• Épi-quoi ? Épicène, du grec epikoinos, « possédé en commun ».

    Épicène se dit d'abord d'un nom (appartenant à la catégorie des animés) qui, bien que n'ayant qu'un genre, désigne indifféremment l'un ou l'autre sexe : la souris, par exemple, est un nom épicène féminin, en ce sens qu'il désigne aussi bien la femelle que le mâle. De même, témoin est un nom épicène masculin.

    Épicène se dit ensuite d'un nom, d'un pronom ou d'un adjectif qui ne varient pas selon le genre : ils ont la même forme au masculin et au féminin, et pourraient être qualifiés de neutres, d'androgynes.

    Par exemple : acrobate, adulte, artiste, camarade, concierge, élève, émule, enfant, journaliste, secrétaire, etc., les adjectifs agréable, bête, brave, colérique, critique, détestable, difficile, efficace, remarquable, snob, stupide, sympathique, etc., ainsi que les prénoms dits « mixtes » Camille, Claude, Dominique, Stéphane, etc.

    Un élève studieux, une élève studieuse

    Un enfant difficile, une enfant difficile (notez le recours à deux mots épicènes).

    D'autres noms (de profession notamment) ne disposent que du masculin pour les deux sexes.

    Par exemple : acquéreur, agresseur, amateur, archéologue, architecte, assassin, bourreau, censeur, charpentier, chef, défenseur, ingénieur, juge, médecin, otage, pédiatre, pianiste, professeur, successeur... ainsi que quelques activités moins prisées de ces dames : assassin, bandit, bourreau, brigand, charlatan, chenapan, contrefacteur, coupe-jarret, despote, dictateur, escroc, faux-monnayeur, goujat, imposteur, malandrin, malfaiteur, malfrat, margoulin, monstre, oppresseur, pleutre, sacripant, tyran, voyou...

    Une avocate mais Une femme charpentier.

    Enfin, rares sont les noms féminins s'appliquant aux deux sexes (et ce ne sont pas forcément les plus glorieux !) : brute, canaille, crapule, dupe, fripouille, personne, sentinelle, vedette, victime, etc.

    Séparateur de texte

    Remarque 1 : On notera la différence, en français, entre le sexe (mâle ou femelle) et le genre (masculin ou féminin).

    Remarque 2 : Avec la féminisation de certaines fonctions et activités professionnelles (auteure, écrivaine, mairesse, préfète, professeure, sculptrice... commencent à fleurir çà et là), des noms traditionnellement masculins sont aujourd'hui employés comme épicènes, malgré les protestations de l'Académie qui refuse que la fonction soit identifiée à la personne qui l'occupe, le titre à la personne qui le porte.

    La ministre pour Madame le Ministre.

     Jacques Capelovici (voir bibliographie) a, à ce sujet, un avis irrésistible :

    « Il va de soi qu'un être vivant de sexe masculin peut fort bien être désigné par un nom féminin, et vice versa. Ainsi, un pou, un grillon, un homard [...] peuvent être des animaux femelles. Il n'y a donc rien de choquant à ce qu'un peintre, un écrivain, un mannequin [...] puissent être des femmes.
    Inversement, une mouche, une cigale, une tanche (...) peuvent tout aussi bien être des animaux mâles. Et rien ne s'oppose à ce que, sans changer pour autant de sexe, un homme soit une personne, une recrue, une victime [...].
    Il n'y a donc rien d' "antiféministe" à considérer qu'une femme puisse être un député, un sénateur, un président, voire un pure génie... »

    Rappelons qu'en français le genre masculin – plus justement, le genre non marqué – peut désigner indifféremment les hommes et les femmes (il remplace le neutre latin). Pour autant, l'évolution à laquelle on assiste actuellement est d'accepter la féminisation des noms de métiers mais de garder un masculin d'indistinction, épicène, pour les noms de fonction.

    Voir également le billet La Première ministre.

    Mots épicènes

    Livre d'Élodie Bécu et de Karine Portrait, Éditions Danger Public

     


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  • Suppléer est un verbe particulièrement délicat à manier en raison des subtilités de ses différentes constructions.

