• Syntaxe déconcertante

    Syntaxe déconcertante

    « "Nous voulons que l’Etat révise ses annonces", a demandé le premier adjoint marseillais [Benoît Payan, photo ci-contre, source Twitter] lors de sa conférence de presse au cours de laquelle il a dénoncé un "quasi-confinement sans que personne n’ait été concerté" dans la ville. »
    (Paru sur nouvelobs.com, le 24 septembre 2020.)  

    FlècheCe que j'en pense


    Loin de moi l'intention de soulever un concert de protestations contre notre élu marseillais, mais mon esprit confiné en était resté à concerter quelque chose, pas quelqu'un. Vérification faite, l'emploi dudit verbe avec un complément d'objet direct de personne n'est attesté par aucun ouvrage de référence. Il se répand pourtant dans l'usage, depuis la fin du siècle dernier : « [Les citadins] sont écartés ou ignorés par le gouvernement et les pouvoirs publics qui pratiquent une gestion pour laquelle ils n'ont pas été concertés » (Michel Cornaton, 1969), « Concerter les parents sur tout objet concernant les intérêts moraux et matériels de leurs enfants » (Déclaration à la préfecture de la Corrèze, 1976).

    Ce solécisme, récemment condamné par l'Académie, s'explique sans doute par la confusion avec le verbe consulter qui, lui, s'accommode aussi bien d'un objet animé que d'un objet inanimé : consulter un dictionnaire, consulter ses amis avant de prendre une décision. Il s'est d'autant plus facilement installé dans la langue courante moderne que la construction transitive régulière concerter (un projet, une décision, des mesures...) y était pour ainsi dire tombée en désuétude, au profit du tour équivalent avec l'adjectif concerté (un plan concerté, une action concertée).

    Rappelons donc, à toutes fins utiles, les trois constructions consignées dans la dernière édition du Dictionnaire de l'Académie :

    • (transitive directe) concerter quelque chose (avec quelqu'un), au sens de « projeter quelque chose en accord avec une ou plusieurs personnes »,
    • (pronominale) se concerter (sur quelque chose), au sens de « chercher une entente en vue de l'exécution d'un projet commun »,
    • (intransitive) concerter, au sens musical de « tenir sa partie dans un orchestre ».


    Vous l'aurez compris : en matière de langue comme en matière de santé, il est toujours préférable de se concerter avec un spécialiste.

    Remarque 1 : On évitera le pléonasme se concerter ensemble.

    Remarque 2 : Le dérivé concertation fut d'abord attesté au sens de « conflit, débat » (en 1497, selon le Dictionnaire du moyen français), de « lutte au stade » (vers 1550, selon le Französisches Etymologisches Wörterbuch), conformément à l'étymologie (latin classique concertatio, « dispute, conflit, contestation »). Le glissement vers l'idée tout opposée d'accord, d'entente, héritée de concert, concerter et de l'italien concertare, s'est observé dès le XVIIe siècle : « Dans la concertation [...], chacune des parties doit proposer ses differends [...] et doit contribuer de bonne foy pour les lever » (Hyacinthe Lefebvre, 1681).

    Remarque 3 : Voir également les articles De concert et Ne après sans que.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Sans que personne ait été consulté.

     

    « Tomber dans le pathétique... de langage ?Comme de bien entendu ? »

    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :