• L'Académie est catégorique : « C'est une faute que d'écrire ou de prononcer dilemne, par contamination avec indemne. » Et ce n'est pas parce que Victor Hugo lui-même l'aurait commise en son temps dans ses carnets intimes (selon Grevisse) que l'on est en droit d'espérer la moindre indulgence...

    Dilemme (du grec di-lêmma, deux arguments) − qui se prononce dilèm' et s'écrit donc avec deux m − est un choix entre deux propositions différentes ou contraires mais menant à une seule et même conclusion (à la différence d'alternative). L'exemple donné par l'Académie est édifiant :

    « Le célèbre raisonnement d'Aristote est le type du dilemme : ou bien il faut philosopher, ou bien il ne faut pas philosopher ; or, pour savoir s'il faut philosopher, il faut philosopher ; pour savoir s'il ne faut pas philosopher, il faut encore philosopher ; conclusion : donc il faut philosopher. »

    Il est intéressant de noter que rien dans la définition première de dilemme ne suggère l'idée d'alternative impossible à résoudre que l'on retrouve dans l'usage. Ce n'est que par extension que dilemme désigne aujourd'hui l'obligation pour quelqu'un de choisir entre deux partis qui présentent l'un et l'autre de graves inconvénients, là où l'alternative comporte au moins une option favorable. Louis Piéchaud (dans Questions de langage, éditions Ophrys, 1953) résume ainsi la différence de sens actuelle : « L'alternative, c'est le choix ; le dilemme, c'est l'impasse ».

    Il se trouve devant un cruel dilemme : vaincre ou mourir (ce qui revient à verser, vous en conviendrez, dans la dramatisation à outrance...).

    Poser un dilemme ; être face à, confronté à un dilemme ; s'enfermer dans un dilemme.

    Comment sortir de ce dilemme ?

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    Remarque
    : Voir également l'article consacré à Alternative.

     

     Dilemme

    Le Dilemme, film de Ron Howard, Universal Pictures

     


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  • Avérer (du latin verus, « vrai ») signifie « vérifier et faire apparaître comme vrai ».

    C'est un fait que la police a pu avérer.

    À la forme pronominale, s'avérer a aujourd'hui pris le sens de « apparaître comme, se révéler »... avec tous les risques que comporte cette tournure. Car s'avérer conserve toujours l'idée de véracité inscrite dans sa racine latine.

    Aussi, l'information s'est avérée (= est reconnue comme vraie) est une formulation correcte, quoique rare (de nos jours, on dira plutôt, avec le même sens : L'information est avérée).

    Complétée d'un adjectif, la formulation l'information s'est avérée utile, décisive, etc., est admissible à condition que l'adjectif en question ne soit pas redondant ni ne contredise le sens du verbe.

    En revanche, l'information s'est avérée exacte, s'est avérée vraie ou s'est avérée fausse sont trois formulations incorrectes (respectivement deux pléonasmes et un non-sens).

    Afin d'éviter toute objection, mieux vaut recourir à se révéler, apparaître ou être.

    L'information s'est révélée exacte, s'est révélée fausse.

    L'affaire s'est révélée (de préférence à s'est avérée) difficile, rentable, intéressante.

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    Remarque
    : Curieusement, les formulations c'est vraiment faux (pour « il est vrai que c'est faux ») et c'est bien mauvais comportent le même non-sens, sans être autant soumises à la critique...

    Avérer

    Voilà ce que l'on appelle un ambigramme, c'est avéré !
    (illustration ambigrammes.com)

     


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  • Ceux qui croient encore que l'emploi de l'adjectif conséquent, soudain auréolé d'un prestige bien plus irrésistible que considérable et important, relèverait de la langue la plus soignée vont devoir assumer les conséquences de leur choix...

    Dérivé du latin consequi (« ce qui suit »), l'adjectif conséquent signifie « qui est logique, conforme à la raison » (il s'oppose alors à inconséquent) ou « qui est la suite logique de quelque chose ».

    Sa conduite est conséquente à ses principes (= il agit en conséquence de ses principes).

    Par conséquent (= comme suite logique, donc).

    Aussi est-il considéré comme fautif et fort inélégant de donner à conséquent le sens de « considérable, important » : Littré parle de « barbarisme contre lequel il faut mettre en garde » ; Georgin de « faute grossière commise par les seuls illettrés » et appartenant au « style boutiquier ». Rien de moins !

