• « Du fait de la faiblesse du CAC 40, les entreprises apparaissent comme des cibles pour des prédateurs internationaux. Les entreprises françaises ne valent pas très chères au regard de leurs performances. »

    (Philippe Crevel, sur atlantico.fr, le 7 juillet 2013) 

     

    FlècheCe que j'en pense


    Cela ne coûte rien, même en période de crise, de rappeler que les adjectifs, quand ils sont employés adverbialement pour modifier un verbe, restent invariables : Les profits ne volent pas haut. Les investissements pèsent lourd. Les matières premières coûtent cher. Les sociétés françaises ne voient pas assez grand.

    De là à considérer, avec L'Oréal, que nos chères entreprises le valent bien...


    Voir également le billet Accord des adjectifs employés adverbialement.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Les entreprises françaises ne valent pas très cher.

     


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  • Drôle d'accent

    « Le drôlatique projet de Charles Avery à la galerie Perrotin. »

    (paru sur telerama.fr, en juillet 2013) 

     

    (photo Wikipédia sous licence GFDL par LPLT)

     

    FlècheCe que j'en pense


    Difficile de reprocher à l'auteur de ladite phrase d'avoir affublé l'adjectif drolatique d'un accent circonflexe superfétatoire, quand on sait que tous les autres dérivés de drôle s'affichent dûment chapeautés : drôlerie, drôlement, drôlesse, drôlet, drôlichon, etc. Une nouvelle bizarrerie de la langue française, pour amuser la galerie ? Voire.

    Selon le Dictionnaire historique de la langue française, drolatique apparaît en 1565 sous la plume de Rabelais (Les Songes drolatiques de Pantagruel), au sens de « qui a de la drôlerie, qui est plaisant, pittoresque, cocasse ». À cette époque, les graphies drolle ou draule servent encore à désigner un bon vivant, puis un débauché ; rien que de très logique, donc, aux yeux de cette drôle de famille à ce que drolatique naquît tête nue. Il faut attendre le XVIIe siècle pour voir apparaître les premières occurrences de drôle (comme substantif, puis comme adjectif), venant concurrencer la graphie sans accent. Dès la première édition de son Dictionnaire, en 1694, l'Académie met un peu d'ordre dans la maisonnée, en officialisant l'adoption du circonflexe pour la série : drôle, drôlesse, drôlerie (bientôt rejoints par drôlement)... mais ne dit mot de drolatique, alors sorti d'usage (*). Ce dernier patientera jusqu'en 1832 pour se voir remettre au goût du jour avec les Contes drolatiques, « ouvrage d'Honoré de Balzac, dans lequel il a essayé d'imiter le style et même l'orthographe de nos vieux auteurs de contes du XVIe siècle » (Littré). De là, selon toute vraisemblance, l'origine de l'exception : Balzac, pastichant Rabelais, a exhumé l'ancêtre (je parle de drolatique, pas de l'auteur de Gargantua !) dans son plus simple appareil, alors que la famille s'était depuis longtemps accommodée du couvre-chef. Littré constate, impuissant, l'anomalie : « On a pris l'habitude d'écrire ce mot sans accent circonflexe, bien que drôle en ait un. » D'autres spécialistes ont beau tenter de justifier l'alternance ô/o au sein d'une même famille lexicale par la présence d'une syllabe muette ou sonore après ladite voyelle (Blondet), voire par la seule différence du nombre de syllabes (Dupré), force est de constater qu'aucune de ces explications ne peut rendre pleinement compte de conventions orthographiques qui ressortissent le plus souvent à l'arbitraire.

    Le plus drôle, dans toute cette histoire, c'est que les réformateurs de 1990, si prompts à préconiser la suppression de l'accent circonflexe sur le i et le u de certains mots, auraient été bien inspirés de le rétablir sur le o de drolatique... même si, ce faisant, ils auraient introduit une anomalie dans la série aromatique, diplomatique, fantomatique, etc. Qui a dit que l'enfer est pavé de bonnes intentions ?


    (*) Dans le Dictionnaire historique de la langue française, Alain Rey précise que drolatique est « quasiment éteint après 1611 », jusqu'à son retour en grâce au milieu du XIXe siècle. F. Marguery confirme dans son Manuel d'orthographe et de prononciation (1818) : « Drolatique. adjectif. badin. peu usité. »

     

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    Ce qu'il conviendrait de dire


    Le drolatique projet de Charles Avery à la galerie Perrotin.

     


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  • La numéro un(e)

    « La numéro une française, sous les yeux d'Amélie Mauresmo, dépassait la Belge » (à propos de Marion Bartoli, photo ci-contre, qui s'est qualifiée pour la finale de Wimbledon en dominant la Belge Kirsten Flipkens).
    (Guillaume Nibert, sur lefigaro.fr, le 4 juillet 2013) 

     
    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Robbie Mendelson)

     

    FlècheCe que j'en pense


    Si la Française Marion Bartoli, en remportant le tournoi de Wimbledon, a réussi un bel exploit, on ne peut en dire autant de certains journalistes, qui hésitent encore sur la façon de qualifier notre championne de tennis : faut-il parler de la numéro un française ou de la numéro une ?

