• Revendiquer la maternité
    « Toutes deux s'attribuent la maternité d'un audit dans les fédérations pour détecter les carences en  candidats aux prochaines municipales » (à propos du duo UMP Valérie Pécresse, photo ci-contre, et Michèle Tabarot).

    (Benjamin Sportouch, dans L'Express n3214 février 2013)

     

     

    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Marie-Lan Nguyen)


    FlècheCe que j'en pense


    Bien sûr, dans un article consacré au « mariage pour tous », la tentation est grande de prôner l'égalité des sexes en privilégiant, comme ici, la féminisation de certaines de nos expressions.

    Après tout, le substantif paternité a bien connu une évolution du sens propre (« état, qualité de père » puis « lien de droit entre le père et son enfant ») vers le sens figuré (« fait d'être l'auteur, le créateur de quelque chose »). Pourquoi son équivalent féminin maternité ne connaîtrait-il pas le même sort ?

    Force est de constater que les dictionnaires usuels lui refusent en chœur ce privilège. Nulle trace – à ma connaissance – chez nos frères ennemis (Larousse et Robert), pourtant prompts à accueillir en leur sein les derniers rejetons semés à tout vent, d'une acception autre que celles ayant trait à la figure de la mère et à sa faculté de mettre un enfant au monde. À croire, se plaindront les féministes, que le poids de la tradition chrétienne est encore suffisamment présent dans l'inconscient collectif pour continuer de refuser à ces dames toute faculté créatrice dans un domaine autre que celui de la procréation.

    De leur côté, les traditionalistes feront valoir que, en français, c'est le masculin qui joue le rôle de neutre. Ils vous assureront, la main sur le cœur, qu'une femme peut revendiquer, tout autant qu'un homme, la paternité d'un projet ou d'une œuvre d'art. De même, le Dictionnaire historique de la langue française nous enseigne que l'expression paternité spirituelle désigne, en religion, « le lien spirituel  existant entre le parrain ou la marraine et le filleul ». Circulez, il n'y a rien à y redire...

    L'Académie, qui n'est pas connue pour être un modèle de parité, continue de donner raison à ces derniers. Pour le moment.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Elles s'attribuent la paternité d'un audit.

     


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  • Un(e) hymne« La finale [du Super Bowl américain] a opposé l'équipe de Baltimore à celle de San Francisco, cette dernière a déjà remporté le titre à 5 reprises, mais s’est finalement Baltimore qui s’impose 34-31 [...]. L’hymne américaine est incontournable lors d’un tel spectacle [...]. Beyoncé conclue le show avec un immense sourire. »

    (lu sur closermag.fr, le 4 février 2013)

    (photo iam.beyonce.com)

     
    FlècheCe que j'en pense


    Si la chanteuse Beyoncé a cette fois délaissé le play-back (la commission générale de terminologie et de néologie lui préfère présonorisation ou préenregistrement) pour assurer le spectacle en direct, le journaliste de Closer aurait peut-être dû se résoudre à un « write-back », entendez une préécriture... à défaut d'une simple relecture.

    Jugez-en plutôt : confusion entre les homophones c'est et s'est, hésitation sur le genre du substantif hymne, conjugaison erronée du verbe conclure. Un festival d'approximations en direct !

    Rappelons à toutes fins utiles que le verbe concluer n'existe pas en français (je conclus, tu conclus, il conclut). Quant au substantif hymne, il n'y a guère qu'entre les murs des églises latines qu'il relève du genre féminin (les hymnes sacrées de la liturgie catholique mais des hymnes protestants) ; au Super Bowl n'est censé retentir que l'hymne américain.

    Reconnaissons, à la décharge de notre journaliste, qu'il s'agit là d'une des subtilités du français que d'aucuns aimeraient voir disparaître. Littré considère ainsi que la distinction qui fait hymne du masculin au sens profane et du féminin au sens religieux (chez les catholiques) « n'a rien qui se justifie, soit dans l'étymologie, soit dans l'historique du mot ». Plus précisément, hymne (emprunté du masculin latin hymnus, « chant à la louange de Dieu ») est masculin selon l'étymologie, mais l'usage l'a accepté féminin en raison de la présence du e final. De là à « concluer » que « s'est » super... bof.


