• «  Ces vagues (...) viennent déferler sur les plages provoquant des érosions côtières et sur les digues de protection des ports et de submersions lorsqu’elles sont en concomittance avec des pleines mers de fortes marées. »
    (paru sur atlantico.fr, le 6 février 2014)  

     

    FlècheCe que j'en pense

    Passons sur la construction de la phrase, aussi secouée que la côte atlantique après la tempête, pour nous intéresser au substantif concomitance. Celui-ci désigne le caractère de deux ou plusieurs faits qui présentent un rapport de simultanéité : La concomitance de deux symptômes dans une maladie. La concomitance des offensives ennemies sur plusieurs fronts.

    À la décharge de notre journaliste, reconnaissons que la graphie du mot est piégeuse du fait de son étymologie : concomitance est en effet dérivé du latin concomitancia (« coexistence de deux choses »), qui vient lui-même de concomitari (« accompagner ») − rattaché à la famille de comes, comitis (« compagnon »), à l'origine du mot comte − et non de committere (« commettre ») comme on aurait tendance à le croire ; partant, il s’écrit avec un seul m et un seul t.

    Force est toutefois de constater que le bougre est régulièrement soumis à la torture : on l'affuble tantôt d'un t superfétatoire − « dépôt concomittant d'une proposition de loi au Sénat et à l'Assemblée » (Europe 1) ; « départ concomittant de trois personnes » (Le Parisien) ; « un reflux concomittant avec... » (Le Figaro) −, tantôt d'un second m tout aussi injustifié − « le déclenchement concommitant des dosimètres » (BFM TV) ; « un scrutin partiel concommitant » (relevé sur le site du Larousse en ligne) ; « le fait A est concommitant au fait B » (sur un site consacré à la langue française) −, quand ce n'est pas des deux à la fois (par fausse analogie avec commettre) − « leur développement réel est toutefois concommittant à celui de l'industrie chimique » (sur le site du Sénat).

    Là n'est d'ailleurs pas le seul écueil que nous réserve notre substantif. Il faut encore s'entendre sur sa construction. Si la plupart des spécialistes (Littré, Girodet, Thomas, Hanse, Larousse) déconseillent l'emploi de toute autre préposition que de après l'adjectif associé (« La hausse des prix est concomitante de l'inflation ») − la construction concomitant avec (voire à), quoique fréquente, ayant un faux air de pléonasme pour qui se souvient que le préfixe con- (du latin cum) signifie déjà « avec » −, le cas de concomitance semble plus débattu : Girodet, que l'on a connu moins conciliant, n'admet-il pas les deux constructions La concomitance des grandes marées et de tempêtes violentes ou La concomitance des grandes marées avec des tempêtes violentes ? Quant à la locution en concomitance avec, on notera qu'elle est absente du Dictionnaire de l'Académie... mais pas du TLFi (qui cite Marcel Aymé : «  Les grands mouvements de la pensée ne sont possibles qu'en concomitance avec les projections de substance marginale »). Et que dire de Littré qui affirme que concomitant se construit avec de... et concomitamment, avec avec ? Voilà qui promet de faire encore quelques vagues.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Ces vagues viennent déferler sur les plages provoquant des érosions côtières lorsqu'elles sont concomitantes des pleines mers de fortes marées.

     


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  • « En Martinique, une campagne invite à "déposer les armes". »
    (paru sur bfmtv.com, le 7 février 2014)  




    FlècheCe que j'en pense

    Un lecteur de ce blog(ue) m'interpelle en ces termes : « Comment doit-on dire ? Aller à La Martinique ou en Martinique ? La Guadeloupe, La Réunion, La Corse, La Guyane... ? Merci de m'éclairer. »

    Il est certain que le choix de la préposition devant les noms d'îles est affaire délicate. D'autant plus délicate qu'il n'existe pas à ma connaissance de règle absolue, seulement un usage que nos spécialistes ont bien du mal à justifier.

    Pour Grevisse, tout est question de taille et de distance : on emploie en « devant les noms féminins de grandes îles proches ou lointaines » (en Crète, en Sardaigne, en Islande), à la « devant les noms féminins de petites îles lointaines » (à la Réunion, à la Martinique, aux Antilles) et à sans article « devant les noms de petites îles d'Europe et devant les noms masculins de grandes îles lointaines » (à Malte, à Chypre, à Cuba, à Madagascar ; exception : à Terre-Neuve, pourtant féminin). Reste à s'entendre sur la superficie et l'éloignement à partir desquels une île change de catégorie...

