• Attention : querelle de spécialistes !

    D'un côté, Girodet et Hanse, pour qui l'adjectif stupéfait, indiquant un état, ne doit pas être confondu avec le participe passé du verbe stupéfier (= causer une grande surprise, au sens figuré), suggérant l'action.

    Aussi s'évertuent-ils à bien distinguer les constructions : on est stupéfait de quelque chose (adjectif suivi de son complément) mais stupéfié par quelque chose (forme passive, avec complément d'agent).

    Sa conduite les stupéfie  Ils sont stupéfaits de sa conduite (et non stupéfaits par sa conduite : la construction passive exige la forme verbale de stupéfier) ou Ils sont stupéfiés par sa conduite (et non stupéfiés de sa conduite).

    Elle a été stupéfaite d'apprendre cela mais Elle a été stupéfiée par cette nouvelle.

    Cette nouvelle nous a stupéfiés (et non nous a stupéfaits) mais Cette nouvelle nous a laissés stupéfaits ou Nous sommes restés stupéfaits devant cette nouvelle.

    Elle le regarde d'un air stupéfait. Elle en resta stupéfaite.

    De l'autre, Grevisse et Dupré qui, tout en ne reconnaissant eux aussi à stupéfait que son emploi adjectival, ne voient en revanche aucune raison de refuser l'utilisation du participe passé stupéfié comme adjectif (équivalent, dans ce cas, de stupéfait), alors que c'est pratique courante en français (Il a été surpris par la nuit / Il a été tout surpris de ma visite). D'où les formulations suivantes, également correctes à leurs yeux :

    Il a été stupéfié d'apprendre cela (en plus de Il a été stupéfait d'apprendre cela).

    Elle en resta stupéfiée (où en équivaut à de cela).

    Au milieu, Larousse et Robert, qui ne se sont pas privés d'enregistrer le – très – controversé verbe stupéfaire (= étonner, frapper de stupeur), doublet inutile de stupéfier à la 3e personne du singulier de l'indicatif présent et aux temps composés. Donnant ainsi toute légitimité à l'emploi de stupéfait non plus seulement comme adjectif mais également comme forme de conjugaison : Elle a stupéfait tout le monde en réussissant (au lieu de Elle a stupéfié tout le monde).

    Stupéfiant, ne trouvez-vous pas ?

    Dans le doute, et dans la langue soignée, mieux vaut éviter d'employer stupéfait comme participe passé :

    Cette nouvelle m'a stupéfié (de préférence à Cette nouvelle m'a stupéfait).

    Cela me stupéfie (de préférence à Cela me stupéfait).

    Astuce

    On retiendra qu'il est déconseillé de dire être stupéfait par : on peut être stupéfait de quelque chose ou stupéfié par (voire de) quelque chose.


    Stupéfait / Stupéfié

     


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  • Le substantif féminin confiance se rencontre dans plusieurs expressions construites avec des prépositions différentes : faire confiance à quelqu'un / à quelque chose, gagner / mériter / conserver / perdre la confiance de quelqu'un, mettre quelqu'un en confiance, etc.

    De son côté, l'expression avoir confiance admet deux constructions :

    • avec en, devant un nom de personne ou un pronom personnel.

      J'ai confiance en mon médecin, en lui, en Dieu.

    • avec en ou dans, devant un nom de chose (dans étant privilégié devant les articles le, la, les, ainsi que devant les pronoms lequel, laquelle, lesquels et lesquelles, pour des raisons d'euphonie).

      J'ai confiance en l'avenir ou dans l'avenir mais J'ai confiance dans les institutions (et non en les institutions).
      Il a confiance en ou dans sa famille.
      Les marchés financiers ont perdu toute confiance en ou dans l'Espagne.

     

    En résumé

    On a confiance en quelqu'un mais en ou dans quelque chose (dans étant privilégié devant l'article le, la ou les).

     

    Remarque 1 : Les mêmes observations valent pour les expressions mettre (ou placer) sa confiance, garder (ou perdre) confiance, avoir foi.

    Remarque 2 : Bien que condamnée par certains puristes qui lui préfèrent accorder, mettre ou donner sa confiance, l'expression faire confiance, attestée dans le Dictionnaire de Richelet (1728), est tout à fait entrée dans l'usage. Elle se construit avec à, devant un nom de personne ou un nom de chose.

    Je fais confiance à mon patron, à ma bonne étoile.

    Remarque 3 : Le verbe se fier se construit le plus souvent avec à (parfois avec sur).

    Fiez-vous à lui (de préférence à Fiez-vous y). Il se fie sur ses propres forces.

    Remarque 4 : Voir également les billets Être confiant que et En (suivi de l'article défini).

    Avoir confiance (en, dans)

     


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  • Voilà une expression dont on use et abuse au point d'en oublier le sens.

    En effet, la locution prépositive au niveau de signifie proprement « à la hauteur de » et décrit, de fait, la position dans l’espace de deux choses l’une par rapport à l’autre.

    La température relevée au niveau du sol.

    La fuite s'est produite au niveau de la soudure.

    Il est parvenu au niveau du rond-point.

    Au sens figuré, cette locution ne doit être employée, selon l'Académie, « que lorsqu'elle exprime une comparaison entre deux termes ».

    Son talent n'est pas au niveau de sa réputation.

    Cet élève n'est pas au niveau de sa classe.

    Les exemples suivants, bien que ne suggérant pas de comparaison, supposent un degré, un grade, un échelon et sont donc considérés comme corrects par de nombreux spécialistes (Bescherelle, Hanse, etc.) mais pas forcément par l'Académie.

    Ces dossiers seront traités au niveau des conseillers.

    Cette décision sera prise au niveau de la direction.

