• Clore / Clôturer

    Ne tournons pas autour du... clos : l'Académie met en garde contre l'emploi abusif de clôturer à la place de clore au sens figuré de « fermer, mettre un terme à » (un débat, une séance, un congrès) : « Dans le sens de terminer, on ne doit pas employer clôturer mais clore. » Après tout, ne dit-on pas l'incident est clos (et non l'incident est clôturé) ?

    Mais voilà : d'après le Dictionnaire historique de la langue française, « clôturer est apparu simultanément avec le sens propre et le sens figuré » dès la fin du XVIIIe siècle et ses emplois figurés, que d'aucuns jugent inutiles, se sont depuis solidement installés dans l'usage. Littré (et Féraud avant lui) admet ainsi sans rechigner clôturer un compte, un inventaire, un registre et clôturer les débats. D'autres spécialistes de la langue lui ont emboîté le pas : « Pourquoi devrait-on réserver [clôturer] à l'usage des jardins, des terrains ou autres lieux ? » s'interroge Robert Le Bidois, s'appuyant sur le double emploi (propre et figuré) du substantif clôture. D'autant, ajoute-t-il dans la foulée, qu'un verbe du premier groupe sera toujours plus facile à conjuguer qu'un verbe irrégulier et défectif... Aussi ne s'étonnera-t-on pas de trouver sous des plumes averties (et parfois académiciennes !) des exemples bravant l'interdit de l'Académie : « L'Universelle avait clôturé la veille, à 3 030 francs » (Zola), « La première partie [du spectacle] fut clôturée par une fort belle passe d'armes » (Maupassant), « Tous les étudiants [...] eussent-ils, cette année, suivi la retraite pascale qui fut clôturée par leur archevêque ? » (Mauriac), « Toute la ferveur allait aux hussards qui clôturaient la revue dans l'apothéose d'un galop de charge » (Marcel Aymé), « Voici, clôturant la série [...], le sixième volume » (Pierre-Henri Simon), « La Bourse clôtura en baisse » (Druon).

    Il n'empêche, afin d'éviter toute critique, les amateurs de palissades et de barbelés s'habitueront à dire : clore un compte, une négociation, une séance, une discussion, un débat, une réunion, un incident, les paupières, etc. (ou à utiliser des périphrases telles que mettre fin à, mettre un terme à). Et mettront au piquet le verbe clôturer, qu'ils réserveront à la réalisation...  d'une clôture.

    En résumé

    On réservera clôturer au sens propre, physique (« délimiter un espace privatif, entourer d'une clôture ») et on emploiera clore pour les sens figurés.

     

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    Remarque 1
    : Selon Arsène Darmesteter, « c'est parce que le rapport de clore à clôture [...] ne paraît plus dans la forme d'une façon assez immédiate [que] le peuple abandonne le verbe usé et le refait sur l'analogie du substantif : clore est remplacé par clôturer » (De la création actuelle de mots nouveaux, 1877). On retiendra que c'est clôture, nom verbal de clore, qui a inspiré clôturer, et non l'inverse. Cela signifie, d'une part, que les deux verbes peuvent être considérés comme synonymes au seul sens propre (clôturer ou clore un jardin) ; d'autre part, que l'utilisation de clôture, comme substantif de clore, est attestée par l'Académie dans le sens de « fermeture ».

    À l'occasion des soldes, j'ai fait la clôture du magasin.

    On évitera le barbarisme clôturation qui semble faire florès chez nos amis banquiers en guise de solde de tout compte.

    Remarque 2 : Selon Goosse, le continuateur de Grevisse, il n'est pas davantage recommandé d'employer le verbe clôturer au sens de « fermer », comme dans cet exemple emprunté à Proust : « Il [...] clôtura hermétiquement  le grillage qu'il avait laissé entr'ouvert. »

    Remarque 3 : Verbe défectif, clore n'est plus guère usité, aux temps simples, qu'au singulier du présent de l'indicatif (je clos, tu clos, il clôt) ; au futur (je clorai, il clora) ; à l'impératif singulier (clos) ; au participe passé (huis clos, maison close). Mais rien n'empêche – si ce n'est le risque de ne pas être compris ou de passer pour ridicule – d'employer les anciennes formes autrefois en usage : nous closons, vous closez ; l'imparfait je closais ; le passé simple je closis et l'imparfait du subjonctif que je closisse : « Les Bourses européennes closent en net recul » (Le Monde). On notera par ailleurs que clore (comme ses dérivés déclore et enclore) ne prend pas d'accent circonflexe, sauf dans il clôt (il déclôt, il enclôt, selon la graphie désormais retenue par l'Académie) – même si Léon Clédat note à ce sujet : « On n'a jamais dit il clost (sauf au prétérit), l'accent circonflexe de "il clôt" n'a aucune raison d'être. »

    Remarque 4 : Dérivé de clore, le verbe déclore, qui ne s'emploie guère qu'à l'infinitif et au participe passé, signifie « dégarnir d'une clôture ». Au sens figuré, il est synonyme de ouvrir, comme dans le célèbre vers de Ronsard : « Mignonne, allons voir si la rose / Qui ce matin avait déclose / Sa robe de pourpre au soleil… ».

    Remarque 5 : De même que clore est concurrencé par clôturer, qui présente une conjugaison complète, le verbe bruire est concurrencé par la forme « bruisser », qui n'existe pas (voir l'article consacré à Bruire / Bruisser).

    Clôture
    Source : annicklepetit.fr

     

    « AlternativeFragrance »

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  • Commentaires

    1
    jo
    Mardi 30 Septembre 2014 à 09:29

    Oui, surtout que certains veulent "chlore" le dossier.. Doit-on comprendre qu'il s'agit de "javeliser" les feuilles pour le rendre vierge de toute donnée compromettante...

    2
    fred
    Jeudi 22 Juin 2017 à 11:26

    Ronsard n'aurait-il pas dû écrire « Mignonne, allons voir si la rose / Qui ce matin avait déclos_ / Sa robe de pourpre au soleil… » ?

     

      • Jeudi 22 Juin 2017 à 12:32

        Je vous invite à lire la Remarque 1 figurant au bas de ce billet.

    3
    fred
    Jeudi 22 Juin 2017 à 13:29

    Merci pour ce lien, et pour l'ensemble du site qui est très instructif.

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