• On sait que tout peut être :

    • adjectif, auquel cas il s'accorde,

    • nom ou pronom, auxquels cas il varie en nombre et en genre,

    • ou encore adverbe, auquel cas il a le sens de « entièrement, complètement, tout à fait » et est invariable sauf quand il est placé devant un adjectif féminin commençant par une consonne ou un h aspiré (voir le rappel de la règle d'accord de tout).

    À toute heure (mais À tout à l'heure).

    Toutes les femmes.

    Ils sont tout contents (tout à fait contents) mais Elles sont toutes contentes.

     

    Concernant la variabilité des locutions et expressions formées avec tout, l'usage est d'autant plus flottant que « le singulier distributif et le pluriel collectif (ne sont) que des façons différentes de décrire la même chose » (Grevisse, Le Bon Usage). Voici cependant un récapitulatif des choix opérés par l'Académie dans son Dictionnaire, où le singulier tend à prévaloir.

    SingulierPlurielSingulier ou Pluriel
    à tout bout de champ à tous crins
     à tout coup
    (à tous coups)
    à tout hasard
    à tous égards à tout moment
    (à tous moments)
    à tout prix
    à toutes fins (utiles) de tout côté
    (de tous côtés)
    à tout propos
    à toutes jambes de toute part
    (de toutes parts)
    à toute allure de toutes pièces de toute sorte
    (de toutes sortes)
    à toute épreuve en tous genres en tout lieu
    (en tous lieux)
    à toute heure
    en tous sens
    en tout point
    (en tous points)
    à toute vitesse en toutes lettres  
    avant toute chose tous azimuts  
    contre toute attente tous feux éteints  
    de tout cœur (assurance) tous risques  
    de tout poil toutes catégories  
    (être au-dessus) de tout soupçon toutes choses égales  
    de tout temps
    toutes proportions gardées  
    de toute espèce toutes voiles dehors  
    de toute façon *
    une fois pour toutes  
    de toute manière *
    sous toutes réserves
     
    en tout cas *
       
    en tout temps    
    en toute circonstance    
    en toute franchise    
    en toute hâte
       
    en toute liberté    
    en toute occasion    
    tout à l'heure    
    tout compte fait    
    tout feu tout flamme    
    tout yeux tout oreilles    


    Comme vous pouvez le constater, l'accord de tout dans ces locutions (considérées pour certaines d'entre elles comme figées) n'est régi par aucune règle précise. Du reste, nos éminents grammairiens ne sont pas toujours d'accord entre eux. Ainsi (*) les locutions en tout cas, de toute façon et de toute manière, données au singulier par l'Académie, sont également employées au pluriel avec le même sens chez Grevisse (avec cette culture de la tolérance qu'on lui connaît) et sur le TLFi.

    Les trois formulations suivantes seraient donc correctes :

    De toute façon, il n'en fait qu'à sa tête (= quoi qu'il en soit, il n'en fait qu'à sa tête).

    De toutes les façons, il n'en fait qu'à sa tête.

    De toutes façons, il n'en fait qu'à sa tête (non reconnu par l'Académie).

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    Remarque 1 : Une méthode d'accord consiste à déterminer si le sens est celui de « à tous les » (ou de tous les, en tous les... selon le cas) ou de « à n'importe quel » (de n'importe quel, en n'importe quel, etc.). Ainsi dira-t-on de préférence de tous bords, la locution signifiant ici « de tous les bords », plutôt que « de n’importe quel bord ». Mais cette astuce ne permet pas toujours de trancher...

    Remarque 2 : Voir également le billet Toutes catégories confondues.

    A tout prixA tout vent

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


             Ou "à tous vents"
             (ancien logo des éditions Larousse)

     

             Film de John Turteltaub

     


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  • Avérer (du latin verus, « vrai ») signifie « vérifier et faire apparaître comme vrai ».

    C'est un fait que la police a pu avérer.

    À la forme pronominale, s'avérer a aujourd'hui pris le sens de « apparaître comme, se révéler »... avec tous les risques que comporte cette tournure. Car s'avérer conserve toujours l'idée de véracité inscrite dans sa racine latine.