    Flèche

    Suppléer, transitif direct


    Suppléer (quelqu'un) signifie « remplacer momentanément, représenter », suppléer (quelque chose) signifie « compléter par une chose de même nature, combler ».

    Si tu n'es pas disponible, je te suppléerai (= je te remplacerai).

    Je supplée l'argent qui manque pour atteindre la somme exigée.

    Flèche

    Suppléer, transitif indirect


    Suppléer
    (à quelque chose, jamais à quelqu'un) signifie « remédier au manque, au défaut ; mettre à la place une chose qui en tient lieu ».

    Je suppléerai à tout ce qui manque (= je rémédierai à).

    On notera que la construction suppléer à quelqu'un est fautive.

    Séparateur de texte


    Subtilités

    Suppléer une lacune (= la combler) vs Suppléer à une lacune (= y remédier, au besoin en la remplaçant par quelque chose d'une autre nature).

    Force est de reconnaître que cette distinction (compléter ce qu'on supplée par une chose de même nature vs remplacer ce à quoi on supplée par une chose qui peut être de nature différente) est rarement observée dans l'usage...

    Suppléer

    Pour suppléer à une carence en vitamines C...
    (photo wikipedia)

     


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  • Si nous sommes le plus souvent en mesure de déterminer le genre (masculin ou féminin) de la plupart des noms sans même y réfléchir, il nous arrive parfois de croiser la route de certains irréductibles qui nous plongent dans l'embarras. Un ou une aparté ? Un ou une après-midi ? Il est vrai que, en français, certains noms ont mauvais genre... D'autres le masquent derrière un pluriel d'usage (agapes, arrhes, effluves...). Il s'en trouve même qui refusent de choisir leur camp !

    Sachant qu'aucune logique n'a présidé à l'attribution du genre des mots, mieux vaut tâcher de mémoriser ceux qui peuvent poser des difficultés afin d'éviter les erreurs. C'est pourquoi j'ai jugé utile de les accompagner d'un adjectif (à vocation illustrative) dont la finale diffère nettement à l'oral selon le genre.

    Voici donc une liste (non exhaustive) de ces noms sur le genre desquels nous avons tous hésité au moins une fois. Pour définitivement lever le doute !

     

