• Fut-il

    « Un mensonge, fut-il répété dix fois, cent fois, mille fois, ne fait pas pour autant une vérité » (à propos du prétendu exode fiscal des Français les plus riches).
    (Laurent Neumann, sur marianne.net, le 20 février 2013)

     

     

     
    FlècheCe que j'en pense


    Monsieur le journaliste, vous me copierez dix fois, cent fois, mille fois : « Je ne confondrai plus le passé simple de l'indicatif et le subjonctif imparfait du verbe être. »

    Certes, les deux formes conjuguées ne diffèrent que par un malheureux accent circonflexe. Il n'empêche, ledit accent n'a rien de... futile ! Seul l'imparfait du subjonctif peut, en effet, être occasionnellement employé avec une valeur de conditionnel, comme nous le rappelle justement Grevisse : « L’imparfait du subjonctif peut, dans une sous-phrase ayant la valeur d’une proposition commençant par même si, équivaloir à un conditionnel présent. Ce tour appartient à la langue littéraire, sauf avec fût-ce, plus répandu. »

    En d'autres termes, notre phrase pourrait s'écrire de façon équivalente : « Un mensonge, serait-il répété dix fois » ou encore « Un mensonge, même s'il était répété dix fois », etc.

    Je vous assure qu'il s'agit là de la stricte vérité, fût-ce au risque de contrarier notre journaliste, quelle que fût sa richesse intérieure.


    Voir également le billet Fût-ce.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Un mensonge, fût-il répété dix fois, cent fois, mille fois, ne fait pas pour autant une vérité.

     


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  • « "Aujourd’hui chacun sait que nous n’atteindrons pas les 0,8% qui étaient prévus", a confirmé mardi François Hollande » (à propos des prévisions de croissance de la France pour 2013).

    (dépêche AFP, sur liberation.fr, le 19 février 2013)

     

     

    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Jean-Marc Ayrault)

     
    FlècheCe que j'en pense


    En français, la marque du pluriel commence à 2. On écrira donc : 1,5 euro mais 2 euros.

    Appliquée à l'expression d'un pourcentage, cette règle est ainsi formulée par l'Académie : « Si le pourcentage ne possède pas de complément, l’accord se fait avec l’expression du pourcentage, au singulier si celui-ci est inférieur à 2, sinon au pluriel : 1,9% a voté contre la motion ; 97,1% ont voté pour la motion ; 1% s’est abstenu ».

    Dès lors, on est fondé à s'interroger sur les raisons qui motivent ici le choix de l'article les (si ce n'est pour donner plus de corps à cette maigre prévision de croissance). Si encore le complément sous-entendu était lui-même au pluriel... mais en l'occurrence c'est de croissance qu'il s'agit ! Pourquoi ce qui vaut pour le 1 % logement et le 1 % patronal ne serait plus d'actualité dès lors qu'il est question de 0,8 % du PIB ? Plus d'un économiste arguerait pourtant que « qui peut le plus peut le moins »...

    Il est vrai que la langue courante ne se formalise guère de ce genre d'incohérences. Après tout, n'entendra-t-on pas, dans quelques mois, que François Hollande s'apprête à fêter les un ans de son élection (au lieu du premier anniversaire de son élection) ?


    Voir également le billet Pluriel des nombres fractionnaires.

     

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    Ce qu'il conviendrait de dire


    Aujourd’hui chacun sait que nous n’atteindrons pas (l'objectif de) 0,8 % de croissance.

     


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  • Un bolide céleste« Trois options contre un bolide céleste. »

    (sur lunion.presse.fr, le 16 février 2013)

     

     

     

    (photo AFP)

     
    FlècheCe que j'en pense


    « Comment éviter une collision entre la Terre et un astéroïde ? » se demande avec le sérieux d'un Bruce Willis un journaliste du site de L'union L'Ardennais.

    Sans doute serait-il plus urgent que celui-ci s'interrogeât en premier lieu sur le moyen d'éviter tout Armageddon sémantique...

