• L'expression par laquelle on exprime sa reconnaissance est savoir gré (à quelqu'un de quelque chose), que l'on rencontre parfois dans les courriers administratifs sous ses formes altérées être gré et avoir gré. La confusion des verbes s'explique sans doute par la similitude des formes serai(s) / saurai(s) [gré], d'une part, avoir / savoir [gré], d'autre part.

    On écrira donc :

    Je vous sais gré de m'aider (et non je vous suis gré de m'aider).

    Je vous en sais gré.

    Je vous saurai gré (futur) ou je vous saurais gré (conditionnel) de bien vouloir m'accorder une entrevue dans les plus brefs délais (et non je vous serai(s) gré de).

    Nous devons lui en savoir gré (et non lui en avoir gré).

    Rappelons enfin que gré, issu du latin gratum (« ce qui est agréable »), est un substantif masculin − et non un adjectif −, à prendre ici au sens de « reconnaissance, gratitude ». Littéralement, la locution savoir gré signifie donc « savoir, être conscient qu'on a du gré (= de la reconnaissance) pour quelqu'un ».

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    Remarque 1 : Étant donné qu'il s'agit d'une formule de politesse, l'emploi du conditionnel est préférable à celui du futur.

    Remarque 2 : En cas d'hésitation, mieux vaut employer la formule Je vous serais reconnaissant de...

    Remarque 3 : Gré est utilisé dans diverses expressions : bon gré mal gré (= volontairement ou non / on se gardera de confondre mal gré avec la préposition malgré), de gré à gré (= à l'amiable), de son plein gré (= volontairement), de gré ou de force et au gré de (= au fil de). Ses dérivés sont nombreux : agréer, maugréer, agrément, désagrément, agréable, désagréable, malgré.

    Remarque 4 : On se gardera de toute confusion avec l'homophone grès (un pot en grès).

    Gré

     


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  • La locution en termes de, où l'on veillera à ce que le mot termes soit toujours au pluriel (même si le complément est au singulier), signifie « dans le langage de (telle corporation ou telle spécialité), dans le jargon de » : en termes de médecine, de jurisprudence, de philosophie, etc.

    Vous entendez là ce que l'on appelle une fugue en termes de musique (et non en terme de musique) ou en termes musicaux.

    Au sens élargi de « en matière de », en termes de est le plus souvent considéré comme un anglicisme (calque de in terms of), proscrit par l'Académie. Aussi remplacera-t-on avantageusement cette expression critiquée par : en matière de, en ce qui concerne, pour ce qui est de, en ce qui a trait à, dans le domaine de, du point de vue de, quant à, etc. Histoire de mettre un terme aux souffrances orthographiques de celle-ci (l'expression)... et de rester en bons termes avec celle-là (l'Académie) !

    L'entreprise a amélioré ses résultats, notamment en ce qui concerne son chiffre d'affaires (de préférence à en termes de chiffre d'affaires).

    La municipalité dispose de nombreux atouts pour le tourisme (de préférence à de nombreux atouts en termes de tourisme).

    Une baisse des effectifs (de préférence à Une baisse en termes d'effectifs).

    C'est une révolution dans le domaine de la médecine (de préférence à en termes de médecine) mais on écrira correctement : En termes de médecine, mal de tête se dit céphalée.

    AstuceOn retiendra que l'expression en termes de (où termes s'écrit au pluriel) ne devrait être employée que lorsqu'il est implicitement question... de termes, justement, de mots, d'expressions, de définitions.

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    Remarque 1 : Le mot terme est utilisé dans diverses expressions, tantôt au singulier (à moyen terme, avant terme, au terme de...), tantôt au pluriel (en ces termes, en d'autres termes, aux termes de, être en bons termes...).

    Au terme de l'année scolaire, il passera son examen (= à la fin de l'année scolaire).

    Aux termes de la loi, il ne peut se rendre à l'étranger (= selon les termes de la loi).

    Remarque 2 : On notera que les locutions en matière de, au sujet de sont invariables : Voici les prévisions en matière de profits.

    En termes de

    Gageons que, dans ce cas,
    le ministre préférera « en matière de formation ».

     


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  • Après les locutions un(e) des (ou un(e) de ces) + substantif au pluriel + qui (et autres expressions similaires), le verbe peut se mettre au singulier ou au pluriel selon que l'on insiste sur l'idée d'individualité (un peut alors être remplacé par celui) ou de pluralité. Il est à noter que l'usage privilégie (abusivement) le pluriel (*), alors que c'est le sens qui doit régir l'accord, comme le confirment dans une belle unanimité Bescherelle, Girodet, Hanse et Thomas.

    C'est un de ces écrivains qui sont à la mode (un parmi d'autres) mais C'est un des écrivains qui mérite la meilleure récompense (= c'est celui [des écrivains] qui mérite la meilleure récompense).

    Encore une de ces réunions qui n'en finissent pas.

