• « Le matin même, Martin Bouygues avait donc annoncé l’offre triple-play à 19,99 euros disponible dès le lundi 3 mars et comprenant les appels illimités vers les fixes en France et vers 121 destinations. De même, 165 chaînes de télévision seraient inclues. »
    (paru sur atlantico.fr, le 26 février 2014) 

    FlècheCe que j'en pense

    Mettons-nous directement en relation avec Thomas − même si, en la matière, le choix du spécialiste est, sinon illimité, du moins étendu : « Quoique exclure et inclure soient de la même famille, ils se distinguent, au participe passé, par leur terminaison. Alors qu'exclu s'écrit sans s au singulier et fait exclue au féminin, inclus prend un s et fait au féminin incluse. Cette distinction est assez récente, et au XVIIe siècle on écrivait encore exclus, excluse, comme on peut le voir dans Racine (Bajazet) : Pourquoi de ce conseil moi seule suis-je excluse ? » (Dictionnaire des difficultés de la langue française, Larousse).

    C'est que le participe passé d'exclure (comme celui de conclure) a fini par perdre son s final, sans doute sous l'influence des nombreux participes en u (bu, pu, su, vu...). Seul inclus a conservé sa terminaison, vraisemblablement en raison de l'antériorité de l'adjectif (fin du XIVe siècle) sur le verbe (fin du XVIe siècle).

    Que notre journaliste ne se plaigne pas outre mesure : cette offre triplement incohérente de la langue ne lui aura finalement coûté qu'une misérable faute. Ce n'est pas bien cher payé.


    Remarque : On notera par ailleurs que la commission de terminologie et de néologie recommande depuis 2007 l'emploi de triple service comme équivalent de l'anglais triple play, au sens de « service combinant l'accès à l'internet, à la téléphonie fixe et à la télévision par l'intermédiaire d'un boîtier multiservice ».


    Voir également le billet Conclure / Excure / Inclure.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Des chaînes de télévision seraient incluses.

     


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  • « Stages en entreprise : s'y retrouver et éviter les offres bidons. »
    (Elsa Mari, sur leparisien.fr, le 18 février 2014)  

     



    FlècheCe que j'en pense

    Dans la langue familière, bidon signifie « tromperie, mensonge » : pour paraphraser Jean Baudez, le bidon n'est-il pas, par essence, vide comme le mensonge est creux − même si tout porte à croire, selon le Dictionnaire historique de la langue française, que ce sens populaire tire plutôt son origine de l'ancienne acception de « drap plié de manière à gonfler, à former un ventre, et faisant illusion » ? De là, selon Hanse, « son emploi comme adjectif (généralement invariable) dans le sens de "factice, simulé" : un attentat bidon, une offre bidon, des chèques bidon ».

    Est-il besoin de préciser que l'Académie, dans la dernière édition de son Dictionnaire, laisse nettement moins de latitude à l'usager que ce cher Joseph : « Pop. Mensonge, faux-semblant. C'est du bidon ! En apposition. Inv. Lancer des nouvelles bidon. Un attentat bidon. Un acheteur bidon » ? De « généralement invariable », nous voilà donc passés à « (strictement) invariable ». Telle est du reste la position (pour une fois) commune adoptée par les dictionnaires usuels : Des élections bidon (foi de Larousse et de Robert). C'est que, pour en revenir à notre affaire, le tour peut s'envisager comme l'ellipse de des offres (qui relèvent du) bidon. Aussi est-on fondé à refuser la marque du pluriel audit nom apposé.

    À l'inverse, le TLFi ne porte aucune restriction à l'emploi adjectival de bidon, allant même jusqu'à mentionner le féminin bidonne − et ce n'est pas du flan ! −, sans toutefois donner d'exemples. Estimons-nous donc heureux d'avoir échappé aux offres bidonnes... formule qui, vous en conviendrez, en aurait fait se bidonner plus d'un.


    Voir également le billet Apposition.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Éviter les offres bidon (de préférence à : les offres bidons).

     


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  • Et vous trouvez ça drôle ?

    « Comicocratie : pourquoi les humoristes sont devenus tout puissants. »
    (Eugénie Bastié, sur lefigaro.fr, le 21 février 2014)  

     
     
     

    FlècheCe que j'en pense

    L'interview de François L'Yvonnet par la journaliste du Figaro sur le pouvoir des comiques dans la société tourne à la pantalonnade. Un vrai festival d'humour linguistique. Jugez-en plutôt : « L'ultime justification de ce rire généralisée » ; « des humoristes (...) qui progressivement se sont vus octroyer de plus en plus de pouvoir » ; « Il y a l'humoriste qui se voit dénué le droit d'être drôle » ; « Communiquant revendiqué qui n'est pas forcément un humoriste » ; « (Elle) est dénuée de toute humour » ; « …La gauche a organisé toute un système militant » ; « Ces gens n'ont jamais étés dans des situations inconfortables » ; « Une liberté quelque qu'elle soit, si elle ne comporte pas un risque, est un semblant de liberté », etc.

    Je ne sais pas vous, mais moi ça ne me fait vraiment pas rire...

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Comicorelecture ?

     


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  • «  Le chiffre vient de tomber et nous laisse coit : selon une étude Durex, 54% des personnes interrogées déclarent être sexuellement insatisfaites. »
    (Inès Réal, sur magazine-avantages.fr, le 28 janvier 2014)  


     

    FlècheCe que j'en pense

    J'ai d'abord cru à un plaisant jeu de mots : allusion au coït, emprunté du latin coitus, (« action de s'unir »), lui-même dérivé de coire, de cum (« avec ») et de ire (« aller »). Las ! il ne vous aura pas échappé que, dans la précipitation, on en a oublié de coiffer le i de son indispensable tréma.

