• Des touristes Russes

    « Les prévisions météorologiques ne prévoient pas d'accalmie ces prochains jours [...] Claire Chazal faisait état d'un grave accident d'autocar survenu près de Chambéry, lequel transportait des touristes Russes. »

    (lu sur le site Télé-Loisirs.fr, le 21 janvier 2013)

    (photo TF1.fr)

     
    FlècheCe que j'en pense


    Claire Chazal dérape en direct, samedi 19 janvier 2013 dans le journal de vingt heures, et voilà que la Toile en fait une montagne : « 20 morts, dont trois graves » a cru bon de préciser – fort maladroitement, cela va sans dire – la présentatrice, à propos d'un grave accident survenu près de Chambéry.

    « La boulette ! » [NDA : de neige] titre le site de Télé-Loisirs, qui ferait bien de balayer (ladite neige) devant sa porte avant de faire des gorges chaudes de la sortie de route de la présentatrice vedette de TF1. En effet, évoquer « des prévisions qui ne prévoient pas » puis « des touristes Russes » ajoute la coquille au pléonasme. Pas de quoi faire froid dans le dos, j'en conviens, mais suffisamment pour justifier le gel des hostilités.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Les prévisions météorologiques n'annoncent pas d'accalmie ces prochains jours (...) Claire Chazal faisait état d'un grave accident d'autocar, lequel transportait des touristes russes.

     


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  • Passée cette étape

    « Passée cette étape, distributeurs et consommateurs seront à même de mieux comprendre la problématique et de faire leur choix d’achat sur des bases rationnelles » (à propos de la controverse sur la nocivité supposée de l'aspartame).

    (Michel-Édouard Leclerc, sur son blog, le 15 janvier 2013)

     
    FlècheCe que j'en pense


    Placé avant le nom auquel il se rapporte, passé (ainsi que les participes attendu, excepté, vu, etc.) est généralement considéré comme une préposition et reste donc invariable. Après le nom, il est adjectif et s'accorde.

    Passé vingt heures, il ne viendra plus mais Il est vingt heures passées.

    Quant à problématique, voilà un terme dont notre époque abuse et qui est l'objet d'une controverse à peine plus édulcorée que celle concernant l'aspartame.


    Voir également les billets Locutions prépositives et Problématique.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Passé cette étape (mais : Cette étape passée), distributeurs et consommateurs seront à même de mieux comprendre l'enjeu.

     


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  • L'argent coule à flot


    « L'argent coule à flot et les acquisitions s'emboîtent, telle une collection de poupées russes. »

    (Renaud Revel, dans L'Express n3211, janvier 2013)


    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Fanghong)

     

    FlècheCe que j'en pense


    Bien sûr, la locution à flot se passe de la marque du pluriel quand elle signifie « qui ne touche pas le fond », au propre (= qui flotte) comme au figuré (= qui se sort d'une situation difficile, d'embarras financiers) : mettre un navire à flot, remettre une affaire à flot.

    Cependant, il est d'usage de mettre un s à flot dès lors qu'il est question d'abondance : Le vin coule à flots (= en grande quantité) pour fêter le nouveau passeport russe de Depardieu.

    À y bien réfléchir, l'expression couler à flot (sans s) relève, pour ainsi dire, de l'oxymore...

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    L'argent coule à flots.

     


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  • Ils ont répondu présent(s)

    « Mais si tous ont répondu présent, il manque ce soir-là à l'appel un invité de marque : François Hollande. »

    (Renaud Revel, dans L'Express no 3211, janvier 2013)

     

     

    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Jean-Marc Ayrault)


    FlècheCe que j'en pense


    Si l'on en croit Thomas, Girodet et Hanse, l'adjectif présent, quand il serait employé par une femme comme réponse à l'appel de son nom, resterait au masculin : c'est que, pour qui sait lire entre les lignes, le bougre est alors analysé soit comme une interjection, soit comme l'ellipse de (le mot) présent. L'emploi du féminin dans le discours direct « ne saurait cependant être tenu pour incorrect », s'empresse d'ajouter Girodet ; Elle répondait : « Présente » (pour je suis présente), attesté sous la plume de Maupassant, paraît tout de même plus réaliste, non ?

    Mais quid de répondre présent employé au sens figuré de « être là au moment opportun, ne pas se dérober à une tâche, à une requête » ? Et quid du pluriel ? Pas un mot : nos trois experts se sont mis aux abonnés absents. Seuls l'Office québécois de la langue française et l'Académie française osent aborder ces questions... fût-ce pour ne pas les trancher ! Selon le premier, quel que soit le contexte, « on peut choisir d’accorder ou non l’adjectif présent en fonction du sexe de la personne ou du nombre de personnes : − Odile Poulin ? − Présente. − Simone et Eugène Dumais ? − Présents. (ou, dans les deux cas : Présent.) Plusieurs invités ont répondu présent (ou présents). » Pour ma part, j'aurais pensé que, dans le discours direct, la logique plaidait en faveur de l'invariabilité en nombre − à l'instar de cette réplique empruntée à une pièce de Feydeau : « − Me voici ! [...] − Ne faites donc pas le malin, vous, l'homme au melon ! Vous n'entendez pas vos camarades qui répondent : Présent ! » −, dans la mesure où chaque membre d'un groupe ne répond, en principe, que pour lui-même à l'appel de son nom ; la graphie présent(e)s ne peut donc illustrer que le cas particulier où l'un des intéressés répond pour tous les autres à l'appel de leurs noms, ou tout du moins à une question formulée au pluriel (comme le ferait, par exemple, un délégué répondant au nom de sa classe à la question : Les terminales A ?).

