• L'origine de cette expression nous conduit à Paris, place de l'Hôtel-de-Ville, ancienne place de Grève jusqu'en 1830.

    Cette place s'appelait ainsi parce qu'elle était occupée, justement, par une grève (du latin populaire grava, gravier), à savoir une sorte de quai en pente douce, recouvert de sable et de graviers, d'où il était facile de décharger les marchandises arrivant par la Seine. C'était un peu Paris-Plage avant l'heure... Là se développa le port de la Grève et, avec lui, le quartier très commerçant qui allait accueillir l'Hôtel de Ville.

    Les ouvriers sans travail prirent l'habitude de se réunir, à l'aube, place de Grève, à la recherche d'un employeur. De là provient l'expression se mettre en grève, qui voulait dire à l'origine... « chercher du travail » ! Singulier glissement de sens par rapport à l'usage actuel, pensez-vous ? Il se trouve que la place de Grève n'était pas seulement un lieu de rassemblement pour les travailleurs en quête d'embauche mais également pour tous ceux qui étaient en conflit avec leurs patrons et qui décidaient de se rendre « en Grève » dans l'espoir d'y trouver de meilleures conditions de travail. Le sens est donc sauf !

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    Remarque 1 : La place de Grève est restée tristement célèbre pour les nombreuses exécutions publiques qui y eurent lieu de 1310 jusqu'à la Révolution (c'est là que fut utilisée la guillotine pour la première fois, le 25 avril 1792).

    Remarque 2 : On notera l'accent grave de grève et l'accent aigu de gréviste, selon la règle d'accentuation du e évoquée dans l'article consacré à Evènement. Pas d'accent pour le verbe grever, qui signifie « soumettre à une lourde charge » (un peuple grevé d'impôts).

    Se mettre en grève

    L'Hôtel de Ville de Paris et la place de Grève en 1750.

    (source cosmovisions.com)

     


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  • On enseigne encore que le préfixe grec anti- sert à former de très nombreux mots composés, en y introduisant le sens d'opposition (antiallergique, antibiotique, antibrouillard, etc.), tandis que son paronyme anté- (du latin ante, « avant ») marque l'antériorité (antécédent, antépénultième, antérieur, etc.).

    Ce n'est pas faire de l'antijeu que de rappeler que, dans un petit nombre de mots, tels que antidate, antichambre, anti- remplace le préfixe latin ante- pour exprimer une antériorité de temps ou de lieu (et non une opposition), tandis qu'il est communément admis que le préfixe anté- d’Antéchrist est une déformation d’anti et signifie « qui s’oppose au Christ »...

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    Remarque 1 : Certains considèrent que le mot Antéchrist est correctement formé, arguant qu'il désigne celui qui doit précéder le retour du Christ à la fin des temps. D'autres préfèrent dire Antichrist pour éviter toute équivoque.

    Remarque 2 : On veillera à bien écrire antédiluvien (du latin ante et diluvium, « déluge ») avec le préfixe anté- et non anti-. Cet adjectif signifie en effet « avant le Déluge » (en référence au Déluge de la Genèse, autrement dit en des temps immémoriaux) et non « contre le Déluge ». Il s'emploie dans la langue courante par plaisanterie et exagération au sens de « très ancien ». On évitera la confusion avec l'adjectif diluvien qui, tout en se référant également au déluge, signifie « très abondant ».

    Un animal antédiluvien, des périodes antédiluviennes mais des pluies diluviennes.

    Remarque 3 : Anti se joint généralement sans trait d'union au mot qui suit (antiatomique, anticancéreux, antigel), sauf devant un i (anti-inflammatoire), un nom déjà composé (anti-sous-marin), un sigle ou un nom propre (anti-OGM, anti-Atlas) ou un mot formé pour l'occasion (anti-tout et autres « créations de circonstance », dont les plus populaires finiront par être enregistrées dans les dictionnaires, au prix d'un abandon pur et simple de trait d'union).

    Anté- / Anti-
    Éditions Élite

     


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  • Voilà un sujet délicat à traiter... et un désolant exemple des incohérences de l'usage français.

    Il est en effet bien surprenant que le terme pédophile soit couramment utilisé pour désigner une personne attirée sexuellement par les enfants, alors que son étymologie (du grec paidos, « enfant », et philos, « ami ») lui confère le sens positif de « ami des enfants » (c'est-à-dire qui aime les enfants mais d'un amour non sexuel) (*), tout comme francophile signifie « ami de la France, des Français » et bibliophile « amateur de livres rares et précieux ». Ainsi, toute personne éprouvant une tendresse naturelle, dépourvue de toute perversion, pour les enfants devrait pouvoir être qualifiée de pédophile sans que cela revête un caractère péjoratif.

    En revanche, il serait nettement plus adapté de qualifier les violeurs d'enfants de pédérastes (du grec paidos, « enfant », et erastês, « qui aime sexuellement »), mais ce terme (comme son abréviation populaire voire injurieuse pédé) est lui-même abusivement employé dans le langage courant avec le sens de « homosexuel ».

