• Hôte est ce que l'on appelle un nom ambivalent : il possède deux significations non seulement différentes, mais tout à fait opposées ! En effet, il désigne à la fois la personne qui accueille et celle qui est accueillie. « Il en résulte assez bizarrement que tout invité est l'hôte de son hôte », ironise Jacques Capelovici dans son Guide du français correct.

    Afin d'éviter toute équivoque, mieux vaut réserver le mot hôte (ou hôtelier, pour l'activité économique) à la personne qui reçoit, qui donne l'hospitalité, et appeler invité (ou client) celui qui est reçu, qui reçoit l'hospitalité.

    Bienvenue chez moi ! Je suis votre hôte, vous êtes mes invités.

    Une chambre d'hôte (= chambre louée au voyageur par un particulier).

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    Remarque 1
    : On notera que l'ambiguïté n'existe qu'au masculin. En effet, quand il signifie « personne qui reçoit, qui accueille », hôte a pour féminin hôtesse (sens voisin de maîtresse de maison) : l'hôtesse d'une auberge, l'hôtesse de l'air (quant à l'expression hôtesse d'accueil, elle revêt tous les atours du pléonasme...). Quand il signifie « personne qui est reçue », hôte a la même forme au féminin qu'au masculin (dans cette acception, c'est donc un nom épicène, comme convive, « personne qui prend part avec d'autres à un repas ») : on dira une hôte ou, plus couramment, une invitée.

    Remarque 2 : Au pluriel, hôtes désigne les êtres qui vivent en un certain lieu : les hôtes des bois, des mers ; des hôtes indésirables (= des animaux nuisibles). Faut-il voir dans l'existence de cette acception pas toujours flatteuse la justification de la graphie – bien singulière – chambre d'hôte préconisée par l'Académie, là où ladite institution ne se prive pas d'écrire chambre d'amis ? Nous sommes tous invités à le supposer... encore que l'Académie précise, en réponse à ma requête, que « chambre d'hôte a été formé sur le modèle de table d'hôte, qui se rencontre dès le XIXe siècle » et où les gens, bien que nombreux, y venaient manger seuls.

    Remarque 3 : Hôte partage la même étymologie (du latin hospes) avec hôpital, hôtel mais également avec otage (prendre en ostage signifiait à l'origine « héberger ») !

    Remarque 4 : Dans la langue soutenue, amphitryon [i puis y, en raison du préfixe amphi- (« double, des deux côtés ») qui ne prend jamais d'y] désigne l'hôte qui reçoit à sa table, la personne chez qui l'on mange.

    Ce soir, notre amphitryon nous a régalés.

    Avouez que cette formulation fait son petit effet, en soirée ! Sauf que ce nom est en fait emprunté au personnage de la mythologie grecque, qui a inspiré à Plaute puis à Molière... la figure pathétique du mari trompé offrant un grand repas aux officiers de son armée (Zeus prit les traits du prince Thébain pour abuser sa femme Alcmène, qui donna naissance à Héraclès). Mieux vaut donc réserver ce terme au registre ironique. Au féminin, on dira hôtesse plutôt qu'amphitryonne (pour les mêmes relents de cocuage, toujours mal venus à table).

    Hôte / Invité

    « Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois »
    Le Corbeau et le Renard, de La Fontaine
    (illustration par Grandville, source wikipedia)

     


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  • Le verbe devoir (du latin debere, tenir quelque chose de quelqu'un, lui en être redevable) fait partie de ces verbes qui revêtent différentes significations selon leurs constructions.

    Flèche

    Devoir suivi d'un nom complément d'objet direct

    Suivi d'un nom, devoir a le sens de « avoir à rembourser une somme d'argent », « être redevable à », « être obligé envers ».

    Il me doit 15 euros.

    Je lui dois la vie. Le pays doit sa prospérité au tourisme.

    Les enfants doivent le respect aux parents.

    DevoirDevoir suivi d'un verbe à l'infinitif


    Suivi d'un infinitif, devoir sert à exprimer l'obligation (morale ou sociale), la contrainte, l'intention, le souhait, la probabilité, le caractère inéluctable ou le futur proche.

    Tu dois obéir (obligation).

    Il a dû retourner précipitamment au bureau (contrainte, nécessité).

    Nous devons nous voir demain (intention, projet).

    Vous devriez passer à la maison (souhait, suggestion au conditionnel).

    Ils ont déjà dû arriver chez eux (probabilité, supposition).

    Cela devait arriver (caractère inéluctable).

