• Plusieurs expressions avec l'adjectif numéral ordinal premier peuvent occasionner quelques hésitations en matière d'accord.

     En premier : dans cette locution adverbiale, premier est invariable.

    Elle est arrivée en premier (et non en première) mais Elle est arrivée première (ou la première).

    Remarque : De même, on dira : Elle a fini premier (et non première).

    Tout premier, toute première

    Les tout premiers instants mais Les toutes premières heures (premier, adjectif, s'accorde en genre et en nombre ; voir la règle d'accord de tout, adverbe).

    Premier-né, première-née

    Les premiers-nés de la maternité, les premières-nées (le féminin est peu usité).

    Remarque : De même, on écrira un dernier-né, des derniers-nés, des dernières-nées... mais des nouveau-nés car nouveau est ici pris adverbialement au sens de « nouvellement » (l'Académie précise toutefois que le féminin nouvelle-née se rencontre...).

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    Remarque 1 : L'abréviation des adjectifs numéraux ordinaux est la suivante : 1er (1ers au pluriel) pour premier, 1re (et non 1ère) pour première ; second (2d, 2ds, 2de, 2des) et deuxième (2e, 2es) ; à partir de troisième, un simple e (et non ème) suffit au singulier (3e, 4e, etc.). Mais on écrit le Premier ministre, le Premier(-)Mai (= fête du Travail). Et le XVIIIe siècle.

    Remarque 2 : Le latin primus, dont dérive premier, a tout d'abord donné les formes prin et prime qui ont survécu dans printemps et prime abord.

    Remarque 3 : Voir également les billets La Première ministre, Les premières vingt-quatre heures et Le Premier(-)Mai.


    Subtilités

    Ma fille est entrée en premier mais Ma fille est entrée en première (= en classe de première).

    Premier
    Livre de Servane Heudiard, Éditions First

     


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  • Littré, Girodet, Thomas se font l'écho d'une distinction que les grammairiens ont essayé d'établir entre commencer à et commencer de suivis d'un infinitif, ainsi qu'entre continuer à et continuer de, distinction qui serait fondée sur le principe que à indiquerait une intention dirigée vers un but (visée prospective, dans le jargon linguistique), quand de serait privilégié en présence d'une action de durée déterminée (visée rétrospective) ou en l'absence de toute intention.

    Si nos spécialistes ne s'accordent pas sur la formulation de cette différence sémantique, voici néanmoins les tendances qu'il est possible de dégager.

     

    Flèche

    Commencer à, commencer de (+ infinitif)


    Commencer à
    se dirait d'une action qui n'est pas renfermée dans des limites précises, qui est susceptible de progrès. L'accent est mis sur l'action exprimée par l'infinitif.

    Cet enfant commence à parler, à écrire (il entame un processus de longue haleine, qui aboutira au fait de savoir parler, de savoir écrire).

    Il commence à s'intéresser à la Bourse, afin de faire fructifier son argent.

    Le temps commence à changer.

    Commencer de se dirait d'une action circonscrite, qui ne suppose pas de développement, qui ne tend pas à un but. L'accent est mis sur le fait de commencer.

    L'orateur commençait à peine de parler quand on lui coupa la parole.

    Je n'ai pas encore commencé de prendre des notes.

    Quand le tonnerre commence de gronder, il faut s'attendre à un orage.

     

    Flèche

    Continuer à, continuer de (+ infinitif)


    Sans doute la logique aurait-elle voulu, par analogie, que l'on continuât à faire ce que l'on a commencé à faire et que l'on continuât de faire ce que l'on a commencé de faire. C'est, du reste, ce que préconisait Roubaud au XVIIIe siècle : « On continue à faire ce qu'on fait d'habitude, ce qu'on a coutume de faire, tant qu'on n'y renonce pas ; on continue de faire ce qu'on fait actuellement, ce après quoi l'on est, tant qu'on ne discontinue pas. On continue à jouer tant qu'on est adonné au jeu ; on continue de jouer tant qu'on reste au jeu. » Las ! les académiciens de l'époque, sous l'influence de Marmontel (si l'on en croit Lafaye), décidèrent précisément le contraire.

    Continuer à indiquerait donc la prolongation d'un acte commencé, d'une durée déterminée. L'accent est mis sur le fait de mener l'action à son terme.

    Ils ont continué à parler sans se préoccuper de moi.

    Je vais continuer à lire mon journal.

    Continue à bien travailler, et tu seras reçu à ton examen.