    Girodet aboutit aux mêmes conclusions, mais après un cheminement fort différent : à ses yeux, si le nom de l'île n'est jamais précédé de l'article, on emploi à ; si le nom de l'île est normalement précédé de l'article, on emploie à ou en selon que ledit article est exigé ou non dans un tour comme les villes de. Ainsi, puisque l'on doit dire selon lui les villes de la Guadeloupe, de la Martinique, on dira à la Guadeloupe, à la Martinique ; en revanche, on peut dire les villes de Sardaigne, de Sicile (ou de la Sardaigne, de la Sicile), d'où en Sardaigne, en Sicile. Hanse tient le même cap : « Pour les noms d'îles, on emploie à devant ceux qui ne s'énoncent jamais avec un article et devant ceux qui en réclament toujours un : à Malte, à Jersey, à Guernesey, à Chypre, à Cuba, à Madagascar, à Tahiti, à Haïti, à Terre-Neuve ; à la Martinique, au Groenland [...]. On dit cependant : en Irlande, en Corse, en Sardaigne, en Crète. » Et il ajoute : « Pour l'île d'Elbe et l'île de Ré, on dit à l'île de ou dans l'île de. De même pour l'île de Rhodes. »

    Il faut croire que les recommandations de nos spécialistes ne sont guère convaincantes, tant la cohabitation des deux constructions au sein d'un même article confirme les hésitations de journalistes qui ne savent plus à quelle île de Sein se vouer : « Christine Boutin en visite à la Martinique [...] cette visite en Martinique » (Le Figaro) ; « En Martinique, Guadeloupe et Guyane [...] à La Réunion » (Le Monde) ; « En visite à la Martinique [...] une visite de trois jours en Martinique et en Guadeloupe » (L'Express). Même hésitation constatée dans nos administrations : « Leur arrivée en Martinique [...] Christophe Colomb débarque à la Martinique » (Ministère des Outre-mer) ; « La lettre de l'État en Martinique [...] Le dispositif d'aide au fret à la Martinique » (Préfecture de la région Martinique).

    Rien que de très normal, au demeurant : la préposition en n'est-elle pas de plus en plus souvent privilégiée sur le modèle des noms de département féminins singuliers commençant par une consonne (en Martinique, en Guadeloupe comme en Corrèze ou en Gironde) ?

    Avec une syntaxe aussi capricieuse, il ne faut pas s'étonner que l'usager cumule les incohérences... à l'insu − l'air de rien − de son plein gré.


    Remarque 1
    : L'honnêteté m'oblige à préciser que l'Office québécois de la langue française admet toutefois en Martinique, en Guadeloupe, « l'usage [étant] très fluctuant quant aux noms d’îles qui comportent un article ».

    Remarque 2 : On notera par ailleurs que l'article ne prend pas la majuscule après la préposition : à la Guadeloupe et non à La Guadeloupe.

    Voir également le billet Noms de département.

     

    Ce qu'il conviendrait de dire


    À la Martinique (selon Grevisse, Hanse et Girodet).

     


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  • « Les élections municipales sont des élections locales. Hors, le bilan des socialistes dans les municipalités est excellent. »
    (Propos de Jean-Christophe Cambadélis, photo ci-contre, repris par Arthur Nazaret sur lejdd.fr, le 4 février 2014)  

    (photo Wikipédia sous licence GFDL par  par Marie-Lan Nguyen)


    FlècheCe que j'en pense

    Le bilan en français semble plus nuancé.

    Je ne sais qui, du journaliste ou de l'homme politique, fait ici fausse route en s'aventurant sur le hors-piste de l'homophonie. C'est que les mots hors et or n'ont rien en commun hormis la prononciation : le premier − qui signifie « à l'extérieur de » ou « excepté » − est tiré de dehors (lui-même emprunté du latin foris, de même sens), quand le second − qui marque une transition ou une légère opposition − serait la contraction familière du latin hac hora (« à cette heure »), nous apprend le Dictionnaire historique de la langue française, dont la parole est d'or.

    À la rigueur aurait-on pu se satisfaire en l'espèce de ors (voire ore ou ores), ancienne forme de la conjonction or dont le souvenir perdure dans la locution d'ores et déjà (« dès maintenant ») et dans l'adverbe dorénavant. Mais ce h initial, quand on le pourrait croire justifié par l'étymologie (hora), est ici... hors de propos.

