• Partisan(t)

    « Ainsi les partisants de la Manif pour tous chantaient-ils dans un premier temps : "Taubira, t'es foutue, les familles sont dans la rue" avant d'entamer un "Taubira, t'es foutue, les Français sont dans la rue". »

    (Patricia Neves, sur marianne.net, le 19 août 2013) 
    Christiane Taubira (photo Wikipédia sous licence GFDL par Guillaume Paumier)

     

    FlècheCe que j'en pense

     
    À force de tergiverser sur la forme féminine de l'adjectif (partisane chez Robert, partisante chez Larousse version électronique), il était écrit que l'on finirait par ne plus savoir orthographier le substantif.

    Emprunté de l'italien partigiano, lui-même dérivé de parte (« partie ; parti »), ledit substantif s'est d'abord écrit partysan, selon le Dictionnaire historique de la langue française. La forme féminine partisane, attestée dès la fin du XVe siècle, fut aussi bien employée comme substantif que comme adjectif : « Vous n'aviez point de partisane plus sincère » (Voltaire), « Telle estoit lors l'affection partisane » (Agrippa d'Aubigné, cité par Littré). Toutefois, note Thomas, « l'usage de ce féminin se perdit et l'on vint même à en critiquer l'emploi ; ce qui amena la forme barbare partisante réservée au style très familier », par analogie avec les mots en -ant. Et les spécialistes de se gausser de la séduisante Ninon de Lenclos, qui écrivit en son temps : « Comme femme, je suis partisante des modes. »

    De nos jours, l'Académie, après avoir longtemps considéré partisan comme exclusivement masculin à l'instar de témoin (Elle en est un bon témoinElle en est un fervent partisan), s'est enfin résolue à tolérer la forme partisane comme nom (pour désigner une personne qui soutient un parti, se déclare en faveur de quelqu'un) – en la qualifiant toutefois de « rare » – et comme adjectif (qui se dit de quelqu'un qui témoigne d'un certain parti pris), mais le mal est fait : le t injustifié de l'adjectif partisante a fini par rejaillir sur le substantif. À la décharge de notre journaliste, la graphie partisant se serait rencontrée sous la plume de Richelieu, mais Girodet n'en a cure et recommande d'« éviter absolument la forme incorrecte partisante ».

    Il ne reste donc plus qu'à en prendre son parti : partisan(e) s'écrit comme courtisan(e).


    Remarque : Ceux qui, à l'instar de Girodet, rechignent à recourir au substantif partisane pourront employer un synonyme (adepte) ou une tournure différente (soutenir, défendre, prendre le parti de, être favorable à).

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Les partisans de la Manif pour tous.

     


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  • Repère

    « Londres, repère de banquiers millionnaires. »

    (paru sur nouvelobs.com, le 16 juillet 2013) 
     

    FlècheCe que j'en pense

     
    Si l'on conçoit que Big Ben puisse servir de repère outre-Manche à l'instar de la tour Eiffel dans Paris, notre journaliste fait assurément fausse route en s'égarant dans les méandres londoniens de l'homophonie.

    Certes, la capitale du Royaume-Uni est réputée abriter la plus importante place financière européenne, mais, quand les banquiers auraient à ce point mauvaise presse par ces temps de crise, serait-on fondé à les comparer à une horde de malfaiteurs venus trouver refuge dans la City ?

    À la décharge de notre journaliste, reconnaissons qu'il y a de quoi perdre ses repères orthographiques, quand on sait que ledit repère (« marque, jalon ») est l'altération graphique de repaire (« demeure », à l'origine, puis « refuge, cachette », en parlant d'un animal sauvage ou d'un malfaiteur), déverbal de l'ancien verbe repairer ou repairier, terme de chasse à courre signifiant « être au gîte ».

    L'étymologie commune (le latin repatriare, « rentrer dans sa patrie, revenir chez soi », d'où l'idée de retour à un point fixe) n'étant plus perçue de nos jours, on retiendra que le père de repère fait référence à la figure tutélaire, quand la paire de repaire évoquerait le refuge des... Deux Alpes – on a les repères mnémotechniques que l'on peut !

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Londres, repaire de banquiers millionnaires.

     


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  • Oud

    « Un jeune prodige de oud, ce soir, Aux heures d’été » (à l'occasion du festival des cultures d'ici et d'ailleurs, à Nantes).

    (paru sur ouest-france.fr, le 8 août 2013) 

      

    (photo Wikipédia sous licence GFDL)

     

    FlècheCe que j'en pense


    Pourquoi les règles de l'élision (devant un nom qui commence par une voyelle) ne s'appliqueraient-elles pas au substantif masculin oud (et à sa variante orthographique ud), instrument voisin du luth utilisé dans la musique arabe ? Parce qu'il s'agit d'un nom d'origine étrangère ? J'ai du mal à me faire à l'idée – pourquoi ne pas l'avouer ? – que l'on joue du oud sur les rives de l'oued... 

    « Les demi-voyelles sont traitées parfois comme des voyelles, parfois comme des consonnes, selon que le mot appartient au langage courant ou qu'il garde [une] saveur exotique », précise Jean Ehrhard dans ses Remarques sur trois difficultés de la prononciation française (1965). Il faut croire que le substantif oued, banalisé par notre passé colonialiste, ressortit au premier groupe (l'oued), quand le malheureux oud, moins pratiqué sous nos cieux, hésite encore à trouver sa voie. Et pourtant, ledit oud n'est-il pas emprunté de l'arabe al'ud (« le bois »), lui-même à l'origine du français luth (peut-être par l'intermédiaire du provençal lautz ou de l'espagnol alod, selon le Dictionnaire historique), preuve que la liaison s'est naturellement faite dans notre langue ?