    Quant à l'Académie, si l'on peut regretter qu'elle ne propose aucun exemple au féminin dans la dernière édition de son Dictionnaire (1), elle laisse clairement le choix, du moins dans les emplois figurés, entre l'accord en nombre (2) et l'invariabilité : « Ils ont répondu présents ou présent à l’appel de la Nation. » Rien d'étonnant, dès lors, à ce que cette indécision se retrouve chez nos auteurs... passés et présents : « Que ses clercs répondront : Présents, au premier appel qu'elle [la masse bourgeoise] lancera » (Paul Nizan), « De Gaulle a besoin d’eux ; ils répondent "présents" » (Alain Peyrefitte), « Tous les consuls étrangers en poste à Santa Cruz avaient également répondu présents » (Régine Deforges), « Elles répondront présentes, à l'évidence » (Christiane Collange) ; « Il y a besoin de temps en temps de ces appels de nos forces intimes. Elles répondent présent » (Maxime Weygand), « Maurice Rheims et Jean d'Ormesson ont toujours répondu présent » (Marie Ferranti).

    (1) Interrogé sur ce point en juin 2017 (« Faut-il dire : "les femmes ont répondu présent" ou "les femmes ont répondu présentes" ? »), le service du Dictionnaire de l'Académie n'aborde, dans sa réponse, que le cas où le tour est employé pour confirmer sa présence lors d'un appel : « Il n'y a pas de règle. On constate que de plus en plus présent est considéré comme invariable. Mais elles ont répondu présente est correct (chacune a dit qu’elle était présente), de même qu’elles ont répondu présentes (elles n’ont pas été interrogées individuellement et leur réponse signifie qu’elles sont toutes là). Il n’est donc pas possible de trancher une fois pour toutes. Sachez simplement que l’usage est plutôt d’écrire "Elles ont répondu présent". » Peter Lauwers aboutit à la conclusion inverse en ce qui concerne les emplois figurés : « De manière globale, l’évolution aboutit à une locution attributive, dans laquelle l’adjectif [présent, réanalysé comme l'attribut du sujet,] s’accorde de plus en plus » (Répondre présent/absent. Histoire d’un couple de locutions attributives délocutives, 2017).

    (2) Et aussi en genre, si l'on s'en tient à cette citation (datée de 1965) de Maurice Genevoix, ancien secrétaire perpétuel de la vénérable institution : « À un tel cri d’alarme, suivi sans doute d’un tel appel, elle [l'Académie] serait d’autant plus heureuse de répondre "Présente !", qu’elle y est prête depuis trois cents ans. »


    Remarque 1 : Il est intéressant d'observer, avec Peter Lauwers, que les marques typographiques du discours direct (deux-points, guillemets, italique, voire majuscule et point d'exclamation) peuvent persister jusque dans certains emplois pourtant figurés, quand « la métaphore de l'échange verbal domine les esprits ».

    Remarque 2 : Le tour répondre présent n'est pas récent. Il se trouve dans l'article « accusé » de l'Encyclopédie (1751) de Diderot et d'Alembert : « Il doit répondre présent et en personne, et non pas par procureur. »


    Voir également les billets Présent et Ça l'affiche mal.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Tous ont répondu présent (ou présents).

     


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  • Tâcle

    « Le chef du gouvernement a un peu la tête ailleurs, les yeux au plafond, pendant le speech pourtant décapant de la présidente de l’association de la presse ministérielle qui tâcle sans prendre de pincettes le "nouveau modèle français" dont Ayrault a fait son étendard pour 2013 » (à propos des vœux de Jean-Marc Ayrault, photo ci-contre, à la presse).

    (Laure Bretton, sur liberation.fr, le 18 janvier 2013)

       

    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Flickr)

     
    FlècheCe que j'en pense


    Si l'on en croit le Dictionnaire historique d'Alain Rey, le verbe tacler a fait irruption sur la pelouse française dans les années 1950, avec la violence d'un tir de ballon de football.

    Emprunté de l'anglais to tackle (« saisir, attraper »), il désigne dans le langage sportif le fait de s'emparer du ballon des pieds de son adversaire. Sorti des vestiaires, il roule au sens figuré sous plusieurs couleurs : « reprendre l'avantage sur quelqu'un » (Robert), « s'attaquer à un problème ou à un adversaire » (Wiktionnaire), « contredire avec agressivité », « prendre le contre-pied de » (pour rester dans la métaphore sportive), mais le plus souvent avec ce petit côté sournois, déloyal à l'origine de son succès dans le domaine politique.

    Jean-Marc Ayrault n'était apparemment pas le seul à avoir « un peu la tête ailleurs », ce jour-là. Notre journaliste l'avait outre-Manche... lui qui, vraisemblablement par analogie avec le verbe bâcler, a cru opportun de coiffer le bâtard d'un accent circonflexe bien injustifié. Sans doute aurait-il mieux fait de le laisser sur le banc de touche et de lui préférer un de nos vieux verbes bien de chez nous : critiquer (voire moucher, dans un registre plus familier) aurait ici atteint au même but... et évité à son auteur un carton rouge (sans parler du recours à speech).

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Le discours pourtant décapant de la présidente de l’association de la presse ministérielle qui tacle (ou critique, tout simplement) le "nouveau modèle français".

     


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