    Aussi, l'information s'est avérée (= est reconnue comme vraie) est une formulation correcte, quoique rare (de nos jours, on dira plutôt, avec le même sens : L'information est avérée).

    Complétée d'un adjectif, la formulation l'information s'est avérée utile, décisive, etc., est admissible à condition que l'adjectif en question ne soit pas redondant ni ne contredise le sens du verbe.

    En revanche, l'information s'est avérée exacte, s'est avérée vraie ou s'est avérée fausse sont trois formulations incorrectes (respectivement deux pléonasmes et un non-sens).

    Afin d'éviter toute objection, mieux vaut recourir à se révéler, apparaître ou être.

    L'information s'est révélée exacte, s'est révélée fausse.

    L'affaire s'est révélée (de préférence à s'est avérée) difficile, rentable, intéressante.

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    Remarque
    : Curieusement, les formulations c'est vraiment faux (pour « il est vrai que c'est faux ») et c'est bien mauvais comportent le même non-sens, sans être autant soumises à la critique...

    Avérer

    Voilà ce que l'on appelle un ambigramme, c'est avéré !
    (illustration ambigrammes.com)

     


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  • Voilà deux paronymes souvent confondus. Il est vrai qu'ils partagent le même radical et la même idée de violente soudaineté, mais leur sens est diamétralement opposé : éruption vient du latin erumpere, sortir avec violence, et irruption du latin irrumpere, entrer brusquement.

    Le mot éruption (notez le é initial, emprunté au préfixe ex-, hors de) est donc associé à une soudaine poussée vers l'extérieur. On l'emploie pour désigner une éruption volcanique, une éruption dentaire, une éruption cutanée... et, au sens figuré, à propos de l'explosion soudaine d'un sentiment.

    Un volcan fait éruption (en crachant de la lave). Un adolescent fait une éruption d'acné (en crachant...).

    Une éruption de joie, de colère (= explosion, au sens figuré).

    On fera la distinction avec irruption (notez le ir initial, représentant euphonique du préfixe in-, en, dans), mot associé à un mouvement brusque et soudain vers l'intérieur.

    Il fit irruption au moment où l'on s'y attendait le moins.

     

    Eruption

    Livre d'André Picaud, Editions Kessinger Publishing

     


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  • On se gardera de confondre les paronymes conjecture et conjoncture.

    • Une conjecture (étymologiquement associée au verbe jeter) est une hypothèse qu'on lance, une supposition, une opinion établie sur des apparences, sur des probabilités. Ce mot s'emploie généralement au pluriel.

    Se livrer à des conjectures.

    Se perdre en conjectures (= être perplexe devant plusieurs hypothèses).

    Nous ne pouvons nous fier à de simples conjectures.

    • Une conjoncture (étymologiquement associée au verbe joindre) est le résultat d'un concours de circonstances. Ce mot est fréquemment employé dans le contexte économique et financier mais ne lui est pas réservé.

    La conjoncture actuelle ne nous permet pas d'espérer de meilleurs résultats (= La situation actuelle).

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    Remarque : On fera la même distinction entre les adjectifs dérivés : conjectural (qui repose sur des conjectures) et conjoncturel (qui est lié à la conjoncture).

     

    Conjecture

     


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  • Afin d'éviter la confusion entre ces deux homophones (même prononciation, mais sens différent), on distinguera martyre (avec un e final), qui désigne le supplice, de martyr (sans e, à moins qu'il ne s'agisse d'une femme), la personne suppliciée.

    Les martyrs chrétiens ont souffert le martyre.

    Saint Sébastien est un martyr mais Sainte Cécile est une martyre.

    Martyr, substantif, peut être mis en apposition, dans un emploi adjectival.

    Un enfant martyr. Une ville martyre (= à qui l'on inflige de nombreux tourments).

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    Remarque 1 : Le féminin de martyr (la personne) est martyre, à ne pas confondre avec martyre (le supplice).

    Remarque 2 : Le martyrologe (et non martyrologue) désigne la liste des martyrs de l'Eglise et, par extension, se dit d'une liste rappelant les noms des héros qui ont souffert ou se sont sacrifiés pour une cause.

    Martyre

    Le Martyre de saint Sébastien de Debussy

     


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