• En termes d'économie et de statistique, il est fréquent de rencontrer l'expression fourchette basse (ou haute). On entend par là préciser si l'on se situe dans la partie basse (ou haute) d'une estimation.

    Le loyer demandé se situe dans la fourchette haute du marché.

    Le groupe vise la fouchette basse de son objectif annuel de chiffre d'affaires.

    Problème : fourchette, dans cette acception néologique, désigne l'écart entre deux valeurs extrêmes. Or, un écart ne saurait être qualifié de bas ou de haut !

    On emploiera donc avantageusement estimation ou partie dans ce sens, en suivant par exemple la formulation impeccable de l'ex-ministre de l'Economie Christine Lagarde :

    « Compte tenu de la situation internationale, je crois qu'il est plus raisonnable de se situer dans la partie basse de la fourchette. »

     

    Fourchette (basse, haute)

    La formulation Estimation basse et Estimation haute conviendrait mieux !
    (Source : Panel APEC 2007)

     


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  • La confusion entre pire et pis est fréquente et se fait – souvent à tort – à l'avantage du premier mot.

    L'article consacré à ce sujet par Jacques Pépin, de l'association Défense de la langue française (DLF), me paraissant une bonne introduction, je me permets de le citer quasiment in extenso.

    « Il faut d’abord savoir que pire est un adjectif comparatif, et pis un adverbe superlatif. C’est la base du raisonnement.

    Cela étant donc posé, l’expression figée de mal en pis est une locution adverbiale qui exprime une progression, une gradation. La situation allait mal, elle va encore plus mal ! Et ce plus mal s’exprime par le superlatif pis. C’est pourquoi on ne peut pas dire "de mal en pire" : il ne s’agit pas d’une comparaison mais de l’expression d’un degré plus fort, d’où ce superlatif. Remarquons que mal est un adverbe, et qu’on ne peut pas utiliser un adjectif pour surenchérir sur un adverbe.

    Examinons quelques expressions : le remède est pire que le mal (on compare les effets de l’un avec ceux de l’autre), pour le meilleur et pour le pire (addition de deux substantifs), il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre (l’adjectif qualifie le substantif sourd : un adverbe ne peut pas modifier le sens d’un nom). On peut toutefois employer indifféremment l’un ou l’autre s’il se rapporte à un pronom indéfini ou neutre : ce serait pire ou pisque pourrait-il nous arriver de pire ou de pis ?

    En ce qui concerne « moins pire », c’est une faute parce que pire signifie "plus mauvais" et que la logique nous appelle à constater que "moins plus mauvais" n’a pas de sens : il associe un comparatif d’infériorité (moins) et un comparatif de supériorité (plus) ! [On dira] logiquement "c’est moins mauvais" ou "c’est moins grave". »

     

    En résumé

    On retiendra que :

    Pire (du latin pejor) est le comparatif de supériorité de l'adjectif mauvais. C'est donc un adjectif (accompagnant un nom ou un pronom) qui signifie « plus mauvais » et dont le contraire est meilleur. On notera que pire est employé au sens abstrait ou moral ; au sens concret, on conserve le comparatif plus mauvais.

    La situation est pire que je ne l'imaginais (sens abstrait).

    Sa vue est plus mauvaise que la mienne (sens concret).

    Ses pires craintes sont maintenant confirmées.

    Pis (du latin pejus, neutre de pejor) est le comparatif de supériorité de l'adverbe mal. C'est donc un adverbe qui signifie « plus mal » et dont le contraire est mieux. On notera que pis est employé au sens abstrait ou moral ; au sens concret, on conserve le comparatif plus mal.
    Pis peut s'employer comme adjectif, uniquement quand il se rapporte à un pronom indéfini ou neutre (voir point suivant), jamais avec un substantif.

    Tant pis (et non Tant pire). S'attendre à pis (et non à pire). Il a fait bien pis.

    Aller de mal en pis, de pis en pis (et non de mal en pire, de pire en pire).

    Il va beaucoup plus mal que moi (sens concret).

    Dire pis que pendre de quelqu'un (= en dire beaucoup de mal).

    Dans une construction impersonnelle, pire, se rapportant à un pronom neutre, un pronom indéfini ou une proposition, est admis dans l'usage courant à la place de pis, d'un usage plus ancien, encore bien établi dans la langue soutenue.

