• Alien grammatical en vue

    « Le système à Washington est dysfonctionnel et la capitale s’est aliénée ses citoyens à un niveau quasi historique. »
    (Matt Welch, traduction par Emmanuelle Richard, sur lemonde.fr, le 13 mai 2016)  


    FlècheCe que j'en pense


    Emprunté du latin alienare (« rendre autre, étranger » ; « égarer l'esprit ») − dérivé de alienus (« d'autrui, étranger »), lui-même issu de alius (« autre») −, le verbe aliéner est à l'origine un terme de droit, qui signifie « céder à autrui la propriété d'un bien ou d'un droit » : aliéner une rente, un domaine. Dans la langue usuelle, il s'emploie en parlant des choses au sens de « faire abandon de, laisser échapper » (aliéner sa liberté) et en parlant des personnes (ou de l'âme, de l'esprit) au sens de « rendre hostile, éloigner de soi » (ses médisances lui ont aliéné ses amis). À la forme pronominale, il convient de bien distinguer les constructions s'aliéner à quelqu'un, à quelque chose (lui faire abandon de sa personne) et s'aliéner quelqu'un (se le mettre à dos, le détourner de soi).

    Toujours est-il que, ledit verbe étant transitif direct, c'est l'éventuel complément d'objet direct (et non pas le sujet) qui commande l'accord de son participe passé, quand celui-ci suit celui-là : « les peuples, qu'il s'est aliénés par ses exactions » (Frédéric Bastiat), mais « Elles se sont aliéné nombre de bonnes âmes que je sais incapables d'un aussi grand dévouement » (Victor Cohen Hadria). Las ! la confusion se répand jusque dans des ouvrages que l'on pouvait supposer sérieux : « Elle s'est aliénée notre sympathie. Ils se sont aliénés leurs meilleurs amis » (Dictionnaire des homonymes de la langue française, où s'aliéner est traité − à tort − comme un verbe essentiellement pronominal). Pas de quoi interner pour autant les contrevenants dans un asile... d'aliénés.

    Remarque : L'adjectif dysfonctionnel, qui ne figure à ma connaissance dans aucun ouvrage de référence, est la traduction de l'anglais dysfunctional (« qui a un fonctionnement troublé » ?), « mot lui-même très à la mode dans l'anglais-qui-se-cause d'aujourd'hui » selon Pierre Merle.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    La capitale s’est aliéné ses citoyens.

     

    « Tout va(t) mal, rien ne va plusVol au-dessus d'un repaire d'homophones »

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