    Un homme conséquent (avec lui-même) est donc un homme cohérent, fidèle à ses principes, pas un homme important au sens social où on l'entend habituellement.

    De même, on dira :

    Une fortune considérable, importante (et non une fortune conséquente) mais Sa fortune est conséquente à son travail (c'est-à-dire qu'elle est le résultat de son travail, sans rien préjuger de son importance, de son montant).

    Une affaire considérable ou de conséquence (et non une affaire conséquente).

    S'assurer un avantage consistant (et non un avantage conséquent).

    Une part significative du budget (et non une part conséquente).

    Il ne faut pas davantage faire de considérable un synonyme de « grand, important ». Afin d'éviter toute équivoque, on réservera cet adjectif à son sens premier : « qui attire la considération, qui mérite d'être considéré » (en raison de l'importance, de la grandeur, du nombre, de la quantité, etc.).

    La France a joué un rôle considérable dans les négociations (= notable) mais Ils font beaucoup de bruit (et non Ils font un bruit considérable).

    Séparateur de texte

    Remarque
    : Littré explique que, si conséquence n'est pas synonyme de importance, la locution de conséquence (qui signifie proprement « ayant des suites ») « a pris facilement le sens de l'importance et s'est appliqué[e] non-seulement aux choses, mais aux personnes ». Ainsi est-on passé d'une affaire de conséquence (« ayant des suites graves ») à un homme de conséquence, qui désignait au XVIIe siècle « une personne de grand mérite ». Il faut peut-être voir dans ce glissement sémantique l'origine de l'emploi critiqué de conséquent au sens de « important ».

    Conséquent / Considérable

    Certainement une somme d'argent... considérable !
    (illustration © Walt Disney)

     


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  • Au féminin, l'adjectif malin (emprunté du latin malignus, « méchant ») devient maligne (de préférence à maline qui relève du registre populaire).

    Une femme maligne. Une tumeur maligne.

    De même, le féminin de bénin (emprunté du latin benignus, « bienveillant ») est bénigne.

    Une erreur bénigne. Une tumeur bénigne.

    Séparateur de texte


    Remarque 1
    : L'adjectif malin a plusieurs sens : « qui montre de la malveillance ; nuisible ; rusé, habile ». Le nom associé, malignité, ne conserve que les deux premières idées. De même, les acceptions de bénin sont nombreuses : « bienveillant ; dénué de rigueur ; sans gravité ». Le nom associé est bénignité.

    Remarque 2 : Maline est un ancien mot féminin désignant une grande marée. Quant à malines, il s'agit d'une dentelle fabriquée originairement dans la ville de Malines, en Belgique.

    Remarque 3 : Littré note opportunément que « benigne s'est dit jadis au masculin ». Et pour cause : à l'origine, la seule forme existant en français était benigne, prononcée bénine et valable au masculin comme au féminin. En raison de son e final, l'adjectif épicène bénigne finit par être réservé pour le féminin tandis qu'était refaite la forme masculine actuelle bénin (attestée dès 1204, selon le Dictionnaire historique). D'ici à ce que l'on considère la forme fautive bénine comme une réfection à partir de bénin...

    Bénigne / Maligne
    (illustration : Imagerie Épinal)

    « Elle sent son ongle maline... » (extrait de L' Oiseleur, l'Autour et l'Alouette)
    Laissons à La Fontaine cet « archaïsme de prononciation » (selon les mots de Littré).

     


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  • Contrairement à ce que l'on entend parfois, le terme approprié pour parler du doux parfum des fleurs, dans un registre littéraire, est fragrance (avec un  r intercalaire) et non fragance, aux forts relents de barbarisme.

    Cette rose exhale une fragrance que je ne connaissais pas.

    Il est vrai que les mots se terminant par -grance n'ont pas fait florès dans notre langue, au contraire de ceux en -gance (élégance, arrogance, etc.).

    Séparateur de texte


    Remarque
    : Dérivés du latin fragrare (« répandre une bonne odeur »), fragrance et l'adjectif associé fragrant ne doivent pas être confondus avec flagrance et flagrant (empruntés du latin flagrare, « brûler »). Flagrance, inconnu de l'Académie mais répertorié dans le Littré, désigne l'état de ce qui est flagrant, c'est-à-dire évident, patent, indéniable.

    Un flagrant délit. La flagrance d'un délit.

     

    Fragance

    Hum, ça sent le roussi...

     


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