    C'est pire, rien de pire, quelque chose de pire, il y a pire (registre courant) ou C'est pis, rien de pis, quelque chose de pis, il y a pis (registre soutenu) [pis est ici employé comme adjectif neutre].

    • Substantivement, le pire doit avoir le sens de « le plus mauvais » et le pis celui de « le plus mal ». Mais force est de constater que, dans cet emploi notamment, pis est supplanté dans l'usage par pire, malgré les recommandations de certains grammairiens.

    Le pis qui puisse arriver (= la pire chose qui puisse arriver).

    Le pis est à venir. Le pis de tout.

    Cet individu est le pire qui soit. Se marier pour le meilleur et pour le pire.

    Au pire ou au pis (= dans l'hypothèse la plus défavorable), ellipse de « en mettant les choses au pire ou au pis ».

    S'attendre au pire. S'attendre à pis.

     

    AstuceEn cas d'hésitation, il convient de remplacer pire/pis par leur synonyme plus mauvais/plus mal ou par leur opposé meilleur/mieux et de voir ce qui a du sens (à l'exception des locutions figées).


    Reprenons quelques-uns des exemples précédents :

    La situation est meilleure que je ne l'imaginais.

    C'est meilleur ou C'est mieux.

    Tant mieux.

    Aller de mieux en mieux.

    Il a fait mieux que ça !

    S'attendre à mieux.

    Cet individu est le meilleur qui soit.

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    Subtilités

    Leurs enfants sont cent fois pires que les nôtres (adjectif) mais Leurs enfants font cent fois pis que les nôtres (adverbe).


    Remarque 1
    : Pire ne devrait jamais s'employer comme adverbe. Mais, dans le langage courant, il est souvent mis elliptiquement pour « quelque chose de pire ».

    Son état devrait se stabiliser ou, pire, dégénérer (pis serait ici préférable).

    De même, par confusion avec pis, on rencontre fréquemment la locution adverbiale de pire en pire (au lieu de de pis en pis), même chez de bons auteurs (Nerval). L'Académie constate ainsi, sans plus de trouble apparemment, que « dans la plupart des emplois, pis (...) est supplanté dans l’usage par pire ». En raison de son risible homonyme, le pis de la vache ?

    Remarque 2 : Pire et pis étant déjà des comparatifs, il va de soi que les formes plus pire/plus pis et moins pire/moins pis sont aussi incorrectes que plus meilleur/plus mieux et moins meilleur/moins mieux. Cependant, pis et pire peuvent être renforcés par des adverbes (bien, encore, peut-être mais jamais beaucoup ni aussi) ou par des locutions adverbiales (cent fois, mille fois...).

    C'est bien pis. C'est cent fois pire (et non pas C'est très pire).

    Remarque 3 : On se gardera de toute confusion entre et pis (encore, que ça...) et et pis (quoi encore...), forme altérée et affreusement populaire de et puis.

    Remarque 4 : Pour désigner une « solution de dernier recours, adoptée faute de mieux », on parlera d'un pis-aller, nom masculin invariable composé de l'adverbe pis et du verbe aller (pour : « en mettant les choses au pis »).

    Remarque 5 : Voir également les articles Qui pis est et Empirer.

    Pire / PisPire / Pis

     


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  • Littré condamne fermement cette expression : « On n'est pas dans un but ; car, si on y était, il serait atteint ».

    Pourtant, force est de constater que ce tour a reçu la sanction de l'usage et se rencontre même chez les meilleurs écrivains (Gide, Flaubert, Hugo, Balzac, Chateaubriand, etc.). Après tout, on accepte bien l'idée d'agir dans l'intention de, donc dans l'esprit, dans la volonté de... En quoi cela serait-il moins choquant que dans le but de ?

    Afin d'éviter toute critique, il est toujours possible de recourir à : en vue de, afin de, dans le dessein de, dans l'intention de... ou tout simplement pour.

    Je lui ai parlé afin de le rassurer (de préférence à dans le but de le rassurer).

