Si, conjonction de subordination, peut nous jouer bien des tours. Si, si, vous allez voir...
Tout le monde connaît la fameuse réplique de P'tit Gibus dans la Guerre des boutons : « Si j'aurais su, j'aurais pas v'nu », qui ravive dans nos mémoires d'écoliers le souvenir de la règle selon laquelle « après si, on ne met pas le conditionnel » (plus connue sous son raccourci mnémotechnique « les si n'aiment pas les -rai (ré) »).
Eh bien, figurez-vous que les choses ne sont pas si simples... Tout dépend en fait du type de subordonnée introduite par si.
Si introduisant une condition ou une hypothèse
Dans ce cas, la « règle » susdite s'applique : le temps de la subordonnée introduite par si ne peut jamais être le futur (la condition précédant par définition la conséquence, elle ne peut s'envisager qu'au passé ou au présent) ni le conditionnel (la condition étant déjà portée par si).
Si j'avais su, je ne serais pas venu (et non Si j'aurais su).
Si tu viens, ça me fait plaisir ou Si tu venais, ça me ferait plaisir.
Tableau de concordance des temps avec si
Principale | Subordonnée |
---|---|
Présent de l'indicatif Je sors... Je viens... |
Présent ou Passé composé de l'indicatif ... s'il fait beau. ... si tu es rentré. |
Futur de l'indicatif Je sortirai... Je viendrai... |
Présent ou Passé composé de l'indicatif ... s'il fait beau. ... si tu es rentré. |
Conditionnel présent Nous sortirions... |
Imparfait de l'indicatif ... s'il faisait beau. |
Conditionnel passé Nous serions sortis... |
Plus-que-parfait de l'indicatif ... s'il avait fait beau. |
Remarque 1 : Il en va de même avec même si, surtout si, sauf si, excepté si, introduisant une condition ou une hypothèse : Même s'il pleut, je sortirai. Comme si, de son côté, se construit avec l'indicatif (imparfait ou plus-que-parfait) ou le plus-que-parfait du subjonctif : Je marchais comme si j'étais perdu ou comme si j'eusse été perdu.
Remarque 2 : Dans le registre littéraire, le conditionnel passé peut être remplacé par le plus-que-parfait du subjonctif : Je l'eusse fait si on me l'avait demandé.
Si introduisant une concession (ou une cause, une conséquence)
Lorsque si introduit non plus une hypothèse ou une condition mais une cause, une conséquence, une opposition ou une concession (avec le sens de « s'il est vrai que, s'il faut admettre que »), la subordonnée peut correctement être au passé simple, au futur ou au conditionnel... même si cela choque parfois les oreilles les moins averties.
S'il aurait été souhaitable qu'il se taise, je ne pouvais pas l'empêcher de parler (= s'il est vrai qu'il aurait été souhaitable...).
Si l'on aurait aimé en savoir plus, on apprécie tout de même son témoignage.
S'il le fit, c'est par pure amitié. S'il fut mon ami, ce n'est plus le cas aujourd'hui.
S'il n'y aura pas d'augmentations, les prix ne devraient pas baisser pour autant.
Si la mariée sera en blanc, ses demoiselles d'honneur porteront du rose.
Remarque 1 : Il en va de même avec même si introduisant une concession (ou une cause, une conséquence) : « Il est vain de mettre en balance des événements qui ont été avec d’autres qui auraient pu être, même si, peut-être, ceux-ci nous auraient épargné un tel surcroît de ruines et de deuils » (Maurice Genevoix), « Ses voyages prirent un goût d’exil, même si l’exil fut surtout dicté par une fierté blessée » (Alain Peyrefitte), « La France des monuments en péril sera son centre d’attraction durant vingt ans, même s’il ne renoncera jamais à se rendre en Angleterre, en Allemagne et en Italie » (Hélène Carrère d'Encausse). Et aussi avec (c'est) à peine, tout au plus, tout juste si : « Tout au plus si j'aurais eu la prudence, moi, de ne donner qu'un sou à la femme » (Giono), « C’est à peine si j’aurai le temps de vous dire quelques mots » (Gaston Boissier), « C’est tout juste si l’on pourrait citer ce roman » (Jean Mistler).
Remarque 2 : Notons avec Grevisse que comme si peut introduire une phrase exclamative (et non une proposition) au conditionnel : « Comme si je n'aurais pas été capable de me défendre ! » (Jean Schlumberger).
Si introduisant une interrogation indirecte
Dans ce cas, coupablement omis par la règle déjà évoquée, la subordonnée introduite par si peut se mettre à tous les temps de l'indicatif ou du conditionnel.
Je me demande s'il viendra demain. Je t'ai demandé si tu viendrais demain.
Je ne sais pas si je peux le faire (présent) ou si je pourrais le faire (conditionnel).
Remarque : Notez l'absence de point d'interrogation dans une interrogation indirecte.
Remarque 1 : On notera l'élision de si devant les pronoms il et ils.
Je ne sais pas s'il viendra demain (et non si il) mais si elle viendra demain.
Je me demande s'il y a foule.
Remarque 2 : On ne confondra pas si, conjonction, avec si, adverbe (d'affirmation ou d'intensité), pour lequel l'élision n'est jamais possible.
Je ne l'ai pas vu. — Si, il est venu mais il était si impatient qu'il n'est pas resté.
Livre de David Ramolet, aux éditions du Petit Pavé