    Voir également le billet Conclure.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    C’est finalement Baltimore qui s’impose.

    L’hymne américain.

    Beyoncé conclut le show.

     


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  • Elles se sont mis(es) d'accord

    « La notion de "couple" homosexuel est-elle adaptée ? La réponse est non. Si l'on se réfère à la terminologie du Bon Usage, l'assemblage de deux éléments de même nature ne constitue pas un "couple" mais une "paire" [...]. La langue française nous indique clairement que la notion de "couple" repose sur un principe de différenciation et d'altérité. »
    (Daniel Godard, sur le blog Nephtar et Nephtali, le 28 janvier 2013)

     
    FlècheCe que j'en pense


    Voilà un article qui circule actuellement sur Internet, à l'occasion du débat sur le « mariage pour tous », dans lequel un soi-disant (au sens propre) professeur de lettres classiques affirme que couple ne peut désigner en français que deux éléments de nature différente. C'est oublier (volontairement ?) que notre langue recèle quelques subtilités qu'il peut être utile de rappeler.

    Couple, nous enseigne le Dictionnaire historique de la langue française, est emprunté du latin copula qui signifie proprement « lien, chaîne » et, au figuré, « groupe de deux personnes unies par l'amitié ou l'amour », puis, à l'époque impériale, « groupe de deux choses ». L'Académie ne dit rien d'autre dans la dernière édition de son Dictionnaire : « Du latin classique copula, "lien, chaîne", "groupe de deux personnes", puis "paire". » Si l'on s'en tient à ces considérations étymologiques, l'argument du « principe de différenciation et d'altérité » paraît contestable.

    Interrogeons Littré, qui ne peut guère être soupçonné de parti pris :

    « Un couple, au masculin, se dit de deux personnes unies ensemble par amour ou par mariage ; il se dit de même de deux animaux unis pour la propagation. Une couple, au féminin, se dit de deux choses quelconques de même espèce, qui ne vont point ensemble nécessairement et qui ne sont unies qu'accidentellement. »

    Je laisse à chacun le loisir d'apprécier ladite définition de couple au masculin : deux personnes unies ensemble par amour (tiens, tiens...), par mariage ou – Littré apportant plus loin cette précision – par amitié ou par intérêt (un couple de patineurs, d'associés). Alain Rey, dans son Dictionnaire historique, enfonce le clou : si couple au masculin désigne couramment la réunion d'un homme et d'une femme, il est employé dès le XIIe siècle au sens étendu de « groupe de deux personnes ou de deux entités » : « Mes n'avoient pas igal couple [en parlant de deux armées de forces inégales] » (Le Roman de Thèbes, 1150), « De deuz cheverouns un couple facez » (Walter de Bibbesworth, XIIIe siècle). L'Académie confirme : « Couple. Par analogie. Deux personnes unies par un sentiment commun ou par un intérêt qui les porte à agir de concert. » En résumé, cela fait plus de huit siècles que l'usage a accepté cette extension de sens à toute association de deux personnes, quel que soit leur sexe...

    Il est intéressant de noter, au passage, la distinction entre un couple de poulets (en l'espèce, le mâle et la femelle) et une couple de poulets (deux éléments quelconques de la même espèce). Cet emploi – considéré le plus souvent comme vieilli – du substantif couple au féminin s'entend encore dans nos campagnes avec le simple sens de « deux », parfois de « quelques » : une couple d'heures.

    Pour ce qui est de la différence entre couple et paire, Littré apporte la précision suivante :

    « Une couple désignant deux choses qui ne sont unies qu'accidentellement, paire désigne deux choses qui vont ensemble par une nécessité d'usage, comme les bas, les souliers, ou une seule chose composée de deux parties ou pièces, comme des ciseaux, des lunettes, des pincettes. Une couple et une paire peuvent se dire aussi des animaux, mais la couple ne marque que le nombre et la paire y ajoute l'idée d'une association nécessaire pour une fin particulière. »

    À la lecture de cette définition, on est fondé à se demander ce qui peut bien motiver chez notre professeur la volonté de parler de « paire » homosexuelle plutôt que de « couple ». Je vous laisse réfléchir... Bien sûr, paire – emprunté du latin paria, neutre pluriel (pris pour un féminin) de l'adjectif par, paris, « égal » – désigne deux objets ou êtres vivants qui sont semblables et vont ensemble. Mais rien n'indique, quand il est question de personnes ou d'animaux, que cette similitude doive forcément être sexuelle.

