• « Cette vidéo [de l’agression d’un jeune homme, décrit comme handicapé, par une bande d’adolescents] postée [sur Facebook] par l’un des agresseurs présumés est terriblement choquante de part le cynisme de ces agresseurs et la vulnérabilité de la personne agressée. »
    (Propos de Marie-Arlette Carlotti, photo ci-contre, parus sur sa page Facebook, le 4 février 2014)  

    (photo Wikipédia sous licence GFDL)

     

    FlècheCe que j'en pense

    Les faits, s'ils sont confirmés, sont suffisamment graves pour ne pas venir ajouter le barbarisme à la barbarie. Car enfin, est-il besoin de rappeler ici que la locution prépositive de par s'écrit sans t final à par ? Tous les dictionnaires usuels et les ouvrages spécialisés vous le confirmeront.

    Alors, simple coquille ? Confusion avec la locution adverbiale de part et d'autre (« de tous côtés ») ? Voire.

    À y regarder de plus près, il se pourrait bien que l'homophone part ne soit pas totalement étranger à notre affaire. C'est que, nous apprend le Dictionnaire historique de la langue française, à la décharge de la ministre déléguée aux personnes handicapées, de par serait la forme altérée de de part (aucun), proprement « de la part de quelqu'un » (*). Pour preuve les tours archaïques de par Dieu, de par le roi, de par la loi, entendez « par la volonté de Dieu, par la volonté du roi, au nom de la loi ». De nos jours, de par ne se rencontre plus guère que dans la locution de par le monde (« quelque part dans le monde »), dans les expressions familières de par ici, de par chez moi (« du coin, des environs ») et, surtout, comme renforcement de par, au sens causal de « du fait de, en raison de, à cause de, étant donné »... au grand dam de Girodet (et de Thomas) qui préconise d'écrire plus légèrement : Il est, par sa situation (même), en mesure de savoir, plutôt que Il est, de par sa situation, en mesure de savoir...

    Gageons que la ministre prendra cette remarque en bonne part.


    (*) Rappelons qu'à l'origine le pronom aucun avait la valeur positive de « quelque, quelqu'un », laquelle perdure dans l'expression littéraire d'aucuns (« certains, quelques-uns »).


    Remarque : Dans la rubrique Dire, ne pas dire de son site Internet, l'Académie recommande de « ne pas employer cette locution en lieu et place de formes comme par, du fait de, grâce à, étant donné, etc. », quand bien même elle aurait la caution de quelques plumes illustres (Colette, Daudet, Rostand, Duhamel). Il n'est pourtant que de consulter la dernière édition du propre Dictionnaire de l'Académie pour y trouver l'intéressée en bonne place, par exemple aux articles « auxiliaire » : « Auxiliaire de justice, personne qui, de par ses fonctions, aide au bon déroulement des procédures et contribue à la bonne administration de la justice » et « goûteur » : « Personne qui, de par sa profession, goûte une boisson pour en apprécier les qualités ». Il faut croire que de par ne souffre pas d'un si lourd handicap...

     

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    Ce qu'il conviendrait de dire


    Cette vidéo est terriblement choquante en raison du cynisme des agresseurs.

     


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  • « L’ambiance est bonne enfant, sans débordements » (à propos de la quarante-huitième édition du Super Bowl).
    (Valentin Jacquemet, sur lenouvelobs.com, le 2 février 2014)  



     

    FlècheCe que j'en pense

    Enfant a beau être un nom épicène − entendez par là qu'il a la même forme au masculin et au féminin (un enfant, une enfant) −, la locution bon enfant, quoique employée adjectivement au sens de « accommodant, de caractère facile ; qui a une gentillesse simple et naïve ; amical », n'en demeure pas moins invariable en genre et en nombre si l'on en croit la plupart des spécialistes (Académie, Thomas, Hanse, Bescherelle et Robert) : des personnes bon enfant ; avoir des airs bon enfant.

    Bon prince, le Larousse en ligne tolère toutefois l'accord en genre (mais pas en nombre), en se réclamant d'André Theuriet, romancier bon teint : « La galanterie courtoise et bonne enfant du prince » (à l'entrée bon). On s'étonne après coup de trouver un discours différent à l'entrée bon enfant, présenté comme « adjectif invariable » ! Peu importe, me direz-vous, Larousse n'en étant pas à une contradiction près. Beaucoup plus inhabituelle est la confusion de Girodet, qui ne sait plus à quel bon Dieu se vouer : « Bon enfant, bon prince. Ces expressions sont invariables en nombre et en genre. Ces filles sont bon enfant. Elles ont été bon prince » (à l'entrée bon) ; « Pour bon enfant, l'usage est mal fixé. On peut soit faire l'accord (Des chefs bons enfants, souriants, mais sans capacité. Elle était bonne enfant avec ses subordonnées), soit laisser invariable : Les deux directrices étaient bon enfant, malgré leur air bourru. Ce dernier usage tend à l'emporter de nos jours » (à l'entrée enfant).