    C'est une des raisons pour lesquelles je l'apprécie.


    On peut distinguer trois cas principaux :

    • l'action porte sur l'ensemble du groupe → accord au pluriel
      Voici un des livres que j'ai achetés ce matin.
    • l'action porte sur un élément particulier du groupe → accord au singulier

    Elle ne remarqua que l'un d'entre eux, qui se tenait debout (un seul se tenait debout ; à noter : la virgule, qui montre que le pronom relatif qui n'est pas en rapport avec eux mais avec l'un d'entre eux).

    Il répondit à un des examinateurs, qui l'interrogeait (= il répondit à celui des examinateurs qui l'interrogeait) mais Il répondit à un des examinateurs qui l'interrogeaient (on insiste sur le fait que l'ensemble des examinateurs l'interroge).

    • l'action est introduite par la tournure un de ceux (une de celles) → accord au pluriel
      C'est (l')un de ceux que j'ai hébergés.
      « Aucun de ceux qui l'approchèrent ne mirent en doute son sens aigu du réel » (Bernanos).

    (*) À l'article « plus » de la huitième édition (1935) de son Dictionnaire, l'Académie donnait l'exemple suivant : « L'astronomie est une des sciences qui fait le plus ou qui font le plus d'honneur à l'esprit humain », avec la mention : « le dernier est plus usité ».

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    Remarque 1 : On notera que, si le choix d'intention est permis concernant l'accord du verbe, il n'en est pas de même avec les éventuels adjectifs, qui continuent de s'accorder avec le nom qualifié.

    C'est un des personnages principaux (et non un des personnages principal).

    Voir également ce billet.

    Remarque 2 : On est fondé à se demander si l'accord au pluriel n'est pas requis après un des suivi d'un adjectif : C'est l'une des plus belles soirées que j'aie passées. En effet, l'accord au singulier signifierait : « C'est celle des plus belles soirées que j'aie passée », ce qui n'aurait guère de sens. Autant écrire : C'est la plus belle soirée que j'aie passée, si l'on tient à mettre en avant cette soirée en particulier.

    Remarque 3 : Avec la tournure familière un(e) de ces à valeur exclamative, il y a hésitation sur le nombre du nom qui suit.
    Selon Hanse, « il est normal et à conseiller, nettement, de mettre le nom au pluriel », adjectif démonstratif ces oblige.

    J'ai une de ces faims ! Tu m'as fait une de ces peurs !

    J'ai un de ces maux de tête !

    Toutefois, observe l'Office québécois de la langue française, « lorsque [ledit] nom se termine en -al ou en -ail, on le laisse généralement au singulier, surtout pour des raisons d'euphonie ». Michèle Lenoble-Pinson rectifie : « Dans la langue parlée, [le nom qui suit] s'écrit abusivement au singulier chaque fois que la forme plurielle s'entendrait différente de celle du singulier. » De ces perd alors son sens partitif pour prendre la valeur d'une épithète emphatique.

    J'ai un de ces mal de tête [= un affreux mal de tête] !

    J'ai un de ces travail [= un travail énorme] !

    Selon d'autres spécialistes encore, c'est le singulier qui devrait être la norme − du moins avec « un nom abstrait non caractérisé », précise Cécile Narjoux dans Le Grevisse de l'étudiant −, dans la mesure où le tour un(e) de ces n'a plus un sens partitif mais intensif (l'évaluation portant sur une qualité et non sur une quantité) : il s'agit, en effet, de souligner − avec une nuance laudative ou, plus souvent, dépréciative − le caractère exceptionnel, unique, et donc singulier du nom qui suit.

    Il fait un de ces froid ! (selon Cécile Narjoux), mais Il fait un de ces froids que l'on trouve en Sibérie (le nom froid est ici caractérisé par une relative).

    J'ai un de ces mal de tête ! Il a fait un de ces travail ! (valeur intensive) mais Un de ces maux de notre époque, un de ces remarquables travaux de restauration (valeur partitive).

    Tentons une synthèse : après le tour exclamatif un(e) de ces, qui exprime bel et bien l'idée du singulier, le pluriel généralement observé est dû au voisinage de ces ; c'est un pluriel graphique, que la langue tend à rejeter dès qu'il deviendrait audible.

     

    Un de ces

    Un de ces livres qui font polémique.
    (Stéphane Hessel, Éditions Indigène)

     


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  • Reconnaissons-le d'emblée : le verbe interpeller pose quelques problèmes d'orthographe et de prononciation.

    Si l'on s'en tient à sa graphie traditionnelle, il prend deux l à l'infinitif comme dans toutes ses conjugaisons :

    Les suspects ont été interpellés.

    Ils se sont interpellés sur des sujets variés (emploi pronominal).

    Il en résulte que ce verbe doit se prononcer inter-pèlé et conserver le son è à tous les temps (comme exceller, rebeller). Ce qui fut longtemps le cas... jusqu'à ce que l'usage favorise la prononciation e par analogie avec le verbe appeler, formé sur le même radical latin (pellare, variante de pellere « pousser »).

