« L'étique en politique, ça existe. »
(Benjamin Bonneau, sur europe1.fr, le 7 octobre 2014)
Ce que j'en pense
Voilà ce que l'on pourrait appeler une vision synthétique de l'action publique. Car enfin, notre journaliste voulait-il sous-entendre, par ce saisissant raccourci, que le sens moral, en politique, se réduirait comme peau de chagrin ?
À sa décharge, reconnaissons que la confusion entre les homophones étique et éthique ne date pas d'hier. Ne trouve-t-on pas en 1843, sous la plume de Louis-Aimé Martin, cette phrase suspecte : « Elle étoit éthique depuis longtemps, et sa phthisie augmentoit tous les jours » ? Rien que de très prévisible, au demeurant, quand on sait − grâce au Dictionnaire historique de la langue française − que la forme éthique figure dès le XVe siècle parmi les diverses variantes orthographiques d'étique (ectique, hectique, hétique) : « J'ay demeuré tant que je suis vieille, éthique » (Henri Baude, Le testament de la mulle Barbeau, 1465).
Emprunté du latin hecticus (« habituel »), lui-même pris au grec hektikos (« habituel, continu », notamment en parlant de la fièvre), l'adjectif étique est un ancien terme de médecine qui s'appliquait à un malade atteint de consomption (« affaiblissement et amaigrissement progressifs accompagnant certaines maladies graves et prolongées, notamment la tuberculose »). De là le sens courant − quoique « littéraire », selon Larousse et Robert − de « qui est d'une extrême maigreur » (des chevaux étiques) et, au figuré, de « très pauvre, insuffisant » (une pensée étique). Rien à voir, donc, avec éthique, nom et adjectif autrement usuel, emprunté cette fois, par l'intermédiaire du latin ethica, du grec êthikos (« qui concerne les mœurs, moral »). Le mot est d'abord apparu comme terme de philosophie pour désigner la science de la morale (« Réflexion relative aux conduites humaines et aux valeurs qui les fondent, menée en vue d'établir une doctrine, une science de la morale », selon la définition du Dictionnaire de l'Académie) ; de nos jours, il est le plus souvent employé comme simple substitut de l'adjectif moral ou du nom morale − n'en déplaise à certains spécialistes (dont Dupré) qui pestent et... tiquent !
Ce qu'il conviendrait de dire
L'éthique en politique, ça existe.