Selon le Dictionnaire historique de la langue française, le nom masculin invariable post-scriptum est emprunté « au latin post scriptum, participe passé passif substantivé, au neutre, de postscribere "écrire après ou à la suite de", de post "après" et scribere "écrire" ». Voilà qui me laisse un brin perplexe : la forme substantivée du participe passé de postscribere n'est-elle pas censée s'orthographier... en un seul mot ? Car enfin, de deux choses l'une : ou bien on considère que l'on a affaire, en latin, à une locution et on écrit « latin post scriptum » (comme dans mon Robert illustré 2013) ou bien on considère qu'il s'agit du participe passé substantivé de postscribere et on écrit « latin postscriptum » (comme dans le Larousse en ligne).
Toujours est-il que le mot fut introduit dans notre lexique dès le début du XVIe siècle pour désigner ce que l'on ajoute au bas d'une lettre (généralement écrite à la main ou à la machine) après la signature, d'abord sous diverses graphies francisées aujourd'hui hors d'usage (postcripte, postscripte, postscript, postcrit...), avant d'être rétabli dans sa forme latine, avec ajout d'un trait d'union : « Un post-scriptum que j'insère à ce chapitre » (Pierre Poiret, 1687), « Post-scriptum. Mot purement latin que l'on trouve quelquefois dans les Gazettes » (Henri Basnage de Beauval, 1701). Si l'Académie s'en est toujours tenue à cette dernière graphie (post-scriptum depuis 1762), la forme en un mot a la préférence de Littré : « Postscript ou, plus souvent, postscriptum », de quelques plumes célèbres : « Je vous renvoie aussy le postscriptum approuvé pour M. de Vergennes » (Louis XV), « Je vois cependant, en reprenant votre lettre, que vous m'aviez marqué cette première nouvelle, mais dans le postscriptum » (Rousseau), « On le verra dans le postscriptum » (Mirabeau), « J'ai ajouté à ma dernière lettre un postscriptum en sa faveur » (Alfred de Vigny) − à côté de « Je demande pardon à Madame d'un post-scriptum plus long que la lettre elle même » (Talleyrand), « Il devait y avoir un post-scriptum où la pensée principale allait être dite » (Balzac), « Il y a un post-scriptum » (Alexandre Dumas père) − et, de nos jours, des réformateurs de 1990 (1).
Pas plus que sur la graphie de la forme développée, les spécialistes ne s'accordent sur celle de la forme abrégée. Jugez-en plutôt : P.-S. pour mon Robert illustré 2013, mais « Le mot est généralement signalé par les initiales P. S. » pour le Dictionnaire historique de la langue française, qui fait pourtant partie de la même écurie ; P-S (sans points abréviatifs) pour mon Petit Larousse illustré 2005, mais P-S ou P.-S. pour le Larousse en ligne ; P. S. pour Féraud, Gattel et Littré ; PS pour Léon Karlson (au risque d'une confusion avec l'abréviation de Parti socialiste) ; P-S pour le Manuel de typographie française élémentaire d'Yves Perrousseaux, pour le Petit Guide de typographie d'Éric Martini et pour Henriette Walter ; P.-S. pour l'Académie (après plus de deux siècles de préconisation de la graphie P. S., avec ou sans espace intercalaire), Bescherelle, Girodet, Hanse, Jouette, Le Bidois et l'Office québécois de la langue française. Quant au TLFi, il laisse prudemment le choix : « Complément [...] généralement signalé par l'abréviation P.(-)S. » Avouez qu'il y a de quoi y perdre son latin !