    « Deux bœufs assemblés sous le même joug forment une paire de bœufs et non un couple de bœufs », affirme notre professeur. Un couple, peut-être pas, mais une couple, assurément, la différence avec paire résidant dans l'intention de l'association (cf. Littré, ci-dessus). De même, l'Académie note : « Paire. Couple d'animaux de la même espèce, que l'on vend ensemble ou qui travaillent ensemble. Une paire de pigeons, de tourterelles, le mâle et la femelle, destinés à la reproduction. Une paire de bœufs, accoutumés à être attachés sous le même joug. » Ce n'est donc pas la similitude sexuelle qui conditionne l'emploi de paire appliqué aux êtres vivants mais plutôt l'idée d'association nécessaire entre deux individus de la même espèce.

    Alain Rey semble partager le même avis : « En moyen français, paire a commencé à s'appliquer aussi à deux personnes unies par l'affection ou par une similitude d'état », sens que l'on retrouve dans la locution proverbiale les deux font la paire. De nos jours, paire ne s'applique plus guère aux personnes que dans quelques expressions, telles que une paire d'amis – et encore, on dira plus couramment un couple d'amis – pour désigner (de façon « figurée et familière », selon l'Académie) deux amis inséparables... sans aucune considération de sexe. Ceux qui soutiennent, à propos des partenaires homosexuels, que paire serait plus approprié que couple sous le prétexte que « lorsqu'il y a paire, il n'y a pas altérité » pourraient bien en être pour leurs frais.

    De là à conclure qu'il y a des paires de baffes qui se perdent...


    Voir également les billets Pair / Paire / Père et Couple.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    On peut lire à l'entrée couple du Robert illustré 2013 : « Homosexuels vivant en couple. »

    Je vous laisse une couple d'heures pour y réfléchir...

     


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  • Shoppez les must have« Avec vos 10€ offerts, shoppez les must have de cette saison. »

    (message publicitaire envoyé par La Redoute, le 31 janvier 2013)

     
    FlècheCe que j'en pense


    La Redoute, ou le dernier bastion de la vente par correspondance... français !

    No comment.

     

    Remarque : Rappelons tout de même que redoute (emprunté de l'italien ridotto, « refuge ») est un substantif féminin désignant un petit fort. Il se disait également d'un endroit public où l'on donnait des fêtes, des bals (Aller à la redoute. Le bal de la redoute). L'entreprise de filature de laine s'est située un temps rue de la Redoute, souvenir du petit bastion servant à défendre le château de Roubaix.

     

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    Ce qu'il conviendrait de dire


    Avec vos 10 € offerts, achetez-vous les articles indispensables de cette saison (les fameux « incontournables », expression déconseillée par l'Académie).

     


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  • La majeure partie« La majeure partie des documents auraient en réalité été mise à l'abri à Bamako » (à propos des manuscrits endommagés à Tombouctou).

    (lu sur liberation.fr, le 30 janvier 2013)

     

    (photo Wikipédia)

     
    FlècheCe que j'en pense


    Certes, en présence de l'expression la majeure partie de, l'accord peut se faire avec le complément ou avec le collectif, selon le sens ou l'intention, mais on veillera, par souci de cohérence, à accorder verbe, participe et adjectif de la même façon.

    (L'honnêteté m'oblige à reconnaître que seule la légende de la photo de l'AFP comporte une faute d'accord, pas le corps de l'article.)


    Voir également le billet Accord avec un collectif.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    La majeure partie des documents aurait été mise à l'abri (accord au féminin singulier avec le collectif la majeure partie)

    La majeure partie des documents auraient été mis à l'abri (accord au masculin pluriel avec le complément des documents).

     


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