    NomGenreDéfinition
    Abaque M un abaque précis : instrument facilitant le calcul
    Abîme M un abîme vertigineux : gouffre
    Abysse M un abysse marin : fond océanique
    Acné F une acné (sans e final) ingrate : maladie de la peau
    Acrostiche M un acrostiche hasardeux : poème fondé sur une figure de style particulière
    Aérogare F une aérogare spacieuse : bâtiment d'un aéroport
    Agape F une agape tardive : repas
    Alcôve F une alcôve profonde : enfoncement ménagé pour recevoir un lit
    Alluvion F des alluvions sablonneuses : sédiments
    Alvéole M alvéole (cavité) est masculin pour l'Académie, mais est toléré au féminin
    Amiante M un amiante filtrant : matériau fibreux
    Anagramme F une anagramme savante : mot formé des lettres d'un autre mot dans un ordre différent
    Anathème M un violent anathème : condamnation, blâme
    Antidote M un antidote puissant : remède
    Antipode M un antipode concret : lieu situé à l'opposé d'un autre
    Antre M un antre profond : cavité, grotte servant d'abri
    Apanage M un apanage princier : privilège
    Aparté M un aparté court : paroles dites à l'écart
    Apogée M un apogée (avec un e final) concret : point de l'orbite le plus éloigné de la Terre ou plus haut degré atteint
    Apostrophe F une apostrophe injurieuse : interpellation, signe
    Après-midi M bien qu'ayant fluctué, le genre d'après-midi est désormais masculin
    Arcane M un arcane mystérieux : secret, mystère
    Argile F une argile grossière : minéral
    Armistice M un armistice opportun : convention mettant fin aux hostilités
    Aromate M un aromate (sans accent circonflexe) odoriférant : substance végétale odorante
    Arpège M un arpège ascendant : accord musical décomposé
    Arrhes F des arrhes importantes (féminin pluriel) : somme versée à la conclusion d'un contrat
    Asphalte M un asphalte détrempé : bitume
    Aspirine F une aspirine (mais un cachet d'aspirine)
    Astérisque M un astérisque facultatif : signe typographique en forme d'étoile
    Augure M un heureux augure : présage (un oiseau de mauvais augure)
    Autoroute F une autoroute déserte : voie de circulation
    Azalée F une belle azalée : fleur
    Câpre F une câpre confite : fleur et condiment
    Caténaire F une longue caténaire : câble électrique pour chemin de fer
    Chrysanthème M un beau chrysanthème : fleur
    Clepsydre F une clepsydre romaine : horloge à eau
    Colchique M un colchique violet : plante
    Craque F des craques grossières : mensonges, vantardises
    Décalcomanie F une décalcomanie décorative : procédé de transposition d'image
    Ecchymose F une ecchymose brune : un bleu
    Échappatoire F une échappatoire libératrice : moyen de se tirer d'embarras
    Écritoire F une écritoire dépliante : tout le nécessaire pour écrire
    Écumoire F une écumoire fumante : louche plate
    Effluve M un effluve nauséabond : émanation
    Égouttoir M un égouttoir neuf : ustensile servant à faire égoutter (la vaisselle)
    Éliminatoire F une éliminatoire passionnante : épreuve
    Éloge M un éloge éloquent : louange
    Élytre M un élytre brillant : aile des coléoptères
    En-tête M un en-tête représentatif : inscription
    Entrejambe M un entrejambe renforcé : zone située entre les jambes
    Enzyme M ou F une enzyme : protéine
    (L'Académie accepte le masculin, même si le féminin a sa préférence : des enzymes gloutonnes)
    Éphémère M un éphémère bruyant : insecte
    Éphéméride F une éphéméride précise : calendrier
    Épice F une épice odoriférente : substance aromatique
    Épiderme M un épiderme chatouilleux : couche superficielle de la peau
    Épigramme F une courte épigramme : mot satirique
    Épilogue M un épilogue surprenant : dénouement, conclusion
    Épithète F une épithète grivoise : adjectif qualificatif
    Équinoxe M un équinoxe printanier : point de l'orbite terrestre
    Escarre F une escarre fessière : nécrose de la peau
    Esclandre M un esclandre bruyant : scandale
    Espace M / F un espace : étendue, surface
    une espace : intervalle séparant les mots
    Exode M un exode contraint : départ massif
    Extrême M un extrême (mais une extrémité)
    Globule M un globule blanc : cellule
    Hallali M
    un hallali bruyant : cri annonçant la victoire du chasseur
    Haltère M un haltère lourd : équipement de musculation
    Hémisphère M un hémisphère droit : moitié du globe terrestre
    H.L.M. F une Habitation à Loyer Modéré
    Holding M un puissant holding : société financière
    L'usage hésite... mais le masculin est préférable
    Iguane M un iguane américain : reptile
    Interstice M un petit interstice : espace vide entre les parties d'un ensemble
    Intervalle M un bref intervalle : distance, espace, période, écart, ensemble
    Interview F une longue interview : entrevue
    Ivoire M un bel ivoire : matière osseuse blanche
    Légume M / F un légume vert : plante potagère
    une grosse légume : personnage important
    Mandibule F une mandibule puissant : maxillaire inférieur
    Maxillaire M un maxillaire étroit : os de la mâchoire
    Météore M un météore lumineux (mais un ou une météorite)
    Météorite M ou F un ou une météorite : fragment de corps céleste
    (le féminin est cependant plus courant)
    Oasis M ou F une oasis enchanteresse : lieu de végétation dans le désert
    (L'Académie accepte le masculin, même si le féminin a sa préférence)
    Obélisque M un obélisque imposant : pierre levée
    Octave F une octave lumineuse : intervalle de huit degrés en musique
    Ode F une ode religieuse : poème
    Office M / F un office religieux, un office du tourisme
    une office : pièce attenante à la cuisine
    Omoplate F une omoplate droite : os de l'épaule
    Opprobre M un opprobre humiliant : déshonneur
    Orque F une orque imposante : cétacé
    Ovule M un ovule fécond : gamète femelle
    Palabre M ou F une longue palabre : discussion oiseuse
    (L'Académie accepte le masculin, même si le féminin a sa préférence)
    Perce-neige M ou F un perce-neige blanc : fleur
    (L'Académie accepte le féminin, même si le masculin a sa préférence)
    Planisphère M un planisphère incomplet : représentation du globe terrestre
    Pleurote M un pleurote vénéveux : champignon
    Poêle M / F
    un poêle à bois : appareil de chauffage
    une poêle à crêpes : ustensile de cuisine
    Réglisse F une réglisse juteuse : plante et produit de cette plante
    (L'Académie note toutefois que, dans sa seconde acception, le mot s'emploie souvent aussi au masculin)
    Scolopendre F une scolopendre venimeuse : genre de mille-pattes
    Solde M / F un solde : bilan ou vente à prix réduit
    une solde : rémunération des militaires
    Spore F une spore bactérienne : corpuscule reproducteur
    Stalactite, Stalagmite
    F une stalactite, une stalagmite sinueuse : colonne formée sur les parois des grottes
    Stère M un stère de bois : unité de mesure
    Tentacule M un tentacule plat : appendice d'invertébrés
    Termite M un termite ouvrier : insecte xylophage
    Testicule M un testicule droit : glande génitale mâle
    Tique F une tique plate : parasite
    Trille M un trille mélodieux : ornement musical
    Tubercule M un tubercule filandreux : excroissance à la racine d'une plante
    Urticaire F une urticaire irritante : éruption cutanée
    Viscère M les viscères abdominaux : organes