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    Remarque 1
    : De même, les expressions poursuivre un but, remplir un but, réaliser un but ou encore le but recherché ne sont pas davantage admises par les puristes : on ne « poursuit » pas à un but, à moins qu'il ne soit mobile (!) ; on ne le « remplit », « recherche », « réalise » pas davantage, on l'atteint. On emploiera donc de préférence viser un but, chercher à atteindre un but, tendre vers un but, se proposer un but, avoir pour but de, etc. Là encore, les formules de substitution ne manquent pas.

    Nous avons pour but de créer un nouveau produit (et non Nous poursuivons le but de créer un nouveau produit).

    Le but visé (ou l'objectif à atteindre) est de doubler de taille d'ici cinq ans (et non Le but recherché).

    Remarque 2 : Selon Dupré, Hanse, Thomas et l'Académie, but dans l'expression de but en blanc (qui signifie « sans préparation, à l'improviste, sans prévenir ») devrait s'écrire butte puisque, en langage militaire, tirer de butte en blanc signifie tirer depuis la butte (de tir) jusque dans le blanc (de la cible). Mais la graphie but s'est depuis imposée. Il est vrai que le masculin but et le féminin bute (devenue butte à compter du XIXe siècle) ont été longtemps confondus. En revanche, il ne saurait y avoir confusion dans l'expression être en butte à, qui signifie « être la cible de, être exposé à » (la butte désignant initialement un tertre où l'on adosse une cible).

    Il m'a dit mes quatre vérités de but en blanc.

    Être en butte aux moqueries (et non être en but aux moqueries).

    Remarque 3 : But signifiant « fin, objectif que l'on se propose d'atteindre », on se gardera de parler d'un but final, expression qui relève le plus souvent du pléonasme.

    Remarque 4 : Littré recommande la prononciation bu (comme début, rebut, tribut), tout en précisant que le t se lie devant une voyelle ainsi que le s au pluriel. Mais l'usage reste hésitant.

    Un but incertain (un bu-t-incertain), des buts incertains (des bu-z-incertains).

    Dans le but
    En plein dans le mille...

     


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  • Emprunté du latin concernere (« mêler avec »), le verbe concerner signifie « toucher, intéresser, se rapporter à ».

    Cela ne me concerne pas (= Cela ne m'intéresse pas ou Cela n'a pas de rapport avec moi).

    En ce qui concerne (ou Concernant) cette affaire... (= au sujet de, quant à).

    En ce qui me concerne (ou Me concernant)... (= pour ma part, quant à moi).

    L'emploi de la forme passive être concerné (ou se sentir concerné) au sens d'« être intéressé, touché, impliqué » est condamné par l'Académie depuis le XVIIIe siècle (apparemment sans grand effet, depuis tout ce temps) :

    « On ne doit pas dire : Vous êtes directement concerné par cette mesure, mais : Vous êtes directement touché par cette mesure ou, à la forme active : Cette mesure vous concerne directement. »

    Littré n'est pas du même avis : « Grammaticalement, cet emploi ne fait aucune difficulté [...]. On dit très communément des phrases comme celles-ci : Votre ami est concerné dans cette affaire ; Les intérêts concernés par cette mesure. » Le tour se trouve, d'ailleurs, sous de bonnes plumes : « Les camarades ne se sentirent pas concernés dans cet épisode » (Duhamel), « [La peinture] cessa de se sentir concernée par ce qui s'était appelé sublime » (Malraux), « Je ne me sentis sans doute pas concernée » (Beauvoir), « Je n'étais concerné par aucun jugement » (Camus), etc.

    Au nom de quel principe un verbe transitif direct ne serait-il pas susceptible de la forme passive ? s'interroge à bon droit René Georgin. En l'absence de justification de la part des Immortels, Maurice Chapelan avance un argument que je laisse à votre appréciation : « Simplement parce que [concerner] s'emploie, à l'actif, en parlant des choses et toujours à la troisième personne. Mais la légitimité de son emploi au passif entraîne[rait] celle de l'employer, à l'actif, avec tous les pronoms personnels : je ne concerne pas cet homme, tu concernes mon affaire, etc. » (Le Figaro littéraire, 1964).

    Dans le doute, mieux vaut encore s'abstenir...

    Séparateur de texte


    Remarque 1
     : Il est cocasse de constater que l'Académie ne tient pas toujours compte de ses propres recommandations. Ainsi peut-on s'étonner de lire dans la dernière édition de son Dictionnaire : « Tout acteur concerné par le bon fonctionnement d'une entreprise » (à l'entrée « prenant ») ou encore « Avoir affaire de (vieilli), être concerné par » (à l'entrée « affaire »). Faute d'inattention ? Lacune ? Condamnation abusive ?

