, la cour d'appel de Paris a finalement tranché trois ans plus tard en faveur de l'espagnol » ? Bien sûr, me direz-vous, on se doute bien que ce n'est pas la cour d'appel qui a été reconnue coupable, comme le confirme l'accord au masculin singulier, mais que de constructions bancales dans un même article ! Sans parler de la confusion entre l'adjectif espagnol et le substantif associé, qui exige la majuscule.

    Un article rhabillé pour l'hiver, siffleront les mauvaises langues...

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Le géant de l'habillement occupe la première place en termes de capitalisation (mieux : en matière de capitalisation). Entre atonie de la consommation, en Espagne comme dans toute l'Europe, et nécessité d'aller capter de nouveaux marchés beaucoup plus lointains pour conserver une rentabilité optimale, la marque espagnole va devoir non seulement transformer son modèle de conception, mais aussi adapter sa chaîne logistique.

     


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