• « Quand bien même la culpabilité de l'ex-ministre n'est nullement établie, le pouvoir médiatique et judiciaire ne peuvent se satisfaire de dénégations que semble contredire l'examen méthodique des faits. Puisqu'explication, il n'y a pas, l'affaire s'emballe au point de désigner provisoirement un perdant, en l'occurrence contraint de quitter le gouvernement » (à propos de Jérôme Cahuzac, photo ci-contre).

    (Denis Pingaud, sur son blog, le 21 mars 2013)

    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Cyclotron)

     
    FlècheCe que j'en pense


    Les choses avaient certes mal commencé. Ne lit-on pas, quelques lignes auparavant : « Et ruiner durablement une carrière, quelle que soit la vérité finalement mise à jour » (au lieu de mise au jour) ? Vous me direz, il y a belle lurette que les fautes de syntaxe ne ruinent plus la carrière de qui que ce soit...

    L'effet de surprise passé, voilà que l'on vient buter sur un accord que l'examen méthodique de la phrase semble en tous points contredire : le pouvoir médiatique et judiciaire n'est-il pas un sujet qui commande l'accord du verbe au singulier ?

    Enfin, que penser de cette dénégation de l'usage selon lequel puisque ne s'élide que devant il(s), elle(s), on, un(e), voire en ?

    Encore un spécialiste qui s'est emballé dans sa communication.


    Voir également le billet Élision avec les composés de que.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Les pouvoirs médiatique et judiciaire (ou le pouvoir médiatique et le pouvoir judiciaire) ne peuvent se satisfaire de dénégations.

    Puisque explication il n'y a pas.

     


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  • Celles-là même

    « Oh, bien sûr, il a des épaules (...) mais les jambes, celles-là même qui sur scène le relient à toute la force du monde, semblent presque fluettes » (à propos de Johnny Hallyday).

    (Anna Cabana, dans Le Point n° 2108, février 2013)

     

    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Georges Biard)

     

    FlècheCe que j'en pense


    Reconnaissons d'emblée qu'il est des cas où, placé après un nom au pluriel, même peut prêter à confusion quant à sa nature. Ainsi de la phrase : Ceux-là même(s) qui l'avaient soutenu l'ont finalement trahi. L'invariabilité est de rigueur quand le sens est celui de « même ceux-là » (adverbe), mais l'accord est possible si mêmes signifie « eux-mêmes » (adjectif).

    Dans le cas présent, l'invariabilité suppose que même est adverbe et peut être déplacé devant ledit nom (ou le pronom). Est-ce le cas ? Les jambes, même celles-là qui le relient à toute la force du monde... À croire qu'il en existe d'autres !

    Sans doute est-on fondé à privilégier ici l'accord (de guitare).

    Voir également le billet Même.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Les jambes, celles-là mêmes qui sur scène le relient à toute la force du monde, semblent presque fluettes.

     


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  • Confiance en le

    « Si les parlementaires socialistes avaient cédé devant ce fin diplomate, c’est que ce "petit geste" leur était demandé en tout début de mandat, lorsque la confiance en le couple Hollande-Ayrault était encore là » (à propos de Bernard Cazeneuve, photo ci-contre, successeur de Jérôme Cahuzac au Budget).

    (Gérald Andrieu, sur marianne.net, le 19 mars 2013)

     (photo Wikipédia sous licence GFDL par Mahmoud)


     
    FlècheCe que j'en pense


    Vous allez encore dire que je pinaille... mais tous les spécialistes vous le confirmeront : la préposition en s'accommode mal d'être suivie de l'article défini.

    Cela ne date pas d'hier : en ancien français, nous apprend Dupré, « en formait en effet avec l'article le une forme contractée enl, passée à ou, puis à au » ; de même, en les s'est contracté en ès, avant d'être absorbé par aux (hors titres universitaires). Voilà pourquoi les suites en le et en les sont si rares en français moderne (sauf peut-être en poésie), à la différence de en la et en l' qui, bien que n'ayant jamais été touchées par la contraction, ne se rencontrent plus guère que dans quelques locutions figées (en la demeure, en la matière, en la personne de, en la présence de ; en l'absence de, en l'air, en l'an, en l'espace de, en l'espèce, en l'état, en l'honneur de, en l'occurrence, etc.).

    Voilà surtout pourquoi il me semble préférable, en l'espèce, de suivre les recommandations de Hanse... en qui j'ai toute confiance : « En principe, dans s'emploie devant un nom précédé d'un article, d'un démonstratif ou d'un possessif ; en, avec des noms sans article ou avec des pronoms ». À moins de témoigner d'un goût prononcé pour les tours archaïques ou affectés (*).

