• Un concours auxquels

    « Certes, ce n'est pas un concours de beauté auxquels sont invités les adhérents de l'UMP, le 18 novembre prochain » (à propos de l'élection du futur président du parti).
    (Matthieu Deprieck, dans L'Express no 3201, novembre 2012) 

    FlècheCe que j'en pense


    Voilà un bel exemple de cette paresse intellectuelle qui consiste à ne plus savoir accorder un pronom relatif avec son antécédent.

    Si la langue relâchée a – bien à tort – tendance à rendre lequel invariable, notre journaliste, quant à lui, a cru devoir donner au pronom relatif composé auquel le nombre et le genre du sujet de la proposition relative (les adhérents de l'UMP). C'est oublier que le pronom relatif est censé s'accorder avec l'antécédent qu'il représente (un concours de beauté). Oh ! qu'il est vilain cet accord, auquel on ne saurait adhérer !

    Par ailleurs, on est en droit de se demander s'il n'aurait pas été plus judicieux de rattacher la préposition à à l'antécédent mis en relief...

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    « Ce n'est pas un concours de beauté auquel sont invités les adhérents de l'UMP » ou mieux : « Ce n'est pas à un concours de beauté que sont invités les adhérents de l'UMP ».

     


    votre commentaire
  • Il faut mieux

    « Dès lors que nous n'étions pas suffisamment au clair sur les risques écologiques des forages, il fallait mieux se limiter aux seules expérimentations » (à propos du débat sur l'exploitation des réserves de gaz de schiste).
    (Jean-François Copé, lors du Grand rendez-vous Europe 1, le 11 novembre 2012) 



    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Marie-Lan Nguyen)

     

    FlècheCe que j'en pense


    Voilà un joli barbarisme – « un solécisme grossier », selon Dupré – qui résulte de la confusion entre deux tours corrects : Il faut (idée d'obligation, de nécessité) et Il vaut mieux (idée de préférence, d'avantage).

    Comparez : Il faut se limiter aux seules expérimentations et Il vaut mieux (ou Mieux vaut) se limiter aux seules expérimentations.

    On retiendra que l'adverbe mieux ne peut accompagner qu'un verbe susceptible d'introduire un avantage (aimer, valoir, etc.), à la différence de falloir qui exprime une obligation absolue ne souffrant ni degrés ni comparaisons. En revanche, Il faut mieux évaluer les risques écologiques ne saurait prêter le flanc à la critique, puisque mieux porte logiquement sur évaluer (et non pas sur falloir).

    Dans notre exemple, Jean-François Copé s'est manifestement emmêlé les forages entre les deux constructions impersonnelles. Un bel exemple d'usine à gaz, si je... pui(t)s me permettre.

    Voir également le billet Falloir / Valoir.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Il valait mieux se limiter aux seules expérimentations.

     


    votre commentaire
  • Il a stupéfait ses proches

    « François Bayrou a stupéfait ses proches en s'exprimant récemment sur le projet de mariage pour tous. »
    (lu dans Le Point no 2093, octobre 2012) 

     

     
    François Bayrou (photo Wikipédia sous licence GFDL par Guermonprez)

     

    FlècheCe que j'en pense


    La règle est pourtant claire : à stupéfait (du latin facere, sens actif) le rôle d'adjectif ; à stupéfié (du latin fieri, sens passif) celui de participe passé. L'usage l'est beaucoup moins...

    Si certains spécialistes (Grevisse, Dupré) ne voient pas au nom de quel principe on refuserait à un participe passé (stupéfié) d'être utilisé comme adjectif, tous s'accordent pour cantonner stupéfait dans son emploi adjectival. Tous ? Pas exactement...

    Larousse et Robert ont depuis longtemps accueilli dans leurs colonnes le très contesté verbe stupéfaire, légitimant de fait l'emploi de stupéfait comme participe passé. Force est de reconnaître à ceux qui tiennent ledit verbe pour un affreux barbarisme qu'il se rencontre sous les meilleures plumes : « Cela me stupéfait » (Flaubert), « Une chose par-dessus tout m'a stupéfait » (Mauriac).