     

    Soldes

    Ces soldes-ci sont bien masculins !

     


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  • Le mot bonhomme n’a pas le même pluriel selon qu’il est nom ou adjectif.

    En tant que nom, bonhomme voit chacun des deux éléments qui le composent prendre la marque du pluriel : on écrira donc des bonshommes (avec un s intercalaire), que l'on prononcera bonzome.

    Les deux vieux bonshommes du Muppet Show.

    Ils ont fait des bonshommes de neige (de préférence à des bonhommes de neige, cf. remarque ci-dessous).

    Quand bonhomme est adjectif, seul le dernier élément prend la marque du pluriel : des airs bonhommes (= empreints de bonhomie, de bienveillance).

    Séparateur de texte

    Remarque 1 : On constate la même autonomie des éléments entrant dans la composition de madame, mademoiselle, monsieur et monseigneur, qui font au pluriel mesdames, mesdemoiselles, messieurs et messeigneurs (le pluriel monseigneurs est « familier et parfois ironique », selon l'Académie). De même, gentilhomme devient au pluriel gentilshommes... mais pas le substantif dérivé gentilhommière (des gentilhommières), qui désigne le petit château ou manoir ayant appartenu à un gentilhomme.

    Remarque 2 : Bescherelle ajoute : « Toutefois, en langue courante et en particulier pour l'expression bonhomme de neige, on rencontre souvent le pluriel bonhommes », vraisemblablement sous l'influence de la prononciation enfantine. À éviter dans la langue soignée.

    Remarque 3 : On notera que bonhomie (= caractère bienveillant) ne prend qu'un m alors que bonhomme en compte deux. Bien que cette anomalie ait été rectifiée en 1990, la plupart des dictionnaires rechignent encore à écrire bonhommie avec deux m.

    Bonshommes
    Livre de Tina MacNaughton, Editions Milan Jeunesse

     


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  • On se fait toute une montagne de l'accord de ces fichus verbes pronominaux (= verbes construits avec le pronom se) et pourtant l'exercice n'est pas si compliqué qu'on le croit. Enfin, presque...