Tâchons d'y voir plus clair en interrogeant Le Bon Usage. Selon Grevisse, « on met les majuscules dans l'abréviation de certaines formules latines : N. B. = nota bene, notez bien ; P. S. = post scriptum, écrit après (comme nom : un P.-S.) ». Pas sûr que cette précision soit de nature à me rassurer, car enfin, ne donne-t-elle pas à penser qu'il existerait en français une locution adverbiale (abrégée en P. S. ou P.S.) et un nom masculin (abrégé en P.-S.) ? Il n'est que de consulter la dernière édition du Dictionnaire de l'Académie pour constater... qu'il n'en est rien :
« Nota ou, plus couramment, nota bene (e se prononce é) locution invariable. XVIIIe siècle. Mots latins signifiant proprement "note", "note bien". Mention dont on use en tête d'une note, d'une remarque, pour attirer l'attention du lecteur sur un point important. Nota bene s'abrège souvent en N.B. Substantivement, au masculin. Un nota, un nota bene, une précision indiquée en note, une remarque. Une lettre suivie d'un nota bene. Des nota bene. »
« Post-scriptum (um se prononce ome) nom masculin invariable. XVIe siècle, postscripte ; XVIIIe siècle, post-scriptum. Composé du latin post, "après", et scriptum, participe passé de scribere, "écrire". Ajout au bas d'une lettre, après la signature, que l'on signale généralement par l'abréviation P.-S. »
La différence est nette : nota bene y est présenté − à tort ou à raison − comme une locution, pouvant aussi être employée substantivement (sans ajout d'un trait d'union...), quand post-scriptum n'est envisagé que comme un nom. Même constat du côté du Dictionnaire historique de la langue française et du TLFi.
J'ose une synthèse. En français, post-scriptum est un substantif masculin, que l'on écrit en romain et avec un trait d'union dans sa forme développée comme dans ses formes abrégées P.-S. ou P-S (lesquelles servent aussi bien à désigner l'ajout qu'à l'annoncer) : « P.-S. − Mon amie Raymonde sort d'ici. Je l'ai toujours tenue au courant − en gros − de notre liaison » (Montherlant), « P.-S. − La place me manque pour répondre aujourd'hui à [...] » (Robert Le Bidois), « Même lettre [...] avec ce P.-S. » (Henri Martineau). Mais il est également possible de recourir directement aux formes latines post scriptum ou postscriptum (selon les sources), qui s'écriront en italique et s'abrégeront en P. S. ou P.S. : « P.S. Je lirais volontiers le commentaire de l'abbé [...], si vous l'aviez » (Diderot), « P. S. Je ne sais par qui envoyer ma lettre » (Choderlos de Laclos), « J'ai reçu [...] vos deux lettres [...], avec l'extrait par duplicata d'un P. S. de M. Hume » (Rousseau). L'abréviation sans trait d'union a, du reste, longtemps eu les faveurs de l'usage (2), avant de se voir concurrencer par P.-S. ou P-S, plus conformes à la graphie post-scriptum. Il y a toutefois fort à parier qu'elle tiendra de nouveau la corde, avec le retour à la forme développée en un mot (un postscriptum, des postscriptums) préconisé par les tenants de l'orthographe « rectifiée ». À chaque époque ses conventions...
(1) En orthographe réformée, on écrit : un postscriptum, des postscriptums.
(2) Voir notamment les anciennes éditions du Dictionnaire de l'Académie, ainsi que Féraud, Gattel, Littré et, plus près de nous, Jean-Pierre Lacroux : « Beaucoup de post-scriptum nous viennent d’époques où l’on abrégeait P. S., sans trait d’union… »
Remarque 1 : Si la forme latine, quelle que soit sa graphie, n'a pas d'entrée dans le Gaffiot ni dans le Du Cange, elle apparaît dans ce dernier à l'article « Pœnitentes » : « Quamvis ipse Theodorus post scriptum Romanum libellum indulta culpa [...] » (Anastasius).
Remarque 2 : On appelle apostille une annotation ajoutée en bas ou, plus souvent, en marge d'un écrit : Toute apostille à un acte juridique doit être paraphée par les signataires du corps de l'acte. Le mot est présenté comme « vieilli » par le Dictionnaire de l'Académie.