    L'Office québécois de la langue française justifie cet état de fait d'une pirouette : « Ce verbe [qui] ne se rencontre qu’à la troisième personne du singulier du présent de l’indicatif et aux temps composés [est] d’un emploi rare et littéraire. » La belle affaire ! Vous ne serez donc pas... surpris de me voir privilégier le verbe stupéfier dans l'exemple qui nous occupe.

    Voir également le billet Stupéfait / Stupéfié.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Il a stupéfié ses proches.

     


    votre commentaire
  • Jusque et y compris

    « On l'étend parfois dans un espace dédié, mais il est souvent éparpillé dans toutes les pièces, jusque et y compris le salon et les chambres à coucher » (à propos du linge qui sèche).
    (Marielle Court, sur lefigaro.fr, le 6 novembre 2012) 

    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Drw25)

     

    FlècheCe que j'en pense


    Je ne... m'étendrai pas sur cette manie qui consiste à employer dédié au sens élargi de « consacré, réservé, spécialisé, destiné, affecté » (voir à ce sujet le billet Dédier).

    Pour le reste, c'est toujours la même rengaine : on croit faire partie du beau linge en usant d'un beau parler dont on ne maîtrise pas les subtilités, et l'on se fait étendre sur place. Le ridicule sème à tout vent, jusques et y compris dans les colonnes de nos journaux les plus sérieux.

    Il se trouve que, devant une voyelle, si l'élision est d'usage, il fut un temps où jusque prenait fréquemment un s final. De nos jours, la graphie jusques est une forme archaïque qui ne se rencontre plus guère que dans la locution figée jusques et y compris (pour indiquer avec insistance le point limite d'un ensemble), ainsi qu'en poésie, pour des considérations phonétiques.

    Jusqu'à quand ? (registre courant) ou Jusques à quand ? (registre littéraire et quelque peu affecté).

    Vous lirez ce dossier, jusques et y compris les annexes (marque un renchérissement par rapport à y compris).

     

    Voir également le billet Jusque.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    On l'étend parfois dans un espace aménagé (réservé), mais il est souvent éparpillé dans toutes les pièces, jusques et y compris le salon et les chambres à coucher.

     


    votre commentaire
  • Il est des débats qui enflamment toujours les spécialistes : chausse-trap(p)e prend-il un p ou deux p ? Un, si l'on en croit le Robert illustré 2013 (qui donne toutefois chausse-trappe comme variante orthographique) ; au choix, si l'on s'en tient à la position consensuelle du Petit Larousse, qui admet les deux graphies.

    Que nous enseigne l'étymologie ? Selon le Dictionnaire historique de la langue française, ledit substantif féminin est emprunté « de l'ancien français canketrepe (v. 1180), chauchetrepe (av. 1220), lui-même fréquemment altéré, notamment en caude treppe ». L'hésitation sur l'orthographe du second terme ne date donc pas d'hier : treppe – qui évoque immanquablement l'allemand treppe, « marche » (racine de trappiste) et le vieil anglais treppe, « trappe » – concurrençait trepe dès le XIIIe siècle ! Ainsi le poète français Eustache Deschamps recourut-il à plusieurs variantes dans ses Ballades (fin du XIVe siècle) : « Je voy l'ortie et le chardon, / Le jonc marin et la sicue, / La cauppe treppe et le tendon » (Ballade des mauvaises herbes) ; « Mais d'orties et ronces y a tant, / Cauppetrapes et lierre qui pourprant » (Ballade du Jardinier).

