• Un(e) orque

    Un(e) orque

    « Même lorsque sa mère l'allaitait encore, ce jeune orque répétait déjà dans ce bassin. »

    (Hélène Grégoire, au journal de vingt heures de TF1, le 4 août 2013)

    (photo Wikipédia sous licence GFDL par NOAA)

     

    FlècheCe que j'en pense


    Quel que soit le sexe du bébé épaulard, le genre du mot orque est féminin, à en croire les dictionnaires usuels, ainsi que l'Académie, Littré, Girodet et Bescherelle. Au besoin, on précisera : Cette orque mâle ou femelle.

    À la décharge de notre journaliste, reconnaissons que Hanse, lui-même, s'est longtemps pris les nageoires dans le filet en considérant orque comme un nom masculin (« L'orque est très agressif »), au risque de se faire harponner par Alain Rey qui, dans son Dictionnaire historique, lance cette condamnation sans appel : « L'emploi au masculin est fautif. »

    Quelques voix continuent pourtant de s'élever contre ce concert de louanges au féminin. Ainsi de celle de Daniel Robineau – « porte-fanon » de l'orque au masculin – dans  son livre Cétacés de France : « Les Anciens désignaient sous le nom de orca un cétacé qui n'a jamais pu être identifié précisément (il se pourrait bien qu'il s'agisse en fait d'un cachalot). La traduction de ce nom latin féminin est un nom français également féminin (une orque) qui ne doit cependant s'appliquer qu'à cet animal mythique. Pour notre orque (Orcinus orca), il paraît préférable de suivre la convention qui veut que le générique français, transcrit depuis le latin, conserve le masculin qu'il a dans cette langue (Orcinus * = un orque). »

    Chanter la baleine au masculin ? L'idée prête d'autant moins à rire (comme une...) que les poètes de la Pléiade avaient tendance à user, pour désigner ledit monstre mythologique, du nom ourque ou orque, dont le genre semblait déjà mal défini : « Hé qu’est-ce après d’Hesionne de Troie / Contre un rocher liée, pour la proye / D’un ourque fier ? » (Ronsard **) « Je vois sortir des abysmes / Une orque pour m'abysmer » (Du Bellay). « On vit venir sur les ondes une Ourque d'effroyable grandeur » (1685). « Un orque, animal feint » (1698).

    Confronté à ce grand classique du genre qu'est l'hésitation sur celui des noms d'animaux, mieux vaut encore ne pas prêter le flanc ni l'aileron à la critique en s'en tenant à la position de l'Académie.

    (*) Problème : le Gaffiot donne orcinus comme adjectif, au sens de « qui a trait à la mort ». À moins qu'il ne s'agisse plutôt du nom masculin orcynus, « thon de la plus grosse espèce » ?

    (**) Dans la mythologie grecque, Hésione, princesse troyenne, fut délivrée par Héraclès d'un monstre marin envoyé par Poséidon pour ravager Troie.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Cette jeune orque répétait déjà dans ce bassin.

     

    « Tout est per... miss !La question se pose »

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  • Commentaires

    1
    simonnet
    Lundi 23 Août 2021 à 22:20

    Cher M. Marc

    Le mot "une orque" a aussi un autre sens, dont les dictionnaires semblent ne pas parler.  Vous le constaterez par les citations suivantes.

    Très respectueusement 

     

    « Au lendemain rencontrasmes à poge neuf Orques [vaisseaux]  chargées de moines, Iacobins, Iesuites, Cappussins, Hermites, Augustins, Bernardins, Celestins, Theatins, Egnatins, Amadeans, Cordeliers, Carmes, Minimes, & aultres sainctz religieux les quelz alloient au concile de Chesil, pour grabeler [passer au crible] les articles de la foy contre les nouveaulx hæreticques » (Rabelais, Quart Livre, chap. 18)

     

    « De carrefour en carrefour, de rue en rue, Tiburce finit par aboutir sur le quai de l’Escaut par la porte du Port. Ce spectacle magnifique lui arracha un cri de surprise : une quantité innombrable de mâts, d’agrès et de vergues simulait sur le fleuve une forêt dépouillée de feuilles et réduite au simple squelette. Les guibres [proues effilées] et les antennes [longues vergues] s’appuyaient familièrement sur le parapet du quai comme des chevaux qui reposent leur tête sur le col de leur voisin d’attelage ; il y avait là des orques hollandaises à croupe rebondie avec leurs voiles rouges, des bricks américains effilés et noirs avec leurs cordages menus comme des fils de soie ; des koffs norvégiens couleur de saumon, exhalant un pénétrant arome de sapin raboté ; des chalands, des chasse-marée, des sauniers bretons, des charbonniers anglais, des vaisseaux de toutes les parties du monde »  (Théophile Gautier, La Toison d’or, chap. 1)

     

    2
    simonnet
    Lundi 23 Août 2021 à 22:53
    simonnet

    Bonsoir M. Marc

    En complément de mon dernier message, certains auteurs écrivaient donc "une orque", au lieu "d'une ourque".

     

    Bien respectueusement 

      • Lundi 23 Août 2021 à 23:49

        La graphie consignée dans les dictionnaires est une hourque : "les vieilles hourques hollandaises" (Claudel).

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