Sans doute a-t-on oublié, de nos jours, l'étymologie du verbe décimer.
Emprunté du latin décimare (« punir de mort un soldat sur dix, désigné par le sort »), décimer signifie au sens propre « mettre à mort une personne sur dix ». On retrouve la même racine (decem, dix) dans décime (nom féminin désignant, sous l'Ancien régime, l'impôt royal prélevant la dixième partie des revenus du clergé) et décimal (« qui a pour base le nombre dix »).
Force est de constater que, dans l'usage moderne, le verbe décimer est employé le plus souvent – disons neuf fois sur dix – au sens élargi de « causer la perte d'un grand nombre de personnes ».
Un régiment décimé par des rebelles armés.
La peste noire de 1347 décima une grande partie des Européens.
S'il semble illusoire, aujourd'hui, de vouloir limiter ce verbe à son acception originelle (et militaire), il convient toutefois de ne pas verser dans la dérive actuelle, consistant à confondre destruction partielle et destruction totale.
La mise en garde de l'Académie va dans ce sens : « Décimer ne doit pas être employé au sens d'exterminer » (qui marque l’anéantissement, la destruction complète d’un ensemble d’êtres vivants). J'ajouterai que l'on ne doit pas davantage en faire un synonyme de massacrer, ravager, anéantir (au sens de « faire disparaître entièrement »).
On retiendra qu'avec décimer une grande partie du groupe est touchée, mais pas la totalité !
Ainsi le titre relevé sur LeMonde.fr du 4 mars 2012 me paraît-il impropre : « Une famille décimée à Romorantin » (dans un accident de la route) au lieu de « Une famille fauchée à Romorantin », « Une famille périt à Romorantin », etc.
Remarque 1 : La pratique remonte à l'époque romaine où il était courant, en cas de défaite d'une armée, d'exécuter au hasard un soldat sur dix. La décimation était une « punition » redoutée, qui permettait de s'assurer du total engagement des effectifs épargnés pour les combats à venir...
Les dictateurs romains décimaient les troupes qui avaient démérité.
Remarque 2 : On veillera à appliquer le verbe décimer aux seuls êtres vivants et à éviter les associations douteuses telles que : « décimer le quart de la population ».
Mais alors, juste un sur dix...