    En revanche, c'est à tort que l'on emploie au niveau de en l'absence de toute notion d'échelle, au sens de « en ce qui concerne, sur le plan de, du point de vue de, pour ce qui est de, en matière de, dans le domaine de, quant à, etc. »

    Nous avons un problème en ce qui concerne les ressources humaines (et non au niveau des ressources humaines).

    Le talent de cet artiste se manifeste surtout sur le plan de l'expressivité (et non au niveau de l'expressivité).

    Il va subir une opération au cœur (et non au niveau du cœur).

    On a relevé des erreurs d'arbitrage (et non des erreurs au niveau de l'arbitre).

    Les scores du parti progressent (et non Le parti progresse au niveau des scores).

    Séparateur de texte


    Remarque 1
    : Je n'ose ici évoquer cette vilaine expression « au niveau du vécu », qui a fait florès en dépit d'un... niveau de langue à peine correct.

    Remarque 2 : L'expression se mettre au niveau de signifie « se mettre à la portée de » et n'est pas sujette à critique.

    Afin de bien se faire comprendre, il s'est mis au niveau de son interlocuteur.

    Remarque 3 : Employée dans le sens figuré de « au niveau de », la locution au plan (de) est critiquée par l'Académie. On la remplacera par sur le plan (de) − suivi d'un substantif ou d'un adjectif −, ou, mieux encore, par d’autres locutions telles que dans le domaine de, en matière de, du point de vue de, au sujet de, pour ce qui est de, en ce qui concerne.

    Sur le plan moral, sur le plan de la santé (ou mieux : du point de vue de la morale, en matière de santé).

    Sur tous les plans.

    Au niveau de

     


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  • Cela prête toujours à sourire mais on constate encore parfois la confusion entre induire et enduire.

    • Induire signifie « porter, pousser à faire quelque chose (généralement de mal) ».

    Induire quelqu'un en erreur (et non enduire en erreur) = tromper volontairement.

    • Enduire signifie « recouvrir d'un enduit ou d'une matière semi-liquide ».

    Elle s'est enduite de crème mais Elles s'est enduit les mains de crème.

     

    Enduire / Induire
    Livre de Max Direktor

     


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  • Aborigène, nom et adjectif, vient du latin Aborigines, qui désignait les premiers habitants du Latium, le peuple primitif d'Italie.

    Un aborigène est donc une personne qui vit dans le pays ab origine, c'est-à-dire « depuis le commencement » (par opposition à celle qui vient s'y installer)... pas quelqu'un qui aurait élu domicile dans les arbres, comme peut le laisser supposer le barbarisme consistant à affubler ledit substantif d'un r superfétatoire, par confusion avec le radical arbor, « arbre » en latin (arboriculture, arboricole et non arborigène).

    On notera que l'adjectif aborigène s'applique non seulement aux êtres humains, mais également à tous les êtres vivants.

    Les aborigènes d'Australie (ou de n'importe quel autre pays !), la flore aborigène.

    Un singe arboricole (= qui vit dans les arbres).

    Séparateur de texte


    Remarque 1
    : Au sens de « personne qui est originaire du pays où elle vit », le substantif aborigène a pour synonyme indigène et autochtone. Littré distingue cependant ces trois termes selon leur étymologie :

    « Autochthone [du grec aûtos, "même", et khthôn, "terre"], qui est de la terre même ; indigène, qui est né dans le pays ; aborigène, qui est dès l'origine dans un pays. Indigène [du latin indigena, "né dedans"] indique seulement les gens nés dans un pays ; idée à laquelle autochthone et aborigène ajoutent que le peuple dont il s'agit a été de tout temps dans le pays et n'y est pas venu par immigration. Les créoles sont indigènes des Antilles ; mais ils ne sont ni autochthones ni aborigènes. Entre autochthone et aborigène, il n'y a que cette différence-ci, et qui est purement étymologique : autochthone rappelle à l'esprit l'opinion antique que l'homme naquit de la terre, tandis que aborigène n'implique rien sur la question d'origine. » (NB : On écrit désormais autochtone avec un seul h.)

    Astuce

    On retiendra que l'aborigène et l'autochtone vivent dans le pays depuis l'origine de son peuplement (en tant que premiers occupants du territoire), quand l'indigène est simplement né sur place.


    Les mêmes remarques valent avec les adjectifs associés, à cette nuance près – me semble-t-il – que seuls indigène et autochtone peuvent se dire des choses (coutume, littérature, langue, musique, religion...) avec le sens de « qui est propre à un pays », et que seul autochtone peut s'appliquer aux terrains (« qui est formé sur place », en termes de géologie). On notera enfin qu'indigène prend parfois, dans l'usage actuel, une connotation péjorative infondée, tandis qu'aborigène s'est abusivement spécialisé dans la dénomination des populations d'Australie et de Nouvelle-Zélande.

    Les aborigènes, indigènes ou autochtones d'Indonésie.
    La population aborigène, indigène
    ou autochtone.
    Une plante aborigène, indigène
    ou autochtone.
    Une langue indigène ou autochtone
    (mais la langue aborigène dans son acception restreinte et abusive de « peuple primitif d'Australie »).
    Une roche autochtone.

    Remarque 2 : L'adjectif allogène (composé d'allo- et de -gène, du grec gennân, « engendrer » et à ne pas confondre avec son homophone halogène) signifie « qui est d'une autre origine que la population autochtone et continue à présenter certains caractères qui l'en distinguent », par opposition à indigène (Cette communauté allogène a conservé sa langue).

    AborigèneAborigène / Autochtone / Indigène
     

    Le terme aborigène est abusivement                   Film de Rachid Bouchareb.
    réservé au peuple primitif d'Australie
    et à sa culture.

    (Livre de James Vance Marshall et
    Francis Firebrace, Editions Circonflexe)

     


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