• Littré condamne fermement cette expression : « On n'est pas dans un but ; car, si on y était, il serait atteint ».

    Pourtant, force est de constater que ce tour a reçu la sanction de l'usage et se rencontre même chez les meilleurs écrivains (Gide, Flaubert, Hugo, Balzac, Chateaubriand, etc.). Après tout, on accepte bien l'idée d'agir dans l'intention de, donc dans l'esprit, dans la volonté de... En quoi cela serait-il moins choquant que dans le but de ?

    Afin d'éviter toute critique, il est toujours possible de recourir à : en vue de, afin de, dans le dessein de, dans l'intention de... ou tout simplement pour.

    Je lui ai parlé afin de le rassurer (de préférence à dans le but de le rassurer).

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    Remarque 1
    : De même, les expressions poursuivre un but, remplir un but, réaliser un but ou encore le but recherché ne sont pas davantage admises par les puristes : on ne « poursuit » pas à un but, à moins qu'il ne soit mobile (!) ; on ne le « remplit », « recherche », « réalise » pas davantage, on l'atteint. On emploiera donc de préférence viser un but, chercher à atteindre un but, tendre vers un but, se proposer un but, avoir pour but de, etc. Là encore, les formules de substitution ne manquent pas.

    Nous avons pour but de créer un nouveau produit (et non Nous poursuivons le but de créer un nouveau produit).

    Le but visé (ou l'objectif à atteindre) est de doubler de taille d'ici cinq ans (et non Le but recherché).

    Remarque 2 : Selon Dupré, Hanse, Thomas et l'Académie, but dans l'expression de but en blanc (qui signifie « sans préparation, à l'improviste, sans prévenir ») devrait s'écrire butte puisque, en langage militaire, tirer de butte en blanc signifie tirer depuis la butte (de tir) jusque dans le blanc (de la cible). Mais la graphie but s'est depuis imposée. Il est vrai que le masculin but et le féminin bute (devenue butte à compter du XIXe siècle) ont été longtemps confondus. En revanche, il ne saurait y avoir confusion dans l'expression être en butte à, qui signifie « être la cible de, être exposé à » (la butte désignant initialement un tertre où l'on adosse une cible).

    Il m'a dit mes quatre vérités de but en blanc.

    Être en butte aux moqueries (et non être en but aux moqueries).

    Remarque 3 : But signifiant « fin, objectif que l'on se propose d'atteindre », on se gardera de parler d'un but final, expression qui relève le plus souvent du pléonasme.

    Remarque 4 : Littré recommande la prononciation bu (comme début, rebut, tribut), tout en précisant que le t se lie devant une voyelle ainsi que le s au pluriel. Mais l'usage reste hésitant.

    Un but incertain (un bu-t-incertain), des buts incertains (des bu-z-incertains).

    Dans le but
    En plein dans le mille...

     


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  • Emprunté du latin concernere (« mêler avec »), le verbe concerner signifie « toucher, intéresser, se rapporter à ».

    Cela ne me concerne pas (= Cela ne m'intéresse pas ou Cela n'a pas de rapport avec moi).

    En ce qui concerne (ou Concernant) cette affaire... (= au sujet de, quant à).

    En ce qui me concerne (ou Me concernant)... (= pour ma part, quant à moi).

    L'emploi de la forme passive être concerné (ou se sentir concerné) au sens d'« être intéressé, touché, impliqué » est condamné par l'Académie depuis le XVIIIe siècle (apparemment sans grand effet, depuis tout ce temps) :

    « On ne doit pas dire : Vous êtes directement concerné par cette mesure, mais : Vous êtes directement touché par cette mesure ou, à la forme active : Cette mesure vous concerne directement. »

    Littré n'est pas du même avis : « Grammaticalement, cet emploi ne fait aucune difficulté [...]. On dit très communément des phrases comme celles-ci : Votre ami est concerné dans cette affaire ; Les intérêts concernés par cette mesure. » Le tour se trouve, d'ailleurs, sous de bonnes plumes : « Les camarades ne se sentirent pas concernés dans cet épisode » (Duhamel), « [La peinture] cessa de se sentir concernée par ce qui s'était appelé sublime » (Malraux), « Je ne me sentis sans doute pas concernée » (Beauvoir), « Je n'étais concerné par aucun jugement » (Camus), etc.

    Au nom de quel principe un verbe transitif direct ne serait-il pas susceptible de la forme passive ? s'interroge à bon droit René Georgin. En l'absence de justification de la part des Immortels, Maurice Chapelan avance un argument que je laisse à votre appréciation : « Simplement parce que [concerner] s'emploie, à l'actif, en parlant des choses et toujours à la troisième personne. Mais la légitimité de son emploi au passif entraîne[rait] celle de l'employer, à l'actif, avec tous les pronoms personnels : je ne concerne pas cet homme, tu concernes mon affaire, etc. » (Le Figaro littéraire, 1964).