    À la réflexion, je pencherais également pour quelques considérations euphoniques : l'allitération en d dans un joueur d'oud peut heurter les oreilles délicates, mais assurément moins que dans cette phrase (âmes sensibles s'abstenir) : Il s’est engagé dans la cavalerie en tant qu'uhlan ; de fait, le u – ou l'u, c'est selon – du substantif masculin uhlan (« cavalier mercenaire ») est généralement aspiré.

    En l'absence de caution 100 % pure ouate, on optera, selon le contexte et la finesse de son oreille, pour la liaison ou la disjonction.


    Remarque 1 : Sur Wikipédia, l'article consacré audit instrument est assez symptomatique du flottement de l'usage : « l'oud » alterne avec « le oud » sous la plume du ou des auteur(s), le(s)quel(s) se refuse(nt) toutefois à l'élision avec le e de la préposition de (« plusieurs types de ouds », « nombre de oudistes »).

    Remarque 2 : Les graphies 'oud, 'ud sont souvent privilégiées par ceux qui préconisent la disjonction : Le 'oud est un instrument à cordes pincées.

    Remarque 3 : Les pluriels francisés sont ouds, oueds.

    Remarque 4 : Rappelons, avec Grevisse, que l'élision n'a pas lieu devant oui, un (chiffre ou numéro), huit, huitaine, huitième, onze (sauf dans quelques expressions populaires), onzième

    Remarque 5 : Concernant ouate, l'usage ne semble pas davantage fixé : « Acheter de l'ouate ou de la ouate » (neuvième édition du Dictionnaire de l'Académie).

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Un jeune prodige de oud ou d'oud ?

     


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  • Sans ambage(s)

    « "Je n’aimais pas les voyages scolaires. Les fêtes m’angoissaient" déclare-t-elle sans ambage » (à propos de Jennifer Lawrence, actrice, photo ci-contre).

    (Clara Baillot, sur gala.fr, le 12 août 2013) 
     
     
    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Jenn Deering Davis)

     

    FlècheCe que j'en pense

     
    Conformément à son étymologie latine (ambages, « sinuosités, détours », de amb, « autour, de chaque côté », et de agere, « pousser ; agir »), ambages fait partie de ces mots toujours employés au pluriel, à l'instar de fiançailles, fraisaffres, etc.

    Toujours ? Force est de constater que certains écrivains ne se sont pas privés d'accommoder le bougre au singulier (« L'ambage de ses discours », Saint-Simon ; « par un ambage équivoque, et une difficulté de distinction », Marie de Gournay), mais cet emploi reste rare et n'est pas à conseiller, si l'on en croit l'Académie qui précise, sans circonlocutions inutiles, que ledit substantif féminin ne se rencontre plus de nos jours qu'au pluriel, dans la locution adverbiale sans ambages, « sans détours, directement » : Parlez sans ambages... mais de préférence avec un s !

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    « Les fêtes m’angoissaient » déclare-t-elle sans ambages.

     


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    (photo linternaute.com par Lydia)

    « Les recherches, qui avaient débutées dès jeudi, ont duré toute la journée avant d'être suspendue vers 20 h30 (...) Une quarantaine de gendarmes ont été dépêchées sur les lieux (...) Toute personne qui a vu le couple et les enfants ou le canoë peut contactée la communauté de brigades de gendarmerie de Salerne » (à la suite de la disparition d'une famille partie en canoë sur le lac de Sainte-Croix, photo ci-contre).

    (Pierrick de Morel et Élise Delève, sur franceinfo.fr, le 16 août 2013) 

    FlècheCe que j'en pense


    Sursaut, ce matin, en découvrant cet article qu'une correspondante avisée a jugé utile de me soumettre.

    De qui se moque-t-on ? Le sujet n'est-il pas suffisamment grave pour mériter d'être traité dans un français correct, par des journalistes censés être rompus à la langue française, qui plus est sur le site Internet d'une chaîne publique d'information française ?

    Loin de moi l'intention de jeter nos journalistes avec l'eau du bain, nul n'étant à l'abri d'une queue de poisson faite au bon usage... mais c'est l'abondance qui choque ici. Quelque complexes que puissent être les règles d'accord du participe passé, on a du mal à croire que deux (!) journalistes n'aient pas été en mesure de repérer de telles coquilles abandonnées au fil de l'eau. De là à parler de couple à la dérive...


    Voir également les billets Accord du participe passé et Accord avec un collectif.

    Remarque : Ledit article a depuis été relu et corrigé... en partie, du moins : nos deux journalistes ont en effet cru faire amende honorable en privilégiant l'accord du verbe avec le collectif numéral une quarantaine (accord selon la grammaire) plutôt qu'avec le complément de gendarmes (accord selon la logique). Las ! ils s'emmêlent une nouvelle fois les genres en écrivant : « Une quarantaine de gendarmes a été dépêché sur les lieux ». Les mauvaises langues diront que l'on s'est surtout dépêché de toucher le fond...

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Les recherches, qui avaient débuté dès jeudi, ont duré toute la journée avant d'être suspendues vers 20h30.

    Une quarantaine de gendarmes ont été dépêchés sur les lieux (accord avec le complément masculin pluriel) ou Une quarantaine de gendarmes a été dépêchée sur les lieux (accord avec le collectif féminin singulier).

    Toute personne peut contacter la communauté de brigades de gendarmerie.

     


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