    Remarque 2 : Selon Maurice Grevisse, « l'emploi de concerner au passif, qui surprend certains lecteurs, s'est introduit il n'y a pas tellement longtemps (vers le milieu du XIXe siècle peut-être) » (Problèmes de langage, 1964). La réalité semble quelque peu différente : « Les terres concernées » (Chroniques d'Enguerrand de Monstrelet, 1572), « [Les pupilles] concernés par ledit contrat de mariage » (texte daté de 1769).

    Remarque 3 : Il y a fort à parier que l'analogie avec l'anglais to be concerned in, with (s'intéresser à, s'occuper de) a favorisé le succès dans l'usage moderne du participe passif concerné. Pour autant, on ne saurait lui donner le sens de « s'inquiéter, être préoccupé par » sous l'influence de l'anglais to be concerned about.

    Son état de santé la préoccupe (et non la concerne).

    Concerner
    « La drogue vous concerne tous » serait de meilleure langue...
    (Livre de Pierre Mezinski, Éditions de La Martinière)

     


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  • La mise en garde de l'Académie est claire :

    « Commémorer ne s'applique pas à un anniversaire mais à l'évènement lui-même que l'on commémore en en célébrant ou fêtant l'anniversaire. »

    Ainsi commémorer, emprunté du latin commemorare (« rappeler à la mémoire »), signifie-t-il « rappeler par une cérémonie le souvenir d'une personne ou d'un évènement ». Cette cérémonie s'appelle une commémoration.

    On commémorera donc une victoire, l'armistice, une naissance, une mort mais on célèbrera (ou fêtera) un anniversaire (voir Remarque 1 ci-dessous).

    L'armistice de 1918 est commémoré (ou célébré) le 11 novembre mais L'anniversaire de l'armistice de 1918 est célébré (et non commémoré) le 11  novembre.

    En 1989, on a célébré (ou fêté) le bicentenaire de la Révolution française.

    Célébrer une fête, un anniversaire, des noces d'or.

    Commémorer l'indépendance d'un pays mais Célébrer le cinquantième anniversaire de l'indépendance d'un pays.

    Claire Chazal, dans son journal du 15 avril 2012, commet donc une faute de français en évoquant bien imprudemment « les cérémonies commémorant le centième anniversaire du naufrage du Titanic ».

    Séparateur de texte

    Remarque 1
    : Si l'on peut aussi bien célébrer que commémorer un évènement, la naissance ou la mort d'une personne, on se gardera de commémorer un anniversaire ou un souvenir, formule qui relèverait du pléonasme : on ne saurait en effet « rappeler à la mémoire » un anniversaire ou un souvenir, qui sont déjà le rappel de quelque chose. Dans ce sens, célébrer et commémorer ne sont pas interchangeables.

    Remarque 2 : Le verbe célébrer possède un sens plus large que commémorer : outre « marquer d'une certaine solennité, d'un éclat exceptionnel, un évènement, le souvenir ou le retour périodique d'un évènement », il signifie également « louer, faire publiquement l'éloge de » ainsi que « accomplir un office liturgique ».

    Célébrer la grâce féminine. Célébrer un mariage, la messe.

    Par ailleurs, on notera que célébrer n'a pas forcément de connotation festive. Ainsi peut-on célébrer un triste, un douloureux anniversaire...

    Remarque 3 : On évitera toute confusion entre trentenaire, quarantenaire, cinquantenaire, centenaire, millénaire (pour marquer le énième anniversaire d'un évènement) et trentenaire, quadragénaire, quinquagénaire, sexagénaire, septuagénaire, octogénaire, nonagénaire, centenaire – et bientôt hendécagénaire (110 ans) ou dodécagénaire (120 ans), avec l'allongement de la durée de vie ? (pour indiquer l'âge d'une personne).

    On fête le cinquantenaire (mieux : le cinquantième anniversaire) d'un quinquagénaire.

    Célébrer / Commémorer

    15 avril 2012 : 100 ans après, le monde commémore le naufrage du Titanic
    (photo Wikipédia)

     


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