    Dans le doute, mieux vaut encore s'abstenir...

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    Remarque 1
     : Il est cocasse de constater que l'Académie ne tient pas toujours compte de ses propres recommandations. Ainsi peut-on s'étonner de lire dans la dernière édition de son Dictionnaire : « Tout acteur concerné par le bon fonctionnement d'une entreprise » (à l'entrée « prenant ») ou encore « Avoir affaire de (vieilli), être concerné par » (à l'entrée « affaire »). Faute d'inattention ? Lacune ? Condamnation abusive ?

    Remarque 2 : Selon Maurice Grevisse, « l'emploi de concerner au passif, qui surprend certains lecteurs, s'est introduit il n'y a pas tellement longtemps (vers le milieu du XIXe siècle peut-être) » (Problèmes de langage, 1964). La réalité semble quelque peu différente : « Les terres concernées » (Chroniques d'Enguerrand de Monstrelet, 1572), « [Les pupilles] concernés par ledit contrat de mariage » (texte daté de 1769).

    Remarque 3 : Il y a fort à parier que l'analogie avec l'anglais to be concerned in, with (s'intéresser à, s'occuper de) a favorisé le succès dans l'usage moderne du participe passif concerné. Pour autant, on ne saurait lui donner le sens de « s'inquiéter, être préoccupé par » sous l'influence de l'anglais to be concerned about.

    Son état de santé la préoccupe (et non la concerne).

    Concerner
    « La drogue vous concerne tous » serait de meilleure langue...
    (Livre de Pierre Mezinski, Éditions de La Martinière)

     


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  • La mise en garde de l'Académie est claire :

    « Commémorer ne s'applique pas à un anniversaire mais à l'évènement lui-même que l'on commémore en en célébrant ou fêtant l'anniversaire. »

    Ainsi commémorer, emprunté du latin commemorare (« rappeler à la mémoire »), signifie-t-il « rappeler par une cérémonie le souvenir d'une personne ou d'un évènement ». Cette cérémonie s'appelle une commémoration.

    On commémorera donc une victoire, l'armistice, une naissance, une mort mais on célèbrera (ou fêtera) un anniversaire (voir Remarque 1 ci-dessous).

    L'armistice de 1918 est commémoré (ou célébré) le 11 novembre mais L'anniversaire de l'armistice de 1918 est célébré (et non commémoré) le 11  novembre.

    En 1989, on a célébré (ou fêté) le bicentenaire de la Révolution française.

    Célébrer une fête, un anniversaire, des noces d'or.

    Commémorer l'indépendance d'un pays mais Célébrer le cinquantième anniversaire de l'indépendance d'un pays.

    Claire Chazal, dans son journal du 15 avril 2012, commet donc une faute de français en évoquant bien imprudemment « les cérémonies commémorant le centième anniversaire du naufrage du Titanic ».

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    Remarque 1
    : Si l'on peut aussi bien célébrer que commémorer un évènement, la naissance ou la mort d'une personne, on se gardera de commémorer un anniversaire ou un souvenir, formule qui relèverait du pléonasme : on ne saurait en effet « rappeler à la mémoire » un anniversaire ou un souvenir, qui sont déjà le rappel de quelque chose. Dans ce sens, célébrer et commémorer ne sont pas interchangeables.

    Remarque 2 : Le verbe célébrer possède un sens plus large que commémorer : outre « marquer d'une certaine solennité, d'un éclat exceptionnel, un évènement, le souvenir ou le retour périodique d'un évènement », il signifie également « louer, faire publiquement l'éloge de » ainsi que « accomplir un office liturgique ».

    Célébrer la grâce féminine. Célébrer un mariage, la messe.

    Par ailleurs, on notera que célébrer n'a pas forcément de connotation festive. Ainsi peut-on célébrer un triste, un douloureux anniversaire...

    Remarque 3 : On évitera toute confusion entre trentenaire, quarantenaire, cinquantenaire, centenaire, millénaire (pour marquer le énième anniversaire d'un évènement) et trentenaire, quadragénaire, quinquagénaire, sexagénaire, septuagénaire, octogénaire, nonagénaire, centenaire – et bientôt hendécagénaire (110 ans) ou dodécagénaire (120 ans), avec l'allongement de la durée de vie ? (pour indiquer l'âge d'une personne).

    On fête le cinquantenaire (mieux : le cinquantième anniversaire) d'un quinquagénaire.

    Célébrer / Commémorer

    15 avril 2012 : 100 ans après, le monde commémore le naufrage du Titanic
    (photo Wikipédia)

     


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  • Bénéficier est un verbe transitif indirect qui signifie « tirer profit, avantage » ou « jouir d'un droit, d'un avantage, d'un privilège ». Il se construit avec la préposition de et ne peut donc avoir pour sujet que la personne ou la chose qui tire profit.

