• En pointe

    « Les Français sont en pointe dans ce domaine » (celui de la conception de robots).

    (Anne-Claire Coudray, photo ci-contre, au journal de vingt heures de TF1, le 9 août 2013)

    (photo tf1.fr)

     

    FlècheCe que j'en pense


    Si je me permets de pointer du doigt cette phrase entendue en ouverture du journal de vingt heures – donc à une heure de... pointe, en matière d'écoute –, c'est qu'elle me semble entretenir une regrettable confusion entre deux locutions figurées, d'emploi récent (vers 1950) : être à la pointe de, qui signifie « être au premier rang de, à l'avant-garde de » (notamment par l'utilisation des innovations les plus récentes) et à la pointe, en pointe, de pointe, qui se dit de ce qui se fait de plus moderne en parlant d'un domaine d'activité.

    Comparez : Elle est à la pointe de la mode, à la pointe du progrès et Elle travaille dans un secteur en pointe, dans une industrie de pointe (qui recourt aux technologies les plus avancées).

    Pas de quoi, chère Anne-Claire, réparer cette offense à la pointe de l'épée ; à peine envisagera-t-on de vous tailler les oreilles... en pointe.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Les Français sont à la pointe de ce domaine (qui est lui-même en pointe ou de pointe).

     


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  • Bus à l'impérial(e)


    « Découvrez Paris en bus à l'impérial. »

    (vu sur nouveau-paris-ile-de-france.fr) 
     


     
     

     

    FlècheCe que j'en pense

     
    Contrairement à ce que semble croire l'auteur de cette accroche publicitaire, impériale est ici la forme substantivée de l'adjectif impérial au féminin singulier, qui désigne l'étage – que l'Académie juge utile de qualifier de « supérieur », dans son Dictionnaire – d'un moyen de transport (bus, tramway, carrosse, diligence, etc.).

    Selon le Dictionnaire historique, le mot se disait à l'origine d'un « jeu de cartes dans lequel la série as, roi, dame, valet (dite série impériale) est gagnante » – donc « supérieure » aux autres –, puis d'un dais surmontant un ciel de lit, par analogie de forme avec la couronne des empereurs (« ce lit, avec son ample impériale surmontée d'une couronne de roses », Goncourt). L'idée de dôme est restée dans l'emploi étendu aux moyens de transport, que l'étage soit couvert ou non : monter sur l'impériale.

    Si le e final à impériale est acquis, force est de constater qu'une certaine incohérence entoure l'emploi dudit substantif comme complément du nom : doit-on parler de bus à impériale ou de bus à l'impériale ? Seul l'empereur Robert prend position, en privilégiant le premier tour... tout en enregistrant la graphie lit à l'impériale ! La confusion s'explique sans doute par l'existence de la locution adjectivée à l'impériale qui signifie « à la manière d'un empereur » (une barbe à l'impériale)... mais je n'en mettrais pas ma main à couper pour un empire.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Découvrez Paris en bus à impériale.

     


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  • Question posée


    « Cette question est à peu près celle que s’est posé Hervé Valentin en tombant sur le mot de Camus à "[s]on cher Sartre" » (à la suite de la découverte d'une lettre inédite de Camus à Sartre).

    (Grégoire Leménager, sur nouvelobs.com, le 7 août 2013) 
     


     

    FlècheCe que j'en pense

     
    Où notre journaliste apprend à ses dépens que l'on ne saurait évoquer Sartre dans une prose approximative, sous peine de se retrouver bien vite avec les mains sales.

    Le participe posé doit-il ou non s'accorder ? Telle est, en l'espèce, la seule question qui vaille : ledit Hervé Valentin a posé quoi ? que mis pour cette question, complément d'objet direct placé avant le participe passé ; à qui ? à se mis pour lui, complément d'objet indirect (ou second). L'accord est donc de rigueur sous la plume de tout homme de lettres, fût-il... révolté ou étranger.


    Voir également le billet Accord du participe passé des verbes pronominaux. 

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Cette question est à peu près celle qu'il s’est posée.