    Rappelons, en effet, que le substantif masculin bolide, emprunté du latin bolis, -idis (« météore »), désigne proprement un corps céleste que sa vitesse rend incandescente lors de la traversée des couches atmosphériques et qui fait souvent explosion – définition qui en fait un synonyme (généralement qualifié de vieilli) de météorite. Ce n'est que par analogie que ledit bolide prend le sens moderne de « véhicule animé d'une très grande vitesse ».

    Partant, on mesure mieux pourquoi l'expression bolide céleste relève davantage de l'attelage pléonastique que du trait (journalistique) de génie.


    Voir également le billet Météore/Météorite.

     

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    Ce qu'il conviendrait de dire


    Trois options contre un corps céleste (voire « contre un bolide », au risque de ne pas être compris...).

     


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  • Un(e) astéroïde« Si l’astéroïde avait touché la Terre, elle aurait pu anéantir une grande agglomération » (à propos de 2012 DA 14, photo ci-contre, qui a récemment frôlé notre planète).

    (dépêche AFP, sur liberation.fr, le 15 février 2013)

     
    (photo AFP)

     
    FlècheCe que j'en pense


    Brute, canaille, crapule, dupe, fripouille,
    etc. Le genre féminin regorge suffisamment de noms à connotation péjorative, en français, pour ne pas en rajouter inutilement, au moindre danger qui se profile au-dessus de nos têtes.

    Inutile, pour autant, de jeter la pierre à notre journaliste. La confusion qu'il a commise sur le genre d'astéroïde (substantif masculin, emprunté du grec asteroeidês, « en forme d'étoile, étoilé ») s'explique sans doute par les infinies hésitations de nos spécialistes sur celui de météorite : exclusivement féminin chez Littré, Girodet et Larousse (en raison de sa terminaison en -ite ?), féminin ou masculin au choix dans le Dictionnaire de l'Académie et chez Robert (même si Alain Rey note dans le Dictionnaire historique : « nom féminin souvent pris pour un masculin »), et le plus souvent masculin chez les scientifiques (selon Hanse). On notera au passage que météore est, lui, unanimement répertorié comme substantif masculin.

    Un (gros) caillou de plus dans la chaussure des passionnés d'astronomie.


    Voir également le billet Météore/Météorite.

     

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    Ce qu'il conviendrait de dire


    S'il avait touché la Terre, l’astéroïde aurait pu anéantir une grande agglomération.

     


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  • Une autorisation express« Une question qui ne demande pas une autorisation spéciale de la CNIL (...) ou une autorisation express des personnes interrogées, contrairement à toute autre question sur les pratiques sexuelles » (à propos d'une enquête de l'INSEE sur le nombre de couples homosexuels en France).

    (Agnès Leclair, sur lefigaro.fr, le 14 février 2013)


     
    FlècheCe que j'en pense


    Sans doute notre journaliste ne l'a-t-il pas fait exprès, mais, dans la précipitation d'un bouclage express de son article, la coquille aura échappé à sa vigilance.

    Car de quoi parle-t-on ? D'une autorisation formelle exigée par la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) ou d'une permission rapidement accordée par les personnes interrogées ?

    La confusion entre le couple d'adjectifs exprès / express est une pratique (non sexuelle) courante. Il faut dire que tout semble avoir été mis en œuvre pour faire trébucher le quidam. Jugez-en plutôt : l'adjectif exprès (« impératif, formel, absolu »), qui donne expresse au féminin (défense expresse de fumer), change de sens et s'affranchit de l'accord dès lors qu'il passe le seuil de la poste (une lettre exprès, adjectif invariable dont le s final se prononce – à la différence de celui de l'adverbe rencontré dans Il l'a fait exprès). Quant à l'adjectif express (« qui se déplace ou s'accomplit rapidement »), il reste invariable (une voie, une rencontre express).

    De là à se ruer sur la machine à café pour se servir un express afin de garder les idées claires...


    Voir également le billet Exprès/Express.

     

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    Ce qu'il conviendrait de dire


    Une autorisation expresse des personnes interrogées.

     


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