    Dans les emplois où l'adjectif numéral cardinal a valeur d'ordinal, il est d'usage de respecter la règle de l'invariabilité : « La page un. La strophe trente et un [pour la trente et unième strophe] », note ainsi Girodet. Il en va de même avec la locution numéro un, qui garde sa forme quel que soit le genre du nom qualifié, mais « peut être entouré[e] d'un article et d'épithètes au féminin » d'après Michèle Lenoble-Pinson (Le Français correct, 2009) : l'équipe numéro un (et non numéro une) et, substantivement, cette joueuse est le numéro un ou, féminisation oblige, la numéro un (ellipse de la joueuse qui porte le numéro un, qui occupe la première place) ; dans ce dernier cas, les éventuelles épithètes s'accordent selon l'option choisie : Cette société est le numéro un mondial du pneumatique ou Cette société est la numéro un mondiale du pneumatique (*).

    Mais voilà que se pose un nouveau cas de conscience, passé entre les mailles des filets des ouvrages de référence : quand la numéro un française pourrait s'analyser à la volée comme l'ellipse de la femme ou la chose française qui porte le numéro un, la numéro un mondiale ne saurait se prêter à la même interprétation, dans la mesure où l'adjectif mondial ne peut ici qualifier autre chose que le mot classement sous-entendu. La logique voudrait donc que l'on écrivît la numéro un français, la numéro un mondial pour « la femme qui porte le numéro un du classement français, du classement mondial ». Force est cependant de constater que les arbitres de la langue n'ont pas jugé utile de saisir la balle au bond...

    Gageons que ces épineuses questions ne manqueront d'agiter les rédactions qui auront à rendre compte de l'évènement à la... une de leurs journaux.

    (*) Autres exemples trouvés dans les ouvrages de référence : « Cette militante est le numéro un (ou la numéro un) du parti » (Petit Robert), « La numéro un mondiale » (Encyclopédie Larousse en ligne), « La numéro un mondiale du tennis » (Le Français correct). L'Académie, quant à elle, s'en tient à l'article masculin : « Le numéro un, le numéro deux, etc., qui occupe le premier rang, le second rang, etc. dans un groupe. »

    Voir également le billet Accord des adjectifs numéraux.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    La (joueuse de tennis) numéro un française (ou français ?).

     


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  • « "Le front républicain, c'est du pipeau, on n'est plus aux ordres", explique un militant souhaitant rester anonyme, qui avoue à demi-mots avoir voté pour le candidat FN" » (lors du second tour de l'élection législative partielle de Villeneuve-sur-Lot).

    (Nicolas Chapuis et Alexandre Léchenet, sur lemonde.fr, le 1er juillet 2013) 

     

    FlècheCe que j'en pense


    Certes, la règle selon laquelle la locution adverbiale à demi est invariable et prend le trait d'union seulement devant un nom (Elle parle à demi-voix car elle est à demi morte de fatigue) a bien été respectée. Il n'empêche : ce s à mots me chagrine, et pas qu'à moitié. Si rien ne s'oppose à ce que le substantif masculin demi-mot prenne la marque du pluriel (Saisir les demi-mots, les insinuations, les arrière-pensées...), le singulier fait l'unanimité dans les colonnes de nos dictionnaires dès lors qu'il est question de la locution adverbiale à demi-mot, qui signifie « sans qu'il soit besoin de tout dire ». Cette graphie n'est pas nouvelle : « Un auteur moderne a dit au pluriel, à demi-mots : ce n'est pas l'usage [...]. On dit toujours à demi-mot, au singulier », écrivait déjà Féraud dans son Dictionnaire critique de la langue française (1787). Deux cents ans plus tard, Girodet ne mâche pas davantage ses mots : « Toujours au singulier : au bas mot, à demi-mot — Toujours au pluriel : à mots couverts. »

    Fallait-il être seul au Monde pour ne pas faire les choses à... demi ?


    Voir également le billet Demi.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Il avoue à demi-mot avoir voté pour le candidat du FN.

     


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  • « Sa y est les resultats du bac sont tomber, j'ai eu le bac avec mention très bien. »

    (vu sur une page Facebook, le 5 juillet 2013) 

     

     


    FlècheCe que j'en pense


    Mention très bien, vraiment ? Gageons que ce n'est pas grâce à l'épreuve de français (encore que, avec une notation sur vingt-quatre...).

    Rappelons que, même sur sa page Facebook, il peut être utile de faire la distinction entre l'adjectif possessif (Sa mère est grave), le pronom démonstratif, contraction de cela dans le registre familier (Ça le fait grave), et l'adverbe de lieu (Il erre çà et là, avec l'accent grave). Vous me direz, les enseignants eux-mêmes se prennent parfois les pieds dans nos homophones, à l'instar de l'association française des professeurs d'histoire-géographie qui n'a pas hésité à intituler sa lettre ouverte de protestation contre les sujets 2013 du brevet des collèges : « Plus jamais çà ! »

    Oui, vraiment, plus jamais ça !


    Voir également le billet Ça.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Ça
    y est, les résultats du bac sont tombés.

     


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