     


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  • Un(e) orque

    « Même lorsque sa mère l'allaitait encore, ce jeune orque répétait déjà dans ce bassin. »

    (Hélène Grégoire, au journal de vingt heures de TF1, le 4 août 2013)

    (photo Wikipédia sous licence GFDL par NOAA)

     

    FlècheCe que j'en pense


    Quel que soit le sexe du bébé épaulard, le genre du mot orque est féminin, à en croire les dictionnaires usuels, ainsi que l'Académie, Littré, Girodet et Bescherelle. Au besoin, on précisera : Cette orque mâle ou femelle.

    À la décharge de notre journaliste, reconnaissons que Hanse, lui-même, s'est longtemps pris les nageoires dans le filet en considérant orque comme un nom masculin (« L'orque est très agressif »), au risque de se faire harponner par Alain Rey qui, dans son Dictionnaire historique, lance cette condamnation sans appel : « L'emploi au masculin est fautif. »

    Quelques voix continuent pourtant de s'élever contre ce concert de louanges au féminin. Ainsi de celle de Daniel Robineau – « porte-fanon » de l'orque au masculin – dans  son livre Cétacés de France : « Les Anciens désignaient sous le nom de orca un cétacé qui n'a jamais pu être identifié précisément (il se pourrait bien qu'il s'agisse en fait d'un cachalot). La traduction de ce nom latin féminin est un nom français également féminin (une orque) qui ne doit cependant s'appliquer qu'à cet animal mythique. Pour notre orque (Orcinus orca), il paraît préférable de suivre la convention qui veut que le générique français, transcrit depuis le latin, conserve le masculin qu'il a dans cette langue (Orcinus * = un orque). »

    Chanter la baleine au masculin ? L'idée prête d'autant moins à rire (comme une...) que les poètes de la Pléiade avaient tendance à user, pour désigner ledit monstre mythologique, du nom ourque ou orque, dont le genre semblait déjà mal défini : « Hé qu’est-ce après d’Hesionne de Troie / Contre un rocher liée, pour la proye / D’un ourque fier ? » (Ronsard **) « Je vois sortir des abysmes / Une orque pour m'abysmer » (Du Bellay). « On vit venir sur les ondes une Ourque d'effroyable grandeur » (1685). « Un orque, animal feint » (1698).

    Confronté à ce grand classique du genre qu'est l'hésitation sur celui des noms d'animaux, mieux vaut encore ne pas prêter le flanc ni l'aileron à la critique en s'en tenant à la position de l'Académie.

    (*) Problème : le Gaffiot donne orcinus comme adjectif, au sens de « qui a trait à la mort ». À moins qu'il ne s'agisse plutôt du nom masculin orcynus, « thon de la plus grosse espèce » ?

    (**) Dans la mythologie grecque, Hésione, princesse troyenne, fut délivrée par Héraclès d'un monstre marin envoyé par Poséidon pour ravager Troie.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Cette jeune orque répétait déjà dans ce bassin.

     


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  • « [Miss France] s'est prêtée au difficile exercice de l'interview confession dans 7 à 8 (...) Et c'est sans doute sans vraiment le vouloir qu'elle s'est permise de commenter la splendeur passée d'un monument du cinéma tel qu'Alain Delon ! »

    (paru sur tele-loisirs.fr, le 15 juillet 2013) 
     
    Marine Lorphelin (photo Wikipédia sous licence GFDL par Georges Biard)

     

    FlècheCe que j'en pense

     
    Notre journaliste, quant à lui, aurait été bien inspiré de ne pas s'autoriser un tel accord : Miss France a permis quoi ? de commenter la splendeur passée..., complément d'objet direct placé après le participe (passé, lui aussi) ; à qui ? à se mis pour elle, complément d'objet indirect (ou second). L'accord n'est donc pas ici... de mise, contrairement à la phrase : La réflexion qu'il s'est permise.

    Gageons que notre journaliste finira par manger le chapeau de Geneviève de Fontenay...


    Voir également le billet Accord du participe passé des verbes pronominaux. 

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Et c'est sans doute sans vraiment le vouloir qu'elle s'est permis de commenter la splendeur passée d'un monument du cinéma tel qu'Alain Delon !

     


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