Voilà qui est pour le moins... curieux : l'adjectif intrigant, au sens de « curieux, étonnant, bizarre, mystérieux, déroutant », n'est enregistré ni dans le Dictionnaire de l'Académie, ni dans mon Petit Larousse illustré 2005, ni dans le Robert illustré 2013. Seule figure l'acception désignant une personne « qui se mêle d'intrigues, qui a recours à l'intrigue pour parvenir à ses fins » (sens du verbe intriguer dans sa construction intransitive).
Un jeune homme intrigant et sans scrupules. Un intrigant (substantif).
Et pourtant, il n'est pas rare que nous nous exclamions, en sortant du cinéma : « C'était un film bien intrigant ! », dès lors que le sens nous a en partie échappé ou a piqué notre curiosité. Après tout, ne s'agit-il pas là de l'(autre) acception du verbe intriguer, dans sa construction transitive cette fois ? « Troubler, donner à penser, en suscitant la curiosité, la perplexité », note l'Académie. Partant, pourquoi ne pas reconnaître l'adjectif associé dans ce même sens ? Pourquoi refuser Son attitude est intrigante à partir du moment où l'on consigne Son attitude intrigue ? Curieux, vous dis-je...
Certains invoqueront les risques de confusion : si l'adjectif intrigant, appliqué aux choses, ne peut signifier que « curieux », comment interpréter l'expression un homme intrigant ? Au sens de « comploteur » ou de « bizarre (dans son attitude, son raisonnement, etc.) » ? D'autres, à l'instar d'un de mes correspondants canadiens, avancent que cet intrigant qu'ignore l'Académie serait un québécisme, ce que semble confirmer la mention « régionalisme (Canada) » ajoutée à ladite entrée dans... le Nouveau Petit Robert 2010 ! De quoi achever de nous intriguer...
Remarque : On notera que l'adjectif intrigant se distingue du participe présent intriguant par l'absence de u intercalaire (voir également le billet Adjectif ou participe présent ?).
Cet homme d'affaires intrigant a fait fortune dans l'industrie de l'armement (adjectif).
Il a fait sa fortune en intriguant (participe présent).
(Éditions Louise Courteau)