• Hormi(s)

    « Heureusement, hormi la brume "à couper au couteau" (...), "la mer était très belle" » (lors du récent échouement d'un navire aux abords de l'archipel de Molène).

    (paru sur ouest-france.fr, le 3 septembre 2013) 
    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Pline)
     

    FlècheCe que j'en pense


    De fait, le brouillard devait être particulièrement épais pour que notre journaliste y perdît ainsi la trace du s final de la préposition hormis, employée – surtout dans la langue écrite – pour marquer l'exception : Ils sont tous venus le voir, hormis sa mère (= excepté, à l'exclusion de, sauf sa mère).

    Vous l'aurez deviné, l'étymologie n'est pas étrangère à la présence de ce s trop souvent ormis – pardon, omis – par fausse analogie avec parmi : selon le Dictionnaire historique de la langue française, la locution employée à l'origine était en effet hors mis que (littéralement « étant mis hors, étant exclu que ») : « Je sui ci seuls et desgarnis / De conseil, hors mis que de vous » (Froissart).

    Est-il besoin de rappeler que, bien que formée de la préposition hors et du participe passé du verbe mettre, hormis reste invariable par tous les temps ?

    Astuce

    Moyen mnémotechnique :

    Hormis est la lexicalisation de hors mis (participe passé de mettre).
    Parmi est la lexicalisation de par mi (« qui est au milieu »).

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Hormis la brume à couper au couteau, etc.

     


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  • Prise de tête


    « Elle s'est pris(e) une amende. »
     
     
     

    FlècheCe que j'en pense


    Une lectrice m'interpelle en ces termes : « J'ai beau aller sur cent sites internet, je ne trouve pas ma réponse. Écrit-on "elle s'est pris une amende" ou "elle s'est prise une amende" ? »

    Nous sommes ici en présence d'une construction pronominale employée par la langue familière contemporaine comme variante de la construction active, sans différence de signification apparente :

    Il s'est pris une amende = il a pris une amende.

    Il s'est mangé toute la plaque de chocolat = il a mangé toute la plaque de chocolat.

    Il s'est regardé un bon film = il a regardé un bon film.

    Dans ces emplois courants, que les dictionnaires usuels continuent pourtant d'ignorer, la présence de se laisse inchangée la construction transitive des verbes... et échappe à l'analyse : autant il est aisé de percevoir le complément d'objet indirect (ou second) derrière le pronom personnel dans la phrase Il s'est pris les pieds dans le tapis (il a pris quoi ? les pieds à lui), autant on hésite à avancer l'argument Il a pris une amende pour lui. Certains spécialistes parlent dans ce cas de construction « à réfléchi d'intérêt » – par allusion au datif d'intérêt que l'on rencontre dans les tours où le pronom complément n'a pas de véritable fonction grammaticale dans l'énoncé, mais renvoie à la personne au profit ou au détriment de qui l'action est faite (Va me ranger ta chambre ! Il nous a défoncé la porte) – pour justifier l'addition du pronom « réfléchi » se, qui vient expressivement redoubler, auprès d'un verbe qui ne l'exige pas, la mention de l'individu dont « l'intérêt » est engagé dans l'action exprimée par le verbe.

    Quel que soit le jargon grammatical employé, la présence d'un complément d'objet direct après le participe passé d'un verbe transitif commande l'invariabilité dudit participe. Mieux vaut ne pas l'oublier si l'on veut éviter de se retrouver... à l'amende.


    Voir également le billet Accord du participe passé des verbes pronominaux.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Elle s'est pris une amende (une veste, un râteau, un bide, un savon, un coup, une claque, une fessée, etc.).

     


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  • Dommage

    « Renault Trucks, ancienne division de poids lourds de Renault, aujourd’hui possession du groupe suédois Volvo, a décidé de faire le chemin inverse et de rapatrier la fabrication des camions de Turquie en France. Dommage que Renault-Nissan a fait le choix contraire en allant produire la Clio en Turquie. »

    (Jack Dion, sur marianne.net, le 22 août 2013) 
     
     
     

    FlècheCe que j'en pense

     
    Que nous disent les poids lourds de la langue ? « Dommage que se construit généralement avec le subjonctif : Dommage qu'il soit arrivé en retard » avance prudemment Thomas. Girodet, comme à son habitude, est bien plus catégorique : « Le mode employé après [dommage] que est toujours le subjonctif. » Hanse acquiesce, tout en reconnaissant que « l'indicatif, pour marquer la réalité du fait, est très rare aujourd'hui »... mais pas incorrect. De fait, conclut Littré, La Fontaine s'est autorisé « cette licence, qui ne choque ni règle, ni analogie [et] peut [donc] être imitée » : C'est bien dommage que tu n'es point entré.

    Convenons que, quand il s'agit d'exprimer le regret, le désaccord, la déception, le subjonctif – mode du sentiment – est autrement indiqué que l'indicatif : Je regrette qu'il soit venu. Je déplore qu'il ne m'ait pas cru. Mais après les locutions introductives Il est (vraiment, bien) dommage que, C'est (vraiment, bien) dommage que, Quel dommage que (et leur raccourci familier Dommage que), il arrive que la subjectivité de l'appréciation formulée dans la principale vienne se heurter à la réalité de l'action de la subordonnée (notamment quand celle-ci exprime une vérité indiscutable, comme c'est le cas dans l'affaire qui nous occupe) et justifie l'hésitation avec l'indicatif.

    Dans le doute, on s'en tiendra à la position de l'Académie, qui privilégie le subjonctif quel que soit le contexte : Il est dommage qu'on ait démoli cette vieille demeure. Dommage qu'il soit parti ! Quel dommage que notre journaliste ait décidé de suivre une autre voie...

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Dommage que Renault-Nissan ait fait le choix contraire (de préférence à : a fait).

     


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  • « Des chevaux de selles en retraite, impropres à la consommation humaine étaient envoyés en Belgique pour falsifier leurs carnets de santé et renvoyés en France pour être abattu et consommés. »

    (paru sur liberation.fr, le 30 août 2013) 
    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Rror) 
     

    FlècheCe que j'en pense

     
    Passons sur les règles d'accord et de ponctuation, que notre journaliste bafoue de façon bien cavalière, pour nous intéresser à l'expression cheval de selle, utilisée par opposition à cheval de trait, de somme, de bât pour désigner un cheval destiné à la selle – entendez : propre à être monté (par un cavalier assis sur une selle) plutôt qu'à être attelé. En l'espèce, la logique veut que seul cheval prenne la marque du pluriel, le complément restant au singulier en l'absence de toute considération particulière imposant l'idée de pluralité : un cheval de selle, des chevaux de selle, comme on écrit un cheval de course, des chevaux de course ; un cheval de trait, des chevaux de trait ; etc. Telle est en tout cas la graphie retenue par l'Académie dans son Dictionnaire (aux entrées arrière-train, avant-train, demi-sang et pur-sang).

    Las ! notre journaliste ne semble pas davantage à cheval sur les règles de formation des pluriels. De là à l'envoyer aux abattoirs...


    Remarque : L'honnêteté m'oblige à préciser que, le chapeau passé, c'est bien la graphie chevaux de selle qui a été retenue dans le corps de l'article. La coquille a donc tout l'air du grain de... selle qui vire au grain de sable.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Des chevaux de selle, impropres à la consommation humaine, étaient envoyés en Belgique, où leurs carnets de santé étaient falsifiés, et renvoyés en France pour être abattus et consommés.

     


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