• Bal(l)ade

    « Les ballades pour aller voir les phoques à marée basse font désormais partie du parcours touristique. »

    (paru sur lexpress.fr, le 3 août 2013) 

     

     
    Livre de Pascal Étienne, aux Éditions Éveil Nature

     

    FlècheCe que j'en pense


    On connaissait le chant des baleines ; voilà que l'on découvre que les phoques, aussi, poussent la chansonnette.

    Pour éviter de passer pour un veau (de mer), on retiendra que, de nos jours, balade ne prend qu'un l quand il signifie « promenade » (dans la langue familière), et deux l quand il désigne une chanson ou un poème.

    Reconnaissons que la confusion entre nos homophones est d'autant plus facilitée que ballade s'est longtemps écrit... balade : « Dite moy donc, ne parle lon plus aucunement de Rondeau ni de Balade, mais seulement de Sonnet ? » (1578). La graphie avec deux l l'a finalement emporté sur sa concurrente, sans doute sous l'influence du vieux français baller (« danser »). Colignon voit dans cette double consonne une entorse à l'étymologie provençale balar, balada, quand le Dictionnaire historique de la langue française confirme l'emprunt à l'ancien provençal ballada (« petit poème chanté »). Allez savoir qui nous balade...

    Inutile de préciser que ce flottement a trouvé à prospérer dans les eaux troubles du dérivé baladin, que Littré aurait préféré orthographier avec deux l pour ne point offenser la logique. Mais que voulez-vous, à force de voir lesdits danseurs comédiens sillonner les villages de place en place, on est passé le temps d'une promenade du sens de « chanson à danser » à celui de « marcher sans but, flâner ». Quant aux gens heureux qui déambulent dans les rues en sifflotant l'air de Gérard Lenorman, leur cause est définitivement perdue...


    Voir également le billet Balade / Ballade.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Les balades pour aller voir les phoques à marée basse.

     


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  • « François Hollande a donc clôt ce jeudi sa série de déplacements entamée fin juillet, en compagnie de la ministre Fleur Pellerin, par une visite de l’entreprise IXBlue à Marly-le-Roi (Yvelines), sur les thèmes de la compétitivité et de l’innovation. »

    (Kim Hullot-Guiot, sur liberation.fr, le 8 août 2013) 
     
    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Jean-Marc Ayrault)

     

    FlècheCe que j'en pense

     
    Loin de moi l'intention de faire grief à l'auteur de cette phrase d'avoir privilégié, dans le sens de « terminer », clore à son concurrent clôturer : pour une fois qu'un journaliste s'en tient aux recommandations de l'Académie, toute remarque serait fort malvenue. Encore faut-il maîtriser la conjugaison dudit verbe... En l'espèce, le bougre se laisse d'autant moins facilement apprivoiser que l'on vient à sa rencontre la fleur au fusil : irrégulier et défectif, avouez que l'on a vu profil plus séduisant, même dans une maison... clote !


    Voir également le billet Clore / Clôturer

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    François Hollande a clos sa série de déplacements (passé composé) ou François Hollande clôt sa série de déplacements (présent).

     


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  • Répercution

    « Si une récente étendue mettant en avant le fait que les utilisateurs d'Android paient moins pour disposer d'applications que les utilisateurs d'iOS, restait encore à voir la répercution d'un tel constat sur les revenus des deux plateformes » (celle d'Apple et celle de Google).

    (Audrey Oeillet, sur clubic.com, le 1er août 2013) 

    FlècheCe que j'en pense


    Passons sur la confusion initiale entre étude et étendue, pour nous intéresser au barbarisme qui suit.

    Grande est en effet la tentation de conserver le t de (ré)percuter dans la graphie des substantifs dérivés, sur le modèle exécuter → exécution. Las ! notre bougre a préféré adopter celui de discuter → discussion !