     
    AstuceOn retiendra que la conjonction de coordination or peut être remplacée par et ou mais ; l'adverbe hors, par en dehors de ou excepté.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Or, le bilan des socialistes dans les municipalités est excellent.

     


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  • « Je ne doute pas que le président travaille avec acharnement mais il n'empêche qu'il a, par ces dernières péripéties et l'inélégance du renvoi de Valérie Trierweiler pourtant peu regrettée, entamé beaucoup de son crédit auprès de ceux qui aspiraient à le voir incarné une forme d'exemplarité et de rectitude. Une autre illusion qui s'écroule. »
    (Philippe Bilger, sur lefigaro.fr, le 5 février 2014)  


    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Jean-Marc Ayrault)


    FlècheCe que j'en pense

    Il est une autre illusion qui s'écroule sous nos yeux interloqués : la substitution − fautive, en l'occurrence − du participe passé à l'infinitif !

    Est-il besoin de rappeler que, quand la différence entre les deux formes verbales serait insensible à l'oreille avec les verbes du premier groupe (incarné prononcé comme incarner), il suffit pour lever l'hésitation de s'adjoindre les services d'un verbe de sens similaire ayant une autre finale, par exemple prendre : ils aspirent à le voir prendre (et non à le voir pris) telle position ?

    Certes, participe et infinitif sont l'un et l'autre possibles après voir... à condition que le premier puisse être en position d'attribut du complément d'objet direct dudit verbe voir : J'ai eu la surprise de la voir condamnée ou J'ai eu la surprise de la voir condamner, Elle s'est vue condamnée ou Elle s'est vu condamner, selon que l'on souhaite exprimer que l'action est achevée ou en cours. Mais l'affaire qui nous occupe est différente, on le voit bien, tant il est clair que incarné une forme d'exemplarité et de rectitude ne peut s'envisager comme attribut.

    À force d'évoquer des patronymes d'origine germanique en -er prononcé tantôt -eur (Trierweiler), tantôt -ère (Bilger), il était écrit que notre magistrat finirait par s'emmêler les terminaisons. De là à le voir critiquer (critiqué)...

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Ceux qui aspiraient à le voir incarner une forme d'exemplarité et de rectitude.

     


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  • De temps en tant

    « Le gouvernement français a choisis son camp, celui des conservateurs, de la haine et de l’asservissement des esprits (...) Monsieur le Président (...), il est tant d’assumer vos actes, de faire face aux justicières FEMEN et à la révolte féministe qui se met à gronder. »
    (Lettre à François Hollande publiée sur la page Facebook de Femen France, le 5 février 2014)  



     

    FlècheCe que j'en pense

    Loin de moi l'intention de souffler sur les braises de l'affrontement social, mais force est de constater que nos amazones justicières n'ont pas choisi le camp... de la langue française.

    C'est que, nos compatriotes ne le savent que trop, les temps sont d'autant plus durs que l'homophobie, pardon l'homophonie favorise la confusion au bout d'un certain... tant. J'en veux pour preuve ces fâcheux exemples glanés entre-temps sur la Toile : « Derniers vœux en temps que maire » (Midi Libre) ; « Il est tant que le maire passe la main » (La Voix du Nord) ; « améliorer un temps soit peu le quotidien » (France 3) ; « en même tant que » (Les Échos) ; « temps bien que mal » (L'étage le plus haut de Samuel Delage) ; « jusqu'à temps qu'elle passe » (Le monde dans la main de Mikaël Ollivier) et tant d'autres encore.

    Si tant est que l'on aspire à s'exprimer dans une langue un tant soit peu châtiée, mieux vaut veiller à bien distinguer l'adverbe tant − servant à marquer l'intensité (Je l'aime tant), la quantité (Ne m'en demandez pas tant), la comparaison (Tous tant que nous sommes) ou la durée (Tant qu'il y aura des hommes) − du substantif masculin temps. Aussi écrira-t-on correctement : Il est temps de partir (= c'est le moment de partir) ou Il est temps que nous partions (subjonctif) mais Il est tant de bêtises en ce bas monde (= il y a une telle quantité de, une telle proportion de, un tel degré de).

    À quand une manifestation pour la défense de la langue française ? Las ! l'époque n'est pas au bon usage pour tous, tant s'en faut, plutôt aux théories du genre... douteux.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Le gouvernement français a choisi son camp.

    Il est temps d’assumer vos actes.

     


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