    Pour la petite histoire, c'est au poète François de Malherbe (1555-1628), considéré comme l'un des réformateurs de la langue française, que l'on doit les subtilités de la règle d'accord des verbes pronominaux. Et notamment ce curieux paradoxe selon lequel les participes passés de ces verbes se conjuguant avec l'auxiliaire être ne s'accordent pas systématiquement avec le sujet (principe qui prévalait pourtant jusque-là... et qui simplifiait bien les choses).

    Tout dépend en fait de la fonction du pronom se : s'agit-il d'un complément d'objet direct (auquel cas se = soi), d'un complément d'objet indirect (auquel cas se = à soi, de soi) ou bien ne peut-il pas être analysé comme complément d'objet ?

    On l'aura compris, depuis Malherbe et son obsession pour la pureté de la langue française, l'accordeur de participe passé doit davantage porter son attention sur le complément que sur le sujet... au risque de s'emmêler les neurones. Il n'en demeure pas moins que, quel que soit l'auxiliaire employé, c'est le sens de la phrase qui détermine l'accord.

    Remarques liminaires

    • Afin de faciliter la compréhension de la règle d'accord des verbes pronominaux, nous vous invitons à lire au préalable l'article consacré à l'accord du participe passé en général.

    • Il est essentiel de bien comprendre que ce n'est pas parce que les verbes pronominaux se conjuguent avec l'auxiliaire être que leurs participes passés s'accordent systématiquement. Non ! La subtilité de ces verbes réside notamment dans le fait qu'ils forment leur accord par le sens, comme s'ils étaient employés avec l'auxiliaire avoir (*). La chasse au COD (s'il existe) sera donc effectuée en posant la question qui / quoi ? au verbe conjugué avec avoir.

    Elles se sont endormies (s'endormir est un verbe pronominal → on fait comme s'il était conjugué avec avoir → elles ont endormi qui ? se mis pour elles, COD placé avant le pp → accord avec le COD).

    (*) René-François Bescher justifie cette particularité par des considérations d'euphonie : « Le verbe pronominal présente un sujet qui agit sur lui-même, comme il agirait sur un objet étranger [...]. Au lieu de prononcer il se a écarté de sa route, ce qui formerait un son dur, par le choc des voyelles, on dit il s'est écarté [...]. Ainsi, le participe passé dérivant d'un verbe pronominal est soumis aux règles du participe construit avec avoir. »

    • Par la suite, participe passé sera abrégé en pp, complément d'objet direct en COD et complément d'objet indirect en COI.

     

    Rappel de la règle

    Cas 1. Si le pronom se ne peut pas être analysé comme complément d'objet (direct ou indirect), l'accord du pp se fait en genre (masculin / féminin) et en nombre (singulier / pluriel) avec le sujet.

    Cas 2. Si le pronom se peut être analysé comme complément d'objet (direct ou indirect), l'accord du pp se fait avec le COD selon que celui-ci le précède ou non (exactement comme s'il était employé avec l'auxiliaire avoir).

    Cas 3. Suivi d'un infinitif, le pp des verbes pronominaux suit la même règle d'accord que celui du verbe simple employé avec l'auxiliaire avoir et suivi d'un infinitif (voir l'article Accord du participe passé) : le pp s'accorde si le COD, étant placé avant le participe, fait l'action exprimée par l'infinitif.

    Ils se sont vus mourir (= Ils ont vu mourir se, où se, COD placé avant le pp, fait l'action de mourir → accord) mais Ils se sont vu condamner (= Ils ont vu [quelqu'un] condamner se, où se, COD placé avant le pp, ne fait pas l'action de condamner → pas d'accord).

    2 exceptions : les participes passés de se laisser et se faire, suivis d'un infinitif, sont rendus invariables (voir également l'article Accord du participe passé, § Participe passé suivi d'un infinitif, Remarque 1).

    Ils se sont laissé faire. Elle s'est fait couper les cheveux.

     

    FlècheCas 1 : le participe passé s'accorde avec le sujet


    Ce cas concerne :

    • les verbes essentiellement ou uniquement pronominaux (qui n'existent que sous la forme pronominale, le verbe simple correspondant n'existant pas ou n'étant plus employé), comme s'absenter, s'écrier, s'enfuir, s'envoler, s'exclamer, s'ingénier, se repentir, se souvenir...