    Il faut dire que le français ne manque pas de façons d'écrire le son [s] devant la finale -ion d'un mot : -tion (adoption), -sion (aversion), -ssion (admission), -cion (suspicion), -cyon (alcyon) ou -xion (connexion). Cependant, nous enseigne Max Niedermann, lorsqu'en latin un t ou un d rencontre un t subséquent apparaît d'ordinaire un s parasite, qui aboutit au digramme ss. Ainsi du verbe latin percutere (à l'origine du français percuter), dont le participe percut-tus est devenu percussus et le nom dérivé percut-tio, percussio – qui donnera percussion (« action de frapper, de heurter brutalement ») et répercussion (« renvoi, réflexion » et, par extension, « conséquences »).

    Après mûre réflexion, je me demande s'il ne convient pas plutôt de se réjouir de la coquille de notre journaliste : au moins nous a-t-elle épargné le très à la mode impact...

    Remarque : Discussion, percussion, répercussion et, dans la langue juridique, concussion, jussion et fidéjussion sont aujourd'hui les seuls mots en -ussion... même s'il faut bien reconnaître qu'ils n'ont pas toujours boudé le t dans leurs finales. Ainsi, Féraud notait dans son Dictionnaire critique (1787) : « Plusieurs Écrivains ont écrit discution avec un t, entr'aûtres, Bossuet, Rousseau, etc. Dans le Dict. Gram. on le condamne ; mais il semble qu'à consulter l'analogie il devrait être préféré, puisqu'il vient de discuter ; au lieu que discussion n'a de plus pour lui que l'étymologie latine discussio et quelques Dictionaires. Les Auteurs sont partagés. » Quant à Rabelais, il écrivait concussion avec un t.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    La répercussion d'un tel constat sur les revenus des deux plateformes.

     


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  • Répis

    « Partir, mais pas trop longtemps, et surtout pas trop loin : les membres du gouvernement Ayrault se sont vu accorder une quinzaine de jours de répis... à condition de ne pas quitter le territoire français. »

    (paru sur courrierinternational.com, le 2 août 2013) 
     

    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Flickr)

     

    FlècheCe que j'en pense

     
    Les choses avaient pourtant bien commencé, notre journaliste ayant déjoué avec une agilité peu commune les pièges de l'accord du participe passé devant un infinitif : ils ont vu qui ? (quelqu'un) leur accorder une quinzaine de jours..., complément d'objet direct placé après le participe vu, qui reste donc invariable. Las ! voilà qu'il trébuche sur une vulgaire faute d'orthographe, troquant le t final de répit contre un s trompeur – par fausse analogie avec pis ou par simple... dépit ?

    Rappelons à toutes fins utiles que répit est le doublet populaire de respect, tous deux empruntés du latin respectus (« regard en arrière ; égard ; refuge »). Notre substantif masculin s'est, du reste, d'abord écrit respit, puis curieusement répy, avant que la graphie répit l'emporte définitivement sur ses concurrentes. On retiendra de nos jours que le t de répit force le respect.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Une quinzaine de jours de répit.

     


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  • En pointe

    « Les Français sont en pointe dans ce domaine » (celui de la conception de robots).

    (Anne-Claire Coudray, photo ci-contre, au journal de vingt heures de TF1, le 9 août 2013)

    (photo tf1.fr)

     

    FlècheCe que j'en pense


    Si je me permets de pointer du doigt cette phrase entendue en ouverture du journal de vingt heures – donc à une heure de... pointe, en matière d'écoute –, c'est qu'elle me semble entretenir une regrettable confusion entre deux locutions figurées, d'emploi récent (vers 1950) : être à la pointe de, qui signifie « être au premier rang de, à l'avant-garde de » (notamment par l'utilisation des innovations les plus récentes) et à la pointe, en pointe, de pointe, qui se dit de ce qui se fait de plus moderne en parlant d'un domaine d'activité.

    Comparez : Elle est à la pointe de la mode, à la pointe du progrès et Elle travaille dans un secteur en pointe, dans une industrie de pointe (qui recourt aux technologies les plus avancées).

    Pas de quoi, chère Anne-Claire, réparer cette offense à la pointe de l'épée ; à peine envisagera-t-on de vous tailler les oreilles... en pointe.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Les Français sont à la pointe de ce domaine (qui est lui-même en pointe ou de pointe).

     


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