On a du mal à se représenter la frustration de celui qui découvre qu'il doit tout à autrui. Tel fut le sort peu enviable du mot fruste.
Emprunté de l'italien frusto (usé), fruste est à l'origine un terme d'archéologie qui signifie « au relief usé par le temps, le frottement » ; au sens figuré, il désigne, selon Littré, un style (ou une poésie) « qui porte la marque d’une haute antiquité ». Ce n'est qu'au prix d'une évolution sémantique - un regrettable contresens diront les puristes, un cheminement légitime pour ceux qui considèrent les vieilles monnaies et les vieilles pierres comme autant d'objets primitifs et rudimentaires - favorisée par la ressemblance avec le mot rustre, que cet adjectif prend son sens aujourd'hui courant de « grossier » pour qualifier quelqu'un ou quelque chose qui manque de finesse, un style qui n'est pas élaboré, les manières rudes d'une personne qui est mal dégrossie.
Une statue fruste (= au relief usé par le temps / sens propre).
Un homme fruste, des manières frustes (= qui manquent de finesse / sens figuré).
Un malheur n'arrivant jamais seul, à l'extension de sens (autrefois condamnée par l'Académie) est venue s'ajouter la tentation du barbarisme. C'est à tort, en effet, que l'on utilise parfois le vocable frustre (qui n'existe pas, rappelons-le) au lieu de fruste (sans r intercalaire), sous l'attraction cette fois phonétique de ce même rustre qui manque singulièrement d'éducation et du verbe frustrer (« priver »). Il va sans dire que l'on ne frustrera personne à se prémunir contre une telle confusion qui, du reste, ne date pas d'hier (elle remonterait au XVe siècle !).
Remarque : De même, on se gardera d'écrire fratras pour fatras, « ensemble confus, hétéroclite de choses, d'idées, de paroles, etc. ».
Le flan fruste d'une pièce de monnaie.
(Source : culture.gouv.fr)