    Ils se sont souvenus de moi.

    Les mésanges se sont envolées.

    Remarque 1 : La locution s'en prendre à, où se et en ne sont pas analysables, se comporte comme un verbe essentiellement pronominal.

    Elle s'en est prise à sa famille (mais L'envie lui a pris de partir).

    Remarque 2 : Voir également l'article S'écrier.

    • les verbes occasionnellement pronominaux (c'est-à-dire qui peuvent être employés à une autre forme que la seule forme pronominale) dont le sens change quand on les emploie à la forme pronominale (ces verbes sont encore appelés pronominaux non réfléchis, car l'action ne se reporte pas sur le sujet). Par exemple : s'apercevoir de, s'attaquer à, s'attendre à, se comporter, se douter de, se jouer de, se mettre à, se moquer de, se passer de, se plaindre de, se refuser à, se résoudre à, se saisir de, se taire...

    Elles se sont aperçues de leur erreur (s'apercevoir ne signifie pas ici « apercevoir soi-même » comme dans Elle s'est aperçue dans un miroir, mais « prendre conscience », ce qui est différent).

    Elle s'était attendue à sa remarque (s'attendre ne signifie pas ici « attendre soi-même » comme dans Elles se sont attendues au coin de la rue, mais « considérer comme probable »).

    Ils se sont échappés (s'échapper ne signifie pas « échapper soi-même » mais « s'enfuir »).

    Elle s'est mise à la musique (se mettre à signifie « commencer »).

    • les verbes pronominaux de sens passif (comme s'accompagner, s'acheter, se conduire, s'entendre, se jouer, s'ouvrir, s'utiliser, se vendre...).

      Dans ce cas, le sujet (généralement un inanimé) n'accomplit pas l'action et l'agent n'est le plus souvent pas exprimé.

    Les tomates se sont bien vendues aujourd'hui (= ont été bien vendues).

    La partie s'est jouée en deux manches (= a été jouée).

    La porte s'est ouverte, s'est fermée.

    Flèche

    Cas 2 : le participe passé s'accorde avec le COD (s'il existe)


    Ce cas concerne les verbes occasionnellement pronominaux qui conservent leur sens premier quand on les emploie à la forme pronominale. Par exemple : se laver (= laver soi-même), se parler (= parler à soi-même ou parler l'un à l'autre).

    Dans ce cas, la règle veut que le pp s'accorde avec le COD si ce dernier est placé avant. Il va de soi que les participes passés des verbes ne pouvant avoir de COD (cas de se parler, se plaire à, se rire de, se sourire, se succéder, se suffire, se téléphoner, s'en vouloir de, etc., pour lesquels l'infinitif du verbe en emploi non pronominal se construit avec une préposition) restent invariables.

    Elle s'est jetée sur lui (elle a jeté qui ? se mis pour elle, COD placé avant le pp → accord).

    Ils se sont lavé les mains (ils ont lavé quoi ? les mains, COD placé après le pp tandis que se est COI → pas d'accord).

    Ils se sont lavés à grande eau (ils ont lavé qui ? se mis pour ils, COD placé avant le pp → accord).

    Elle s'est refait une santé (elle a refait quoi ? une santé, COD placé après le pp tandis que se est COI → pas d'accord, même si la liaison entre refait et une peut prêter à confusion).

    Les postulants se sont succédé toute la matinée (ils ont succédé à qui ? à eux,  se est COI, il n'y a pas de COD → pas d'accord).

    Elle s'est plu à l'embêter (se plaire, comme se succéder, ne peut avoir de COD).

    Elle s'est remise de son voyage mais Elle s'est permis de le lui dire (et non Elle s'est permise).

    Elle s'en est voulu de son erreur.

    Elle s'est attiré les foudres de son patron (les foudres, COD placé après le pp).