    Toujours selon Alain Rey, connu pour aller au fond des chausses, chauchetrepe – composé de deux anciens verbes de sens voisin : chauchier (« fouler aux pieds ») et treper (« marcher sur » ou « sauter », que l'on retrouve dans trépigner) – est attesté en latin médiéval par la forme calcatripa (ou calcitrapa), « chardon ». Voilà qui éclaire notre lanterne : le mot désigne à l'origine une sorte de chardon étoilé, dont les épines ne manquent sans doute pas de faire bondir le va-nu-pieds. C'est par analogie d'aspect que le sens s'est étendu, dès la fin du XIIIe siècle, à la pièce de fer garnie de pointes qu'on jetait sur les routes et où hommes et chevaux s'enferraient. L'orthographe de ce cousin de la herse de nos barrages policiers n'en demeura pas moins un sujet toujours aussi épineux : « Caton de son temps [...] conseilloit que la court judiciaire feust de chausses trappes pavées » (Rabelais) ; « [Des soldats] avoient semé des chausse-trapes soubz l'eau » (Montaigne). L'idée de piège désormais attachée à ce mot va se voir confortée par l'attraction de trappe et l'effacement du verbe treper : au cours du XIVe siècle, chausse-trap(p)e s'enrichit du sens de « piège pour prendre les animaux sauvages ». Partant, on s'interroge avec Littré : « Trappe s'écrivant avec deux p, on ne voit pas pourquoi, dans chausse-trape, il n'y en a qu'un. » Et pour cause : Littré voyait (un peu vite) derrière la formation de ce mot l'image d'une trappe qui chausse, entendez un piège qui chausse en quelque sorte les pattes de l’animal dès lors que ce dernier marche dessus.

    Au sens figuré, de loin le plus fréquent de nos jours, le mot s'entend d'« un piège que l'on tend à quelqu'un », d'« une difficulté cachée à dessein » : Une affaire pleine de chausse-trap(p)es dangereuses. L'Académie aura attendu la neuvième édition de son Dictionnaire (1992) pour enregistrer ladite acception et, surtout, pour rétablir les deux p à chausse-trappe tout en signalant la nouvelle orthographe chaussetrappe, qui, comme toutes les rectifications orthographiques de 1990, reste soumise à l'épreuve du temps. Si cette position peut encore sembler à certains contestable du point de vue de l'étymologie (malgré l'existence de l'ancienne forme treppe), elle paraît fort légitime du point de vue de la sémantique et du bon sens. À tel point que feu l'académicien Jacques Laurent, un rien provocant, prit un réel plaisir à enfoncer le pieu dans Le Français en cage (1988) : « C'est sans doute à la suite d'une erreur due à l'ignorance de l'orthographe de trappe ou à un culte excessif de l'étymologie que l'un des deux p a disparu. » La « gaffe » (sic) est depuis réparée.

    À moins de parler du chardon ou de l'engin de défense (et encore...), sans doute est-il préférable d'écrire, selon la logique, chausse-trappe.

    Séparateur de texte


    Remarque 1
    : Il faut bien reconnaître que la suggestion de Littré, intellectuellement satisfaisante, est grammaticalement contestable. En effet, quand un mot composé est formé d'un verbe et d'un substantif, celui-ci est traditionnellement énoncé après celui-là : un chausse-pied. La chausse-trappe de Littré « serait donc normalement un appareil destiné à chausser une trappe, comme un chausse-pied est un appareil destiné à chausser le pied. C'est absurde », fait justement remarquer André Rigaud.

    Remarque 2 : La véritable incohérence réside plutôt dans le fait que les dérivés et les composés de trappe (attraper, attrapade, attrape-nigaud, etc.) ne prennent qu'un p. Cette anomalie orthographique mériterait d'être à son tour régularisée.

    Remarque 3 : Si le pluriel aujourd'hui retenu par l'Académie est chausse-trappes (chaussetrappes, en orthographe rectifiée), l'ancien pluriel caudes treppes a pu favoriser la forme chausses-trappes rencontrée chez de nombreux auteurs  (Rabelais, Diderot, Mirabeau, Chateaubriand, Balzac, Hermant, Frison-Roche, etc.).

    Chausse-trap(p)e

    « Manuel anti-chausse-trappes », en guise de sous-titre.


    votre commentaire