    « Cet homme, tenant son verre, continue à boire ; c'est-à-dire il achève ce qu'il avait commencé. » (Littré)

    Continuer de indiquerait la persistance d'une action que l'on a l'habitude de faire ou dont la fin n'est pas envisagée. L'accent est mis sur l'action exprimée par l'infinitif.

    Il continue de parler grossièrement (= il persiste dans ses habitudes grossières).

    Je continue de lire des romans policiers.

    La rivière continue de couler.

    « Cet homme est un ivrogne, et, malgré ses promesses, il continue de boire, c'est-à-dire il persiste dans ses habitudes d'ivrognerie. » (Littré)


    Force est de reconnaître que ces distinctions sont subtiles, mal cernées par les spécialistes eux-mêmes... et donc rarement respectées dans l'usage. De nos jours, l'Académie s'en tient désormais au constat suivant : « Commencer à ou, littéraire, commencer de, suivi d'un infinitif, sert à marquer le début d'une action. » Même marque d'usage avec continuer : « Continuer à ou, littéraire, continuer de, suivi de l'infinitif, persister à, ne pas cesser de. » Voilà qui a le mérite d'être beaucoup plus simple (sans pour autant rendre compte des occurrences des deux constructions) : commencer à et continuer à ressortiraient au langage courant, quand commencer de et continuer de appartiendraient à un registre plus soutenu (voire archaïsant, selon Dupré).

    Encore plus simple : pour Grevisse et Hanse, les deux constructions sont correctes et de sens équivalent. Ouf, on commençait à/de s'inquiéter.

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    Remarque 1 : Dans la pratique, le choix entre à et de relève le plus souvent d'un souci d'euphonie, à en croire Thomas, Girodet et Grevisse. C'est donc l'oreille qui aurait le dernier mot.

    Il commença d'apprendre l'anglais (pour éviter le hiatus – frottement entre voyelles – commença à apprendre).

    Il continue à demander la même chose (pour éviter la répétition de demander).

    Reconnaissons que tout cela semble très subjectif, tant on perçoit mal la différence de traitement entre il persista à avancer (où le hiatus ne semble guère incommoder nos spécialistes) et il continua à avancer (où il offenserait subitement leurs oreilles délicates).
    Goosse fait encore observer que commencer de est très fréquent dans la langue écrite, « du moins quand ce verbe est au passé » − comprenez : de, après le verbe à l'indicatif présent, paraît particulièrement affecté...
    Selon Jean-Michel Kalmbach, enfin, « plutôt que d'y voir des nuances de sens particulières, il suffit de considérer [ces couples] comme des formes concurrentes, dont l'une représente un état plus ancien de la langue. [En effet,] le marqueur d'infinitif de était un élément solidement ancré dans la langue ancienne ».

    Remarque 2 : On ne peut s'empêcher de sourire en constatant que certains spécialistes parviennent à illustrer des positions contraires – continuer de « se dit pour insister sur l'absence d'interruption dans une action », selon Péchoin & Dauphin (2001), alors qu'il suppose « une action répétée par intervalle », selon Marmontel (1819) – avec des exemples où la valeur sémantique dudit verbe est pourtant la même : Ils ont continué de l’aider jusqu’à la fin de leur vie. Quoique je n'aie pas à me louer de cet homme-là, je continuerai de le voir. Dans les deux cas, il est bien question d'une habitude.

    Remarque 3 : La construction commencer par (faire quelque chose) sert à préciser la première étape d'une action et ne doit pas être confondue avec commencer à (faire quelque chose).

    Remarque 4 : Voir également le billet Continu / Continuel.

    Commencer / Continuer (à, de)
    Livre d'Yves Blanc, aux éditions Retz

     


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  • Ce n'est pas parce qu'un trublion est un « fauteur de troubles » que son orthographe doit nous troubler...

    Cet homme est un perturbateur, un vrai trublion (et non troublion).

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    Remarque 1
    : Néologisme formé à partir du verbe troubler et du latin trublium (écuelle), le sobriquet de Trublion fut employé en 1890 par l'écrivain Anatole France à propos du duc d'Orléans, prétendant au trône de France, également surnommé « prince Gamelle » depuis qu'il avait émis le souhait de faire son service militaire et de partager la gamelle des soldats.

    Remarque 2 : Alain Rey, dans son Dictionnaire historique de la langue française, note que ce terme péjorativement connoté peut s'employer au féminin : une trublionne (avec deux n).

    Trublion

    Editions Scali

     


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  • Attention : querelle de spécialistes !

    D'un côté, Girodet et Hanse, pour qui l'adjectif stupéfait, indiquant un état, ne doit pas être confondu avec le participe passé du verbe stupéfier (= causer une grande surprise, au sens figuré), suggérant l'action.