    Le train doit partir dans un instant (futur proche).

    FlècheSe devoir (à, de)


    Employé à la forme pronominale, le verbe devoir peut susciter quelques interrogations : doit-on dire Je me dois de faire cela ou Je me dois à faire cela ? Se devoir de est-il synonyme de devoir ?

    Se devoir à est suivi d'un nom et exprime l'obligation : Il se doit à sa famille (= il est dans l'obligation de se consacrer à sa famille).

    Se devoir de est suivi d'un infinitif et exprime la nécessité morale : Il se doit de dire la vérité à sa famille. Elle se doit de réussir (= elle a le devoir de réussir).

    On notera que, dans ces deux constructions, le sujet doit désigner une personne. Ainsi ne dira-t-on pas Cette question se doit d'être posée mais mérite d'être posée ou doit être posée.

    Finalement, la différence entre se devoir de et devoir (par exemple, Je dois intervenir et Je me dois d'intervenir) est subtile. Dans les deux cas, il s'agit bien d'une obligation, d'une nécessité, mais sans doute exprimée avec plus de force et avec une connotation morale plus marquée dans la construction pronominale (Je me dois d'intervenir = je suis moralement tenu d'intervenir).

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    Remarque 1
    : Le participe passé du verbe devoir ne prend un accent circonflexe qu'au masculin singulier, la confusion avec l'article du n'étant possible que dans ce cas.

    Il a intervenir mais Les intérêts dus. En bonne et due forme (= dans le respect des règles).

    Remarque 2 : Attention à l'accord du participe passé : suivi d'un infinitif, reste invariable.

    Les sommes que j'ai payer (les factures est COD de payer, pas de ) mais Les sommes que j'ai payées ou Les sommes que j'ai dues.

    Remarque 3 : Le tour impersonnel comme il se doit signifie « comme il est convenable de faire, comme c'est l'usage » ou, ironiquement, « comme on pouvait le prévoir ».

    Ils ont fêté son anniversaire comme il se doit.

    Remarque 4 : On notera l'ambiguïté de la phrase Il a dû partir, qui peut exprimer l'obligation (il a été obligé de partir) ou la probabilité (il doit déjà être parti).

    Remarque 5 : Dans le registre soutenu, on emploie l'imparfait du subjonctif (ou le conditionnel présent) dans les formules dussé-je (ou dussè-je, selon les Rectifications orthographiques de 1990), dût-il, dussent-ils, devraient-ils, etc. (avec inversion du sujet).

    Je finirai ces travaux, dussé-je y laisser la santé ! (= même si je devais y laisser la santé).

    Remarque 6 : Comme le verbe pouvoir, devoir n'a pas d'impératif.

    Devoir

     


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  • Emprunté du latin luxuria (excès, profusion), la luxure est un des sept péchés capitaux, qui s'oppose à la chasteté. L'adjectif associé est luxurieux, « qui s'adonne à la luxure, aux plaisirs de la chair » puis « qui incite à la luxure, sensuel ».

    Un regard, un livre luxurieux.

    On se gardera de faire la confusion avec l'adjectif luxuriant d'étymologie voisine (emprunté du latin luxurians) mais signifiant « qui pousse en abondance » (en parlant des végétaux) et, au sens figuré, « qui déborde de richesse, de vigueur ». Le nom associé est la luxuriance.

    Une végétation luxuriante (= foisonnante, abondante, exubérante).

    Une imagination luxuriante (= débordante, exubérante).

    Aussi considérera-t-on les dépliants invitant à la détente dans des « jardins luxurieux » ou dans une « maison luxurieuse » comme autant de publicités graveleuses !...

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    Remarque 1
    : Il fut un temps où l'adjectif luxurieux possédait les deux acceptions : « exubérance (dans la végétation) » et « qui se livre aux excès (sexuels) ». Il n'a conservé que ce dernier sens lorsque luxuriant est entré dans l'usage.

    Remarque 2 : Quant à l'adjectif luxueux, il signifie « qui se remarque par son luxe ».

     

    Luxuriant / Luxurieux
    Editions Rivages

     


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  • Il faut croire que le français est riche pour parler des pathologies. Ainsi ne compte-t-on pas moins de quatre synonymes pour désigner ce qui peut provoquer ou favoriser l'apparition d'un cancer : cancérigène, cancérogène, carcinogène et oncogène.

    Des substances cancérigènes (ou cancérogènes, carcinogènes, oncogènes).

