Voilà le mot qui empoisonne toutes les remises de prix en France (ainsi que les émissions de télé-réalité...).
Jacques Capelovici (voir bibliographie et Remarque 1) nous rappelle comment tout a commencé :
« Participant en 1980 à l'attribution des "César" devant un public français, l'actrice autrichienne Romy Schneider, ne trouvant pas le mot français désignant les sélectionnés, crut bien faire en francisant le nom anglais nominee sous la forme de nominé, erreur dont on ne saurait la blâmer. »
Le souci, c'est que l'erreur perdure depuis cette date, malgré les nombreuses protestations de l'Académie : « Aucun verbe français autre que Nommer ne correspondant à Nomination, on s'interdira d'employer l'américanisme Nominer [au sens de "sélectionner des œuvres, des personnes pour un prix, une distinction"]. »
En effet, s'il existe bien en français un verbe sélectionner qui a donné naissance au nom sélection, il ne saurait exister un verbe nominer à l'origine de nomination (qui désigne en fait l'action de nommer).
Certains objecteront qu'il s'agit pourtant là d'un verbe bien formé (à partir du latin nominare, nommer), impliquant avantageusement l'idée d'une sélection avant un choix final. Il n'empêche, pour éviter toute critique, on remplacera prudemment le coupable nominé par les équivalents proposés dès 1983 par la commission ministérielle de terminologie de l’audiovisuel : sélectionné et nommé (auxquels on peut ajouter, si besoin était, pré-sélectionné, proposé, pressenti, cité, désigné, qualifié, en lice, en compétition).
Cet acteur a été sélectionné dans la catégorie Meilleur second rôle masculin.
Il a obtenu plusieurs nominations (= il a été sélectionné à plusieurs titres en vue d'une remise de prix).
Maître Capello conclut malicieusement : « C'est pourquoi cet absurde nominé a été à juste titre refusé par l'Académie française, qui n'a pas pour mission de naturaliser français tout barbarisme fabriqué de bonne foi par un étranger. »
Remarque 1 : Selon d'autres sources, l'apparition du mot nominé coïnciderait avec la création même de la cérémonie des César, en 1976.
Remarque 2 : J'attire l'attention de tous ceux qui mesurent la pertinence d'un mot ou d'une expression à l'aune de sa fréquence sur l'internet. Ainsi Google indique près de 4 millions d'occurrences (chiffre soumis à variations saisonnières)... pour un nominé proscrit de la langue française (même si certains dictionnaires ont cru bon de mentionner cet anglicisme, mais avec toutes les réserves d'usage). Tout ce que prouvent les chiffres des moteurs de recherche, c'est qu'un mot – même légitimement condamné – est passé dans l'usage.
Et les nommés sont...