    (*) Il fut un temps pas si lointain où le tour en le (comme en les) était considéré comme un « affreux barbarisme » (Brunot), un « snobisme archaïsant d'écrivains ignorant tout de l'ancienne langue » (Dauzat), rien de moins.


    Voir également le billet Avoir confiance.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Lorsque la confiance dans le couple Hollande-Ayrault était encore là.

     


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  • Enjoindre« "Par mesure de prévention, nous avons enjoint à rappeler tous les produits fabriqués à partir de cette viande [de mouton]", précise le ministre délégué à l'Agroalimentaire Guillaume Garot » (à propos de la nouvelle affaire Spanghero).

    (dépêche AFP reprise sur nouvelobs.com, liberation.fr, lemonde.fr, lefigaro.fr, le 19 mars 2013)

     
    FlècheCe que j'en pense

     
    Encore une construction qui va me rester sur l'estomac !

    Rappelons à notre ministre délégué – si tant est que ses propos n'aient pas été déformés – qu'enjoindre se construit sur le modèle de son synonyme ordonner : enjoindre à quelqu'un de faire quelque chose. Pour quelle raison nos contemporains s'obstinent-ils à recourir au solécisme enjoindre quelqu'un de faire quelque chose (voire, comme ici, à faire quelque chose), alors que l'intéressé exige un complément indirect de personne ? Je ne me l'explique pas. En fait, si : la confusion provient sans doute de ce que l'on a l'habitude de dire « Je vous enjoins de faire ceci », tour qui ne nous renseigne pas sur la fonction précise du pronom personnel vous (complément d'objet direct ou indirect). À moins qu'il ne s'agisse d'une nouvelle et regrettable influence de l'anglais (to enjoin someone to do something). Toujours est-il qu'enjoindre plaît, à défaut d'être maîtrisé.

    Plus à cheval sur le principe de précaution que sur les règles de la syntaxe, notre ministre innove toutefois, avec cet emploi absolu (en l'absence de complément d'objet) que le TLFi considère comme « rare ». Sans doute était-il trop commun de dire que les autorités « ont ordonné le rappel de tous les produits incriminés ».

    Encore un politique qui va faire un effet bœuf à force d'éviter de passer pour un mouton...


    Voir également le billet Enjoindre

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Nous avons enjoint (à Spanghero, aux distributeurs ?) de rappeler tous les produits fabriqués à partir de cette viande.

    Nous avons enjoint que tous les produits fabriqués à partir de cette viande soient rappelés (construction avec une proposition complétive correcte quoique rare).

    Ou, plus simplement : Nous avons ordonné le rappel de tous les produits fabriqués à partir de cette viande.

     


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  • Frag(r)ance

    « J’ai déjà eu l’occasion de m’interroger sur la proposition de Système U, qui consiste ni plus ni moins à un come-back des vieilles lois Galland et Dutreil, avec leur corollaire : le retour des marges arrières. »
    (Michel-Édouard Leclerc, sur son blog, le 15 mars 2013)  
     

    FlècheCe que j'en pense


    Il faut croire que Michel-Édouard Leclerc n'est pas le seul à se poser des questions. Je n'ai moi-même pas manqué de m'interroger à la lecture de son article. Non pas tant au sujet de ce provocant come-back, dont la présence s'explique sans doute par la volonté, somme toute louable, de l'auteur d'éviter une répétition. Pas davantage à propos de cette construction vieillie du verbe consister, que Hanse déconseille pourtant devant un nom : selon l'usage actuel, ledit verbe ne s'attache plus les services de à que devant un infinitif – de dans devant un nom avec article et de en devant un nom sans article (Le bonheur consiste dans la santé, à être en bonne santé et non Le bonheur consiste à la santé).

    Non, mon propos, aujourd'hui, est plutôt de me... mêler de ces fameuses rétrocommissions – somme d'argent reversée en (l')espèce par les fournisseurs aux hypermarchés –, qui ont fait les beaux jours de la grande distribution. Dans marge arrière, l'adjectif arrière est employé adverbialement, pour (marge) « de l'arrière ». C'est pourquoi l'invariabilité est de rigueur, comme dans roues arrière, feux arrière, sièges arrière, etc.

    Gageons que ces quelques incorrections n'empêcheront pas le patron de la célèbre enseigne, qui a toujours su préserver ses marges autant que ses arrières, d'aller de l'avant. Sans arrière-pensées.

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    J’ai déjà eu l’occasion de m’interroger sur la proposition de Système U, qui consiste ni plus ni moins à revenir aux vieilles lois Galland et Dutreil, avec leur corollaire : le retour des marges arrière.

     


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