    Afin de rendre la graphie cohérente avec la prononciation, le Conseil supérieur de la langue française, en accord avec l'Académie française, a comme il se doit cru pertinent de proposer, lors des Rectifications orthographiques de 1990, la suppression d'un l de l'infinitif : interpeler.

    « Cette audacieuse initiative est aussi intelligente et opportune que celle qui consisterait à aligner demain la prononciation des verbes desceller [« briser le sceau ou le scellement »] et desseller [« décharger de sa selle »] sur celle de déceler [« découvrir, remarquer »], au détriment de la clarté et de la précision de notre langue », ironise Jacques Capelovici.

    Empressons-nous de préciser qu'il ne s'agit là que d'une proposition : les deux graphies sont donc aujourd'hui admises (les puristes conservant l'orthographe et la prononciation classiques). Du reste, l'Académie elle-même, interpellée à ce sujet, ne semble pas vouloir prendre parti :

    « Interpeller conserve traditionnellement ses deux l, et la prononciation par è qui en résulte, tout au long de sa conjugaison ; la variante récente interpeler a été introduite dans la neuvième édition du Dictionnaire de l'Académie française. »

    Attention cependant : dans tous les cas, lorsque la forme se termine par un e muet, la consonne est doublée et le e se prononce è (comme dans la conjugaison du verbe appeler).

    AppelerInterpeler (son e) ou Interpeller (son è).

    Il appelleIl interpelle (consonne doublée et son è, dans tous les cas).

    Nous appelonsNous interpelons (son e) ou Nous interpellons (son è).

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    Remarque 1 : L'Académie attire notre attention sur le fait que le verbe interpeller ne signifie justement pas « attirer l'attention, faire réfléchir », mais « adresser brusquement la parole à quelqu'un pour l'interroger ou le prendre à partie » ; par conséquent, son emploi dans cet évènement m'interpelle est impropre. On s'en serait douté... Selon le contexte, on pourra dire avantageusement : cela m'intéresse, me fait réfléchir, me motive, me révolte, m'intrigue, m'incite à agir, attire / retient mon attention, etc. Du reste, le verbe interpeller ne peut avoir pour sujet qu'un nom de personne, pas un nom de chose.

    Comparez : Un journaliste m'interpelle sur cet évènement (= m'interroge → correct) et Cet évènement m'interpelle (= me fait réfléchir → incorrect).

    Remarque 2 : En raison du doublement de la consonne l, Montpellier doit également se prononcer avec le son è de pelle, si l'on en croit Jacques Capelovici. Force est pourtant de constater, sur le terrain, que l'hésitation est plutôt entre le son eu et le son é...

    Interpeller

    ... et s'attire les foudres de l'Académie !
    (Livre de l'abbé Pierre, éditions Apostolat des Éditions)

     


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  • L'Académie est catégorique : « C'est une faute que d'écrire ou de prononcer dilemne, par contamination avec indemne. » Et ce n'est pas parce que Victor Hugo lui-même l'aurait commise en son temps dans ses carnets intimes (selon Grevisse) que l'on est en droit d'espérer la moindre indulgence...

    Dilemme (du grec di-lêmma, deux arguments) − qui se prononce dilèm' et s'écrit donc avec deux m − est un choix entre deux propositions différentes ou contraires mais menant à une seule et même conclusion (à la différence d'alternative). L'exemple donné par l'Académie est édifiant :

    « Le célèbre raisonnement d'Aristote est le type du dilemme : ou bien il faut philosopher, ou bien il ne faut pas philosopher ; or, pour savoir s'il faut philosopher, il faut philosopher ; pour savoir s'il ne faut pas philosopher, il faut encore philosopher ; conclusion : donc il faut philosopher. »

    Il est intéressant de noter que rien dans la définition première de dilemme ne suggère l'idée d'alternative impossible à résoudre que l'on retrouve dans l'usage. Ce n'est que par extension que dilemme désigne aujourd'hui l'obligation pour quelqu'un de choisir entre deux partis qui présentent l'un et l'autre de graves inconvénients, là où l'alternative comporte au moins une option favorable. Louis Piéchaud (dans Questions de langage, éditions Ophrys, 1953) résume ainsi la différence de sens actuelle : « L'alternative, c'est le choix ; le dilemme, c'est l'impasse ».

    Il se trouve devant un cruel dilemme : vaincre ou mourir (ce qui revient à verser, vous en conviendrez, dans la dramatisation à outrance...).

    Poser un dilemme ; être face à, confronté à un dilemme ; s'enfermer dans un dilemme.

    Comment sortir de ce dilemme ?

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    Remarque
    : Voir également l'article consacré à Alternative.

     

     Dilemme

    Le Dilemme, film de Ron Howard, Universal Pictures

     


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