    À la réflexion, il y a fort à parier que notre journaliste avait bien plutôt en tête la locution rester, demeurer, se tenir coi, qui signifie « se taire et ne pas bouger », d'où en rester coi, « être abasourdi ». Emprunté de quetus, déformation du latin quietus, l'adjectif coi − qui serait d'abord apparu en français sous la forme quei, puis coi ou coy − exprime en effet l'idée de tranquillité... bien éloignée de l'état d'esprit dans lequel sa graphie plonge d'ordinaire l'usager. C'est que l'on a du mal à s'expliquer pourquoi coi fait coite au féminin, ou plutôt pourquoi coi n'a pas conservé son t étymologique au masculin.

    D'aucuns avancent que, parmi les deux adjectifs dérivés du latin quietus, l'un (coi, coite), de formation populaire, a perdu ledit t étymologique, quand l'autre (quiet, quiète), de formation savante, l'a conservé. Quant au féminin coite, il s'agirait selon le Dictionnaire historique de la langue française de la réfection (1798) de l'ancienne forme coie d'après droit, droite (1). Pour Grevisse, coite fait simplement partie, avec favorite et rigolote, de ces rares féminins qui se caractérisent par l'addition de la consonne t. Oserai-je l'avouer ? Il y a dans toute cette affaire un je-ne-sais-quoi qui me laisse... intellectuellement insatisfait.

    Notre journaliste se consolera en constatant que quelques bons écrivains n'ont pas hésité à laisser notre adjectif invariable : « Il la menaça de la dénoncer à sa maîtresse si elle ne se tenait pas coi dans sa chambre » (G. Sand, citée par Dubois dans sa Nouvelle grammaire française, 1892) ; « ils m’étudièrent, ne reconnurent sans doute pas la nature ouvrière, et se tinrent coi » (Balzac). De quoi relancer la guerre des sexes.

    Les couples le savent bien : un quoi ? de travers, et c'est la débandade.

    (1) J. Bastin a un avis quelque peu différent sur le sujet : « Le féminin coite, devenu coie jusqu'au XVIe siècle, est redevenue : coite » (Précis de phonétique, 1905).

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    Ce qu'il conviendrait de dire


    Le chiffre vient de tomber et nous laisse coi(s).

     


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  • «  C'est dans cet optique qu'il compte inaugurer, en présence du maire de San Francisco Edwin M. Lee, le "French Tech hub" » (à propos de François Hollande, photo ci-contre, en visite aux États-Unis).
    (Sébastian Seibt, sur france24.com, le 10 février 2014)  

     (photo Wikipédia sous licence GFDL par Jean-Marc Ayrault)
     

    FlècheCe que j'en pense

    Par quelle illusion d'optique un substantif féminin serait-il correctement précédé d'un déterminant masculin ? Je ne me l'explique pas.

    Et pourtant, il n'est nul besoin de scruter la Toile à la loupe pour constater que cet attelage contre nature a ses partisans : près de deux millions d'occurrences − excusez du peu − de la forme « dans cet optique », parfois couchée sous des plumes averties. Ainsi de ces deux linguistes québécois, qui n'hésitent pas à écrire : « Dans cet optique, les locuteurs tendraient à vivre spontanément leur langue comme un système de variables, d'usages linguistiques non hiérarchisés. » On a peine à en croire ses yeux...

    Est-il besoin de rappeler que, au propre comme au figuré, le substantif optique est toujours du genre féminin − à condition de fermer lesdits yeux sur l'ancienne acception, aujourd'hui sortie d'usage, de « boîte dans laquelle on regardait, à travers une lentille grossissante, des estampes enluminées, appelées vues d'optique, redressées par un miroir incliné », que l'on a pu rencontrer au masculin au début du XIXe siècle (« Par l'ouverture d'un portique, on découvre, comme dans un optique, au bout d'une avenue d'oliviers et de cyprès, la montagne de Palomba », Chateaubriand), afin d'éviter toute confusion avec une optique, ellipse de « un traité d'optique » ? Littré, le visage sévère derrière ses lunettes rondes, ne goûtait guère cet usage : « On fait quelquefois, en ce sens, optique masculin ; c'est une faute. » Voilà pour la mise au point.

    À la réflexion, on est fondé à se demander si ce n'est pas plutôt la proximité de forme et de sens entre optique, dans son emploi figuré de « point de vue, manière d'envisager les choses », et objectif qui serait à l'origine de la présente confusion de genre, laquelle est entretenue à l'oral par une liaison ambiguë : dans cet optique (prononcé comme dans cette optique), à l'instar du tour critiqué dans cet objectif ? Gageons toutefois que l'usager aurait quelque appréhension à dire : « nous situerons ces évènements dans un optique historique » ou « nous n'avons pas le même optique ». Mais pour combien de temps encore ? N'entend-on pas déjà abusivement parler d'un optique de phare pour désigner le bloc regroupant les projecteurs, sur un véhicule ?

    N'allez pas croire pour autant que j'aie notre malheureux substantif dans le collimateur. Non, j'aspire seulement à ce que l'usager envisage, en la matière, de changer d'optique...


    Remarque : Comment est-on passé du sens de « partie de la physique qui traite des propriétés de la lumière et des phénomènes de la vision » à celui de « point de vue, perspective » ? Selon Dupré, « l'emploi figuré du mot optique résulte de l'emploi du mot pour désigner la vision des objets aperçus dans certaines conditions spéciales d'éloignement et de lumière (l'optique du théâtre). Dans ce cas, optique s'applique à un phénomène physique, conformément à la science. De là on est passé à la signification "manière de voir", "manière de juger" et finalement au point de vue qui en résulte, presque avec le sens de "opinion" ».

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    C'est dans cette optique que...

     


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