    Aussi s'évertuent-ils à bien distinguer les constructions : on est stupéfait de quelque chose (adjectif suivi de son complément) mais stupéfié par quelque chose (forme passive, avec complément d'agent).

    Sa conduite les stupéfie  Ils sont stupéfaits de sa conduite (et non stupéfaits par sa conduite : la construction passive exige la forme verbale de stupéfier) ou Ils sont stupéfiés par sa conduite (et non stupéfiés de sa conduite).

    Elle a été stupéfaite d'apprendre cela mais Elle a été stupéfiée par cette nouvelle.

    Cette nouvelle nous a stupéfiés (et non nous a stupéfaits) mais Cette nouvelle nous a laissés stupéfaits ou Nous sommes restés stupéfaits devant cette nouvelle.

    Elle le regarde d'un air stupéfait. Elle en resta stupéfaite.

    De l'autre, Grevisse et Dupré qui, tout en ne reconnaissant eux aussi à stupéfait que son emploi adjectival, ne voient en revanche aucune raison de refuser l'utilisation du participe passé stupéfié comme adjectif (équivalent, dans ce cas, de stupéfait), alors que c'est pratique courante en français (Il a été surpris par la nuit / Il a été tout surpris de ma visite). D'où les formulations suivantes, également correctes à leurs yeux :

    Il a été stupéfié d'apprendre cela (en plus de Il a été stupéfait d'apprendre cela).

    Elle en resta stupéfiée (où en équivaut à de cela).

    Au milieu, Larousse et Robert, qui ne se sont pas privés d'enregistrer le – très – controversé verbe stupéfaire (= étonner, frapper de stupeur), doublet inutile de stupéfier à la 3e personne du singulier de l'indicatif présent et aux temps composés. Donnant ainsi toute légitimité à l'emploi de stupéfait non plus seulement comme adjectif mais également comme forme de conjugaison : Elle a stupéfait tout le monde en réussissant (au lieu de Elle a stupéfié tout le monde).

    Stupéfiant, ne trouvez-vous pas ?

    Dans le doute, et dans la langue soignée, mieux vaut éviter d'employer stupéfait comme participe passé :

    Cette nouvelle m'a stupéfié (de préférence à Cette nouvelle m'a stupéfait).

    Cela me stupéfie (de préférence à Cela me stupéfait).

    Astuce

    On retiendra qu'il est déconseillé de dire être stupéfait par : on peut être stupéfait de quelque chose ou stupéfié par (voire de) quelque chose.


    Stupéfait / Stupéfié

     


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  • Le substantif féminin confiance se rencontre dans plusieurs expressions construites avec des prépositions différentes : faire confiance à quelqu'un / à quelque chose, gagner / mériter / conserver / perdre la confiance de quelqu'un, mettre quelqu'un en confiance, etc.

    De son côté, l'expression avoir confiance admet deux constructions :

    • avec en, devant un nom de personne ou un pronom personnel.

      J'ai confiance en mon médecin, en lui, en Dieu.

    • avec en ou dans, devant un nom de chose (dans étant privilégié devant les articles le, la, les, ainsi que devant les pronoms lequel, laquelle, lesquels et lesquelles, pour des raisons d'euphonie).

      J'ai confiance en l'avenir ou dans l'avenir mais J'ai confiance dans les institutions (et non en les institutions).
      Il a confiance en ou dans sa famille.
      Les marchés financiers ont perdu toute confiance en ou dans l'Espagne.

     

    En résumé

    On a confiance en quelqu'un mais en ou dans quelque chose (dans étant privilégié devant l'article le, la ou les).

     

    Remarque 1 : Les mêmes observations valent pour les expressions mettre (ou placer) sa confiance, garder (ou perdre) confiance, avoir foi.

    Remarque 2 : Bien que condamnée par certains puristes qui lui préfèrent accorder, mettre ou donner sa confiance, l'expression faire confiance, attestée dans le Dictionnaire de Richelet (1728), est tout à fait entrée dans l'usage. Elle se construit avec à, devant un nom de personne ou un nom de chose.

    Je fais confiance à mon patron, à ma bonne étoile.

    Remarque 3 : Le verbe se fier se construit le plus souvent avec à (parfois avec sur).

    Fiez-vous à lui (de préférence à Fiez-vous y). Il se fie sur ses propres forces.

    Remarque 4 : Voir également les billets Être confiant que et En (suivi de l'article défini).

    Avoir confiance (en, dans)

     


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