    Remarque 1 : Le verbe s'arroger, bien que toujours employé à la forme pronominale en français moderne, relève de ce cas (accord du pp avec le COD si celui-ci est placé avant le verbe) en raison de son ancien emploi transitif direct au sens de « attribuer » (arroger quelque chose à quelqu'un) : « Il ne peult arroger tant d'honneur [à] ses deleguez » (Guillaume Budé, avant 1540).

    Les droits qu'elles se sont arrogés mais Ils se sont arrogé des droits.

    Remarque 2 : Voir également l'article S'approprier.

     

    Flèche

    Cas 3 : participe passé suivi d'un infinitif


    Le cas 3, à l'analyse, n'est finalement qu'un corollaire du cas 2. En effet, la même règle (accord avec le COD s'il précède le pp) s'applique, à condition de s'assurer qu'il s'agit bien du COD du pp et non du COD de l'infinitif. Étant donné que le COD ne peut se rattacher au pp que s'il est aussi sujet de l'infinitif, cela revient à la règle énoncée plus haut, plus facile à appliquer. Reprenons nos exemples :

    Ils se sont vus mourir [= Ils ont vu eux-mêmes en train de mourir (sens actif) → se est COD du pp vu et placé avant → accord].

    Ils se sont vu condamner [= Ils ont vu (quelqu'un) les condamner (sens passif) → se est COD de condamner, pas du pp → pas d'accord].

    Elle s'est entendue dire merci à son ami (c'est elle qui dit merci) mais Elle s'est entendu dire merci (quelqu'un de son entourage lui dit merci).

    Remarque 1 : Lorsqu'une préposition (à ou de) est intercalée entre le pp et l'infinitif, l'accord se fait selon la règle générale : Elle s'est contentée de le saluer.

    Remarque 2 : Voir également les articles Se laisser et Se voir.

     

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    Subtilités

    Un même verbe pronominal peut se prêter à plusieurs analyses, selon la construction et le sens (et donc dépendre du cas 1 ou du cas 2). Les subtilités d'accord – si souvent dénoncées par Grevisse et Hanse, partisans de l'accord du pp de tous les verbes conjugués avec l'auxiliaire être (qu'ils soient pronominaux ou non) – qui s'en ensuivent ont pourtant le mérite de préciser la pensée de celui qui s'exprime : Elle s'est servi des légumes (au cours du repas) ne signifie pas la même chose que Elle s'est servie des légumes (pour faire une soupe), par exemple ! Sans elles, cette distinction ne serait plus possible...

    Ils se sont adressés au concierge (se ne peut être analysé comme complément d'objet → accord) mais Ils se sont adressé des injures (ils ont adressé quoi ? des injures, COD placé après le pp tandis que se est COI → pas d'accord).

    Elle s'est cogné la tête (elle a cogné quoi ? la tête, COD placé après le pp tandis que se est COI → pas d'accord) mais Elle s'est cognée à la tête (elle a cogné qui ? elle, où ? à la tête, se est COD placé avant le pp → accord).

    Ils se sont cognés (ils ont cogné eux-mêmes) mais Ils se sont cogné dessus (ils ont cogné l'un sur l'autre).

    Elles se sont rendues à Paris. Elle s'est rendue maître de la situation mais Elles se sont rendu compte de leur erreur (elles ont rendu compte à elles, se est COI et compte COD placé après le pp → pas d'accord).

    Elle s'est souvenue avoir pleuré (se souvenir est un verbe essentiellement pronominal → accord) mais Elle s'est rappelé avoir pleuré (se est COI, avoir pleuré est COD placé après le pp → pas d'accord) et Elle s'est rappelée à son bon souvenir (se est COD placé avant le pp → accord).

    Elle s'est autorisée à l'inviter mais Elle s'est autorisé une pause.

    Elle s'est proposé de lui parler (se proposer = se fixer comme but) mais Elle s'est proposée (se proposer = se mettre en avant) pour ce poste.

    Elle s'est permis de lui parler mais Cette pause, elle se l'est permise.

    Elle s'est promis de le lui dire mais Cette chose qu'elle s'est promise.