    Les deux premiers adjectifs sont composés du substantif cancer (« tumeur maligne ») − lui-même tiré du latin cancer, cancri, traduction du grec karkinos (« crabe, écrevisse ») − et du suffixe -gène, emprunté du grec gennân (« engendrer »). Le troisième est composé de carcino-, tiré du grec karkinos déjà évoqué. Quant au dernier, il utilise le préfixe onco-, tiré du grec ogkos (« grosseur, tumeur »).

    Hanse constate que « cancérigène l'emporte nettement sur cancérogène » (j'ajoute : auprès du grand public), mais Bescherelle note de son côté que ce dernier, construit « sur le modèle de pathogène, anxiogène, tend à remplacer cancérigène, moins bien formé », quoique plus ancien.

    Il est vrai que plus d'un puriste de la langue considère le terme cancérigène comme incorrect, sous prétexte que le premier élément des composés savants d'origine grecque reçoit ordinairement la finale -o (et non -i, réservée aux éléments latins) (*). Du reste, ne parle-t-on pas de cancérologie et de cancérologue... et non de cancérilogie ? (on dit également carcinologie et oncologie). Toujours est-il que l'Académie de médecine recommande d'employer cancérogène... quand l'Académie française ne fait aucune différence entre les deux termes. Quel panier de crabes !

    (*) Aussi bien paraît-il plus cohérent d'opter pour carcinogène, irréprochable, plutôt que pour une forme hybride à préfixe latin et à suffixe grec.

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    Remarque
    : Sans entrer dans des détails trop techniques, précisons que certains font la distinction entre cancérogène (« qui favorise l'apparition d'un cancer »), cancérigène (« qui favorise le développement d'un cancer ») et oncogène (« qui favorise le développement des tumeurs »). D'autres encore font remarquer que tous les cancers ne sont pas forcément des carcinomes. Pas simple...

    Cancérigène / Cancérogène

    Son concurrent cancérigène a du plomb dans l'aile...
    (Éditions EDP Sciences)

     


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  • Bien que proches par leur étymologie (du latin cumulare, entasser, amasser) et leur sens, ces deux verbes ne sont pas pour autant synonymes.

    Flèche

    Accumuler


    Accumuler
    signifie « amasser, entasser », au sens propre comme au sens figuré. On notera l'idée de progression dans le temps et de verticalité contenue dans ce mot (pensez à la réalisation d'un tas).

    Verbe transitif, accumuler peut être employé absolument (sans complément, au sens de « thésauriser ») ou à la forme pronominale.

    Accumuler des provisions, des marchandises, des heures de travail, des preuves contre quelqu'un, des dettes, les bêtises, les erreurs, les honneurs, les connaissances, etc.

    Il accumule (des richesses).

    Les dossiers s'accumulent sur son bureau. Les charges s'accumulent contre lui. La neige s'est accumulée sur le toit.

    Flèche

    Cumuler


    Cumuler signifie, en termes de jurisprudence, « assembler, réunir » (cumuler des preuves, des infractions). Dans le langage courant, ce verbe est employé au sens de  « réunir sur sa personne, avoir simultanément la jouissance (de droits, de qualités, d'avantages...) » puis, par extension, « exercer en même temps » (souvent avec une connotation péjorative). Cette fois, c'est l'idée de simultanéité et d'avantage (parfois injustifié) qui prédomine.

    Verbe transitif, cumuler peut être employé absolument (au sens de « occuper abusivement plusieurs emplois »). On notera que son emploi à la forme pronominale, bien que fréquent, n'est pas reconnu par l'Académie ; dans ce sens, on privilégiera s'ajouter, s'amonceler, s'accumuler, se combiner, etc.

    Cumuler les fonctions, les titres, les honneurs, etc.

    Il cumule (des emplois).

    Les indemnités peuvent s'ajouter (de préférence à peuvent se cumuler).

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    Remarque 1 : On peut donc accumuler les honneurs (= en recevoir de plus en plus, dans la durée) ou cumuler les honneurs (= en recevoir plusieurs en même temps, à la fois). En revanche, lorsque l'on évoque des défauts ou des inconvénients, mieux vaut employer accumuler (les sottises, les erreurs, les fautes).

    Remarque 2 : Quand il est question d'objets, (s')accumuler est de rigueur.

    Remarque 3 : On notera que les noms associés sont cumul et accumulation.

    Le cumul des mandats. Une accumulation d'objets.

     

    Cumuler / Accumuler

    Et accumulez les œufs de Pâques !

     


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