    À croire que le français perd toute raison dès lors qu'il est question de sexe...

    (*) « παιδóφιλος, "kinderfreund" » (selon Wartburg), « Phile, ami : théophile, ami de Dieu ; bibliophile, ami des livres ; pédophile, ami des enfants » (Le Langage des désinences, 1867).

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    Remarque 1 : Le mot est attesté depuis au moins le milieu du XVIIIe siècle : « Paidophile, surnom qu'on donnoit à Cérès qui signifie qu'elle aime les enfans et qu'elle les entretient. C'est pourquoi on représente souvent cette déesse ayant sur son sein deux petits enfans qui tiennent chacun une corne d'abondance, pour marquer qu'elle est comme la nourrice du genre humain » (André de Claustre, Dictionnaire de mythologie, 1745), « Pædophile, qui aime les enfans » (Pierre Charles Berthelin, Dictionnaire de rimes, édition de 1751 ; on trouve la graphie pédophile dans l'édition de 1760).

    Remarque 2 : Selon le TLFi, le suffixe -phile « entre dans la construction de mots appartenant soit à la langue commune et qualifiant ou désignant l'amateur ou le sympathisant de ce que désigne le premier élément, soit à la langue savante et qualifiant ou désignant celui ou ce qui présente une disposition à, ou une affinité avec ce que désigne le premier élément ». De là, zoophile « qui aime les animaux, manifeste ou révèle de l'intérêt pour eux » : « J'étais assez content de ma réponse qui serait, à mes yeux, quelques bonnes pages de propagande zoophile » (Paul Léautaud, 1922), « [La SPA] pourrait avec l'aide de journaux zoophiles [...] entamer une campagne » (Paul Morand, 1929), « La jolie femme [...] a déduit de ma belle âme zoophile que je devais avoir un talent considérable » (Jean Dutourd, 1967), à côté de zoophile « qui éprouve une attirance sexuelle pour les animaux ».

    Pédéraste / Pédophile

    Cela est bien possible, si l'on s'en tient à l'étymologie du mot pédophile !

     


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  • Emprunté du latin clamare (« crier, demander à grands cris » et, en latin médiéval, « faire appel à une autorité judiciaire »), lui-même apparenté au grec kalein (« appeler »), clamer est un vieux verbe transitif, qui signifie « manifester son opinion, son sentiment, son humeur, par des cris, par des termes violents » selon la neuvième édition du Dictionnaire de l'Académie.

    Si l'on conçoit aisément que l'on puisse clamer son indignation, son mécontentement, sa douleur, etc., on peut s'interroger sur la légitimité du cliché clamer son innocence : à moins de manifester cette dernière à grands cris, n'est-il pas plus approprié de protester de son innocence ? C'est oublier que le verbe clamer s'est employé de longue date au sens de « déclarer, affirmer, reconnaître publiquement (sous-entendu à haute voix) » (1) : « Cleimet sa culpe » (Chanson de Roland, 1080), « Claime sa coupe et s'en repent » (Partonopeus de Blois, avant 1188) − comprenez il reconnaît publiquement, il confesse sa faute ; nul besoin de crier, en l'espèce, mais bien plutôt de s'exprimer à haute et intelligible voix. De là l'expression clamer son innocence, formée bien plus tardivement sur le même modèle : « Le sieur de Saint-Vallier, qui clame haut son innocence » (Paul Lacroix, 1830), « Voilà un accusé qui a nié tout le temps, qui, en pleine parade d'exécution, clame son innocence » (Georges Clemenceau, 1902). Aussi la définition de l'Académie gagnerait-elle à être complétée par l'acception suivante, empruntée au TLFi : « Déclarer, affirmer avec force et vigueur dans la voix et le ton. »

    Quant au sens étymologique de « crier, s'écrier », attesté dès le XIIIe siècle, il est présenté comme « plus rare en ancien français et très rare au XVIIe siècle, [avant d'être] repris dans la seconde moitié du XIXe siècle » (selon le Dictionnaire historique de la langue française), comme « extrêmement rare avant Alphonse Daudet » (2) (selon le TLFi). Voilà qui appelle un commentaire. Car enfin, la première attestation de clamer dans cette acception, la voici : « Le viel sire [...] clamia tout haut : Seigneur omnipotent / Benissies m'en chier fieus [mon cher fils] » (Romance du sire de Créqui). Et les spécialistes d'en déduire, sans rire, le sens de « crier »... tout haut ! Difficile dans ces conditions, vous en conviendrez, de reprocher à l'expression clamer haut et fort son petit air de pléonasme (3)...
     

    (1) Et aussi au sens de « appeler, nommer » (Il le clama fils de putain), de « poursuivre en justice, porter plainte » et de « revendiquer, réclamer, exiger » (Nul autre n'y peut droit clamer).