    Force est en effet de constater, avec Grevisse, que les exemples de variabilité ne sont pas rares : « Je me fis bonne enfant » (Colette) ; « Quelques députés bons enfants » (Balzac, qui nous oblige à faire une liaison peu banale) ; « Brutalité bonne enfant » (Zola) ; « Lune bonne enfant » (Prévert). Sans doute l'hésitation provient-elle du fait que bon enfant a d'abord été un groupe nominal − ainsi que le note Littré : « Un bon enfant, un homme de bonne humeur, et aussi un homme qui n'a pas de malice. On dit de même une bonne enfant » −, avant d'être employé comme adjectif : des manières bon enfant, comprenez des manières semblables à celles d'un bon enfant (voire d'une bonne enfant). Il n'empêche : plutôt que de se voir reprocher d'en dire de bien bonnes, mieux vaut encore s'en tenir à l'invariabilité, qui est l'usage le plus fréquent.


    Voir également le billet Bonhomme.

     

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    Ce qu'il conviendrait de dire


    L’ambiance est bon enfant (selon l'Académie).

     


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  • « Le champion olympique (...) est devenu le deuxième sauteur le plus haut de l'histoire derrière l'Ukrainien Sergueï Bubka et devant l'Australien Steven Hooker » (à propos du perchiste Renaud Lavillenie, photo ci-contre).
    (paru sur lexpress.fr, le 31 janvier 2014)  


    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Erik van Leeuwen)

     

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    Mon étonnement fut à la hauteur de l'exploit réalisé ce vendredi en Pologne par le perchiste français Renaud Lavillenie, aussitôt qualifié par tous les médias nationaux de « deuxième sauteur le plus haut de l'histoire ».

    Quand je serais bien placé pour savoir que les journalistes affectionnent les raccourcis de haut vol, je n'en continuerai pas moins de sursauter : le nageur le plus rapide, le joueur de rugby le plus puissant, l'escaladeur le plus agile, je comprends... mais le sauteur le plus haut ? Le plus haut... perché, à la rigueur, mais le plus haut tout court ? Est-on fondé à qualifier un être vivant de haut ? Oui, quand il s'agit d'évoquer sa taille − et encore cela suppose-t-il que notre adjectif ne soit pas seul à la barre (cet enfant est haut comme trois pommes, cet homme est haut de stature) − ou son tempérament (une femme haute en couleur). Pour le reste, je me garderai bien de sauter le pas, afin de ne pas entretenir la confusion entre haut adverbe (sauter haut) et haut adjectif (effectuer de hauts sauts).

    De là à ce que l'on présente Salim Sdiri, spécialiste du saut en longueur, comme « le sauteur le plus long de France », il n'y a qu'une perche que je ne vous tendrai pas.


    Remarque : On notera par ailleurs que le superlatif (le plus haut) ne peut s’appliquer qu’à un seul des éléments d’un groupe. Partant, la langue soignée se gardera d'envisager un deuxième plus haut, un troisième plus grand, etc.

     

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    Ce qu'il conviendrait de dire


    Renaud Lavillenie prend la deuxième place (derrière Bubka) dans l'histoire du saut en hauteur.

     


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  • « Le ralliement du MoDem marseillais au PS peut-il aboutir à l'éclatement du MoDem ? "La réponse est malheureusement oui, poursuit [Jean-Luc] Bennahmias. Même si je n'ai aucune envie de quitter un mouvement dont j'ai participé à la création."  »
    (Coralie Bonnefoy, sur lexpress.fr, le 30 janvier 2014)  

     

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    La langue verte a beau s'autoriser, on le sait, quelques libertés avec l'orthodoxie grammaticale, le vice-président du MoDem et ancien élu des Verts gagnerait à ne pas ignorer la mise en garde de l'Académie : « En principe (1), dont ne peut dépendre d'un complément introduit par une préposition. Ainsi, on ne dira pas : Son fils, dont il songe à l'avenir, ou son fils, dont il se réjouit de la réussite, mais son fils, à l'avenir de qui il songe, ou son fils, de la réussite duquel il se réjouit. »

    Dont... acte.

    (1) Pour les tolérances (notamment quand dont est complément de à bout, en possession, jusqu'à), je renvoie à Grevisse (Le Bon Usage, quinzième édition, page 975) et au billet Dont qui choque.

     

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    Ce qu'il conviendrait de dire


    Un mouvement à la création duquel j'ai participé.

     


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