    Elle s'est imaginé qu'il viendrait (s'imaginer est à prendre ici au sens de « croire » : Elle a imaginé en elle-même quoi ? qu'il viendrait ; se est donc COI → pas d'accord) mais Elle s'est imaginée dans cette situation (s'imaginer est à prendre ici au sens de « se voir, se représenter » : Elle a imaginé qui ? se mis pour elle → accord) et L'histoire qu'elles se sont imaginée (que mis pour histoire est COD, placé avant le pp → accord avec histoire).

    Elle s'est dit qu'elle aimerait partir en voyage (se dire signifie ici « dire à soi-même » et relève du cas 2, se = à soi est COI → pas d'accord) mais Elle s'est dite satisfaite de son voyage (ici, se dire signifie « se déclarer » : elle a dit qu'elle était satisfaite → se ne peut être analysé comme complément d'objet → accord avec le sujet) et Bien des choses se sont dites lors de cette réunion (ici, se dire est employé au sens passif et relève du cas 1 → accord).

    Elle s'est servi du café au petit déjeuner (se servir est ici un verbe occasionnellement pronominal à sens réfléchi : elle a servi quoi ? du café, à qui ? à se mis pour elle → pas d'accord) mais Elle s'est servie de sa clef pour fermer la porte (se servir est là un verbe pronominal non réfléchi avec le sens de « utiliser » et non de « servir à soi-même » → accord).

    Ils se sont assurés contre le vol (s'assurer signifie ici « se prémunir, se protéger », se est COD), Elle s'est assurée que la porte était fermée (s'assurer signifie « se rendre certain ») mais Elle s'est assuré le soutien de sa famille (s'assurer signifie « se procurer » ; se est ici COI).

    Elle s'est mise en danger (elle a mis elle-même en danger) mais Elle s'est mis cette idée en tête (elle a mis cette idée dans la tête d'elle-même).

    Ils se sont réparti les bénéfices mais Les bénéfices qu'ils se sont répartis.

    Elles se sont disputées avec leurs amis (se disputer = se chamailler) mais Elles se sont disputé sa place (se disputer = chercher à obtenir).

    Remarque 1 : Si le pp du verbe faire est invariable devant un infinitif, il s'accorde naturellement devant un adjectif ou un nom, sauf dans quelques expressions figées à connaître (voir Se faire fort de).

    Elle s'est faite belle. Ils se sont faits moines ou soldats. Elles se sont faites à cette idée mais Elle s'est fait mal. Elle s'est fait fort de le convaincre. Elle s'est fait avoir.

    Les spécialistes sont partagés sur le cas de se faire l'écho de (où se faire signifie « devenir ») : Ils se sont fait l'écho de cette rumeur (invariabilité selon Girodet, Thomas et Larousse) mais Ils se sont faits l'écho de cette rumeur (accord selon Grevisse et Georgin, qui considèrent le pronom se comme inanalysable [écho est alors attribut du sujet], et selon Hanse et Goosse, qui analysent se comme COD [Ils ont fait eux-mêmes l'écho, où écho est attribut du COD se]).

    Remarque 2 : Dans s'en prendre à (= s'attaquer à, incriminer), les pronoms se et en ne sont pas analysables. C'est pourquoi cette locution est assimilée à un verbe essentiellement pronominal, dont le pp s'accorde.

    Elle s'en est prise aux membres de sa famille.

    Remarque 3 : Quand le pp est suivi d'un autre pp, on considère d'ordinaire que ce dernier est attribut du COD s' avec lequel il s'accorde : Elle s'est crue abandonnée. Mais l'invariabilité − autrefois préconisée, comme on l'a vu dans cette rubrique (§ Participe passé suivi d'un attribut du COD) − se rencontre encore à l'occasion : « Ces sangs qui s'étaient cru adversaires » (Malraux).

    Malherbe

    Accord participe passé verbes pronominaux

    Statue de Malherbe sur une façade du                                                              Éditions Universal Pictures
    Musée du Louvre (photo Wikipédia by Rundvald)

     


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