    (2) « Alors [...] planait le soprano suraigu de M. Chèbe, qui clamait de sa voix de goéland : "Enfoncez les portes !" » (Alphonse Daudet, 1874).

    (3) L'Académie, au demeurant, n'y trouve rien à redire : « Clamer haut et fort son innocence », lit-on à l'article « haut » de la neuvième édition de son Dictionnaire. Comprenne qui pourra !

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    Remarque
    : Curieusement, le mot est inconnu du Littré alors que le nom associé clameur y figure, avec cette précision : « La clameur suppose toujours un sens et des paroles », ce qui la distingue du cri.

    Clamer



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  • Voilà deux mots d'usage courant, dont l'emploi peut être source de difficultés et d'impropriétés.

    On privilégiera tout d'abord le pluriel francisé de ces termes latins (minimum, « le plus petit » ; maximum, « le plus grand »), selon la recommandation de l'Académie des sciences (1959) : des maximums, des minimums (comme des albums) de préférence à des maxima, des minima (pluriel des substantifs latins).

    Les minimums sociaux.

    Le minimum vital (abréviation de « salaire minimum vital »).

    Il a pris un maximum de précautions.

    Il a fait le maximum pour la satisfaire.

    Même si l'Académie (française) admet leur emploi adjectival (sous l'influence de l'usage anglais ?), on se gardera d'utiliser ces deux noms comme adjectifs afin d'éviter la confusion des accords ; on aura alors recours à maximal, minimal.

    Il n'a fourni qu'un effort minimal (ou minime, de préférence à minimum).

    Le tarif minimal, la dose minimale (de préférence à minimum).

    L'avocat a requis la peine maximale (de préférence à maximum).

    Les températures maximales, les prix maximaux.

    Enfin, on sera tout particulièrement vigilant dans l'emploi des expressions au maximum et au minimum, notamment quand on veut leur donner la valeur de « le plus possible, à l'extrême ». Afin d'éviter toute équivoque, on dira de préférence (même si tous les grammairiens ne sont pas d'accord sur ce point, cf. Remarque 3) :

    Réduire, diminuer, limiter, simplifier au minimum (= au plus bas degré, donc le plus possible) mais Augmenter au maximum (= au plus haut degré, donc le plus possible).

    Les risques sont réduits au minimum mais Le volume est augmenté au maximum.

    L'intervention durera deux heures au maximum (= tout au plus).

    Il y avait au minimum cent personnes (= au moins).

    Elle a donné son maximum pour réduire les délais au minimum.

    Astuce

    On retiendra que minimum / maximum sont des noms, minimal / maximal des adjectifs.

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    Remarque 1
    : Les mêmes recommandations valent pour optimum / optimal (« le meilleur »).

    Remarque 2 : L'emploi adjectival de maximum, minimum est attesté à partir de la fin du XVIIIe siècle : « Le nombre maximum des plaisirs » (Jean-Claude Delamétherie, Principes de la philosophie naturelle, 1787).

    Remarque 3 : Certains spécialistes (dont Hanse) déterminent le choix entre au minimum et au maximum selon que l'on considère l'intensité de l'action ou le résultat : Les risques sont réduits au minimum (résultat) mais Réduire au maximum les risques (intensité de la réduction).

    Remarque 4 : Maximum et minimum étant des superlatifs (exprimant le degré ultime), on se gardera de les faire précéder de l'adjectif grand (au grand maximum est un pléonasme). De même, on ne dira pas : Cette somme constitue un maximum qui ne pourra pas être dépassé ni un minimum au-dessous duquel on ne peut descendre. En revanche, minime, bien qu'issu lui aussi d'un superlatif latin, est le plus souvent considéré comme un adjectif ordinaire pouvant se trouver avec des degrés de comparaison (très, trop, assez...).

    Remarque 5 : En droit, la locution adverbiale a minima (empruntée du latin a minima poena, « à partir de la peine la plus petite ») ne s'emploie que dans la formule appel a minima, qui se dit d'un appel que le ministère public introduit quand il estime que la peine prononcée est insuffisante. Par extension (non enregistrée par l'Académie ni par mon Petit Larousse illustré 2005 ni par le Robert illustré 2013), a minima est aujourd'hui couramment employé avec le sens de « réduit au minimum » (un accord a minima) ou de « au moins » (Il faut a minima un vote sur le sujet). Mieux vaut s'abstenir...

    Remarque 6 : Les verbes minimiser (« faire apparaître une chose comme moins importante qu'elle n'est »), maximiser (« porter à son plus haut degré ») et optimiser (« porter à son plus haut degré d'efficacité ») sont reconnus par l'Académie, qui préfère cependant améliorer, utiliser au mieux à l'anglicisme optimiser. Mais ne sont pas répertoriés maximaliser ni optimaliser.

    Maximum / Minimum

    (Livre de J. R. Geyer, Éditions Indigène)

     


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