    L'accusé a bénéficié de circonstances atténuantes.

    Cet employé bénéficie d'avantages en nature.

    Il bénéficie de cette mesure (et non Cette mesure lui bénéficie).

    Dans le sens de « profiter à », la construction bénéficier à, bien que courante, est critiquée puisque son sujet n'est plus le bénéficiaire mais la chose qui apporte un profit. On aura avantageusement recours, dans cet emploi, à profiter à, être favorable, bénéfique à, etc.

    La croissance a profité (ou a été favorable, bénéfique) aux grandes entreprises (et non a bénéficié aux grandes entreprises).

    Le redécoupage électoral a profité à l'opposition (et non a bénéficié à l'opposition).

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    Remarque 1 : Il convient de faire attention à la conjugaison du verbe bénéficier.

    À l'indicatif imparfait et au subjonctif présent : (que) nous bénéficiions.
    Au futur et au conditionnel : il bénéficiera / il bénéficierait.

    Remarque 2 : On écrit faire bénéficier quelqu'un de quelque chose : « faire bénéficier quelqu'un de ses connaissances » (Larousse), « faire bénéficier quelqu'un de bienfaits » (Dictionnaire historique de la langue française).

    Remarque 3 : Ce n'est que dans la dernière édition de son Dictionnaire (1994) que l'Académie reconnaît l'adjectif associé bénéfique. D'abord employé comme terme d'astrologie pour qualifier ce qui exerce une influence favorable (par opposition à maléfique), il possède aujourd'hui le sens de « qui a un bon effet, qui fait du bien, qui exerce une influence favorable ».

    En dépit des protestations de Jacques Capelovici (voir bibliographie) pour qui « il n'y a aucune raison de dire qu'un médicament ou que l'air pur est bénéfique, alors qu'il est, en réalité, bienfaisant ou salutaire », la distinction entre bénéfique et bienfaisant paraît d'autant plus ténue que ces deux adjectifs partagent la même étymologie latine (beneficus, bienfaisant). Mieux vaut cependant réserver l'emploi de bénéfique aux seuls cas où le sens s'oppose diamétralement à maléfique. On évitera notamment d'en faire un synonyme d'avantageux.

    Remarque 4 : L'Office québécois de la langue française fait judicieusement remarquer que bénéficier et profiter ne sont pas parfaitement synonymes. Ainsi, « bénéficier, contrairement à profiter, donne à penser que le sujet tire profit de quelque chose sans l’avoir vraiment cherché » : on bénéficie d'avantages fiscaux, de droits, de privilèges mais on profite de ses vacances, de la vie. Autre nuance : seul le verbe profiter peut être employé au sens d'« abuser » (profiter de la situation).

    Bénéficier

     


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  • Selon le site du Bescherelle, le verbe finaliser aurait été employé pour la première fois en 1936 par le philosophe catholique Jacques Maritain : « Le bien politique est un bien digne en soi de finaliser l’action humaine », c'est-à-dire propre à constituer le but, la fin de l'action humaine. Finaliser signifierait donc « orienter vers un objectif précis, donner une finalité à ».

    De nos jours, dans le langage courant (et administratif, notamment), l'emploi de finaliser est tout autre : « Ce projet doit être finalisé pour demain », comprenez achevé, conclu, mené à son terme... à moins que ce ne soit précisé, peaufiné, mis au point dans ses derniers détails. Pas très clair, finalement. Car, après tout, finaliser un projet signifie-t-il le mener à bonne fin, y mettre un point final ou bien lui donner une forme achevée, y mettre la dernière main ?

    Le plus souvent, la finalisation d'un projet, d'un programme, d'un contrat, d'un accord... correspond à l'achèvement de sa partie administrative ; à ce moment-là, l'objet du projet (du programme...) lui-même n'est généralement pas encore commencé. Mais la confusion entre finaliser et finir est suffisamment présente pour que l'on s'abstienne de recourir sans plus de discernement à ce néologisme calqué sur l'anglais to finalize (« finir, achever »).

    Il va de soi que l'Académie n'a pas jugé utile de reconnaître ce verbe à la mode (pas plus que ses dérivés finalisé et finalisation) que l'on peut avantageusement remplacer, selon le contexte, par les expressions précédemment citées.

    Je dois régler les derniers détails de ce dossier avant la prochaine réunion (de préférence à Je dois finaliser ce dossier).

    Conclure une vente, un contrat. Parachever un texte (de préférence à le finaliser).

    Un accord est en voie d'être conclu (de préférence à est en cours de finalisation).

    La commission s'est réunie lors de l'achèvement des travaux (de préférence à lors de la finalisation des travaux).

    Ils ont publié la dernière mouture / la version définitive du texte de l'accord (de préférence à le texte finalisé de l'accord).

     

    Finaliser

    Terminer ma commande
    serait tellement mieux !

     


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